Le goût de l'eau — Église protestante unie de Pentemont-Luxembourg - Communion luthérienne et réformée

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Le goût de l'eau

Prédication du dimanche 10 juin 2018, par le pasteur Christian Baccuet

Lectures : 

  • Jean 7, 37-39
  • Actes 2, 36-39

 

1 – L’eau

 

a – science

Voici de l’eau. L’eau, liquide transparent, qui à l’état pur n’a ni odeur ni saveur. Il est composé de deux atomes d’hydrogène et d’un atome d’oxygène (H2O). 1 cm3 d’eau à 4° C pèse 1 g. L’eau douce renferme peu de sels minéraux. C’est un élément indispensable à la vie. Il compose l’essentiel de notre planète. On le trouve à l’état liquide, mais il peut devenir solide (glace) ou gaz (vapeur). Ce que je vous dis là est objectif, incontestable. C’est scientifique.

 

b – symbole

Voici de l’eau. L’eau, un élément auquel les êtres humains ont toujours donné un sens. Un des quatre éléments fondamentaux pour les anciens, avec l’air, le feu et la terre. Un symbole de pureté, de purification. Un signe de malheur – le déluge, l’inondation – ou de bénédiction – l’oasis, la pluie qui féconde. L’eau qui peut être « vive », ainsi que le dit Jésus dans le passage de l’évangile de Jean que nous venons de lire (Jn 7, 37-38), image de la vie que donne Dieu. L’eau du baptême… L’eau signe de vie. Ce que je vous dit là rassemble des hommes et des femmes dans une culture commune, c’est un « symbole » (étymologiquement : ce qui rassemble).

 

c – sensation

Voici de l’eau. J’en bois une gorgée et… hmmm ! Elle est délicieuse, fraîche, elle fait du bien ! Quelle bonne sensation !

 

2 – La foi

 

Voici de l’eau : un savoir, un symbole, une sensation. Et si on parle de la foi, c’est quoi ? Un savoir ? Une doctrine ? Un sentiment ?

 

a – Savoir

La foi est-elle un savoir ? Le savoir, c’est ce que l’on peut définir, établir, vérifier, objectiver. Par exemple, la molécule d’eau c’est H2O. La foi relève-t-elle de cette objectivité ? En partie, oui. La foi n’est pas un rêve, une invention, une mythologie, une poésie… C’est un chemin tracé dans l’histoire. C’est l’histoire d’hommes et de femmes comme nous, sur cette terre, dans notre histoire, à travers les difficultés et les épreuves, les luttes et les échecs, les joies et les projets, l’amour et l’espérance.

La foi chrétienne repose sur cette histoire. Histoire donnée par la Bible, le document archéologique dans doute le plus important de l’humanité, qui recoupe des traces archéologiques, ruines, poteries, inscriptions… L’existence de ce pays du Proche Orient est attestée, les villes de Jéricho, Jérusalem, le Mont des Oliviers etc. L’existence de ces hommes, même si beaucoup nous restent inconnus : David et Salomon, Hérode et Pilate, Jésus et Paul. Des lieux et des paysages véridiques, ayant laissé leur trace sur terre, comme Rome, Jules César ou Napoléon.

L’existence de l’homme Jésus ne fait aucun doute, celui dont Pierre parle à Pentecôte : « Ce Jésus que vous avez cloué sur la croix ». Un homme, il y a deux mille ans, vers l’an 30, parlant de Dieu et ouvrant des cœurs, arrêté et crucifié lors de la Pâques à Jérusalem. Là s’enracine notre foi, dans les gestes, les paroles, la vie de cet homme. Tout cela nous le savons.

La foi n’est pas en dehors du savoir.

 

b – Doctrine

La foi est-elle une doctrine ? La foi n’est pas qu’un savoir. Si elle repose sur des événements historiques, elle est aussi une interprétation de ces événements, de la vie. Un sens donné, partagé, autour duquel se retrouvent des hommes et des femmes. Une doctrine, une théologie, une confession de foi, quelque chose que l’on peut dire ensemble.

Par exemple, l’eau est symbole de la vie. C’est ce que dit Pierre à Pentecôte : « Dieu l’a fait Seigneur et Messie ». Seigneur, c’est-à-dire l’équivalent de Dieu lui-même, et Messie, « oint », désigné comme celui qui donne espérance aux hommes. Il annonce Jésus, l’homme historique, comme étant Dieu et Christ, le crucifié ressuscité. On n’est plus là dans l’objectivité du savoir, mais dans la confession de foi. Un sens vécu par certains, raconté, transmis, reçu et partagé. La présence de Dieu dans l’histoire, « Père ». Son amour qui ouvre des vies, « Fils ». Son espérance annoncée jusqu’au bout du monde, « Esprit ». La grâce qui construit une humanité nouvelle, dont l’Eglise est témoin. L’Eglise, ce sont des hommes et des femmes rassemblés autour d’une même conviction : la présence du Christ. Cet homme dont nous savons qu’il a vécu en Palestine au 1er siècle de notre ère, nous croyons qu’il est le Fils de Dieu !

La foi, c’est passer du savoir au croire.

 

c – Sentiment

La foi, un sentiment ? Le jour de la Pentecôte à Jérusalem, Pierre rappelle cet homme, Jésus le crucifié (savoir) et il annonce sa résurrection, sa divinité, sa messianité (doctrine). En l’entendant, les auditeurs sont « profondément bouleversés ». Ce qu’ils savent et ce qu’ils reçoivent les touche, les rejoint, leur va droit au cœur. Nous sommes là dans le sentiment. Par exemple : aimer boire de l’eau, être rafraîchi, être touché par l’Evangile, ressentir la présence vivante du Christ, y adhérer personnellement, en faire un axe essentiel de notre vie : « Frères, que devons-nous faire ? ».

La foi, c’est cet écho en nous de la Parole, cette réponse de nos vies à la grâce de Dieu cet engagement que nous prenons pour notre vie, dans ce monde, ce qui nous concerne, chacun personnellement, intimement, à notre manière, et qui nous engage. Savoir que Jésus a existé, croire qu’il est le Christ, et vivre de sa présence dans notre quotidien. Venir à lui et boire (Jn 7, 37). Passer de savoir à croire, puis de croire à vivre. La foi c’est ressentir la confiance, l’apaisement, une présence, c’est entrer dans une relation vivante à Dieu.

La foi se base sur du savoir, se partage en croire et s’épanouit en confiance.

 

3 – Une articulation nécessaire

 

La foi articule ainsi savoir, doctrine et sentiment. Car ces trois dimensions sont importantes : l’appui de notre foi sur du savoir historique ; l’expression de notre foi en une confession de foi partagée en Eglise ; l’appropriation personnelle de cette foi. Pour chacun de nous, selon les moments de sa vie, l’une ou l’autre de ces dimensions est plus sensible : la culture biblique, l’étude du texte ; l’adhésion à une Eglise, une tradition, une communauté ; l’émotion personnelle, la spiritualité. Mais il faut garder place pour les trois.

Le savoir est nécessaire car il enracine dans la réalité mais, tout seul, le savoir se dessèche, la Bible devient morceau archéologique, l’Eglise un musée, la foi une affaire de culture, de passé, le témoin d’un autre temps. La doctrine est nécessaire car elle relie à la communauté mais, toute seule, la doctrine se transforme en discours philosophique, idéologique, la construction d’une identité qui ne permet plus la rencontre. Le sentiment est nécessaire car concerne notre personne, toute notre vie, mais, tout seul, le sentiment peut se laisser déborder en émotion irrationnelle ou en désert de vie, et nous en sommes fragilisés. Pour vraiment vivre dans la foi, il faut continuer à lire et étudier la Bible pour la connaître et savoir sur quoi se base notre foi, il faut penser, questionner, réfléchir. Il faut continuer à partager en Eglise, dans une communauté rassemblée dans une tradition, une confession particulière, pour donner perspective à ce que nous lisons et exprimer ensemble ce en quoi nous croyons. Il faut continuer à prier pour demander à Dieu de nous aider à le ressentir vivant dans notre vie quotidienne et à le partager dans des engagements justes et aimants.

C’est la perspective que Pierre ouvre à ses auditeurs qui lui demandent : « que devons-nous faire ? ». Il les invite au baptême (l’eau !), signe de ce Jésus, le Christ, qui nous ouvre vie nouvelle dans le pardon, qui annonce le don de l’Esprit, le présence de Dieu en chacun, qui rappelle que la promesse est pour nous, nos enfants, tous ceux qui sont au loin…. L’Eglise !

C’est un défi dans ce monde qui ne sait pas articuler rationalité, appartenance et émotion, et tend à séparer ces trois dimensions. Tantôt nous recevons injonction à une rationalité scientifique ou pragmatique qui se suffirait à elle-même ; tantôt nous sommes soumis à une obligation de choisir une culture, une identité, une communauté ; tantôt nous sommes appelés à épanouir notre personnalité, notre moi, nos émotions. Et nous voilà déchirés entre ces contradictions, et notre société se tend, se délite, se fragilise, et nos vies souffrent. C’est comme si notre monde, en nous déshumanisant, nous empêchait de vivre ! Or la foi, c’est la vie, la vie véritable, celle que Jésus propose à la femme samaritaine dans l’évangile de Jean, au puits où elle vient puiser de l’eau. Dans sa détresse humaine, Jésus vient lui proposer de boire de l’eau vive, une eau qui désaltère vraiment ; « celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif, car l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’où coulera la vie éternelle » (Jean 4, 14). La foi, quand elle se tient à l’articulation entre ces trois dimensions – savoir, doctrine, sentiment –, quand elle est circulation entre elles, est un lieu d’équilibre, de résistance, d’espérance. Une foi incarnée dans l’histoire, une foi partagée en Eglise, une foi vécue au quotidien. Une source d’eau vive.

C’est pourquoi il importe d’augmenter notre savoir biblique et humain, de creuser notre appartenance à la théologie chrétienne et à la communauté protestante, à approfondir notre spiritualité personnelle dans la prière et le culte. Continuer à donner de l’importance à Jésus-Christ dans notre vie, par la Bible, l’Eglise, notre cœur, c’est vivre véritablement. C’est venir à Jésus et boire à la source de sa présence, c’est être empli d’eau vive, c’est avoir un cœur débordant de cette eau pour que d’autres en vivent à leur tour (Jn 7, 38). 

Puissions-nous continuer à trinquer ensemble à l’eau vive, Jésus-Christ !

Amen.

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