La famille de Dieu — Église protestante unie de Pentemont-Luxembourg - Communion luthérienne et réformée

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La famille de Dieu

Prédication EPUPL - famille

Texte de la prédication du dimanche 26 septembre 2021, par le pasteur Christian Baccuet.

Lectures :

  • Marc 3, 31-35
  • Galates 4, 4-7
  • Ephésiens 2, 19-22

 

Au cours du cute du matin : baptême de Malo, 17 mois.

 

 

Malo vient d’être baptisé. Fête pour ses parents qui ont demandé son baptême ! Fête pour l’Eglise dont il est devenu membre !

Le baptême, c’est une histoire de famille. Pour vous, Augustin et Elsa, celui de votre fils est une occasion d’inscrire votre couple, votre foyer, votre famille dans une dimension de liens avec les vôtres, au sein de cette communauté réunie ce matin dans ce temple. Pour nous tous, le baptême est une manière de signifier à Malo que Dieu l’aime, l’appelle à vivre la joie de l’Evangile, l’insère dans une famille plus large : l’Eglise. Le baptême est une affaire de famille, famille humaine et famille ecclésiale. Mais une famille, c’est toujours compliqué !

 

1. La famille, c’est toujours compliqué !

L’expérience humaine universelle est paradoxale. D’un côté une famille c’est important, c’est le lieu où l’on arrive sur terre, où l’on apprend à être aimé et à aimer, où l’on grandit et devient un adulte, la famille c’est un refuge, des liens indestructibles. D’un autre côté, une famille ce n’est pas facile à vivre, il y a des enjeux, des tensions permanentes et, parfois, de l’étouffement et de la destruction. Tantôt havre de paix, tantôt lieu de discorde, quel que soit le type de famille dans laquelle on vit, la famille est une chance et un poids. Un espace pour se construire et un lieu dont il faut s’émanciper. Des liens d’amour et des rivalités. Et l’on peut proclamer « La famille, c’est sacré ! », comme l’on peut ressentir « Familles, je vous hais »…

Il n’est pas facile de vivre en famille. C’est une expérience universelle et la Bible, ce livre qui nous parle parce qu’il parle de nous, s’inscrit elle-même dans ce paradoxe. Elle est une histoire familiale. Elle insère l’histoire du peuple de Dieu dans la descendance d’un couple d’ancêtres communs, Abraham et Sara, puis de leur fils Isaac et de sa femme Rebecca, puis du fils de ceux-ci, Jacob qui sera le père des douze tribus dont tout le peuple d’Israël descend. Au temps de Jésus, les Juifs se vantent ainsi d’être les descendants d’Abraham[1]. Une grande famille, comme une épopée ! Les histoires de famille sont pourtant bien complexes, dans la Bible. Les fratries sont souvent traversées de conflits violents, depuis toujours. Les deux premiers frères de l’histoire biblique, Caïn et Abel, en sont comme les signes originels. L’un est jaloux de l’autre, alors il le tue, inscrivant au fondement de l’histoire humaine la rivalité, le conflit et la violence. Plus tard, les relations seront difficiles entre Abraham et son neveu Loth, puis entre les deux fils d’Abraham, Ismaël et Isaac, puis entre les deux fils d’Isaac, Jacob et Esaü, puis entre les dix premiers fils de Jacob et le onzième, Joseph vendu par ses frères à des marchands d’esclaves… On pourrait multiplier les exemples plus ou moins dramatiques.

Jésus lui-même a vécu ce paradoxe. Né dans une famille humaine qui s’inscrit dans la longue généalogie des descendants des patriarches[2], il est issu de la tribu de Juda. Fils de Joseph et de Marie, il avait des frères et des sœurs ; Marc et Matthieu nous donnent les noms de 4 d’entre eux : Jacques, Josès, Jude et Simon[3]. Sa famille l’a suivi pendant son ministère. Mais il la repousse parfois, comme dans un épisode que rapportent Marc, Matthieu et Luc[4]. On prévient Jésus que sa famille veut le voir, mais il répond, en regardant ceux qui sont assis en cercle autour de lui, en montrant de la main ses disciples : « Voici ma mère et mes frères ; quiconque fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, c’est lui mon frère, ma sœur, ma mère », ou, dans la version de Luc : « Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la mettent en pratique ».

Tout cela fait écho à nos vies, à nos expériences. Je trouve là quelque chose d’encourageant : notre difficulté à vivre sereinement notre vie de famille est le fait même de notre humanité ; certes, nous pouvons être parfois acteur de tensions inutiles, mais nous n’avons pas à nous laisser écraser par une culpabilité qui nous empêche de vivre ; la difficulté de vivre ensemble fait partie de notre humanité, souvent malgré nous. Mais ce n’est pas une fatalité. La Bible parle de nous mais elle n’en parle pas comme un miroir qui ne ferait que refléter ce que nous vivons pour nous emprisonner dedans. Comme si toute vie était destin déjà écrit. La Bible parle de nous, pour nous appeler à aller au-delà de ce que nous vivons. Ainsi, comme un signe de cette ouverture possible, l’histoire d’Abram et de Saraï, le couple fondateur, commence par un appel à quitter leur vie sans issue pour ouvrir une histoire d’espérance : « Quitte ton pays, le lieu de tes origines et de la maison de ton père, vers le pays que je te montrerai ; je ferai naître de toi un grand peuple », dit Dieu à Abram[5]. L’appel de Dieu sort Abram et Saraï d’une famille repliée sur elle-même pour les entraîner dans une promesse de vie et d’espérance. La Parole de Dieu nous appelle à passer d’une fratrie humaine à une fraternité spirituelle.

 

2. De la fratrie humaine à la fraternité spirituelle

C’est ce que dit Jésus dans le passage où sa famille veut le voir. Ma famille, dit-il, c’est ceux qui font la volonté de mon Père, ceux qui écoutent la Parole de Dieu et la mettent en pratique. Il le disait déjà à ses parents, à l’âge de douze ans, quand ces derniers, après l’avoir perdu et cherché pendant trois jours, l’avaient retrouvé dans le Temple de Jérusalem[6]. Quand sa mère affolée lui dit : « Mon enfant, pourquoi as-tu agi de la sorte avec nous ? Vois, ton père et moi, nous te cherchons tout angoissés », il répond : « Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? ». Elle lui parle de son père Joseph, et lui parle de son Père Dieu. Il s’inscrit dans une autre réalité, qui n’est pas celle du sang mais celle de l’Esprit.

Plus tard, son baptême en est signe, quand l’Esprit saint vient sur lui sous la forme d’une colombe – voilà pourquoi il y en a une sur nos croix huguenotes – et que la voix de Dieu proclame : « Tu es mon Fils bien aimé, c’est en toi que je mets ma joie »[7]. Son baptême est le signe de sa filiation divine. Fils de l’homme par sa naissance dans une famille humaine, il est Fils de Dieu, manifestation de celui-ci dans notre monde et dans nos vies. Sa vie se déploie alors dans la mission d’appeler tous ceux qui le veulent à le suivre sur le chemin de la bonne nouvelle : les liens humains peuvent s’ouvrir, dans la force de l’Esprit saint, pour donner espace à des liens renouvelés, dans la présence aimante de Dieu.

A son appel, beaucoup de personnes entreront dans cette nouvelle manière de vivre la fraternité. Le baptême sera signe pour eux de cette nouvelle naissance, de cette nouvelle réalité, de liens nouveaux. Et ils s’appelleront les uns les autres « frères » et « sœurs ». Ce ne sera pas toujours facile pour les disciples, pour les premiers chrétiens. L’appel à la vie bouscule. Il y aura parfois des incompréhensions au sein même des familles. Ainsi, certains de ceux qui le suivent et dont j’ai évoqué tout à l’heure qu’ils se revendiquent enfants d’Abraham, ne supportent pas que Jésus critique cette hérédité généalogique, quand il les appelle à la liberté : « Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples, vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres »[8]. Jésus s’adresse ici à des personnes qui ont mis leur foi en lui, mais qui prétendent tenir leur identité de leurs ancêtres et de leurs traditions. Elles estiment ne pas avoir besoin que Jésus leur apporte la liberté puisqu’elles pensent la posséder par héritage. Elles s’enferment ainsi sur elles-mêmes. La fin du passage marque une rupture entre elles et Jésus, elles refusent de continuer à le suivre.

Plus grave seront les persécutions que vont vivre les premiers chrétiens, et que Jésus évoque en disant : « Je suis venu apporter un feu sur la terre et combien je voudrais qu'il soit déjà allumé ! Je dois recevoir un baptême et quelle angoisse pour moi jusqu'à ce qu'il soit accompli ! Pensez-vous que je sois venu apporter la paix sur la terre ? Non, je vous le dis, mais la division. Dès maintenant, une famille de cinq personnes sera divisée, trois contre deux et deux contre trois. Le père sera contre son fils et le fils contre son père, la mère contre sa fille et la fille contre sa mère, la belle-mère contre sa belle-fille et la belle-fille contre sa belle-mère »[9]. Le baptême dont Jésus parle ici est la croix, ce moment de rejet absolu de Dieu, cette épreuve terrible qu’il va traverser. Et il évoque ensuite les divisions que vont subir ceux qui le suivent, les incompréhensions et le rejet. Les appartenances humaines, même familiales, se dressent parfois comme des obstacles à la liberté. Mais le matin de Pâques ouvre la croix sur la vie, et une nouvelle famille va naître, famille spirituelle que nous nommons « Eglise ».

 

3. L’Eglise, une grande famille

L’Eglise, rassemblement des frères et sœurs en Christ, est une famille spirituelle qui va s’élargir. Corneille, le premier non-Juif à devenir chrétien, se fera baptiser avec toute sa famille[10]. Lui, qui n’est pas descendant d’Abraham, ni par le sang ni par la religion, sera pleinement incorporé dans la famille chrétienne. Cela n’ira pas de soi, ce sera un grand débat au sein de la première Eglise ; l’apôtre Paul se battra pour que l’on puisse devenir chrétien quelle que soit son origine religieuse, ethnique ou sociale. Ainsi écrira-t-il aux Ephésiens : « Vous les non-Juifs, vous n'êtes plus des étrangers, des gens venus d'ailleurs ; mais vous êtes maintenant concitoyens des membres du peuple de Dieu, vous appartenez à la famille de Dieu. Vous êtes intégrés dans la construction dont les fondations sont les apôtres et les prophètes, et la pierre d'angle Jésus-Christ lui-même. C'est lui qui assure la solidité de toute la construction et la fait s'élever pour former un temple saint consacré au Seigneur. Dans l'union avec lui, vous faites partie vous aussi de la construction pour devenir avec tous les autres la maison que Dieu habite par son Esprit »[11].

L’Eglise est ainsi une grande famille, qui n’est pas fondée sur les liens du sang mais en Jésus-Christ. En Christ, nous sommes membres de la même famille ! Est-ce que nous réalisons vraiment ce que cela veut dire ? Est-ce que nous vivons vraiment cela ? Certes, comme toute famille, l’Eglise traverse des tensions, elle connaît des rivalités et des conflits, des guerres même, car elle est composée d’êtres humains. Mais comme famille spirituelle, elle est appelée à être, déjà, ce lieu où sont possibles des relations saines, faites d’amour-agapè, c’est-à-dire des relations de respect et de solidarité, d’entraide et d’accueil, de support mutuel.

L’Eglise est une grande famille, qui déborde nos familles humaines. L’Eglise est ainsi universelle, en son sein nous sommes frères et sœurs de ceux que nos aimons mais aussi de ceux qui sont de passage, de ceux qui vivent ailleurs, sur toute la terre, dans la diversité des manières de célébrer le culte. Où que nous allions sur cette terre dans une Eglise chrétienne, ce sont des frères et sœurs en Christ que nous y retrouvons. Ainsi, Malo baptisé ce matin dans ce temple ne devient pas membre de l’Eglise protestante unie de France, mais de l’Eglise de Jésus-Christ.

Si nous ne vivons pas cela, si nous ne faisons pas de place à l’accueil de l’autre, à la fraternité avec le chrétien d’ailleurs, alors c’est que nous ne vivons pas encore cette fraternité spirituelle et que, comme les disciples descendants d’Abraham au temps de Jésus, nous sommes enfermés dans des identités humaines qui nous rendent sourds à l’appel du Christ. C’est une mise en garde pour notre petit protestantisme huguenot où nos ancêtres sont mis en avant, où les liens familiaux peuvent nous enfermer dans un cercle privé qui peine à faire pleinement place à ceux qui ont d’autres origines.

Si nous pouvons, malgré nos atavismes humains, être membres de la grande famille Eglise, ce n’est pas par hérédité, ce n’est parce que nous sommes compétents pour cela ou dignes de l’être. C’est parce que Dieu nous entraîne à vivre ainsi, par sa grâce inconditionnelle et prévenante – cela est particulièrement signifié pat le baptême d’un petit enfant. L’Eglise n’est pas une grande famille par la qualité de ses membres, mais parce qu’elle est la famille de Dieu.

 

4. La famille de Dieu

Oui, nous sommes la famille de Dieu ! Par Jésus, le Fils de Dieu et notre frère en humanité, nous devenons nous aussi fils et filles de Dieu. Paul l’a écrit dans sa lettre aux Galates : « Dieu a envoyé son Fils : il est né d'une femme et il a été soumis à la loi juive, afin de délivrer ceux qui étaient soumis à la loi, et de nous permettre ainsi de devenir enfants de Dieu. Pour prouver que vous êtes bien ses enfants, Dieu a envoyé dans nos cœurs l'Esprit de son Fils, l'Esprit qui crie : « Abba, ô mon Père ! » Ainsi, tu n'es plus esclave, mais enfant ; et puisque tu es son enfant, Dieu te donnera l'héritage qu'il réserve à ses enfants »[12].

Dieu est notre père et nous sommes ses enfants ! Quelle parole, quelle bonne nouvelle ! Nous sommes enfants de Dieu, dans l’Esprit saint. Avons-nous conscience de ce que cela signifie ? Un lien de confiance, de proximité, de transmission, de plénitude, qu’évoque le petit mot « Abba », « papa » en araméen, la langue quotidienne au temps de Jésus. C’est là le cœur de la foi chrétienne : en Jésus, le Fils, notre frère, nous sommes enfants de Dieu, et nous pouvons le vivre en toute confiance, comme un socle, un fondement.

Le baptême, avant d’être insertion dans l’Eglise, est signe de cette grâce de Dieu, de son amour prévenant et inconditionnel, donné par pure grâce à celui qui le reçoit, le faisant ainsi fils ou fille adoptif. Non plus des étrangers loin de Dieu, ou des esclaves privés de liberté, mais des enfants, les enfants de Dieu le Père ! Et alors, enfants de Dieu, enfants du même Père, nous sommes frères et sœurs les uns des autres. Non pas de manière naturelle mais de manière spirituelle. Non pas par nos qualités, mais par la grâce de Dieu en nous.

Ainsi, nous pouvons dépasser les querelles, les rivalités, les conflits, nous laisser porter par la grâce de Dieu, notre Père. Cela, nous le vivons déjà en Eglise, nous rassemblant régulièrement pour des fêtes de famille – le culte dans lequel nous entretenons ensemble notre relation au Père et notre fraternité –, dans des repas de famille – celui de la cène comme ceux d’après culte qui la prolongent –, dans des occasions d’accueil de nouveaux membres de la famille par le baptême, dans l’ouverture de nos paroles et de nos gestes à nos frères et sœurs humains.

Et cela peut rejaillir jusque dans nos vies de familles humaines ! Car famille humaine et famille spirituelle ne s’opposent pas ! Il arrive qu’elles s’articulent harmonieusement. Le Nouveau Testament nous rapporte de nombreux exemples où fratrie et fraternité s’articulent. Il y a des frères parmi les disciples de Jésus : Simon et André, Jacques et Jean. Marthe, Marie et Lazare, sœurs et frères, sont des amis de Jésus que l’on retrouve dans plusieurs passages. La mère de Jésus et ses frères seront parmi les personnes importantes de la première communauté chrétienne à Jérusalem. Nourris en Eglise par les liens d’une fraternité spirituelle, ancrés en Jésus-Christ, traversés par l’Esprit saint, nos vies renouvelées peuvent vivre autrement les liens humains avec les nôtres et entre nous, tous pécheurs et pardonnés, aimés en Christ, appelés à se vivre ensemble enfants du Père, membres de la famille de Dieu, frères et sœurs… cela est bonne nouvelle !

Amen.

 

[1] Jean 8, 31 et suivants.

[2] Matthieu 1, 1-17 et Luc 3, 23-38.

[3] Matthieu 13, 55 et Marc 6, 3.

[4] Marc 3, 31-35, Matthieu 12, 46-50 et Luc 8, 19-21.

[5] Genèse 12, 1.

[6] Luc 2, 41-52.

[7] Matthieu 3, 17, Marc 3, 11 et Luc 3, 22.

[8] Jean 8, 32.

[9] Luc 12, 49-53.

[10] Actes 10.

[11] Ephésiens 2, 19-22.

[12] Galates 4, 4-7.