La parabole des ouvrier.e.s de la dernière heure : Jésus nous donne un projet de vie d’Eglise — Église protestante unie de Pentemont-Luxembourg - Communion luthérienne et réformée

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La parabole des ouvrier.e.s de la dernière heure : Jésus nous donne un projet de vie d’Eglise

Prédication EPUPL

Prédication du dimanche 20 septembre 2020, par le pasteur Christian Baccuet.

Lecture : Matthieu 20, 1-16.

 

Voici que le texte proposé à notre lecture, en ce dimanche d’assemblées générales de notre association cultuelle et de notre association d’entraide, est un vrai projet d’Eglise ! Cela tombe bien !

C’est une parabole simple, que raconte Jésus à ses disciples : un homme emploie des ouvriers dans sa vigne, ceux-ci ne travaillent pas tous le même nombre d’heures, et à la fin ils touchent le même salaire. Parabole essentielle, qui nous dit ce qui est fondamental pour une vie d’Eglise. Pour notre vie d’Eglise ici, dans cette communauté de Pentemont-Luxembourg. Jésus nous donne ici un projet de vie d’Eglise, qui se décline dans l’espérance, la foi et l’amour.

 
1. L’espérance : une parabole du règne de Dieu

La première dimension que nous donne ce récit est le début du premier verset. Au moment de raconter cette histoire, Jésus en donne la clef : « Voici à quoi ressemble le Royaume des cieux ».
Cette parabole parle du règne des cieux, c’est-à-dire de Dieu. C’est une histoire qui nous dit ce que la présence de Dieu signifie. Le propriétaire de la vigne est une image de Dieu. La vigne est une image du monde. Dans ce monde, Dieu a besoin d’ouvriers. Cette parabole, parce qu’elle nous parle de Dieu et du monde, nous parle de nous dans ce monde.

Le règne de Dieu, c’est sa présence, la vie avec lui. A la fois attendue, espérée, quand viendra le temps de la révélation ultime, quand nous saurons le fin mot de l’histoire, le sens fondamental de la vie, la plénitude de vie. Et déjà vécue, inaugurée par la venue de Jésus-Christ dans ce monde, lui qui a ouvert ce temps de présence d’un Dieu proche de nous.

C’est une parabole du règne de Dieu, c’est-à-dire aussi une parabole du jugement de Dieu, à la fin de la journée, à la fin des temps. Le jugement, ce n’est pas une punition, ce n’est pas quelque chose dont il faut avoir peur. Le jugement, dans la Bible, c’est l’authenticité mise à jour. Ce n’est pas la condamnation, c’est le moment de vérité. Le propriétaire dit d’ailleurs, au verset 4 : « je vous donnerai ce qui est juste ». Le jugement de Dieu, c’est son regard juste sur nous, qui nous ajuste à lui, nous rend justes, nous justifie.

Voilà, d’emblée, cette parabole mise en perspective fondamentale, celle du règne de Dieu, de sa présence, de son jugement juste. Perspective d’espérance, au-delà d’une vision sans vue, de jours qui se succèdent sans horizon.

Voilà qui nous dit le point central de la vie chrétienne : le règne de Dieu, déjà là et pas encore là, encore espéré et déjà vécu, ici et maintenant. La vie chrétienne est vide de sens si elle est simple regard en arrière, entre nostalgie et regrets. Elle l’est tout autant si elle est agitation au jour le jour, présent hypertrophié ou fuite du réel. Elle est pleine de sens, au contraire, si elle est une vie d’espérance, fondée par une promesse, enveloppée de la présence de Dieu, mise en route, sur cette terre, pour construire un monde plus juste et fraternel, portée dans l’attente du temps où Dieu nous offrira une terre nouvelle, des cieux nouveaux.

Elle est aspiration à la suite du Christ qui, par sa résurrection, a ouvert une brèche d’espérance. Elle est inspiration dans le souffle de l’Esprit qui nous entraîne sur les chemins de l’espérance. Elle est respiration partagée en Eglise.

 

Non pas une espérance qui serait fuite du réel, du quotidien, du monde, mais une espérance qui est plongée dans ce monde qui crie. Dans la vigne où il est besoin d’ouvriers.

Un projet de vie d’Eglise serait vide s’il n’était pas orienté dans cette espérance, celle du règne de Dieu, qui donne sens aux engagements multiples que nous partageons. La justice de Dieu à partager autour de nous. Le premier point d’un projet de vie d’Eglise, c’est l’espérance.

 

2. La foi : une parabole de vocation

Cette espérance se traduit dans une vocation. C’est ainsi que se décline cette parabole, dans une longue série d’appels et d’engagements. Le propriétaire de la vigne sort plusieurs fois par jour pour aller chercher des ouvriers dans sa vigne. Il les appelle, les engage, et ceux-ci viennent travailler. L’espérance serait un mot creux si elle n’était pas une réalité à laquelle nous sommes appelés, un appel auquel nous répondons.

A la base de la vie chrétienne, au départ de cette vie, il y a toujours un appel de Dieu. Cet appel peut être entendu ou non, il prend des modalités diverses selon les personnes, il est subjectif dans le sens où il s’adresse à chacun dans sa singularité, sa personnalité, son histoire. La Bible est pleine de récits de vocation.

Un projet de vie d’Eglise, même débordant d’espérance, serait vide s’il ne reposait pas sur l’appel du Seigneur. L’espérance n’est pas un programme, des projets, une planification, une étude de marché, des objectifs, elle n’est pas le produit de notre activité humaine. Elle est réponse à l’appel de Dieu, Dieu de la Parole, Dieu de la relation, Dieu du mouvement. Dieu sorti à notre rencontre pour nous appeler à le suivre, en Christ.

Un projet de vie d’Eglise est disponibilité à cet appel : les ouvriers sont sur la place, là où traditionnellement, dans la culture du temps de Jésus, les ouvriers journaliers attendent qu’on vienne les embaucher. Être disponible est le premier geste. Être disponible, c’est lâcher prise, accepter de ne pas être d’abord actif, se placer dans la confiance. C’est un acte de foi. Et quand, dans cette disponibilité, s’entend l’appel du maître, alors la réponse peut suivre : aller travailler dans la vigne. Devenir participant de l’Evangile en actes. S’engager, dans la foi.

Ainsi est la vie chrétienne, portée par l’espérance et vécue dans la foi. Ainsi se décline un projet de vie d’Eglise, dans la disponibilité de la prière, l’écoute de la Parole, l’engagement concret… trois dimensions qui se nourrissent les unes les autres. Elles ne sont pas forcément chronologiques, elles ne vivent pas forcément dans le même sens, selon les personnes ou les moments de sa vie on peut être plus ou moins sensible à telle ou telle dimension, mais l’important c’est que ces trois dimensions se fécondent mutuellement.

Ainsi est la vie d’Eglise, comme la place sur laquelle on attend et on espère, on entend la Parole de Dieu et son invitation à la suivre, on s’engage dans la vigne – dans le monde. L’espérance et la foi se conjuguent. Un projet de vie d’Eglise se développe en elles.

 

3. L’amour : une parabole d’une triple grâce

Jusque-là, c’est assez simple à comprendre. Pas toujours à vivre, mais au moins c’est clair. Cela se complique quand on lit les détails de la parabole. Trois d’entre eux me parlent aujourd’hui. Ils ne sont d’ailleurs pas des détails, parce que c’est en eux que tout se joue. C’est eux qui font que cette parabole peut choquer, peut paraître injuste ou irréaliste, révolutionnaire ou naïve. C’est en eux qu’elle est fondamentale.

 

a. une embauche pour le bien de chacun

Le premier détail, c’est la raison pour laquelle le propriétaire embauche les ouvriers. Pour travailler dans sa vigne, certes, mais en a t-il vraiment besoin ? La première fois, de bon matin, il sort pour les embaucher. Mais les fois suivantes, nous dit la parabole, il sort, sans que l’on sache pourquoi, et, parce qu’il passe sur la place, il voit des ouvriers qui attendent d’être embauchés, et il les embauche. Il les embauche parce qu’il les voit attendre, pas parce qu’il irait sur la place en fonction de ses besoins. Il le fait à la troisième heure, à la sixième, à la neuvième. Et à la onzième heure cela est clair : il voit des ouvriers que personne n’a embauchés, et c’est pour cette raison là qu’il les appelle dans sa vigne.

Non pas parce qu’il en a besoin, mais parce qu’eux en ont besoin ! Détail qui n’en est pas un. Si Dieu nous appelle à travailler avec lui, c’est parce que nous en avons besoin, parce que cela nous fait du bien, nous structure, donne un sens à notre vie. Dieu ne nous appelle pas après une sélection en fonction de nos compétences, de nos expériences, de ce que l’on peut lui apporter, mais en fonction de lui, de ce qu’il peut nous apporter. Voilà pourquoi il appelle tout le monde, même les plus incompétents, les plus lents, les plus fragiles. Les personnages bibliques qui sont appelés par Dieu le sont toujours avec leur pleine humanité, leur complexité, leurs limites. Mais, parce que Dieu les a appelés, les voilà soudain compétents et utiles ! Merveille de la grâce de Dieu qui n’est pas utilitariste mais offre généreuse !

Ce n’est pas un détail : Dieu ne nous a pas appelés parce que nous en serions dignes, mais parce qu’il a décidé de nous appeler. En Eglise, nous ne sommes pas appelés à tel ou tel engagement parce que nous serions meilleurs que les autres, mais parce que nous sommes appelés ! Dans ce monde, personne n’est indigne de l’appel de Dieu, et la Bible nous montre qu’il a une attention particulière pour ceux qui sont moins souvent appelés, voire exclus selon les critères de ce monde ; ainsi dans notre parabole les ouvriers de la onzième heure, ceux que personne n’est venu chercher. Parabole de l’amour de Dieu pour tout être humain !

 

b. Le même salaire pour tous

Ces ouvriers de la dernière heure et le salaire qu’ils reçoivent, c’est le deuxième détail qui n’en est pas un. L’élément qui choque le plus dans cette histoire. Ils ont travaillé une heure, et ils touchent le même salaire que ceux qui ont travaillé depuis la première heure, c’est-à-dire toute la journée, 12h à l’époque. Les premiers sont choqués, d’ailleurs, ce n’est pas juste, ils ont travaillé beaucoup plus !

Mais est-ce vraiment injuste ? D’abord les ouvriers de la première heure ont eu de la chance : ils ont été appelés dès le début, ils n’ont pas attendu des heures dans l’angoisse de rester seuls, inutiles, abandonnés. Ensuite, à la fin, ils ne sont pas lésés, puisqu’ils touchent ce qui était prévu au départ ; le salaire des ouvriers de la dernière heure ne les pénalise pas, si ce n’est qu’ils deviennent jaloux. Ils ont pourtant ce qui était convenu, qui est le salaire normal de l’époque. Ce salaire, enfin, est ce que gagne normalement un ouvrier en une journée, car cela correspond à ses besoins. Le critère du salaire versé par le propriétaire n’est pas la quantité ou la qualité de travail accompli, mais ce qui est nécessaire pour que chacun puisse vivre. C’est un vrai renversement de valeur par rapport à nos critères !

Mais ainsi est la justice de Dieu : non pas une récompense pour nos mérites, mais une grâce faite pour chacun, et la grâce que Dieu donne à l’autre ne me lèse pas, elle devrait même me réjouir. A moins que je ne sois jaloux, possessif, égoïste, que je n’ai pas encore compris que l’amour de Dieu pour les autres ne m’ôte rien, comme le propriétaire le dit d’ailleurs : « Mon ami – « mon ami », dit-il à celui qui est jaloux ! –, ne m’est-il pas permis de faire de mes biens ce que je veux, ou bien verrais-tu d’un mauvais œil que je sois bon ? ».

La grâce de Dieu, ce n’est pas nous qui la mesurons, la comptons, en sommes propriétaires. Un projet d’Eglise se réjouit pour chaque personne touchée par l’Evangile, que ce soit depuis plusieurs générations huguenotes ou tout récemment, que ce soit exprimé dans un travail acharné depuis longtemps ou que ce soit tout neuf. Chacun bénéficie de l’amour de Dieu, donc de sa pleine place dans l’Eglise !

 

c. Les premiers et les derniers

Troisième détail qui n’en est pas un, enfin : le dernier verset, la conclusion de la parabole. « C’est ainsi que les derniers seront les premiers et les premiers seront les derniers », dit Jésus. Phrase qui paraît terrible, inversion des valeurs, renversement des positions. Mais comprenons-nous bien cette phrase ?

Si nous la lisons dans la dynamique de la parabole, il ne s’agit pas de glorifier les derniers et d’humilier les premiers. Tous touchent le même salaire, tous sont au bénéfice de la même grâce de Dieu. D’ailleurs, si on poursuit la logique d’un classement hiérarchique, les premiers, quand ils sont devenus derniers, vont devenir premiers dans une suite sans fin. Ce n’est pas là la logique de l’Evangile ; celle de l’Evangile, c’est la grâce pour tous !

Et cela doit irriguer tout projet de vie d’Eglise, qui se décline dans un amour qui ne s’amoindrit pas parce qu’il serait partagé, au contraire ! Amour qui dit qu’il n’y a plus de premiers et de derniers, mais tous ouvriers appelés, répondant, s’engageant, bénéficiant de la grâce nécessaire. Cela est difficile à admettre quand on se considère comme premier méritant. Cela est libérant quand on est dernier humilié. Cela est bonne nouvelle, car au cœur de l’Evangile ! Parabole de l’amour de Dieu.

 

 

Un projet de vie d’Eglise, fondé dans l’espérance et la foi, se décline dans l’amour qui fait place à chacun, dans une Eglise forcément inclusive car porteuse de l’amour de Dieu pour tous les hommes et femmes de ce monde, en particulier ceux qui sont sur le côté de la route, abandonnés sur la place, doutant d’eux-mêmes et de la vie.

La parabole des ouvriers de la dernière heure est une parabole d’espérance, de foi et d’amour. Elle est appel à un projet de vie d’Eglise porté dans l’espérance, ancré dans la foi, se démultipliant dans l’amour. On arrive à peu près à vivre cela dans notre belle petite paroisse… puissions-nous le vivre encore mieux, pour en être les témoins dans ce monde !

Amen.