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Comment croire en la résurrection ?

Texte de la prédication du dimanche 10 mars 2024, par le pasteur Christian Baccuet

 

Comment croire en la résurrection ?

 

Prédication du dimanche 10 mars 2024, par le pasteur Christian Baccuet.

 

Lecture biblique : Jean 11, 17-44

 

 

Aujourd’hui, nous sommes à Béthanie. Et je vais vous parler d’Anastasie et de Zoé !

Nous sommes à Béthanie, petit village de Judée, à 3 km à l’est de Jérusalem. Béthanie, en hébreu, a plusieurs étymologies possibles. Cela peut signifier « Maison du pauvre », « Maison de la misère », « Maison de l’affligé », « Maison de la tristesse »[1].

Nous sommes à Béthanie. Nous sommes ici avec nos misères et nos tristesses, notre humanité fragile, confrontés à des épreuves, la plus grande étant sans doute la mort, la nôtre et celle de nos proches. Comme les personnes qui se trouvent il y a près de deux mille ans dans ce village.

Le récit que nous méditons fait écho à ce que nous vivons. Il y a la réalité de la mort, celle de Lazare, un ami de Jésus. Réalité humaine concrète, naturelle et cruelle. Le plus court verset de la Bible se trouve dans récit : « Jésus pleura » (v. 32). Verset fort émouvant, qui dit la proximité de Jésus avec nos vies.

Jésus a appris que Lazare, son ami, était gravement malade. Il s’est alors mis en route pour venir à son chevet mais, quand il arrive à Béthanie, Lazare est déjà mort. Il y trouve la famille et les amis rassemblés, beaucoup d’habitants de la Judée venue pour consoler les sœurs de Lazare, Marthe et Marie. Tout le monde exprime son émotion, sa tristesse : Marthe, Marie, tous ceux qui sont là, Jésus lui-même. Il y a de la tristesse mais aussi une espérance qui traverse ce moment, celle de la résurrection. Jésus va prier puis rappeler Lazare à la vie, avec ces paroles à son ami mort dans la tombe : « Sors de là » (v. 43), et ses paroles à la foule rassemblée : « Déliez-le, laissez-le aller » (v. 44).

Au cœur de ce récit, une parole forte de Jésus : « Je suis la résurrection et la vie » (v. 25). C’est le cinquième « Je suis » de Jésus dans l’évangile de Jean, après « Je suis le pain de la vie » (Jean 6, 35), « Je suis la lumière du monde » (Jean 8, 12), « Je suis la porte » (Jean 10, 9) et « Je suis le bon berger » (Jean 10, 11). Aujourd’hui, « Je suis la résurrection et la vie ».

A Béthanie, ce jour-là, un épisode qui se trouve entre mort et résurrection… Aujourd’hui, nous sommes à Béthanie ! Et ce qui s’est vécu alors, là-bas, nous est donné pour que nous le vivions à notre tour, ici.

Trois dimensions font écho pour nous, résonnant avec nos vies et les entraînant un peu plus loin.

 

1. La résurrection

D’abord la question de la résurrection.  Aspect troublant de ce récit.

Lazare était mort et il est ramené à la vie. Notre rationalité bute, comme devant tous les récits que nous nommons « miracles », dans le sens d’un acte inattendu, de puissance extraordinaire. Mais dans l’évangile de Jean, le « miracle » n’est jamais utilisé ; Jean parle de « signes » (σημεῖον – semeion). Ce qui importe, plus profondément que l’aspect étrange et merveilleux, c’est de quoi cela nous fait signe, qu’est-ce que cela signifie, ce que cela nous dit, vers où cela nous entraîne.

Aucun de nous n’était présent à Béthanie ce jour-là ; nous ne savons pas ce qui s’y est réellement passé. Nous n’avons que ce que Jean nous en dit. Et ce que cela nous dit, dans nos Béthanie d’aujourd’hui, dans la maison de misère et d’affliction de nos vies.

Au-delà de l’événement, ce que nous dit ce passage, c’est que Lazare était bel et bien mort. La mort est une réalité que nos sociétés cachent, nos vies aussi parfois. Affronter en face cette dimension de notre humanité, naturelle, est difficile. Peur et tristesse se mêlent souvent en nous.

Ce que nous dit aussi ce passage, c’est qu’au cœur de cette réalité, Jésus vient. Il chemine avec ceux qu’il aime. En ce cœur, il ouvre un espace. Il se met en colère, deux fois (contre la mort ? contre ceux qui se laissent enfermer en elle ?), il prie et il s’engage. La tombe n’enferme pas. « Sors de là ! ». La mort n’a pas le dernier mot. L’appel de la vie est plus fort. Jésus l’appelle à sortir de la tombe, et Lazare revient à la vie. Il reste un homme mortel, il mourra plus tard. Mais la vie, ce jour-là, a fait signe, dans la présence et les paroles de Jésus.

Jésus lui-même, quelques semaines après, fera l’expérience terrible de la mort, sur la croix. Lui, Fils de Dieu, sera déchiré sur le poteau du supplice le plus douloureux et le plus infâmant de l’époque, rejoignant définitivement tous ceux qui souffrent, sont rejetés, habitent la maison de pauvreté et de tristesse. Dieu est avec nous, au plus profond de nos vies. Et trois jours après, la résurrection. Le tombeau ouvert. Cette fois-ci, pas un retour pour un temps à la vie mortelle, mais l’ouverture d’un temps nouveau, d’un monde nouveau, d’un horizon nouveau.

La résurrection de Jésus n’est la même que celle de Lazare. Lazare est revenu dans sa vie mortelle, Jésus entre dans une vie nouvelle. Sa résurrection est la vie dans sa plénitude. La vie offerte pour qu’au-delà de la mort jaillisse l’appel de la vie, l’appel à suivre le ressuscité sur ce chemin de joie. Bien sûr, c’est au-delà de notre rationalité, de notre capacité à le comprendre, à l’expliquer, à le justifier. Mais peut-on démontrer la vie, l’espérance, l’amour ? C’est une expérience unique. C’est un appel universel.

Appel qui dans notre récit résonne, comme par anticipation pour Lazare – « sors de là » – et aussi pour ses sœurs et ses amis – « laissez-le aller ». Détachez vous de la mort et entrez, déjà, dans la vie. « Celui qui croit en moi vivra, même s'il meurt ; et celui qui vit et croit en moi ne mourra jamais », dit Jésus (v. 25-26). Même mortels – ce que nous restons sur cette terre – notre vie est appelée à s’épanouir en Christ.

Cela peut conduire notre vie. C’est en effet un appel à vivre de cette espérance, non pas comme une formule dogmatique, une théorie, une idée, mais comme une réalité à éprouver ! Il n’y a pas de preuves de la résurrection, c’est une épreuve. Une dynamique de vie, une lumière d’espérance, une ouverture d’amour, un geste de confiance.

Il y a plus grand que nous, que nos limites et nos fragilités, que notre temporalité et nos larmes ; il y a Dieu et sa parole. Il y a un au-delà de nous, au-delà du temps de notre vie physique sur cette terre. Il y a la présence de Dieu, hier, aujourd’hui, demain. Cette plénitude de Dieu qui vient croiser notre finitude, c’est que l’Evangile nomme le « Royaume » ou le « règne » de Dieu. Ce règne pas encore pleinement vécu, mais déjà inauguré. Déjà, pas encore. Il y a l’espérance d’une vie après la mort, et il y a l’affirmation qu’il y a une vie avant la mort. Ici et maintenant.

Croire en la résurrection, quelle qu’en soit la difficulté rationnelle, quelles qu’en soient les représentations que l’on peut s’en faire, c’est être libéré de l’angoisse de l’après, c’est être libéré de la culpabilité et du poids de devoir mériter.

 

2. Une relation vivante

Deuxième dimension : la résurrection est avant tout une histoire de relation. Au cœur de ce récit, se tient l’affirmation de Jésus : « Je suis la résurrection et la vie ». Cœur de l’Evangile !

« Je suis », ἐγώ εἰμί (ego eimi) en grec, « moi je suis », formule forte qui est celle de Dieu quand il se présente, qui est l’identité divine que Jésus exprime.

« La résurrection ». En grec, c’est le mot ἀνάστασις (anastasis), qui vient du verbe ἀνίστημι (anistemi) qui signifie littéralement « se lever », « se relever », « tenir debout ». Un mouvement essentiel pour celui qui est écrasé, replié, enfermé.

« La vie ». ζωή (zoé) en grec, qui ne désigne pas la vie corporelle mais le fait de vivre, la vitalité, l’élan de vie, la plénitude de vie. Un mot fondamental, que l’on trouve 36 fois dans l’évangile de Jean.
Depuis le tout début : « Au commencement de toutes choses, la Parole existait ; la Parole était avec Dieu, elle était Dieu. Elle était donc avec Dieu au commencement. Tout est venu à l'existence par elle, et rien de ce qui est venu à l'existence n'est advenu sans elle. En elle se trouvait la vie et cette vie était la lumière pour les êtres humains. » (Jean 1, 1-4). Jusqu’à la fin : « Jésus a accompli encore, devant ses disciples, beaucoup d'autres signes extraordinaires qui ne sont pas racontés dans ce livre. Mais ce qui s'y trouve a été écrit pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu. Et en croyant, vous aurez la vie par lui. » (Jean 20, 30-31). En passant par les paroles essentielles que nous avons méditées ces quatre derniers dimanches : « Je suis le pain de vie » (Jean 6, 35), « Je suis la lumière du monde ; celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie » (Jean 8, 12), « Je suis la porte des moutons […], je suis venu pour qu'ils aient la vie et qu'ils l'aient en abondance » (Jean 10, 10), « Je suis le bon berger […], « mes moutons écoutent ma voix ; je les connais et ils me suivent. Je leur donne la vie éternelle » (Jean 10, 27-28).

Moi je suis la résurrection et la vie, dit Jésus. Par moi le relèvement de celui ou celle qui écrasé devient réalité. En moi la plénitude de vie est réalisée. Et cette plénitude de vie est plus grande que la finitude de notre corps. « Je suis ». Ce n’est pas une théorie mais une personne. Pas une doctrine mais une relation. Pas une formule mais une dynamique. C’est une histoire de relation.

Lazare, ce nom signifie en hébreu « Dieu, au secours ! », ou « Dieu aide », appel et confiance ensemble[2]. Jésus, ce nom signifie, toujours en hébreu, « Dieu sauve », appel et reconnaissance[3]. La résurrection et la vie, c’est la relation vivante, c’est la présence de Dieu qui sauve de la tristesse.

 

3. De « savoir » à « croire »

C’est une « dynamique » de vie. On pourrait dire aussi une « dynamite » qui fait exploser les pesanteurs et libère les énergies. Qui ouvre les tombeaux et qui libère des vies. C’est la troisième dimension. Là est l’enjeu, le défi, l’appel : vivre. Croire en cet appel, faire confiance en Christ qui lance cet appel.

Ce n’est pas facile. Dans notre récit, Jésus lui-même pleure. Plus tard, avant son arrestation, selon Matthieu, il se trouve dans le jardin de Gethsémani et « il commença à ressentir de la tristesse et de l'angoisse » puis « il se jeta face contre terre et pria en disant : “Mon Père, si c'est possible, éloigne de moi cette coupe de douleur” » (Matthieu 26, 37 et 39). Et sur la croix, au moment de mourir, il s’écrie : « “Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?” » (Matthieu 27, 46).

Ce n’est pas facile, face à la mort, de croire en la résurrection. Il y a en nous comme une lutte. Un chemin à prendre. Dans ce récit, cette lutte est incarnée par deux femmes, Marthe et Marie, les sœurs de Lazare. Dans notre imaginaire, Marthe est dans l’action et passe à côté des paroles du Christ, à l’inverse de sa sœur Marie qui se tient aux pieds du Seigneur. Nous les enfermons souvent là à cause d’un autre récit, dans l’évangile de Luc (10, 38-42), où l’inquiétude de Marthe l’empêche de s’asseoir pour recevoir la Parole alors que Marie écoute Jésus. Mais ici, c’est l’inverse. Marie reste figée dans sa tristesse et son manque de confiance, assise dans la maison, entourée de ceux qui cherchent à la consoler. Quand, enfin, elle se lève pour aller voir Jésus, c’est pour lui faire un reproche : « Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort ! » (v. 32). Marie se tait, s’enferme, reste prostrée dans sa tristesse, sa nostalgie, sa douleur, à un tel point qu’elle y entraîne même Jésus qui se met à pleurer.

Marthe, elle, va au-devant de Jésus qui arrive. Elle lui dit la même phrase que Marie : « Si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort » (v. 21). Cri qui est peut-être à la fois regret, reproche, comme pour Marie. Mais qui peut être appel et confiance, comme pour Marthe qui poursuit : « Je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te le donnera » (v. 22). A cet endroit de sa vie, au cœur de son deuil, de ses regrets, de sa révolte, de sa confiance, Jésus la fait cheminer en lui parlant de la résurrection.

En lui posant la question centrale : « Crois-tu cela ? » (v. 26), il la fait passer du « je sais » au « je crois ». Du « je sais » de la répétition de formules traditionnelles : « Je sais que Lazare ressuscitera lors de la résurrection, au dernier jour » (v. 24) au « je crois » de l’implication existentielle personnelle : « Je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde » (v. 27). Magnifique confession de foi !

Déplacement du « je sais » au « je crois », c’est-à-dire de la croyance à la confiance. Déplacement du dernier jour à l’aujourd’hui de la foi. Déplacement de la nostalgie de la vie de Lazare à la relation au Christ vivant. Déplacement auquel nous sommes appelés, chacun et ensemble. Récit de passage. Récit où Lazare passe de la mort à la vie, Jésus passe des larmes à l’appel à l’espérance, Marthe passe à l’abandon de toute certitude confortable mais enfermante à l’aventure de la foi, à la joie de la confiance.

Comment croire en la résurrection ? Comment faire confiance en la vie ? Aujourd’hui, nous sommes appelés à être Marthe. A poser notre vie dans un regard tourné vers Jésus, le Christ, le Fils de Dieu, celui qui vient au monde, celui qui est la résurrection et la vie.

Aujourd’hui nous sommes à Béthanie. Béthanie, en hébreu cela veut dire « Maison du pauvre », « Maison de la misère », « Maison de l’affligé », « Maison de la tristesse ». Cela peut vouloir dire aussi « Maison de miséricorde », « Maison de grâce », « Maison de bénédiction »[4]. Béthanie, ou l’Evangile de miséricorde, de grâce et de bénédiction qui surgit au milieu de nos misères !

Que Jésus-Christ, qui a ramené Lazare à la vie et Marthe de la tristesse à la foi, nous entraîne, à leur suite, dans la vie, aujourd’hui, demain, chaque jour, pour que nous en soyons contagieux autour de nous !

Amen.

 

[1] בַּיִת – bayith – maison + עָנִי – `aniy – pauvre, faible, humilié.

[2] Dérivé du nom אֶלעָזָר – ’El`azar, de אֵל – ’el – Dieu (divinité) + עָזַר – `azar – aider.

[3] יֵשׁוַּע – Yeshuwa`, de יְהוֹוָה – Yahvé – Dieu (nom propre) + יָשַׁע – yasha` – sauver.

[4] בַּיִת – bayith – maison + חַנָּה – Channah – Grâce, faveur, prénom « Anne ».