La ville qui descend du ciel — Église protestante unie de Pentemont-Luxembourg - Communion luthérienne et réformée

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La ville qui descend du ciel

Préducation EPUPL

Texte de la prédication du dimanche 22 mai 2022, par le pasteur Christian Baccuet.

Lecture : Apocalypse 21, 9-27

 

Triple difficulté pour la prédication d’aujourd’hui…

1. Nous venons d’entendre un texte de l’Apocalypse, livre que nous avons peu l’habitude de lire car il est difficile d’accès, mystérieux et déroutant, trop plein de symboles, et nous avons l’impression qu’il parle de catastrophes, de violence, de fin du monde. Ce livre, pourtant, est un formidable appel à l’espérance, à la confiance au milieu d’un temps de crise. Ces deux derniers dimanches, Charlotte Brosse-Barral[1] puis Jean-Michel Ulmann[2] nous ont accompagnés dans des passages de ce livre en nous montrant combien il était une confession de foi en Jésus-Christ.

2. Au sein de ce livre, le passage qui est proposé dans les lectures du jour paraît spécialement rébarbatif : la longue description d’une ville, qui peut peut-être passionner les architectes, et ce n’est même pas sûr tant cette description est bizarre. Ce passage semble vraiment manquer d’intérêt et il y a de nombreux passages bibliques plus attirants que celui-ci !

3. Nous sommes plongés dans un temps, en ce début du XXIe siècle, où les enjeux qui sont devant nous sont colossaux. Crise climatique, crise économique, guerre, accentuation folle des inégalités, souffrance et exclusions en tous genres. N’y a-t-il pas plus urgent à faire que d’écouter un vieux texte ?

Mais voilà, ce texte est dans la Bible, livre qui fait référence pour nous car il témoigne de Dieu, ouvre nos vies, nourrit notre foi. Ce passage est proposé à notre lecture dans les « textes du jour ». Alors relevons le défi de l’entendre comme bonne nouvelle !

 

1. Jérusalem ou Babylone ?

Si nous sommes réunis aujourd’hui dans ce temple, c’est que nous partageons une espérance. Une espérance qui se trouve dans le futur mais qui éclaire notre présent. Une espérance pour demain qui nous fait vivre aujourd’hui.

Cette espérance est décrite partout dans la Bible. Une nouvelle terre et des cieux nouveaux, une humanité libérée de tout mal et réconciliée avec Dieu. Le Royaume de Dieu. Espérance folle. Espérance qui nous est annoncée une fois de plus aujourd’hui, avec des mots qui nous sont moins familiers que les annonces prophétiques de l’Ancien Testament ou les paraboles de Jésus. Il s’agit pourtant de la même espérance, que nous propose le chapitre 21 du livre de l’Apocalypse. Il s’agit de la description de la Jérusalem céleste.

La fin de l’Apocalypse met en opposition deux grandes villes. Leur nom est connu, leur situation historique et géographique aussi. Mais dans l’Apocalypse, elles représentent symboliquement deux manières de vivre.

La première de ces villes est Babylone. Babylone, la ville qui résonne dans l’Ancien Testament comme le lieu de l’idolâtrie, la ville ennemie d’Israël et du peuple de Dieu, Babylone, l’ancienne Babel, ville de la folie de l’orgueil humain. Babylone, ville de la déportation cinq siècles avant notre ère, au temps de l’exil. Babylone, la ville du mal par excellence. Babylone que le livre de l’Apocalypse appelle « la grande prostituée » parce qu’elle a fondé sa richesse sur le commerce immoral, sur l’économie du mensonge, sur la violence et la désobéissance. Babylone qui sera jugée et détruite. Babylone, symbole de toutes les cités humaines gouvernées par les dieux argent, mensonge, violence.

En opposition à Babylone se trouve Jérusalem. Jérusalem, la capitale d’Israël, la ville de David, la ville du Temple, le cœur de la foi hébraïque. Jérusalem qui a connu la prédication de Jésus, son arrestation et sa mort, mais aussi sa résurrection et l’événement de Pentecôte, fondation de l’Eglise. Jérusalem, racines de la foi en un Dieu unique, lieu de rassemblement de tous les croyants. Dans l’Apocalypse, Jérusalem, face à Babylone la cité humaine qui court à sa perte, est la ville de Dieu.

D’un côté Babylone « la grande prostituée », de l’autre Jérusalem appelée « l’épouse fidèle ». Babylone représente le monde où nous vivons, rempli de mal et de désespoir et appelé à disparaître. Jérusalem représente le Royaume de Dieu, le monde nouveau qui remplacera l’ancien monde. C’est, de manière tranchée, pour nous permettre d’en comprendre la dynamique, un message d’espérance que veut transmettre le livre de l’Apocalypse. Car à la fin du livre de l’Apocalypse, plus de Babylone. Elle a disparu !

Ne reste que Jérusalem, la ville de Dieu.

 

2. UNE VILLE EN CINQ DIMENSIONS

Ne reste que Jérusalem, mais pas la ville qui se trouve au Proche-Orient, en Judée ; une Jérusalem nouvelle, descendue du ciel, dont la description est surprenante. Description chargée de symboles, qu’il faut déchiffrer pour comprendre ce que cela veut signifier, et non lire comme une description architecturale précise. C’est une vision spirituelle, ainsi que le dit le début de notre texte : « L'Esprit se saisit de moi » (v. 10), une description théologique, une invitation existentielle.

Cette ville a cinq caractéristiques.

1. Elle descend du ciel. Il ne s’agit pas penser qu’elle va se poser comme un ovni au milieu d’un champ. Cela veut dire que ce n’est pas une cité humaine, mais vraiment une cité qui vient de Dieu et qui contient ce que Dieu nous promet d’y trouver. Un don de Dieu.

2. Cette cité est immense. Elle a la forme d’un cube, symbole de perfection et de solidité, dont chaque côté mesure 12 000 stades. Un stade grec, c’est 185 m ; 12 000 stades, c’est 2 220 kilomètres ! Plus que la distance entre Paris et Kiev, Paris et Helsinki, Paris et Marrakech ! Taille inouïe ! Au-delà de la distance physique, c’est un chiffre symbolique : 12 est le nombre du peuple de Dieu (les 12 tribus) et 1 000 est le nombre de la multitude, presque de l’infini. 12 x 1 000, la taille de la ville de Dieu dépasse toute représentation, elle est une manière de signifier que la ville de Dieu est une ville qui n’a rien à voir avec les villes des hommes, parce qu’elle peut contenir toute l’humanité. Elle est trop grande pour être saturée.

3. Cette ville est faite de pierres précieuses, d’or pur et de perles. Ce qui veut dire que c’est une ville magnifique, qui resplendit, dont la beauté est éblouissante et la perfection remarquable. Aucune souillure n’y rentre, personne n’y pratique aucune abomination ou mensonge : cette ville n’a plus rien à voir avec la grande Babylone. Elle brille de l’éclat de Dieu.

4. Cette Jérusalem est entourée d’une muraille qui la protège, elle est un lieu de paix. Cette muraille fait 144 coudées de hauteur, soit 70 m ; mais, symboliquement, 144 c’est 12 x 12 : le chiffre du peuple de Dieu au carré, la protection pour tous. Elle a douze portes : trois tournées vers l’est, trois vers le nord, trois vers le sud et trois vers l’ouest. C’est-à-dire qu’elle est prête à accueillir tout le monde, dans toutes les directions, de toutes origines. Ces portes sont gardées par des anges, des messagers de Dieu ; Dieu lui-même se tient là où l’on peut entrer dans la ville. Et ces portes restent ouvertes en permanence, de jour comme de nuit. Il n’y a pas de fermetures, pas d’exclusion, mais accueil de tous dans la ville de Dieu. Toutes les nations, tous les rois de la terre qui viennent apporter en offrande leur gloire. Tous sont accueillis, quelle que soit leur race ou leur origine.

5. Enfin, cette Jérusalem de Dieu a douze pierres de fondation portant « les noms des douze apôtres de l'Agneau », des douze apôtres du Christ, compagnons que Jésus a appelés au début de son ministère et qui l’ont suivi, puis qui ont été les piliers de la première Eglise. Apôtres qui sont douze, continuité et accomplissement des douze tribus, peuple de Dieu renouvelé par l’Evangile, porteur de la bonne nouvelle, témoin d’espérance. Fondation de cette ville sur le Christ.

Telle est la Jérusalem future, ville qui vient de Dieu, ville qui peut contenir tous les hommes, ville qui brille de mille feux, ville qui est ouverte à tous car fondée sur le Christ. Tel est le lieu de notre espérance, voilà ce qui viendra au moment de la fin, quand Dieu et l’humanité entière seront définitivement réconciliés. Cette espérance, c’est la nôtre, c’est celle des chrétiens, c’est celle de l’Eglise. Et cette espérance qui se tient dans le futur a une valeur dans le présent de notre foi. Elle nous met en mouvement aujourd’hui, en notre temps de crise, elle éclaire notre route, notre chemin de chrétiens et d’Eglise, dans la complexité de nos vies et de notre monde.

 

3. Cinq appels pour aujourd’hui

La Jérusalem de la fin a cinq caractéristiques, nous venons de les voir. Ce sont autant d’appels pour notre vie.

1. La ville descend du ciel, elle est la cité de Dieu, elle n’est pas une œuvre humaine. Elle n’est pas comme la tour de Babel (Babylone !) que les hommes construisent pour devenir Dieu, elle est un don. Nous voici remis devant la grâce de Dieu qui nous aime sans que nous le méritions, qui fait vivre l’Eglise malgré les difficultés, malgré nos soucis et nos faiblesses, qui nous offre sa parole comme une interpellation venue d’ailleurs et qui nous fait sortir de nous-mêmes pour nous ouvrir aux autres. Luther parlait du péché comme le fait d’être autocentré, replié sur soi-même (incurvatus in se), là où Dieu se donne à nous comme Dieu extra nos, venant à nous de l’extérieur de nous pour ouvrir l’espace du pardon, de la relation, de la grâce. Le Royaume de Dieu n’est pas le produit de nos actions, ce sont nos actions qui sont fruits du Royaume, signes et avant-goût de cette Jérusalem céleste. Appel à la disponibilité à l’Esprit saint !

2. La Jérusalem nouvelle est immense et peut contenir toute l’humanité. Et nous voilà appelés à élargir les dimensions de notre Eglise, à faire de la place pour pouvoir accueillir tous les êtres humains, quels que soient leur origine, leur parcours, leur quête, leur fragilité. Sans risque, puisque sa forme de cube en fait un lieu solide, et sans limite puisqu’elle est pour tous. Appel à vivre l’universalité de Dieu !

3. La cité de Dieu est parfaite et brille de l’éclat des pierres précieuses. Cela dit sa prospérité, cela évoque le pectoral du grand-prêtre de l’Ancien testament (Ex 28, 15-30), serti de douze pierres précieuses représentant chacune une des douze tribus, que le grand-prêtre revêt pour se présenter devant Dieu. Nous voici invité à briller, à nous refaire une beauté, à être lumière dans le monde et, comme dit l’apôtre Paul, à refléter la gloire du Seigneur qui transforme notre vie (2 Co 3, 18). Appel au témoignage de la joie de l’Evangile !

4. Les portes de la Jérusalem céleste portent le nom des douze tribus, elles sont ouvertes dans toutes les directions, ces portes ne sont jamais fermées et des anges s’y tiennent. Nous voici poussés à laisser le passage ouvert vers Dieu. Par le cheminement à travers l’Ecriture et l’accueil par la Parole de Dieu, invitation à ouvrir nos portes à tous, à refuser toute exclusion et toute ségrégation, à écouter et accueillir toutes les détresses et toutes les questions des êtres humains, chrétiens ou non. Appel à une Eglise ouverte au monde !

5. La Jérusalem céleste a douze solides fondations, les douze apôtres, le lien avec le message de Jésus, avec ses premiers témoins, avec le Christ lui-même. Nous voici appelés à rester bien solidement appuyés sur le Christ, cœur de notre foi, solide pierre de fondation, lui qui nous donne l’Esprit, qui nous ouvre à l’universel, qui nous rend joyeux témoins de l’Evangile, ouverts au monde. Appel à nous rassembler en Christ !

 

4. LA VILLE DE LA VIE

Voilà la ville qui vient de Dieu, ville immense, magnifique, accueillante. Lieu de notre espérance future qui éclaire le présent de notre foi. Cette Jérusalem céleste a encore deux autres aspects qui ne sont pas des moindres.

 

1. Dans cette ville, il n'y a pas de temple.

 

Le temple de Jérusalem était le cœur de la ville. C’est là qu’habitait Dieu, c’est là que l’on venait de fort loin pour l’adorer et lui offrir des sacrifices, là que le grand-prêtre, seul dans le Saint des saints, pouvait le rencontrer. Ici, plus de temple. C’est-à-dire que Dieu est directement présent aux hommes. Il n’y a plus besoin de recourir à un bâtiment pour signifier cela, ni d’un grand-prêtre pour intermédiaire. Il n’y a plus de temple, car cette ville est toute entière temple de Dieu.

Dieu est présent au cœur de tous les hommes. Cette réalité est déjà inaugurée pour nous en Jésus-Christ. Le véritable temple de Dieu, c’est lui, le crucifié-ressuscité ; « détruisez ce temple et en trois jours je le relèverai », disait-il en parlant de lui au début de l’Evangile de Jean, après avoir chassé les marchands du temple (Jean 2, 19). Et depuis Pentecôte, le temple de Dieu c’est nous, les chrétiens : « ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? », dit Paul aux Corinthiens (1 Co 3, 16). Dans la Jérusalem céleste il n’y a pas de temple, parce qu’il n’y en a pas besoin : Dieu est en chacun. Dieu est en chacun de nous, quelle belle réalité !

 

2. « Rien d'impur n'entrera dans cette ville, ni personne qui se livre à des pratiques abominables et au mensonge ».

Rien de négatif dans cette ville. Plus besoin de s’obnubiler sur les questions de pur et d’impur, car il n’y aura plus d’impureté.

Plus d’abomination, qui est le nom de la profanation suprême. En 175 avant notre ère, le roi Antiochus IV Epiphane a voulu imposer la culture et la religion grecques, il a interdit le sabbat et, abomination suprême pour les Juifs, a fait dresser une statue de Zeus (avec sa propre tête) dans le Temple : profanation, sacrilège, « l’abomination de la désolation » écrit Daniel (Dn 9, 27 ; 11,31 ; 12,11). L’abomination, c’est le totalitarisme, le pouvoir humain qui se veut absolu, divin, qui déclenche guerres et massacres. Plus de cela !

Plus de mensonge, dont on voit bien encore aujourd’hui comme cela est destructeur de toute vie collective, parole faussée, fausses informations, manipulations, perte de confiance en la parole. Plus de cela !

Car « seuls entreront ceux dont le nom est inscrit dans le livre de vie, qui est celui de l'Agneau ». Cette phrase ne veut pas dire que seule une élite de purs entreront dans la ville de Dieu. Tout le message, toute la pratique, toute la vie du Christ nous montrent son accueil inconditionnel, pour tous. Il ne s’agit pas de trier entre des élus et des réprouvés. Il s’agit d’entendre qu’entreront, demeureront et s’épanouiront dans la ville ce qu’il y a de bon en nous, les lieux où l’Evangile porte fruit, les aspects de notre vie qui sont du parti de la vie, de la communauté de l’Agneau. Et que n’entreront pas les pans de nos vies qui sont méchanceté, souffrance et mort. Cette ville sera la ville de la vie, la ville de nos vies définitivement épanouies.

 

Voilà donc la Jérusalem céleste, lieu de notre espérance qui éclaire notre présent. Notre vie d’Eglise est appelée à en être un reflet, une image, une préfiguration. Nous voilà appelés à témoigner ici et maintenant de la réalité de cette existence nouvelle, située dans le futur de l’espérance mais déjà vécue dans le présent de la foi. Déjà vécue, puisque notre vie d’Eglise nous vient de la Parole de Dieu et qu’elle est ouverte aux dimensions de l’universel, rayonnante de la lumière de la foi, porte ouverte à tous les hommes, fondée sur le Christ, dans la présence de Dieu en chacun de nous, pour l’épanouissement de nos vies. La Jérusalem céleste n’est pas encore là ; mais elle est déjà inaugurée et nous en sommes les témoins dans ce monde !

On croit souvent que l’Apocalypse est un livre terrible et effrayant. Il n’en est rien. C’est un livre chargé d’espérance. Alors réjouissons-nous car elle vient, la Jérusalem céleste. Réjouissons-nous, car nous vivons déjà de la ville nouvelle, de la vie nouvelle !

Amen.

 

[1] https://www.epupl.org/spiritualite/la-parole/cultes-en-video/video-culte-dimanche-08-mai-2022

[2] https://www.epupl.org/spiritualite/la-parole/autres-predications/quoi-de-neuf