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Au plein milieu de nos tempêtes

Texte de la prédication du pasteur Christian Baccuet, 31 juillet 2022, à partir d'Actes 27. Et vidéo de l'ensemble du culte.

AU PLEIN MILIEU DE NOS TEMPÊTES

 

Lecture : Actes 27, 13-37

Prédication du pasteur Christian Baccuet, Pentemont-Luxembourg, 31 juillet 2022.

 

Pour voir le culte du matin en entier, cliquez ici.

 

 

Paul pris dans la tempête… à quel niveau entendre aujourd’hui ce récit ?

1. Niveau historique

On peut entendre l’histoire de ce jour comme le rappel d’un événement de l’histoire chrétienne, le témoignage des tribulations des premiers chrétiens portant l’Evangile à travers le monde.

Nous sommes vers l’an 59. Deux ans plus tôt, Paul s’est fait arrêter dans le Temple de Jérusalem, parce qu’il y annonçait l’Evangile et que cela dérangeait les autorités religieuses.Transféré à Césarée, il reste deux ans en prison avant de comparaître devant le gouverneur romain. Celui-ci, parce que Paul est citoyen romain, décide de le faire conduire à Rome. Un long voyage commence. Il faut prendre plusieurs bateaux, la navigation est lente, et l’automne surgit avec son lot de mauvais temps. Malgré l’avis de Paul – qui n’en est pas à son premier voyage en bateau ! –, le centurion romain ne veut pas hiverner dans un port mais prendre la mer le plus vite possible. Et c’est la tempête.

Décrite longuement dans ce texte, cette tempête renseigne les historiens sur la navigation dans l’antiquité. Elle nous dit la dureté des voyages, leur danger, la fragilité des navires. Ce récit nous rappelle ainsi que l’Evangile s’est transmis grâce à des personnes qui ont pris des risques pour nous. Prison, naufrage, insultes, puis martyre… la liste est nombreuses des épreuves traversées par les témoins du Christ qui ont porté dans leur chair la Parole de Dieu, pour la transmettre au monde. Paul a souvent été moqué, lapidé, expulsé, arrêté, frappé, à cause de l’Evangile. Cette tempête est une épreuve parmi toutes celles qu’il affronte pour faire parvenir la bonne nouvelle jusqu’au cœur du monde.

Entendre ce texte à ce niveau historique est important. Cela nous rappelle que nous nous inscrivons dans une mémoire, dans une transmission, que nous sommes au bénéfice de ce que les générations qui nous ont précédés nous ont laissé, parfois au prix de leur tranquillité… parce que l’Evangile n’a pas de prix. C’est dire notre reconnaissance et prendre place, à notre tour, dans cette chaîne de témoins. C’est un appel à ne pas absolutiser le présent mais à mettre le temps en perspective ; à faire place à une mémoire qui ouvre à l’espérance.

2. Niveau théologique

On peut aussi entendre ce texte à un deuxième niveau. Il ne fait pas que nous raconter une histoire, il nous donne en même temps une lecture de cette histoire, une mise en perspective, une interprétation. En racontant la tempête, Luc ne se contente pas de décrire les tribulations de Paul, il délivre un message théologique. C’est à dire un vision de Dieu dans sa relation aux êtres humains.

Dans ce texte, il est question d’être sauvé. Sauvé physiquement du naufrage, au premier degré. Mais le thème du « salut » est plus profond, il résonne en termes de foi. Etre sauvé, bibliquement, c’est vivre avec Dieu. Cela peut concerner la vie après la mort, ou ce qui se passera à la fin des temps dans le Royaume de Dieu. Cela concerne aussi la vie des êtres humains sur la terre, leur relation à Dieu et aux autres. Il est question de salut, et deux dimensions en sont données dans ce récit.

La première, c’est que le salut est pour tous. Il y a une solidarité des êtres humains devant le salut. Tous seront sauvés… ou tous périront.

Dans le bateau qui transporte Paul, il y a 4 catégories de personnes. Les marins, les voyageurs, les prisonniers et les soldats qui gardent les prisonniers. Et voici qu’au cœur de la tempête, une de ces catégories veut se sauver toute seule. Les marins, qui déontologiquement devraient rester jusqu’au bout, tentent de s’enfuir en douce. Paul intervient alors vigoureusement : « Si ces hommes ne demeurent pas dans le bateau, vous ne pouvez pas être sauvés ! » (v. 31).

La résonance théologique de ce cri de Paul est forte. Si certains se désolidarisent, tentent de faire leur salut tout seuls, veulent garder la relation à Dieu pour eux seuls sans plus se préoccuper des autres, s’enferment dans une logique sectaire, alors c’est tous qui risquent de disparaître. On est sauvés ensemble. Dieu appelle les êtres humains à être solidaires les uns des autres, à être ensemble en relation avec lui. Et notre Eglise doit être le signe de cela, en étant une Eglise pour tous. Un appel, au sein d’un monde individualiste où le « moi je » domine, à cultiver le sens de la solidarité, de la communion.

Et puis il y a une deuxième dimension théologique dans ce récit. Alors que, saisis par la peur du naufrage, cela fait 14 jours que personne n’a mangé, Paul se lève, appelle à la confiance, invite au repas, « prend du pain, rend grâce à Dieu devant tous, le rompt et se met à manger » (v. 35). Le vocabulaire est clair. C’est un partage du pain à résonance eucharistique que Paul accomplit là. Comme Jésus autrefois, au cœur de la nuit qui le conduit à la croix, a pris le pain, rendu grâce, l’a rompu et l’a donné à ses disciples, Paul partage le pain de la Cène. Il ne force personne à se joindre à lui, mais il accomplit ces gestes devant tous. Il se met à manger… et tous reprennent courage et le suivent dans le repas.

La leçon théologique de ce récit, c’est que le repas de la Cène, que nous allons prendre tout à l’heure, est un moment pour retrouver la confiance au cœur de nos tribulations, pour reprendre des forces, pour affronter les tempêtes.  Repas de la traversée de la mort qui ouvre à la vie. Moment fondamental de la foi, nourriture de confiance. Ce n’est pas un repas réservé à quelques initiés, tous y sont invités. Tous les humains embarqués sur le même bateau, confrontés au même déchaînement des flots. Personne n’est obligé de partager ce repas. Mais tous y sont invités, car c’est le repas qui nous dit la présence du Christ avec nous, ici et maintenant. Pour tous les êtres humains.

3. Niveau existentiel

On peut aussi entendre ce récit à un troisième niveau. S’il nous rapporte l’écho des tribulations des premiers chrétiens, s’il nous dit que le salut est offert à tous les êtres humains et que la cène en est un signe, il nous parle aussi de nos vies, il résonne aussi dans nos existences personnelles. Nos vies sont souvent ballottées, agitées. La traversée est parfois paisible, elle est parfois confrontée à de sévères tempêtes. Chacun de nous sait ce qu’il vit, ce qu’il traverse, quelles épreuves sont les siennes. Combien il est tentant de se replier, de ne plus croire, de désespérer, de se laisser aller.

Et voilà que ce texte fait écho à nos vies. Au cœur de la tempête, Paul, un homme comme nous, garde courage. Pas parce qu’il est un homme exceptionnel. Mais parce qu’il sait que Dieu ne l’abandonne pas. Cela n’évite pas la tempête, cela n’évite pas le naufrage, mais cela lui permet de rester confiant. « Un ange du Dieu auquel j’appartiens et à qui je rends un culte s’est présenté à moi cette nuit et m’a dit : N’aie pas peur, Paul » (v. 23-24). Paul a entendu la parole de Dieu qui nous dit « N’aie pas peur ». Cette phrase nous est donnée comme une promesse, comme une exhortation, comme une réalité par le Dieu de Jésus-Christ que nous confessons comme le Dieu qui vient à nous pour nous donner sa force. « N’aie pas peur », c’est la présence de Dieu au cœur de nos vies, qui nous aide à garder confiance, même au cœur des tempêtes de l’existence.

Cette confiance personnelle peut devenir contagieuse. Il y a Paul, plein de la confiance en Dieu, et il y a sur le bateau 275 autres personnes paralysées par la peur. C’est à elles toutes que Paul s’adresse : « Prenez donc courage, mes amis, car j’ai cette foi en Dieu qu’il en sera comme il m’a été dit » (v. 25)… La tempête continue, le naufrage va avoir lieu, mais tous parviendront à terre sains et saufs. La foi en Dieu est l’assurance de sa présence avec nous chaque jour de nos vies, et cette assurance qui nous rend forts se propage autour de nous. Quand tout autour de nous semble s’effondrer, la voix de Dieu en nous, ou la voix de Dieu par un frère ou une sœur chrétien, peut nous aider à reprendre des forces, rester debout, solidaire et vivant. Dans un monde de peur, c’est un appel à développer la confiance, la vie, le partage.

4. Trois niveaux qui s’équilibrent…

Ce récit nous parle à 3 niveaux.

Ce texte est un témoignage historique qui nous rappelle que nous nous inscrivons dans une histoire de transmission de la foi, dans les tribulations des témoins du Christ. Ce texte est une lecture théologique de l’histoire des êtres humains et de Dieu, qui nous rappelle que le salut est pour tous les êtres humains, et que le repas de la cène en est un signe. Ce texte est une parole personnelle pour nos vies, qui nous rappelle que Dieu ne nous laisse jamais seuls, qu’il nous redit sans cesse « N’aie pas peur », et que cette force qu’il nous donne est contagieuse.

Lequel de ces 3 niveaux est le plus important ?

Selon nos tempéraments, ou selon le moment de nos vies, nous pouvons êtres plus sensibles à l’un ou l’autre de ces niveaux, historique, théologique et existentiel ; mais nous avons besoin des trois à la fois. Si l’Ecriture ne s’insérait pas dans l’histoire, elle serait un mythe désincarné, une fable ; mais si elle n’était qu’une histoire, la foi ne serait qu’une question de culture. Si l’Ecriture n’était pas une lecture de l’histoire qui lui donne sens, elle ne donnerait pas perspectives à nos vies, elle ne les insèrerait pas dans une perspective collective, ecclésiale, structurante ; mais si elle n’était qu’un discours théologique, la foi ne serait que l’adhésion à une dogmatique. Si l’Ecriture ne portait pas un écho existentiel, une invitation à un renouvellement de nos vies, un appel spirituel à retrouver force dans l’épreuve, elle ne serait pas dynamique vivifiante ; mais si elle n’était qu’un écho existentiel, la foi ne serait qu’une émotion.

Nous avons besoin d’être participants d’une histoire, qui nous précède et nous suivra, de nous inscrire dans la longue suite des témoins du Christ… être témoins à notre tour. Nous avons besoin de nous relier les uns aux autres dans une commune conception de Dieu en relation aux êtres humains, en Jésus-Christ… partager une communauté de foi. Nous avons besoin d’entendre ce Dieu nous dire personnellement, par Jésus-Christ : « Je te connais, je sais ce que tu vis, n’aie pas peur, je suis là avec toi »... recevoir et partager la paix de l’Evangile.

Nous avons besoin de la Parole de Dieu, elle nous inscrit dans une histoire, elle donne sens à notre vie, elle nous rend forts. C’est ainsi qu’elle est bonne nouvelle !

Amen.