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Dieu renonce au mal

Vidéo du culte du dimanche 21 août 2022 et texte de la prédication du pasteur Christian Baccuet sur Jonas 3.

Dieu renonce au mal

 

Cultes du 21 août 2022.

Vidéo du culte du matin au temple de Pentemont : cliquez ici.

Texte de la prédication du pasteur Christian Baccuet : lire ci-dessous.

 

 

 

Lectures bibliques :       

Jonas 3

Matthieu 12, 38-41

 

Pentemont-Luxembourg, 21 août 2022. Prédication du pasteur Christian Baccuet.

 

 

 

Dieu peut-il changer d’avis ?

Redoutable question théologique ! Question qui n’est pas théorique car elle a des implications directes sur notre foi, sur notre vie.

Traditionnellement, on dit que Dieu est immuable. Certains versets bibliques l’affirment. Ainsi, « Dieu n'est pas un homme pour mentir, il n'est pas un être humain pour changer d'opinion. Il n'affirme jamais rien sans tenir parole, ce qu'il promet, il le réalise » (Nombres 23, 19) ; « Moi, le Seigneur, je ne change pas » (Malachie 3, 6) ; « Dieu ne change pas, il ne produit pas d'ombre par des variations de position » (Jacques 1, 17).

Mais d’autres textes nous le montrent changeant d’avis… Ainsi, au temps de Noé : « Le Seigneur vit que les hommes étaient de plus en plus malfaisants dans le monde, et que les penchants de leur cœur les portaient de façon constante et radicale vers le mal. Il en fut attristé et regretta d'avoir fait des hommes sur la terre » (Genèse 6, 5-6). Ou pendant le règne du premier roi, Saül : « Je me repens d’avoir établi Saül pour roi, car il se détourne de moi et il n’observe point mes paroles » (1 Samuel 15, 11). Ou encore au temps de l’exode, au moment du triste épisode du veau d’or, quand le peuple s’est détourné de lui et que Moïse plaide pour son peuple : « Alors le Seigneur revint sur sa décision et n’accomplit pas le mal dont il avait menacé son peuple » (Exode 32, 14).

Cette dernière phrase est la même que celle que nous avons entendue tout à l’heure à la fin du chapitre 3 du livre de Jonas : « Il revint alors sur sa décision et n'accomplit pas le mal dont il les avait menacés » (Jonas 3, 10). « Il revint sur sa décision ». C’est en hébreu le verbe נָחַם (nacham), qui signifie « renoncer », « se repentir », « changer d’avis », « regretter »[i].

Alors, Dieu peut-il changer d’avis ou non ?

 

1. Les Ninivites se repentent

Le chapitre 3 de Jonas nous invite à cheminer dans cette question. Il commence presque comme le chapitre 1. Dieu s’adresse à Jonas pour l’envoyer à Ninive. Ce n’est pas un retour en arrière, c’est un pas en avant. C’est une deuxième fois. Entre la première et la deuxième, il y a eu la fuite de Jonas, l’Esprit de Dieu qui l’a rattrapé, les marins qui se sont convertis au Seigneur. La grâce de Dieu a recueilli Jonas au fond de sa détresse, dans le ventre d’un poisson, image de la mort ; Jonas a loué le Seigneur, et le poisson a recraché Jonas sur la terre ferme, comme ressuscité après trois jours au fond des entrailles.

Au début du chapitre 3, Dieu s’adresse à Jonas une deuxième fois pour l’envoyer à Ninive afin d’y prononcer son message. Et cette fois, Jonas y va. Environ 1 200 km à pied.

Ninive est une ville qui se trouve au nord-est d’Israël, sur le Tigre, près de l’actuelle ville de Mossoul en Irak.
Au temps de la vie de Jonas, au 8ème siècle, Ninive est la capitale de l’empire assyrien. Les Assyriens sont la puissance dominante, qui va bientôt s’emparer du royaume d’Israël et le détruire. Ninive est, pour les Hébreux, la ville de la violence et du mal. Ninive, au 5ème siècle, quand le livre de Jonas est écrit, n’existe plus – elle a été détruite par les Mèdes en 612. Mais son nom reste impressionnant pour le lecteur, symbole de l’ennemi irréductible. Ninive était une ville immense, toute puissante. Ses murailles mesuraient 12 km, elles étaient par endroit épaisses de 45 m. Elle était, dans l’antiquité, une grande ville – même s’il ne fallait pas trois jours pour la traverser, exagération du conte biblique ! A moins que ces trois jours aient une autre signification, comme les trois jours et trois nuits de Jonas dans le ventre du poisson ?

Jonas commence à parcourir cette ville avec le message de Dieu : « Dans quarante jours, Ninive sera détruite ». Message radical, sans appel. Devant un tel message, on imagine deux réactions possibles. Celle de ceux qui n’y croient pas, qui se moquent de cet Hébreu incongru ici et pour qui ces paroles n’ont pas de sens. Et celle de ceux qui l’entendent et y croient, mais devant une telle radicalité, que faire d’autre que de se lancer à corps perdu dans la jouissance extrême, mangeons et buvons car demain nous mourrons ? Mais Jonas n’a pas le temps de parcourir toute cette ville pour y faire entendre le message de Dieu. Dès le premier jour, les Ninivites, roi en tête, prennent au sérieux cette menace et font tout ce qu’ils peuvent pour éloigner cette issue fatale : jeûner et mettre des vêtements de deuil (êtres humains comme animaux !), s’asseoir sur de la cendre, prier Dieu de toutes leurs forces, renoncer à leurs mauvaises actions et à la violence.
Tous les gestes classiques de repentance.

C’est une histoire de repentance qui nous est racontée ici. Pas la repentance de bons croyants, Hébreux fidèles du Seigneur comme Jonas. La repentance des abominables Ninivites. La parole de Dieu a eu des effets sur eux.

 

2. La Parole de Dieu appelle à la vie

Ils ont compris que cette parole n’est pas une condamnation mais un appel à changer. Si elle était une condamnation sans appel, il n’y aurait pas besoin des quarante jours. Ces quarante jours sont donnés comme un espace pour que ceux qui ont entendu la parole puissent réagir.
Les paroles dures dans la Bible, qui ressemblent à des condamnations ou à des malédictions, sont des paroles faites pour que celui qui les entend puisse réagir, changer de comportement, se convertir, se repentir. Même les paroles qui semblent les plus radicales, les plus définitives, ne sont pas des paroles pour enfermer mais des paroles pour ouvrir. « Je mets devant toi la vie et la mort », dit Dieu dans le livre du Deutéronome, « choisis la vie » (Deutéronome 30, 19). La parole de Dieu est une parole qui, lucidement, pointe le mal et ses effets, et qui, généreusement, ouvre un espace pour la vie. La parole de Dieu n’est pas une fatalité mais une espérance. Les Ninivites entendent que dans les paroles que porte Jonas se trouve cet appel à la repentance.

La repentance, c’est cette prière que nous avons au début de notre culte. Prière de présentation devant Dieu, humblement, authentiquement, pour reconnaître que nous sommes fragiles, limités, « enclins au mal, incapables par nos seules forces de faire le bien », comme disait Calvin. C’est une prière à la fois lucide et pleine d’espérance, confiante dans le pardon de Dieu.
 Les Ninivites sont peut-être moins confiants, c’est sans doute la peur qui les conduit : « Peut-être qu'ainsi Dieu reviendra sur sa décision, renoncera à sa grande colère et ne nous fera pas mourir » (v. 9), mais il y a chez eux quelque chose de cette mise en mouvement suscitée par la parole de Dieu.

Les Ninivites ont entendu l’avertissement et ils se sont convertis. Et nous ? Entendons-nous l’appel de Dieu à changer ? L’appel à choisir la vie, à quitter méchanceté et violence, égoïsme et puissance, pour faire place à l’espérance ? Très concrètement, je trouve que cela résonne fort aujourd’hui, en cet été de canicule et de sècheresse. Que faisons-nous quand tout nous dit que nous précipitons la terre dans un changement climatique dont les conséquences vont être dramatiques pour une grande partie de l’humanité – et pour les animaux, comme à Ninive ? Est-ce que nous n’y croyons pas et nous en moquons ? Nous bouchons-nous les oreilles pour ne pas entendre, ne rien changer, profiter au maximum avant que la mort annoncée n’arrive ? Ou entendons-nous cela comme un appel pressent à changer de comportement, radicalement comme les Ninivites car le temps presse, quarante jours c’est vite passé ?

Même les Ninivites ont changé de comportement. Il n’y a pas de fatalité, tout être humain, même le plus méchant, peut changer à l’écoute de la parole de Dieu. C’est l’enseignement de ce chapitre.

 

3. Dieu renonce au mal

Tout être humain peut changer et renoncer au mal. Et, deuxième enseignement, peut-être plus difficile à entendre mais sûrement plus fondamental : même Dieu peut se repentir, changer, renoncer au mal ! C’est ainsi que ce termine ce chapitre.

Au début du premier chapitre, Dieu disait à Jonas : « Prononce des menaces contre Ninive, car j'en ai assez de voir la méchanceté [littéralement : le mal] de ses habitants » (v. 2). Au début du chapitre 3, Jonas porte ce message avec des paroles de destruction. Et à la fin du chapitre, « Dieu vit comment les Ninivites réagissaient : il constata qu'ils renonçaient à leurs mauvaises actions [littéralement : leur chemin de mal]. Il revint alors sur sa décision et n'accomplit pas le malheur [littéralement : le mal] dont il les avait menacés » (v. 10). « Méchanceté », « mauvaises » actions, « malheur »… c’est le même terme qui signifie « mal » : רַע (ra`). Nos traductions essaient d’édulcorer la question, mais c’est bien le même terme qui désigne le mal commis par les Ninivites et ce que Dieu avait décidé de leur faire subir[ii]. Mais les Ninivites renoncent au mal, alors Dieu renonce au mal.

Comment mieux nous dire que Dieu est un Dieu qui change ? Il n’est pas immuable, immobile, statique, froid, indifférent. Il est un dieu de relation, de bonté et de colères, un dieu qui peut changer. Car toute relation implique un changement, sinon elle n’est pas vraiment relation. Dieu n’est pas immuable, mais fidèle à sa parole de grâce. Et quand il est en colère, et qu’il souhaite le mal, il peut changer d’avis. Dans ce récit, Dieu renonce au mal car les Ninivites se sont repentis. Le pardon de Dieu est la conséquence de leur comportement, le fruit de leur conversion. Dieu est un Dieu de compassion, de justice, d’amour. Un Dieu de relation. C’est ce que nous enseigne ce chapitre 3 de Jonas.

Alors, un dieu immuable ou un dieu qui peut changer d’avis ? Si je reviens sur les versets que j’ai lus en tout début de prédication, qui affirment que Dieu ne change jamais, je remarque une dimension importante : s’il ne change pas d’avis, c’est par rapport à la promesse de bénédiction pour son peuple (Nombres 23, 19). Dieu fidèle à ses promesses, à son peuple, même quand celui-ci s’égare (Malachie 3, 6). Il ne change pas son projet de « donner la vie par sa Parole, qui est la vérité » (Jacques 1, 17-18). Dieu n’est pas immuable en soi. Il est fidèle à sa promesse de vie, à son don d’amour, à son invitation à l’espérance. Il est un dieu de relation, donc en mouvement.

Cette dimension de relation prend toute sa profondeur, pour nous, en Jésus-Christ, fils de Dieu. Jésus-Christ, qui est bien plus que Jonas !

 

4. Le signe de Jonas

Dans les évangiles de Matthieu et de Luc, Jésus parle du « signe de Jonas ».

Ecoutez comment Matthieu nous rapporte ses paroles : « Les gens d'aujourd'hui, qui sont mauvais et infidèles à Dieu, réclament un signe miraculeux, mais aucun signe ne leur sera accordé si ce n'est celui du prophète Jonas. En effet, de même que Jonas a passé trois jours et trois nuits dans le ventre du grand poisson, ainsi le Fils de l'homme passera trois jours et trois nuits dans la terre. Au jour du Jugement, les habitants de Ninive se lèveront en face des gens d'aujourd'hui et les accuseront, car les Ninivites ont changé de comportement quand ils ont entendu prêcher Jonas. Et il y a ici plus que Jonas ! » (Matthieu 14, 38-41).

Double signe, en fait. Le séjour de Jonas dans le ventre du poisson, trois jours et trois nuits, écho de la croix, le séjour de Jésus dans la tombe puis sa résurrection le troisième jour. Passage de la mort à la vie, cœur de la bonne nouvelle, retournement radical des perspectives, ouverture de temps nouveaux, d’existences renouvelées. Et la conversion des Ninivites, peuple païen, qui vient questionner le comportement de ces pharisiens et maîtres de la Loi au temps de Jésus, bons croyants conscients de leur supériorité et enfermés dans leur certitude, incapables de se convertir à Dieu, incapables de changer de comportement à l’écoute des paroles de Jésus, lui qui est plus que Jonas.

Double signe, ou plutôt signe à deux dimensions. La grâce de Dieu manifestée à la croix et au matin de Pâques, l’élan vital du ressuscité, la condamnation subvertie par l’espérance. Et le changement de comportement que cela entraîne pour celui qui entend cet appel à la vie et se met en route à sa suite. La parole de Dieu appelle à la vie nouvelle, la grâce invite à la repentance. Luther disait que nous sommes « Simul justus, simul peccator, semper penitens », à la fois justifiés et pécheurs, toujours en repentance – Calvin dirait : en chemin de « sanctification ». La grâce de Dieu nous rejoint dans nos vies limitées et complexes, elle nous libère pour une vie libre, vie qui n’est pas un chemin facile car nous restons toujours dans notre finitude, dans le combat intérieur entre ce qui nous pousse vers le mal et ce qui nous épanouit dans le bien.

Il y a en Jésus-Christ bien plus que Jonas. En Jésus-Christ, nous ne choisissons plus le bien pour échapper à la colère de Dieu, comme les Ninivites. Nous choisissons le bien car la grâce de Dieu fait effet en nous. Dieu a définitivement renoncé au mal. Il a définitivement ouvert à la vie. Plus besoin, comme les Ninivites, de jeûner, nous habiller en deuil, nous asseoir dans la cendre. Plus rien à faire pour gagner le pardon de Dieu, pour faire fléchir sa colère. Simplement accepter que Dieu a renoncé au mal, et qu’il nous appelle à y renoncer aussi, à nous mettre en chemin de vie dans sa grâce. Tel est le message profond de l’Evangile.

Il y a en Jésus-Christ plus que Jonas. En Jésus-Christ, ce n’est plus un conte mais la réalité de Dieu dans l’histoire, la présence de Dieu dans notre histoire.

Fin du chapitre 3 de Jonas. A l’écoute de la parole de Dieu, les Ninivites se sont convertis et ont renoncé au mal. Dieu s’est repenti et a renoncé au mal. Happy end ? Le livre de Jonas ne s’arrête pas ici. Il reste encore une personne dans ce conte pour lequel on ne sait, à ce stade, ce qu’il pense de tout cela. C’est Jonas. C’est chacun de nous. D’un côté, on peut imaginer qu’il est heureux : il a été porte-parole de Dieu, les méchants Ninivites ont quitté la méchanceté et la violence, ils ont trouvé foi en Dieu et leur pardon. La grâce de Dieu est universelle. D’un autre côté, on peut penser que c’est difficile pour lui d’entendre que les Ninivites sont pardonnés si facilement, eux qui sont méchants et païens, que c’est trop facile que Dieu s’intéresse aussi à eux.

Que pense Jonas de tout cela ? Rendez-vous dans trois semaines pour la suite ! Et, en attendant, à chacun de nous de poursuivre cette histoire de la grâce universelle et abondante de Dieu, de son refus du mal, de sa repentance, de la relation qu’il tisse avec nous, du changement auquel nous sommes appelés, de la vie qui nous est proposée comme chemin pour sortir du mal. Que cette histoire de Jonas nous pousse à la réflexion. Et il y a ici plus que Jonas : le Christ… qu’il nous aide à renoncer au mal et à choisir la vie !

Amen.

 

 

[i] C’est ce verbe que l’on trouve dans des passages lus en début de cette prédication, qui disent que Dieu ne change pas d’avis (Nombres 23, 19 par exemple) ou qui disent qu’il change d’avis (par exemple Genèse 6, 6 ; 1 Samuel 15, 11 ; Exode 32, 14).

[ii] Jonas 1.2 : Lève -toi, va à Ninive, la grande ville, et crie contre elle ! car sa méchanceté (ra`) est montée jusqu’à moi.

Jonas 1.7 : Et ils se dirent l’un à l’autre : Venez, et tirons au sort, pour savoir qui nous attire ce malheur (ra`). Ils tirèrent au sort, et le sort tomba sur Jonas.

Jonas 1.8 : Alors ils lui dirent : Dis -nous qui nous attire ce malheur (ra`). Quelles sont tes affaires, et d’où viens-tu ? Quel est ton pays, et de quel peuple es-tu ?

Jonas 3.8 : Que les hommes et les bêtes soient couverts de sacs, qu’ils crient à Dieu avec force, et qu’ils reviennent tous de leur mauvaise (ra`) voie et des actes de violence dont leurs mains sont coupables !

Jonas 3.10 : Dieu vit qu’ils agissaient ainsi et qu’ils revenaient de leur mauvaise (ra`) voie. Alors Dieu se repentit du mal (ra`) qu’il avait résolu de leur faire, et il ne le fit pas.