Le loup séjournera avec l'agneau - Veillée de Noël — Église protestante unie de Pentemont-Luxembourg - Communion luthérienne et réformée

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Le loup séjournera avec l'agneau - Veillée de Noël

Méditation du dimanche 24 décembre 2017, par le pasteur Christian Baccuet

Lecture : Esaïe 11, 1-10

 

Henri Lindegaard, La Bible des contrastes, Genève, Labor et Fides, 1993

 

« Le loup séjournera avec l’agneau ». Regardez ce dessin du pasteur Henri Lindegaard : les animaux réconciliés autour du Christ, dans une nature paradisiaque ! Magnifique image de paix. Et image irréelle : aujourd’hui, si un loup séjourne avec un agneau, l’agneau va vite être croqué ! Même entre nous, êtres humains, la cohabitation n’est pas facile : l’homme est vite un loup pour l’homme, le conflit arrive vite dès que deux personnes sont ensemble… Alors comment comprendre cette promesse ?

Je partage quatre pistes de réflexion pour nous, en cette nuit de Noël.

 

1 – Monde de violence

 

Ce texte a été écrit dans un contexte de violence. Au 8ème siècle avant notre ère, le royaume de Juda, son roi Akhaz et sa capitale Jérusalem sont sous la menace de royaumes ennemis, dans de grandes tensions géo-politiques au sein desquelles ils sont pris en étau, entre le grand royaume d’Assyrie et les petits royaumes voisins d’Israël et de Syrie. L’ennemi est aux portes de la capitale et le roi craint que ce soit la fin. Le message délivré par le prophète Esaïe est clair, dans ce contexte : un temps de paix va venir. Promesse forte pour des personnes en proie à l’angoisse.

Aujourd’hui le contexte du Proche-Orient n’a guère changé. Conflits, violences, haines, enjeux internationaux, intérêts de puissances mondiales, et beaucoup de souffrance, de haine accumulée. Un horizon de paix qui semble inatteignable.

Pas seulement dans cette région, mais en bien des lieux de la terre. En bien des lieux de nos vies aussi. La question de la paix et de la justice, de la réconciliation et de l’avenir est toujours aussi forte, car elle est au cœur de la vie des hommes et des sociétés. Ce n’est pas désespérant de dire cela, c’est juste lucide. Nous avons toujours à combattre contre les forces de mort, de division, de haine.

Noël n’est pas une parenthèse merveilleuse au milieu de nos vies. C’est le cœur de nos vies, un moment où nous pouvons recevoir à nouveau cette promesse du loup et de l’agneau qui habiteront ensemble, pour nous encourager dans nos engagements pour que cette image devienne réalité.

Noël est une fête… Cette fête l’est particulièrement pour les lieux de nos conflits humains.

 

2 – Le Christ

 

« Le loup séjournera avec l’agneau… et un petit garçon les conduira ». Cette promesse s’articule autour d’un petit enfant. Au temps d’Akhaz, c’est la promesse d’un descendant qui lui est donnée, un rameau sorti du tronc de Jessé, le père de David fondateur de la dynastie : promesse d’avenir. Cette promesse a été ensuite messianisée, elle est devenue pour les juifs celle d’un envoyé de Dieu qui rétablira définitivement la paix, au bout de l’histoire, portant l’espérance de tout un peuple à travers les générations.

Pour les chrétiens, cette promesse n’est pas pour le bout de l’histoire, elle est en son cœur : le petit enfant né à Béthléem, la ville de David, lui-même descendant de David, ouvrant le temps de la « paix sur la terre parmi les hommes que Dieu aime », comme le chantent les anges dans l’évangile de Luc.

En Jésus-Christ, déjà est commencée cette réalité : le loup peut séjourner avec l’agneau. Ce n’est certes pas encore réalisé, c’est encore devant nous. Mais c’est déjà à l’œuvre. Le Christ, né dans une étable – sans doute au milieu d’animaux –, mort sur la croix et ressuscité au matin de Pâques, est ce petit garçon qui ouvre le temps de la réconciliation. Qui nous conduit dans la réconciliation. Et la croix, signe de mort devenu signe de vie est cet arbre dressé comme une bannière pour les peuples, le signe du Christ avec nous pour que nous soyons les signes de la paix dans ce monde. Regardez au centre du dessin ce Christ, à la fois crucifié et arbre de vie, autour duquel la réconciliation se crée.

Noël est une fête… Cette fête est particulièrement celle du Christ offert aux hommes.

 

3 – La création toute entière

 

Ce monde de réconciliation auquel nous aspirons et pour lequel nous sommes envoyés est illustré par cette réconciliation des animaux entre eux, des prédateurs et des proies qui pourront vivre sans crainte les uns avec les autres : le loup et l’agneau, la panthère et le chevreau, le veau et le lionceau, la vache et l'ourse, le lion et le bœuf, le nourrisson et le serpent… Cette image renvoie à celle du jardin d’Eden, le monde de la création du début de la Bible, dont la jalousie, le mensonge, la méfiance et la violence nous ont définitivement éloignés. Il ne s’agit pas de revenir en arrière. Noël n’est pas une fête de nostalgie ou de régression, elle est l’envoi dans l’espérance. Ce monde de réconciliation est devant nous.

Et il concerne l’ensemble de la création. Pas seulement les êtres humains, mais aussi les animaux, et sans doute la nature, les plantes, la terre entière. Nous voilà devant le défi de notre temps, celui d’une humanité en proie aux conflits mais aussi d’une planète saccagée par la sur-consommation, l’exploitation des ressources, la toute-puissance de l’être humain. Et, comme dans une boucle infernale, les questions de réchauffement, de hausse du niveau de la mer, d’inégalité d’accès à l’eau potable, vont créer des conflits, des déplacements de population, de la souffrance et de la mort.

Comme le disait un intervenant lors du lancement du label œcuménique national « Eglise verte » qui a eu lieu dans cette chapelle en septembre, la bataille du climat est la mère de toutes les batailles. Et comme le disait un autre intervenant, cela ne concerne pas que nos engagements, cela concerne aussi toute notre réflexion théologique et spirituelle : comment, d’un christianisme qui a longtemps pensé le salut seulement comme lien individuel entre Dieu et l’homme, penser le salut comme concernant l’ensemble de la création, et la place de l’homme au sein de cette création. Comme sur ce dessin : l’homme, comme un petit enfant tout en bas, est un élément de la création, il se tient au pieds du Christ, et il est entouré par les autres créatures, ensemble en harmonie.

Noël est une fête… Cette fête est particulièrement donnée pour tout l’univers !

 

4 – En nous

 

Mais par où commencer ? Les conflits dans ce monde, les inégalités sociales, les injustices, la souffrance des exilés, les enjeux climatiques ont des causes structurelles, et il faut agir sur ces causes, redonner du sens à l’engagement politique, social, humanitaire. Ils sont aussi en partie liés à notre propre manière de vivre, chacun de nous, en nous-mêmes.

Et c’est là que commence la bonne nouvelle de Noël telle qu’elle est annoncée par Esaïe. En moi il y a du bon et du mauvais, de l’amour et de la haine, de l’ouverture et du repli, de la grâce et du péché. Le texte du prophète résonne comme un appel pressant à espérer – et donc à agir pour – qu’en moi la justice l’emporte sur le méchant : non pas une lutte contre mes ennemis, mais une lutte contre l’ennemi en moi. Ce texte m’appelle à une réconciliation intérieure : en moi il y a du loup et il y a de l’agneau, en moi ils sont appelés à séjourner paisiblement, conduits par un petit garçon, l’enfant né à Noël, Jésus le Christ.

Alors, en Christ, ma vie pourra donner des fruits de paix. Comme le dit une phrase de la liturgie des sœurs de Pomeyrol : sois en Dieu, et le bien tombera de toi comme le fruit tombe de l’arbre !

Noël est une fête pour nous… Cette fête est particulièrement une fête en nous, qui porte fruit autour de nous !

 

 

Qu’aujourd’hui cette fête prenne vie dans nos lieux de conflit, qu’elle nous entraine à la suite du Christ pour un monde de paix et de justice, qu’elle nous engage pour un création renouvelée, et qu’elle nous réconcilie au plus profond de nous-mêmes !

 

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