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Ecoutez la voix de la création

Texte de la prédication du dimanche 2 octobre 2022, par le Pasteur Christian Baccuet. Culte des récoltes

Ecoutez la voix de la création

 

Lecture : 1 Samuel 3

 

Pentemont-Luxembourg, 2 octobre 2022.

Culte des récoltes. Matin : baptême de Jonas (16 ans) et confirmation de Pierre-Anatole (15 ans).

Vidéo du culte du matin : cliquez ici.

 

Prédication du pasteur Christian Baccuet

 

 

Jonas, tu vas être baptisé… jour de joie ! Pierre-Anatole, tu vas confirmer le baptême que tu as reçu quand tu avais 3 mois et demi… jour de joie ! Frères et sœurs, Eglise du Christ, l’accueil de deux nouveaux frères comme membres à part entière de l’Eglise… jour de joie ! Jour de joie qui nous place devant notre vocation, chacun et ensemble, dans ce monde en crise.

Aujourd’hui, nous célébrons le « culte des récoltes », reprise d’une ancienne fête qui était l’occasion de remercier Dieu pour les fruits de la nature qui permettent à l’humanité de vivre. Mais voilà que ces fruits disparaissent peu à peu à cause de l’activité des êtres humains. Dérèglement climatique, biodiversité en souffrance, diminution de l’accès à l’eau potable, accroissement des inégalités, avec ce que cela entraîne de conflits et de déplacements de population.

Où va notre monde ? De quelle terre avons-nous soin, quelle planète transmettons-nous aux jeunes générations ? Où allons-nous ? Ces questions sont urgentes, nous le savons bien, et nous sommes comme paralysés, tétanisés. Nous ne savons pas trop que faire. Nous savons que nous devons changer nos manières de vivre, même si cela est rude. Mais le chemin n’est pas clair, nous avons du mal à voir en vérité, à prendre des décisions, à changer de cap.

Que faire ? Notre responsabilité dans ce monde est grande. D’où nous viendra le sursaut ? Quelle parole nous bousculera, nous entraînera dans des engagements réels, dans une vocation forte ? Ah, si Dieu nous appelait avec vigueur, de manière claire et impérative… Mais voilà, en notre temps, la parole du Seigneur est rare et les visions ne sont pas fréquentes.

C’était déjà le cas, il y a fort longtemps, plus de 3 000 ans. C’est ce que nous dit le récit biblique que nous venons d’entendre.  « En ce temps-là, il était rare que le Seigneur parle directement à un homme ou lui accorde une vision » (v. 1).

 

1. Parole en temps de crise

L’épisode se situe vers 1060 avant notre ère, dans le nord d’Israël, dans le territoire de la tribu d’Ephraïm, plus précisément à Silo, plus précisément encore dans le temple ce cette bourgade. A cette époque le temple de Jérusalem n’existe pas encore, il y a de nombreux sanctuaires comme celui-ci dans le pays. Dans le temple de Silo est conservée l’arche de l’alliance, ce petit coffre (1,25 x 0,75 x 0,75 m) qui a accompagné les hébreux dans leur exode à travers le désert, environ 200 ans plus tôt, et dans lequel était placées les tables de la Loi reçues par Moïse sur le Sinaï. Ce coffre symbolise la présence de Dieu.

Les temps sont durs, en ce temps-là. La menace de guerre est forte, avec des attaques des Philistins. Les tribus d’Israël ne sont pas très unies et les institutions fragilisées, à bout de souffle. Ainsi à Silo, où les prêtres se comportent mal. Les fils du vieux prêtre Héli, prêtres eux aussi car la prêtrise est alors une affaire de transmission familiale, sont « des hommes sans morale, qui ne connaissent pas le Seigneur », nous dit le chapitre précédent (2, 12). Ils trichent pour garder pour eux une partie des sacrifices offerts dans le sanctuaire et ils menacent ceux qui ne veulent pas leur donner de la viande. Ils « bafouent l’offrande du Seigneur » (2, 17). Ils couchent aussi avec les femmes qui accomplissent leur service à l’entrée du sanctuaire, par un abus de pouvoir qui transforme l’autre en objet à consommer, poussant ainsi les fidèles à commettre le mal.

3 000 d’écart avec nous, et bien des similitudes avec notre temps, contexte de crise qui semble sans issue. Ainsi commence ce chapitre. Et voici qu’au milieu de ce temps de crise, surgit un appel, une vocation. Un jeune homme va devenir prophète, c’est-à-dire porte-parole de Dieu.

La parole dont il va être porteur est une parole de condamnation. A cause des mauvaises actions des fils d’Héli, la prêtrise va être retirée à cette famille. Parole de condamnation pour ceux qui bafouent le lien à Dieu et le lien aux autres, qui corrompent les relations et ébranlent le monde. Parole dure et définitive contre eux. Mais, en contraste, bonne nouvelle pour tous ceux qui sont floués dans leurs offrande, pour toutes celles qui sont agressées dans leur corps et leur personne. Ceux qui détruisent seront mis hors course, et un temps nouveau pourra naître.

Le jugement, dans la Bible, est un moment où la réalité est révélée dans sa vérité. Cela peut être pénible, cela est toujours occasion de vie. Car, on le sait bien, le déni qui cherche à masquer la réalité n’empêche pas celle-ci d’exister, couvrir le mal l’amplifie, le révéler est le moyen de le combattre et de le dépasser. La condamnation, dans la Bible, est dure pour ceux qui profitent du mal, qui oppriment les autres ; elle est délivrance pour ceux qui en sont les victimes et retrouvent dignité, justice, lien.

Alors pour nous aujourd’hui, la parole de Dieu est-elle bonne nouvelle ou mauvaise nouvelle ? De quels engagements sommes-nous porteurs ? Il y a deux personnages dans ce récit de vocation, dont les destins sont étroitement liés. Lequel sommes-nous ?

 

2. Samuel

Il y a Samuel, jeune homme qui a été placé par ses parents au service du temple. Ce personnage me touche.

Il travaille tous les jours dans le temple, il y passe la nuit, mais il n’a encore jamais entendu Dieu lui parler. Il ne connaît même pas le Seigneur, nous dit le texte (v. 7) ! On peut être dans une paroisse depuis longtemps, et n’avoir pas encore entendu résonner la Parole de Dieu pour soi-même.

Et cette parole va résonner pour lui. Il va entendre Dieu l’appeler. Pas forcément une voix claire, peut-être un appel intime au fond de lui-même. Pas une voix évidente, car il pensera longtemps que c’est Héli qui l’appelle, il lui faudra plusieurs allers et retours dans la nuit pour comprendre que c’est bien Dieu qui l’appelle. Cela prend du temps, souvent, de comprendre que Dieu nous parle.  Ainsi en est-il souvent, dans la nuit de notre monde, dans l’obscurité de notre vie, dans cet espace où l’on n’y voit pas clair, ce temps qui peut aussi être celui du silence et de la disponibilité, du discernement. Il faut du temps pour comprendre sa vocation. Importance du cheminement, du mûrissement… Il faut parfois, comme Samuel, traverser toute la nuit !

Mais le Seigneur est patient, il appelle autant de fois qu’il le faut, jusqu’à ce que Samuel comprenne que c’est bien Dieu qui l’appelle. Et qui l’appelle lui, personnellement : « Samuel, Samuel ». Et quand Samuel a enfin compris que Dieu l’appelle, il répond avec une phrase toute simple et si essentielle : « Parle, ton serviteur écoute » (v. 10). Samuel, lui dont le nom signifie en hébreu « Celui qui écoute Dieu », se rend disponible à la Parole de Dieu, cette parole que Dieu le charge de porter pour les autres. Samuel devient prophète. Dieu l’envoie porteur de sa parole, de cette parole dure, lourde, dangereuse, parole qui tranche mais parole vraie, qui porte la vie justement parce qu’elle est vérité.

Le cœur de notre vocation de Chrétiens, c’est d’entendre l’appel de Dieu, dans notre for intérieur. C’est de partager cet appel en Eglise, comme une vérification mutuelle de la justesse de ce que l’on perçoit. Et c’est se mettre en mouvement dans la dynamique de cette parole, la vivre et la partager dans les choix de vie que nous faisons, dans les engagements que nous prenons, dans le témoignage et le service, parfois difficilement mais toujours en vérité. La Parole de Dieu, quand elle nous rejoint, fait de nous des hommes et des femmes libres et responsables, à leur juste place dans leur vie et dans ce monde, parmi les hommes et les femmes de cette terre.

Au matin, Samuel se lève, il ouvre les portes du sanctuaire (v. 15), et il partage la parole qu’il a reçue, il dit tout, il ne cache rien (v. 18). Beau symbole d’ouverture et de partage !

Samuel est l’image de notre vocation, ici et maintenant, dans les crises que traverse notre monde, les défis qui sont devant nous. Nous sommes appelés à être porteurs de la Parole de vie, concrètement, activement, sur cette planète maltraitée, dans cette humanité en danger. Notre vocation est de nous lever comme Samuel et de sortir du sanctuaire pour que cette Parole ne soit pas « entre nous » mais pour toute l’humanité.

 

2. Héli

Il y a un autre personnage dans le récit, qui me touche tout autant. C’est Héli, le vieux prêtre très âgé, à la vue qui baisse, meurtri devant la mauvaise conduite de ses fils, et impuissant à les faire changer, un homme usé par la vie et par les épreuves. Presqu’aveugle… son handicap physique résonne symboliquement comme signe de ce temps de crise ! Et pour lui, la Parole de Dieu sonne comme une condamnation.

Héli est central dans ce récit. Lui qui est l’objet de la parole que Dieu charge Samuel de dire contre lui, a une attitude très émouvante, remarquable, essentielle. C’est lui qui, le premier, comprend ce qui se passe en cette nuit. Héli discerne puis confirme à Samuel que c’est Dieu qui l’appelle. C’est lui qui, au bout de la 3ème fois, invite Samuel à répondre à Dieu en disant : « Parle, Seigneur ; moi, ton serviteur, j’écoute ». Le rôle d’Héli est beau dans ce texte, car c’est lui qui aide Samuel à entendre sa vocation. Il a une fonction de transmission, lui qui est en échec dans la transmission familiale de son ministère, lui qui n’a plus d’avenir.

Cette position de transmetteur n’est pas quelque chose d’évident. Héli aurait pu renvoyer Samuel se coucher et couper court à toute l’histoire, étouffer la parole de Dieu. Héli aurait pu être jaloux, c’est quand même lui le prêtre, le spécialiste, c’est à lui que Dieu devrait s’adresser ! Héli aurait pu en profiter et venir veiller auprès de Samuel pour tenter de savoir ce que Dieu va lui dire. Mais Héli ne se tient pas dans une position de pouvoir. Héli oriente Samuel vers Dieu, il discerne que c’est l’appel de Dieu qui résonne pour Samuel. Alors il renvoie Samuel à son écoute et à sa disponibilité, à sa liberté aussi, il ne contrôle ni le fait que Samuel va répondre ni le contenu de la parole de Dieu. Il accepte que Dieu parle directement à Samuel et que Samuel parle directement à Dieu, sans que cela passe par lui. Il n’est propriétaire ni de l’un ni de l’autre, c’est ainsi qu’il est véritablement témoin. Plus encore, il va accepter que la parole de Dieu dont Samuel va être porteur soit une parole contre lui, l’annonce que ses fils, en raison de leurs actes criminels, ne deviendront pas prêtres après leur père. Il accepte cette parole de Dieu, il accepte Samuel qui la reçoit. Il va même pousser Samuel à la lui dire.

Qui est Héli aujourd’hui ? Je me retrouve en lui. Et vous ? Il y a quelque chose de nous dans ce vieil homme usé, au regard qui flanche et à l’avenir incertain, quelque chose de nos impuissances, de nos paralysies. Quelque chose de l’Eglise, communauté rassemblée autour de la Parole, héritière d’une longue histoire mais qui ne sait pas bien où aller, qui a parfois peur de l’avenir, qui a peur de s’engager dans le monde mais qui, malgré cette fragilité, est le lieu où la quête de Dieu, la recherche de sens, la halte spirituelle, la nourriture évangélique se transmettent, malgré tout.

Héli est lui aussi l’image de notre vocation. Il n’est jamais trop tard. Alors, comment sommes-nous témoins pour les autres, pour les plus jeunes, pour les générations qui montent ? Quelle liberté leur laissons-nous, quelle disponibilité, quel chemin de foi et d’engagement personnels ? Quelle invitation à leur propre réponse, à leur propre responsabilité ? Quel appel pour leur vie ? Quel témoignage de foi ?

Nos échecs éducatifs pour les nôtres sont souvent réels… mais être témoins pour d’autres est possible. Sachons être là, pour eux, au cœur de leur nuit, modestes mais véritablement présents, témoins du Dieu qui désigne l’aurore.

 

3. Samuel ou Héli ?

Sommes-nous plutôt Samuel ou Héli ?

Comme Samuel, sommes-nous des hommes et femmes qui entendent l’appel de Dieu à devenir porteurs de sa parole, ici et maintenant, dans les défis de ce monde, à être enfin « responsables », c’est-à-dire à « répondre » à notre vocation humaine en ce monde, gardiens de la création que Dieu nous a confiée pour que nous la cultivions et la gardions (Genèse 2, 15) ?

Ou comme Héli, usés, découragés, en échec, mais témoins, encore et toujours, pour que d’autres prennent le relai, sans se mettre en travers, sans bloquer la vie, l’avenir, l’espérance, confiants dans la parole de Dieu qui va au-delà de nos échecs et qui, même quand la fleur sèche, fane et disparaît, demeure dans sa fidélité (Psaume 103, 15-17) ?  

Nous sommes à la fois Samuel et Héli, tantôt l’un tantôt l’autre, souvent les deux à la fois. Parle, Seigneur, ton serviteur écoute.

Le thème de ce mois de la création est « Ecoutez la voix de la création ». Thème qui est un écho à Dieu qui, lors la vocation de Moïse, lui dit : « J'ai vu comment on maltraite mon peuple en Égypte ; j'ai entendu les Israélites crier sous les coups de leurs oppresseurs. Oui, je connais leurs souffrances. Je suis donc venu pour les délivrer […]. Puisque les cris des Israélites sont montés jusqu'à moi et que j'ai même vu de quelle manière les Égyptiens les oppriment, je t'envoie maintenant vers le Pharaon. Va, et fais sortir d'Égypte Israël, mon peuple. » (Exode 3, 7-10).

Dieu entend les cris des hommes et des femmes, le cri de ce monde meurtri, de cette terre en souffrance, de cette création malmenée. Il appelle Moïse, Samuel et Héli, tous les prophètes, tous les disciples, tous les croyants que nous sommes, là où nous sommes, là où nous en sommes, à l’entendre aussi.
Et il nous envoie pour les délivrer. Concrètement, dans des paroles et des gestes, des engagements et des luttes, pour que l’espérance ne soit pas une fuite dans le déni mais l’Evangile en œuvre, encore et toujours.

Héli usés ou jeunes Samuel, Jonas, Pierre-Anatole, chacun et chacune de nous, ensemble écoutons la voix de la création, l’appel de Dieu. Et levons-nous, ouvrons les portes du temple, proclamons l’Evangile, devenons acteurs d’espérance sur cette terre !

Amen.