Du pain et de l'eau, une parole, une présence... tout simplement. — Église protestante unie de Pentemont-Luxembourg - Communion luthérienne et réformée

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Du pain et de l'eau, une parole, une présence... tout simplement.

Texte de la prédication du dimanche 8 août 2021, par le pasteur Christian Baccuet

Du pain et de l’eau, une parole, une présence… tout simplement.

Pentemont-Luxembourg, 8 août 2021. Prédication du pasteur Christian Baccuet.

Lectures bibliques : 1 Rois 19, 4-8 et Jean 6, 41-51

 

 

Il y a un chant de Noël que j’aime bien. Il y en a même plein ! Quoi, me direz-vous, parler de Noël le 8 août ?! C’est plus fort que les supermarchés qui ont toujours de l’avance… Mais je n’aime pas les chants de Noël que le jour de Noël. Et si nous fêtons Noël le 25 décembre, cette fête nous accompagne toute l’année, car elle est la fête de l’incarnation, la fête de Dieu venu à nous dans une vie d’être humain, dans le quotidien de notre existence. Ce chant de Noël, c’est « Oh quel éclat sur nos matins ! ». Cantique qui dit la fragilité du nouveau-né, « Sans couronne, sur la paille, dans l’étable, Livré, Donné, Adorable ». Cantique qui dit l’amour de Dieu pour nous : « Déjà, ô Dieu, tu t’es lié Au sort de notre humanité ». Cantique qui dit la joie de cette présence : « Oh ! quel éclat sur nos matins Et quelle joie sur nos chemins Fait briller ta lumière. Quel grand trésor entre nos mains, Pour aujourd’hui et pour demain Nous a donné le Père ». Les derniers mots de ce cantique me touchent particulièrement, car ils disent la rencontre avec ce Dieu, Père de Jésus-Christ : « Voici Nos vies Tout offertes ».

Voici nos vies… C’est quoi, nos vies ? Des moments de joie et des moments de peine, des relations joyeuses et des liens difficiles, un passé aimé qui nous rend nostalgique et des souvenirs douloureux qui pèsent encore sur nous, des projets réalisés et des espérances déçues, un présent serein et des soucis… Bref, la complexité de toute vie humaine, souvent lourde à porter.

Voici nos vies… et voici la Bible. La Bible qui nous rend témoignage de la rencontre de Dieu avec des êtres humains dont l’existence a pris sens dans la présence du Seigneur. La Bible nous parle de ces hommes et ces femmes, nos frères et sœurs en humanité et dans la foi. Ce qui me touche, c’est qu’elle ne nous en parle pas comme des héros, sans peur et sans reproches, sans hésitations ni doutes, sans fautes ni faiblesses. On est parfois étonnés de lire dans la Bible à quel point les hommes et les femmes qui s’y trouvent sont complexes et faillibles. Cela me parle : ce ne sont pas des personnes différentes de nous. Elles vivaient dans des temps où les représentations du monde, la culture, le savoir étaient fort éloignés de nous, mais leur humanité est la nôtre. C’est pourquoi leur histoire est la nôtre. C’est pourquoi le texte biblique nous parle encore. C’est pourquoi l’Ecriture rencontre notre vie.

Ainsi en est-il encore aujourd’hui, dans l’écoute du passage de la vie d’Elie que nous venons de lire. Elie vivait il y a près de 3000 ans, aux alentours de 875 avant notre ère. Elie était un prophète, un homme qui portait la parole de Dieu. Un des plus grands prophètes de l’histoire d’Israël, un homme de Dieu dont l’histoire est pleine de rencontres, de signes, de témoignage, qui a laissé une forte impression et dont le souvenir a toujours été très populaire en Israël. Un homme à la mort mystérieuse, que l’on disait avoir été enlevé directement au ciel et dont on attendait le retour comme signe annonciateur des temps messianiques. Ainsi, dans le Nouveau Testament, les gens demandaient à Jésus s’il était Elie (cf. Jean 1, 21), et Elie figure avec Moïse dans le récit de la transfiguration, insérant Jésus dans toute l’espérance du peuple de Dieu (Marc 9, 2-9 et parallèles).

Elie n’est pas n’importe qui ! Et le récit de ce jour nous le montre dans sa réelle humanité. Il est fatigué, découragé, déprimé, désespéré : « Il souhaitait mourir et dit : ‘Maintenant, Seigneur, j'en ai assez ! Reprends ma vie, car je ne vaux pas mieux que mes ancêtres.’ » (v. 4). Cela me touche énormément. Et ce qui lui arrive alors me touche encore plus.

 

1. Avant : une victoire épuisante

Rappelons ce qui s’est passé avant. Dans le chapitre qui précède, Elie a été confronté à 450 prophètes du dieu Baal. Baal, c’est le Dieu des Cananéens, l’adversaire du Dieu d’Israël. Baal, c’est le Dieu qui fascine les Israélites, l’idole pour laquelle les rois d’Israël sont tentés d’abandonner le Seigneur. Ainsi en est-il au temps d’Elie : le roi Achab est attiré par Baal, il se prosterne devant lui, il lui construit même un temple (1 Rois 16, 29-33). Elie s’oppose à lui, dans une forte tension. Cette tension est à son comble quand, dans un temps de grave sécheresse, il s’agit de savoir qui peut ramener la pluie : Baal ou le Seigneur ? Qui de ces dieux est le plus fort ? Une confrontation est organisée sur le Mont Carmel, qui oppose d’un côté les 450 prophètes de Baal et de l’autre Elie, tout seul. Deux taureaux sont préparés pour le sacrifice, un sur l’autel de Baal et l’autre sur celui du Seigneur. Sur l’autel de Baal rien ne se passe et le feu du Seigneur tombe sur celui dressé par Elie. Le peuple acclame alors le Seigneur et Elie égorge les 450 prophètes. Au terme de cette lutte qui s’achève dans la mort sanglante des prophètes de Baal, la pluie revient ; c’est Elie – donc son Dieu – qui triomphe.

C’est un récit archaïque, bien loin de nos représentations de nos pratiques et de nos convictions ! Un récit de violence. Ce n’est bien sûr pas un récit duquel nous pouvons tirer qu’il faudrait exterminer les adversaires de Dieu ! Rien ne justifie la violence, la haine, la mort. Mais nous pouvons entendre ce récit comme la trace des combats que nous avons parfois à mener contre le mal, l’injustice, la haine autour de nous ou en nous. Lutte souvent âpre, éprouvante, mais dont nous pouvons sortir victorieux. Victorieux mais pas indemnes. Souvent fatigués et découragés par l’intensité du combat, par la peur de ce qu’il reste à vivre, par les combats encore à mener, par l’adversité toujours présente. Comme Elie, victorieux seul contre tous parce que Dieu est avec lui, mais désormais menacé de mort par Jézabel, la femme du roi, fidèle de Baal. Elie qui a eu la preuve que Dieu est avec lui mais qui est saisi de désespoir. La vie lui paraît trop difficile ; il a peur, il s’enfuit. A l’issue de cette victoire, épuisé par le combat, Elie tombe dans une sorte de dépression, il est dans un sentiment d’échec et il souhaite mourir. Cela arrive parfois, ce sentiment de vide après avoir tout donné.

 

2. Après : une voix de fin silence

Regardons maintenant ce qui se passe après notre récit. Remis sur pieds, Elie va entreprendre un long voyage – quarante jours et quarante nuits – jusqu’à une autre montagne, l’Horeb, appelée aussi le Sinaï, ou encore la « montagne de Dieu » car c’est là que, plusieurs siècles avant, Moïse a reçu les Dix Paroles, lors de l’exode (Exode 19 et 20). En ce lieu de la révélation de Dieu, lieu de l’alliance, Dieu va se révéler à Elie, dans un texte sublime.

Dieu demande à Elie de sortir de la grotte où il dort et il passe devant lui. Quelques versets (1 Rois 19, 11-13) que je trouve magnifique ; je ne résiste pas au plaisir de vous lire ! « Aussitôt un grand vent souffla, avec une violence telle qu'il fendait les montagnes et brisait les rochers devant le Seigneur ; mais le Seigneur n'était pas présent dans ce vent. Après le vent, il y eut un tremblement de terre ; mais le Seigneur n'était pas présent dans le tremblement de terre. Après le tremblement de terre, il y eut un feu ; mais le Seigneur n'était pas présent dans le feu. Après le feu, il y eut le bruit d'un léger souffle. Dès qu'Élie l'entendit, il se couvrit le visage avec son manteau, il sortit de la caverne et se tint devant l'entrée. Il entendit de nouveau une voix qui disait : ‘Pourquoi es-tu ici, Élie ?’ ».

Il y a une tempête, un tremblement de terre, un incendie… mais Dieu n’est pas dans ces manifestations spectaculaires. Habituellement, pourtant, dans le monde biblique comme dans les religions qui l’entourent, Dieu se manifeste de la sorte. Le Baal de Canaan est associé à l’orage et à la pluie, il dirige le soleil, il se manifeste dans les forces naturelles spectaculaires ; et c’est de manière spectaculaire qu’Elie a vaincu ses prophètes, dans ce combat dont il est sorti vainqueur mais détruit. Quand Dieu s’est manifesté à Moïse sur le Sinaï, il y a eu « des coups de tonnerre, des éclairs et une épaisse nuée sur la montagne, avec un fort son de trompe » et tout le peuple s’est mis à trembler (Ex 19, 16). Mais ici, rien de tout cela. Au contraire, puisque le texte insiste par 3 fois : le Seigneur n’était pas dans le vent, le Seigneur n’était pas dans le tremblement de terre, le Seigneur n’était pas dans le feu.

Il y a alors, nous dit le texte, mot à mot, en hébreu : qol demamah daqah :קוֹל   דְּמָמָה   דַקָּה . Qol, c’est un nom qui désigne la voix, le son d’un instrument, le bruit, mais aussi la légèreté, la frivolité. Demamah, c’est un chuchotement, le calme, le silence. Daqah est ce qui est mince, petit, ténu, fin comme de la poudre. Un léger bruit, un chuchotement fin comme de la poudre… « Le bruit d’un léger souffle », traduit la Bible en français courant. « Un calme, une voix ténue », traduit la nouvelle Bible Segond. « Une voix de fin silence », traduit la TOB. « Un doux et subtil murmure », selon la traduction du rabbinat… Autant de traductions magnifiques ! C’est dans ce doux et subtil murmure que se tient le Seigneur et qu’Elie le reconnait.

Il y a de la polémique dans ce texte, contre la conception d’un Dieu qui se trouverait dans le spectaculaire, la violence, l’évidence : comme un souffle léger, il est dans quelque chose proche du silence, il se manifeste dans la simplicité, la discrétion. Comme il le fera la nuit de Noël, « Sans couronne, sur la paille, dans l’étable, Livré, Donné, Adorable ». Comme il le fera sur la croix, dans la souffrance du condamné, la mort du rejeté. Comme il le fera au matin de Pâques, un tombeau vide, quelques rencontres avec des disciples incrédules.

C’est comme si, en passant par un moment de foi intense et archaïque – la victoire contre Baal – puis par un moment de dépression – la nuit du doute –, Elie avait fait le chemin de foi qui, du dieu terrible des religions, toujours dans la violence contre les infidèles, l’ouvre au Dieu de l’amour et de la discrétion, de la présence humble et vraie. Chemin existentiel et spirituel qui peut être le nôtre.

 

3. Pendant : une présence, une parole, des signes

Ce qui se passe au milieu de ce cheminement est fort important. C’est ce qui nous est donné, à chacun de nous. C’est ce que le passage de ce jour nous offre. Elie est découragé après l’affrontement terrible et vainqueur contre les prophètes de Baal. Il est dans cette descente que nous connaissons bien, après un temps fort de vie, quand il s’agit de revenir à la banalité du quotidien ou, pire, aux vieux démons qui nous assaillent. Il va être remis en vie, relevé par l’intervention de Dieu. Dieu va donner trois choses à Elie. Trois dimensions de ce qu’il nous offre maintenant.

La première, c’est sa présence, déjà douce et délicate. Un messager vient toucher Elie dans sa torpeur. Certaines traductions disent un « ange » mais cela brouille notre imagination – un ange est un messager de Dieu, c’est une manière de dire la présence de Dieu. Dieu vient le toucher. Dieu vient lui montrer qu’il ne l’abandonne pas. Dieu manifeste sa présence à Elie, tout simplement, par un simple geste pour le réveiller, pour le ramener à la vie. Le messager le touche deux fois car après la première fois Elie est retourné se coucher. Dieu revient à lui autant de fois qu’il en est besoin. Dieu se soucie de nous. Dieu est présent à nos côtés. Parfois nous dormons, nous sommes encore sous le poids de la souffrance. Parfois nous sommes en train de nous recoucher, de nous laisser aller encore au découragement. A chaque fois Dieu vient et nous touche. Autant de fois qu’il le faut.

Le messager le touche et, deuxième dimension, il lui parle. Deux fois, il lui dit « Lève-toi et mange ! ». Dieu est présent, et sa parole est un appel à se remettre debout dans la vie, et à prendre des forces, à manger. Lève-toi et mange pour pouvoir marcher. Lève-toi et mange. Lève-toi et marche. Sors de ce qui t’enferme, relève-toi de ce qui t’écrase, reçois des forces là où tu manques. Nous avons souvent besoin d’un geste qui nous touche et d’une parole qui nous relève. De signes d’une présence bienveillante et réconfortante. Comme Dieu a donné sa présence et sa parole à Elie, il nous les offre, à chacun de nous !

Et puis, troisième dimension, quand Elie est sorti de sa torpeur par la présence et la parole de Dieu, il regarde autour de lui et il voit, à côté de lui, une galette de pain et une cruche d’eau. Du pain symbole de toute nourriture, de l’eau symbole de la vie. Symboles et réalité. Du pain et de l’eau, signes de la présence de Dieu, fruits de sa parole, force donnée pour revenir à la vie. Elie mange et il boit. Il peut alors entreprendre la longue marche vers la rencontre du souffle léger de la présence de Dieu sur l’Horeb.

 

4. Le repas du Seigneur

Tout à l’heure, nous allons partager le repas du Seigneur. Un peu de pain, un peu de vin. Signes discrets de la présence de Dieu, fruits de sa Parole, aliments pour notre vie. En partageant ce pain et ce vin, nous communierons à la présence avec nous du Seigneur Jésus-Christ. Lui qui est le pain de vie, comme il l’a dit dans l’évangile de Jean (6, 48-51). « Le pain de vie ». « Le pain descendu du ciel », c’est-à-dire donné par Dieu. « Le pain vivant », c’est-à-dire présent réellement. « Je suis le pain vivant descendu du ciel. Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra pour toujours », nous dit Jésus.

Comme Elie, au creux de nos découragements, cette simple présence, cette douce parole, ces signes tout simples, c’est le Christ avec nous, pour nous. Il nous touche, nous parle, nous redonne force. Avec lui, par lui, en lui, nous pouvons nous relever et continuer notre route jusqu’à la révélation de son souffle léger. Reprendre pied dans la vie, dans la vie véritable. Certes, nous sommes toujours mortels, toujours en proie possible à des temps de découragement, mais, toujours, le Christ est près de nous. En lui est la vie véritable. Il nous invite à cette vie. Il nous la donne. Il se donne à nous !

Voici nos vies, tout offertes, avec nos hauts et nos bas, nos victoires et nos découragements, nos éclats de foi et nos doutes, notre besoin de force et notre envie de Dieu.

Et voici sa vie, tout offerte, sa présence, sa parole, les forces qu’il nous donne, l’invitation au partage. Du pain et de l’eau, une parole, une présence… tout simplement.

Tu fais vers nous les premiers pas,cNous invitant à ton repas Autour de cette table.

Voici le pain, voici le vin, Voici pour nous le grand festin, Festin si désirable.

C’est toi, Seigneur, Qui invites, qui accueilles, mains ouvertes.

Voici Nos vies Tout offertes.

 

Amen.