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Supportons-nous les uns les autres !

Prédication du dimanche 23 février 2020, par le pasteur Christian Baccuet.

Lectures :

  • Marc 10, 13-16
  • Ephésiens 4, 1-7

 

Matin : baptêmes de Mahaut, 18 mois, et d’Alexandre, 18 mois.

 

Hier avait lieu le match de rugby Pays de Galles - France. Je ne sais pas si vous l’avez regardé, ni même si vous aimez ou pas ce sport. Moi, je l’adore ! Et hier c’était un beau spectacle, avec du jeu, de la tension, du suspens. Et au bout du compte, de justesse, on a gagné. Je dis « on », mais c’est l’équipe de France qui a gagné ; j’assume mon petit côté chauvin ! Tant que c’est du jeu.

Tant que c’est du jeu, c’est sympa, excitant, cela rassemble, cela détend. Mais, parfois, ce n’est plus du jeu, c’est une compétition exacerbée où il faut définitivement éliminer l’autre. Et l’agressivité, la guerre pointent leur nez. C’est comme une parabole de notre vie. Notre vie en famille, notre vie en Eglise, notre vie en société, peuvent tourner en affrontement et devenir un conflit violent et destructeur. Parfois, pas besoin d’avoir d’ennemis, c’est la vie qui nous maltraite, des épreuves, la maladie, l’angoisse. Comment, alors, ne pas sombrer dans le mal, la souffrance, la mort ?

J’ai pensé à cela, devant le choix que les parents de Mahaut ont fait d’entendre ce matin un extrait de la lettre aux Ephésiens, dans lequel il est affirmé qu’il y a un seul baptême, que l’on soit protestant ou catholique : le baptême en Jésus-Christ ; dimension importante en soi, et particulièrement pour vous, Elsa, qui êtes protestante et vous, Arnaud, qui êtes catholique ; c’est la même réalité pour les parents d’Alexandre. C’est dans l’Eglise de Jésus-Christ que Mahaut a été reçue par le baptême ; nous pouvons avoir des appartenances différentes, des cultures particulières, des manières de célébrer et de vivre l’Eglise qui sont diverses, mais « il y a un seul corps (= une seule Eglise), un seul Saint-Esprit, une seule espérance, un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu » (v. 4-6) : le même Dieu pour nous tous, Jésus-Christ. Parole essentielle, au cœur de notre foi même si elle n’est hélas pas toujours vécue entre les différents chrétiens.

J’ai pensé aussi au texte qu’Armelle et Laszlo, les parents d’Alexandre, ont choisi d’entendre pour ce culte ; il s’agit du récit où Jésus met des enfants au centre de sa prédication, au cœur de son accueil. Texte qui avait aussi retenu l’attention des parents de Mahaut ! Texte essentiel lui aussi, puisqu’il s’agit pour Jésus de faire place à des enfants, dans un temps où cela n’allait pas de soi ; les enfants – dans le texte de l’évangile de Marc il s’agit sans doute d’enfants de 7-12 ans – n’étaient alors pas au centre de l’attention des adultes, ils n’étaient pas accueillis dans le cercle des hommes qui prient et discutent théologie. En les accueillant au centre du groupe qu’il forme avec les disciples, Jésus leur donne toute la place qui leur est refusée, comme il le fait avec tous les exclus qu’il croise, tous les rejetés, tous les méprisés. Texte fondamental au cœur de l’évangile, même si l’accueil inconditionnel n’est hélas pas toujours vécu dans les Eglises.

Deux passages fondamentaux, donc, qui nous disent l’unité (un seul Dieu) et l’universalité (l’accueil inconditionnel). Le contraire d'une compétition ! Cela est posé dans la Bible comme un principe. C’est indiscutable. Alors comment le vivre ?

J’en tire quatre enseignements pour nous.

 

1. Un appel à vivre de la grâce

Vous que Dieu a appelés, conduisez-vous d'une façon digne de cet appel. Soyez toujours humbles, doux et patients. (v. 1-2)

Le premier, c’est un appel à vivre de la grâce. C’est le cœur de la foi. La Lettre aux Ephésiens a été écrite à la fin du Ier siècle, dans une époque de transition. Son auteur écrit aux chrétiens qui habitent la ville d’Ephèse, en Asie Mineure (dans l’ouest de l’actuelle Turquie). La première génération de chrétiens a disparu, et il fallait s’organiser pour que l’Evangile puisse continuer à se vivre et se transmettre. La première partie de la lettre est un grand chant de reconnaissance pour la joie que donne l’Evangile, l’amour de Dieu offert sans réserve, la vie nouvelle qu’il ouvre : « C’est par la grâce de Dieu que vous avez été sauvés, au moyen de la foi ; ce salut ne vient pas de vous, il est un don de Dieu » (Eph 2, 8). La deuxième partie évoque les conséquences éthiques qui en découlent : la vie en Eglise, les rapports sociaux renouvelés. A la charnière entre ces deux parties se trouve le passage que nous avons lu tout à l’heure. Il parle directement de notre difficulté à vivre ensemble, en proposant une voie : « Vous que Dieu a appelés, conduisez-vous d'une façon digne de cet appel. Soyez toujours humbles, doux et patients » (v. 1-2).

L’humilité, c’est ce qui me fait regarder l’autre comme au moins égal à moi-même, c’est ce qui m’empêche de me mettre tout seul au centre, de tout développer à partir de mon seul intérêt, de penser posséder la vérité. C’est faire place à l’autre. La douceur, c’est ce qui permet aux relations de s’épanouir dans un lien qui rend possible de se parler en se respectant, de progresser ensemble dans la sérénité et la confiance. La patience, c’est ce qui donne de l’espace au temps qui passe, ce qui laisse à l’autre son rythme, sa progression, son évolution, ce qui me laisse à moi aussi un espace de transformation possible.

Humilité, douceur et patience ne sont pas des dimensions faciles à vivre dans notre monde. Ce sont des anti-valeurs par rapport à celles qui dominent dans notre société, quand il faut toujours être le plus fort, le plus brutal, le plus rapide pour gagner, et que se développent ainsi stress, tensions, dépressions… Humilité, douceur et patience sont pourtant des dynamiques bien plus profondes car elles ouvrent à une plénitude de vie. Comme Jésus, qui dans un geste tout simple prend les enfants dans ses bras, geste d’humilité, de douceur et de patience, geste de vie.

Faire place aux autres dans des relations justes et sereines, c’est une expression de foi. C’est ce que le baptême signifie : l’accueil par Dieu, dans son infinie grâce, prévenante et inconditionnelle, de ces deux enfants, trop petits – 18 mois – pour justifier quoi que ce soit de leur capacité à faire le bien, à penser comme il faut, à mériter quoi que ce soit : Dieu les aime, tels qu’ils sont ! Mahaut et Alexandre, accueillis dans les bras de Jésus, portés par son amour, sont appelés à éprouver cette confiance qui permet de vivre et partager l’humilité, la douceur et la patience de l’Evangile… comme nous ! Avec nous.

 

2. Un appel à une foi personnelle

Il y a un seul Dieu, le Père de tous, qui règne sur tous, agit par tous et demeure en tous. Cependant, chacun de nous a reçu un don particulier, l'un de ceux que le Christ a généreusement accordés. (v. 6-7)

Un deuxième enseignement nous est donné par ces textes. C’est un appel à vivre personnellement cela. Pas comme une culture, des valeurs, des traditions, des repères, des amitiés ; tout cela est important, mais peut rester superficiel. L’appel de l’Evangile, c’est l’appel à suivre le Christ, à se mettre en route derrière lui, à devenir disciples, à trouver sa place dans l’Eglise et dans le monde. A vivre sa vocation. « Il y a un seul Dieu, le Père de tous, qui règne sur tous, agit par tous et demeure en tous. Cependant, chacun de nous a reçu un don particulier, l'un de ceux que le Christ a généreusement accordés », dit la lettre aux Ephésiens (v. 6-7).

C’est une chose de parler d’humilité, de douceur et de patience, c’est une autre chose de les vivre ! Si cela est une déclaration de principe, une affirmation générale, cela reste gentil, inoffensif, naïf peut-être. Cela n’engage pas à grand-chose et, au fond, n’est pas très intéressant. Pour que cela prenne sens, il faut que cela soit vécu personnellement, par chacun. C’est pourquoi l’apôtre articule le « tous » et le « chacun ». Le « tous » de ceux qui sont au bénéfice de l’amour universel du Christ, et le « chacun » de celui qui peut le recevoir dans sa vie. Le « tous » de ceux qui sont appelés, et le « chacun » de celui qui y répond. Le « tous » de l’Eglise, et le « chacun » de ma place, de mon engagement, de ma prière et de mon service. Le « tous » de l’humanité » et le « chacun » de la singularité de chaque personne.

Dans l’évangile de Marc, Jésus prend tous les enfants dans ses bras, et il bénit chacun.

En Eglise, tous nous sommes baptisés, mais aujourd’hui c’est le baptême, unique, de Mahaut et le baptême, unique, d’Alexandre. La grâce de Dieu est pour tous mais la réponse appartient à chacun. La foi, c’est cette réponse, singulière, intime, qui est spécifique à chacun, qui se traduit différemment selon les personnes, mais qui, toujours, est appelée à se partager avec d’autres, pour d’autres. « Chacun de nous a reçu un don particulier », écrit l’auteur de la lettre. Le Christ accorde un don à chacun de nous. A Mahaut, à Alexandre. Il les bénit, chacun. Maintenant ils vont grandir avec ce cadeau. Il nous appartient de les accompagner sur ce chemin, pour que leur existence puisse être une réponse à cet amour, pour qu’ils puissent le connaître, le percevoir, dans l’espérance qu’ils en vivent et trouvent les engagements qui correspondent à leur appel, dans l’Eglise et dans le monde. Qu’ils puissent avoir le bonheur de croire, c’est-à-dire de vivre dans la confiance, comme nous. Avec nous.

 

3. Un appel à la fraternité

Supportez-vous les uns les autres avec amour. Efforcez-vous de maintenir l'unité que donne l'Esprit Saint par la paix qui vous lie les uns aux autres. (v. 2-3)

Je vois une troisième dimension dans les textes de ce jour. Au-delà du « tous » universel et du « chacun » en particulier, c’est la place pour la relation. Nous ne sommes pas qu’un ensemble, nous ne sommes pas que des individus. Nous sommes des personnes appelées à être en relation les unes avec les autres. L’auteur de la lettre aux Ephésiens écrit : « Supportez-vous les uns les autres avec amour. Efforcez-vous de maintenir l'unité que donne l'Esprit Saint par la paix qui vous lie les uns aux autres » (v. 2-3).

Se supporter les uns les autres ! Ce n’est pas facile ! Il y a des gens insupportables, j’en connais – j’en vois un dans ma glace tous les matins ! Être ensemble ne va pas de soi, dans toute communauté humaine, et en Eglise aussi… Il faut prendre sur soi, accepter l’autre même quand il énerve, même quand il n’est ni humble, ni doux ni patient, et c’est bien difficile quand moi-même je ne suis ni humble, ni doux, ni patient. C’est ce qui arrive aux disciples. Quand on emmène des enfants à Jésus, ils s’interposent et font des reproches à ceux qui amènent les enfants, ils empêchent ceux-ci d’accéder au Christ ! Ils ne supportent pas d’être dérangés dans leur relation à Dieu. Difficile de supporter les autres, c’est un chemin de confiance.

Se supporter, c’est aussi positif. Etymologiquement, cela veut dire se porter les uns les autres, porter par en-dessous, soutenir (sous-tenir). Cela résonne comme dans un match, où le rôle des supporters est essentiel. Le « supporter », c’est celui qui, par amour pour son équipe, l’accompagne, crie, pousse, s’implique avec, participe. Supporter l’autre, c’est le porter quand il en a besoin. Se supporter les uns les autres, c’est accepter d’avoir besoin que l’autre, parfois, me porte. C’est une solidarité mutuelle.

C’est ce que l’on appelle l’Eglise. L’Eglise, c’est cette communauté humaine faite de personnes appelées à vivre à la suite du Christ dans l’humilité, la douceur et la patience, invitées à épanouir leur appel avec les dons qui sont propres à chacun, dans la fraternité d’un chemin commun.

Le baptême, c’est l’insertion dans l’Eglise. Il se célèbre au sein d’une communauté particulière, selon les coutumes d’une dénomination, mais au nom de l’Eglise universelle, répandue sur toute la terre, dans tous les siècles et dans la multitude des cultures, des institutions, des appartenances. L’Eglise de Jésus-Christ, celle-là même qui est une, comme le dit l’auteur de la lettre aux Ephésiens, parce que Dieu est un. Mahaut et Alexandre ont désormais leur place dans l’Eglise, à part entière. A nous de les supporter, de les encourager, de leur faire place, pour qu’ils puissent la vivre comme nous. Avec nous.

 

4. Un appel à la prière

Une quatrième dimension, enfin. Vous vous dites peut-être que ce que j’ai dit jusque-là, c’est bien beau, mais que c’est difficile à vivre vraiment. Nous vivons parfois des moments durs, des épreuves, des tensions – l’auteur de la lettre aux Ephésiens est d’ailleurs en prison quand il écrit. Nous sommes des êtres limités, nous n’éprouvons pas toujours humilité, douceur et patience, nous résonnons facilement en généralités mais avons de la peine à nous engager personnellement, nous ne supportons pas facilement les uns les autres. Nous ne sommes pas des héros de la foi, des saints, des modèles, des personnes parfaites. C’est vrai.

Mais sans doute avez-vous remarqué que les disciples de Jésus ne sont pas à la hauteur, quand on amène des enfants et qu’ils font barrage ! Mais sans doute avez-vous compris que si quelqu’un écrit aux chrétiens d’Ephèse les phrases que nous méditons, c’est qu’ils ont grand besoin de les entendre ! Alors qu’est-ce qui rend possible de vivre selon l’appel de l’Evangile, c’est-à-dire au bénéfice de son accueil inconditionnel, dans l’engagement personnel et dans la fraternité partagée ?

Là nous touchons au cœur de l’Evangile, à la source. Jusque-là, nous étions dans les effets, les conséquences, la mise en application. En amont de cela, il n’y a pas nos capacités, nos forces, nos mérites. Il y a Dieu. C’est « Dieu » qui « vous a appelés », écrit deux fois l’auteur de la lettre (v. 1 et v. 4). « L’unité » est « donnée par l’Esprit saint » (v. 3), c’est sa « paix qui vous lie les uns aux autres » (v. 3). C’est « Dieu » qui « règne sur tous, agit par tous et demeure en tous » (v. 6). Et ce que chacun peut vivre, c’est un « don » que « le Christ [lui] a généreusement accordé » (v. 7). Et dans l’évangile de Marc, Jésus parle de « recevoir le Royaume de Dieu comme un enfant », comme ces enfants qu’on lui amène, qu’il prend dans ses bras et qu’il bénit.

Dieu n’est pas au bout de nos efforts et de nos mérites, à l’horizon ; il est à l’origine. Il est possible de vivre ce qu’il nous invite à vivre parce que cela ne se base pas sur nos capacités mais sur la force que donne sa grâce. Être chrétien, ce n’est pas une vie d’efforts permanents, c’est une disponibilité, une place faite pour que l’amour de Dieu infuse en nous ; c’est se laisser rejoindre, habiter, traverser par Dieu. Comme le dit la règle des sœurs protestantes de Pomeyrol : « Ne cherche pas à faire le bien ; sois en Dieu, et le bien tombera de toi, comme le fruit mûr tombe de l’arbre ».

Dans nos relations si facilement conflictuelles, que ce soit en Eglise ou dans le monde, c’est en étant en Dieu que nous pouvons semer des graines de confiance. Pour être en Dieu, il importe de savoir s’arrêter, faire espace, faire silence, écouter, recevoir. Prier.

Prier, ce n’est pas aligner des mots, c’est se poser dans un souffle, lire un texte biblique, demander à Dieu de laisser résonner sa parole, relire le texte, et se laisser entraîner par lui. Ce n’est pas magique, ça ne marche pas à tous les coups, mais c’est indispensable pour qu’humilité, douceur et patience coulent en nous, pour que nous nous supportions les uns les autres, pour que l’unité donnée par l’Esprit saint nous lie les uns aux autres dans la paix. Prier, c’est dialoguer avec Dieu, seul à seul dans son quotidien, et avec d’autres en famille, en groupe, au culte.

Prier, c’est aussi prier pour Mahaut et Alexandre, pour qu’ils puissent grandir dans cette foi épanouissante. C’est prier avec eux, en famille, en Eglise. Prier, c’est les aider à ne pas vivre leur vie comme si c’était un sport de compétition mais à épanouir leur existence dans une relation attentive à soi-même et aux autres, ressourcée en Dieu. Sur cette route de confiance, soyons leurs supporters inconditionnels !

Prier, c’est s’engager pour qu’un monde soit possible pour Mahaut et Alexandre, un monde où ils puissent devenir des personnes libres et aimantes, un monde où ils seront, avec nous, signes, instruments et avant-goût du Royaume où entrent tous ceux qui leur ressemblent !

Amen.

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