Marcher sur l’eau, c’est possible ! — Église protestante unie de Pentemont-Luxembourg - Communion luthérienne et réformée

Aller au contenu. | Aller à la navigation

Outils personnels

Église protestante unie de Pentemont-Luxembourg
Menu
Navigation

Marcher sur l’eau, c’est possible !

Texte de la prédication du dimanche 9 août 2020, par le pasteur Christian Baccuet.

Vous pouvez aussi regarder la vidéo du culte sur Youtube en cliquant ici

Lecture : Matthieu 14, 22-33.

 

Nous traversons parfois des temps difficiles, que ce soit dans notre vie personnelle ou dans nos existences collectives. Et voilà le texte de l’Evangile de ce jour, qui vient nous parler à cet endroit de nos vies. C’est un de mes textes bibliques préférés !

On y voit Jésus qui marche sur l’eau, on y voit Pierre qui le rejoint en marchant, à son tour, sur l’eau… C’est typiquement le genre de récit qui rend la lecture de la Bible difficile pour beaucoup de personnes. Irréaliste, pas sérieux, bon pour les enfants (et encore…). Un récit de miracle avec ce que cela comporte d’incroyable, dans le mauvais sens du terme : d’impossible à croire. Récit en effet impossible à croire dans sa matérialité pour les esprits scientifiques et rationnels que nous sommes. Faudrait-il, pour vivre sa foi, abdiquer notre intelligence, régresser dans un monde pré-scientifique ? Et quand bien même, d’ailleurs, qu’est-ce que cela nous apporterait de croire en la matérialité de ce récit, pour nos vies qui se heurtent au mal et à la mort, qui partagent joies et tristesse, qui tracent vaille que vaille leur route sur cette terre ? Faudrait-il alors jeter ces vieux textes ?

Deux petites remarques, ici. D’abord le terme « miracle » n’apparaît pas dans ce récit ! C’est nous qui le projetons dans le texte. Ensuite, ce qui importe dans ce type de récit extraordinaire, ce n’est pas reconstituer ce qui a bien pu se passer, un jour d’il y a deux mille ans sur le lac de Galilée, c’est de trouver sens à notre vie grâce à la bonne nouvelle contenue dans le texte : ce qu’il nous dit de Dieu, de nous, ce qu’il offre à nos existences, ici et maintenant.

Je trouve que ce texte, si on dépasse son étrangeté matérielle, est d’une vérité profonde. Il est tout le contraire d’une religiosité mièvre, il est appel à une existence vécue en plénitude. C’est ce sens que je voudrais partager avec vous, un sens qui touche au cœur de la vie. Je vous propose de laisser tout simplement résonner ce que nous vivons avec le récit. Nous allons le relire, par morceaux, dans un parcours en 7 courtes étapes.

 

1. Tempête et peur

22Ensuite, Jésus obligea les disciples à monter dans le bateau et à le précéder sur l'autre rive, pendant qu'il renverrait les foules. 23Après avoir renvoyé les foules, il monta sur la montagne pour prier à l'écart ; le soir venu, il était encore là, seul. 24Le bateau était déjà à plusieurs stades (plusieurs centaines de mètres) de la terre, malmené par les vagues ; car le vent était contraire.

Ce récit est d’abord un récit de tempête et de peur. Les disciples sont dans un bateau et la mer se déchaîne. Le vent se lève et les vagues deviennent fortes. C’est la nuit, les disciples n’y voient rien. Ils sont loin du rivage et de ses repères rassurants. Ils sont seuls, Jésus n’est pas avec eux dans le bateau, et ils se sentent sans doute perdus, en manque de repère. Ils ont peur. Autant de précisions pour nous dire qu’ils sont confrontés tout à la fois à la solitude, la mort, la peur.

Comme nous, bien souvent, dans nos vies. Ballottés dans tous les sens, sans visibilité, sans la présence rassurante du Seigneur, angoissés par la mort, l’avenir, la peur, fragiles dès que le vent se lève, dès que l’épreuve s’annonce. Vers où sommes-nous entraînés, comment orienter notre vie ? Comment notre foi peut-elle nous aider ? Où est le Christ ?

 

2. Une confession de foi

25A la quatrième veille de la nuit (c’est-à-dire vers la fin de la nuit), il vint vers eux en marchant sur la mer. 26Quand les disciples le virent marcher sur la mer, ils furent troublés et dirent : C'est un fantôme ! Et, dans leur crainte, ils poussèrent des cris. 27Jésus leur dit aussitôt : Courage ! C'est moi, n'ayez pas peur !

Le Christ, le voilà, justement, dans ce récit. Il arrive en marchant sur l’eau. Phénomène impossible à croire. Les disciples eux-mêmes ont peur, ils croient que c’est un fantôme. Il est parfois difficile de discerner la présence du Christ quand il vient à nous. Il vient souvent autrement que comme nous l’attendons. Ici il marche sur l’eau. Ce récit n’est pas donné pour contraindre notre raison, mais pour donne de l’espace à nos vies. Il est une confession de foi en Jésus ressuscité.

Dans le monde de la Bible, la mer faisait peur. Elle inquiétait car la navigation était précaire et qu’un naufrage était chose courante. Elle était le lieu de tous les dangers et de la mort proche. Elle était aussi source de crainte parce qu’on n’en voyait pas le fond, alors on imaginait qu’elle était peuplée de monstres dangereux. La mer était symbole de la mort, du chaos, du mal qui peut à tout instant nous submerger.

Et voilà Jésus qui marche sur l’eau. Ni la nuit, ni les vagues, ni la tempête ne l’empêchent de rejoindre ses disciples. Les eaux de la mer ne l’engloutissent pas, les forces du mal ne le submergent pas. Il marche sur l’eau, c’est à dire qu’il ne s’enfonce pas dans le chaos, il piétine le mal, il tient sous son pied la mort. Il est plus fort que la mort, capable de marcher dessus, de l’écraser, de la dominer. Il est le ressuscité !

Au cœur de la tempête, de la nuit, de la mort, il est le vivant. Au cœur de nos épreuves, de nos fragilités, il est debout. Au cœur de nos doutes, il est le ressuscité ! Ce texte est une confession de foi en Jésus Christ ressuscité !

Cette confession de foi n’est pas une théorie, mais une présence. Jésus parle pour les apaiser : « Confiance, c’est moi, n’ayez pas peur ! ». Nos existences, bien souvent, résistent à la rencontre du ressuscité. Elles prennent peur, devant l’appel de la vie. Jusqu’à ce qu’elles comprennent que la présence du Christ vivant est signe d’une paix possible. Quand l’Evangile vient résonner au sein de nos peurs, il est cette voix calme qui nous appelle à apaiser nos cœurs.

 

3. Une mise en route

28Pierre lui répondit : Si c'est toi, ordonne-moi de venir vers toi sur les eaux. 29— Viens ! dit-il. Pierre descendit du bateau, marcha sur les eaux et vint vers Jésus.

Le Christ nous appelle à entrer avec lui dans la vie nouvelle, à prendre le risque de se mettre en route derrière lui. C’est ce que Pierre veut faire : « Seigneur, si c’est bien toi, ordonne que j’aille vers toi sur l’eau ». Pierre est saisi par l’envie de vérifier, d’aller essayer ce chemin de résurrection, de braver les éléments, les difficultés de ce monde, de se baser sur sa Parole comme on se jette à l’eau. C’est un désir risqué. Car se mettre à marcher sur l’eau n’est pas une expérience banale. C’est même le contraire. C’est une expérience tout nouvelle. Il faut franchir le pas, faire un premier pas dans l’inconnu.

Alors Jésus reprend la parole : « Viens », dit-il. Et Pierre sort de la barque et se met à marcher sur l’eau. A la rencontre du ressuscité, il se met lui aussi à dominer les forces du mal et de la mort. Il devient participant de la force de l’Evangile !

Confesser Jésus-Christ ressuscité, c’est recevoir la paix de Dieu au cœur de la tempête, aller à sa rencontre et pouvoir marcher à sa suite malgré la hauteur des vagues.

 

4. La force du Christ

30Mais en voyant que le vent était fort, il eut peur, et, comme il commençait à couler, il s'écria : Seigneur, sauve-moi ! 31Aussitôt Jésus tendit la main, le saisit et lui dit : Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? 32Ils montèrent dans le bateau, et le vent tomba.

Confesser Jésus ressuscité et marcher à sa suite, c’est une question de confiance. Il n’est pas facile de marcher sur les traces du ressuscité. Quand on regarde notre monde, on voit à l’œuvre toutes les forces du mal, la haine, la violence, l’injustice, la souffrance. Et quand on regarde au fond de nous-mêmes, on sait de combien de misères et d’épreuves sont faites nos vies. Il n’est pas facile de croire que la vie est plus forte que la mort, que l’amour est plus fort que la haine, que l’espérance est plus puissante que le désespoir.  Tant qu’il est porté par la parole de Jésus, Pierre domine sa peur. Mais voilà qu’il détourne son regard de Jésus et regarde autour de lui. Il voit la hauteur des vagues, la tempête déchaînée, il se met à avoir peur de nouveau... et il s’enfonce dans l’eau. Le voilà à nouveau submergé par l’angoisse, le voilà qui coule. Si nous regardons uniquement à nos difficultés de vivre, à l’ampleur des problèmes à résoudre, nous nous décourageons. Seul le regard fixé sur le Christ discerne sa présence au cœur de ce monde et de nos vies.

C’est pourquoi, comme Pierre, quand surgit le doute, nous devons appeler à l’aide : « Seigneur, sauve-moi ! ». La prière la plus profonde qui soit.

Pierre appelle et Jésus aussitôt lui tend la main, le saisit, le fait remonter à la surface. Si Pierre à nouveau peut marcher sur l’eau, ce n’est pas grâce à ses propres forces, mais parce que Jésus le tient par la main. C’est sur la force de Dieu qu’il peut s’appuyer pour rester à flots. C’est porté par Jésus qu’il peut être signe de résurrection.

C’est seulement dans la confiance que nous pouvons suivre Jésus. C’est ce que Jésus dit à Pierre quand il lui demande : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? ». Souvent, on entend cette parole de Jésus comme un reproche. Moi, je l’entends comme une phrase d’amour, un regard de compassion, une main tendue. Pourquoi ne m’as-tu pas fait confiance ? Je suis là, je te tiens par la main. Simplement mais solidement.

La foi, au cœur de l’épreuve, ce n’est pas être un héros, c’est se laisser tout simplement porter par sa Parole, regarder le Christ, lui donner la main. C’est vivre dans la confiance.

 

5. En Eglise

33Ceux qui étaient dans le bateau se prosternèrent devant lui et dirent : Tu es vraiment Fils de Dieu !

Au cœur de la tempête, confesser le Christ vivant, recevoir de lui la force de ne pas couler, être saisi par la grâce, c’est partager cette confiance avec d’autres.

Jésus et Pierre montent dans la barque, et voilà le vent qui tombe, la tempête qui s’éloigne. Les autres disciples se mettent à genoux devant Jésus et disent : « Vraiment, tu es Fils de Dieu ! ». C’est à dire : nous reconnaissons en toi, le ressuscité, celui qui nous parle de Dieu. Nous reconnaissons en toi qui nous invites à marcher à travers l’épreuve, celui qui est Dieu. Nous reconnaissons en toi qui nous prend par la main quand nous coulons, celui sur lequel nous pouvons baser notre vie.

Portés par l’expérience de Pierre, ils sont au bénéfice de son élan de foi, de confiance. « Tu es vraiment le Fils de Dieu ». Ils partagent la foi, ensemble. Le préfixe cum dit l’Eglise : communauté ecclésiale, confession de foi, confiance. Témoins ensemble. Notre confiance se développe en Eglise, les uns avec les autres, les uns pour les autres.

 

6. Recevoir, partager

Ce récit n’est pas isolé. Ce qui nous arrive dans notre existence, ce que nous partageons en Eglise n’est pas isolé. Il y a un avant et un après.

Le récit commence par un mot : 22Ensuite […]. Juste avant notre récit, nous est rapportée l’histoire de Jésus qui, avec quelques pains et quelques poissons, donne à manger à une foule de plusieurs milliers de personnes. Dans la confiance en sa parole, en sa présence, les personnes qui l’écoutent reçoivent chacun le nécessaire pour vivre.

Le récit se termine par ces mots : 34Ils achevèrent la traversée et arrivèrent à Gennésareth. Juste après notre récit, alors que Jésus et les disciples ont regagné la terre ferme, une foule vient les voir et nombreux sont ceux qui sont guéris. La confiance est contagieuse, elle se démultiplie en gestes de solidarité pour que la vie, sur cette terre, puisse être pleinement vécue par d’autres.

Cette confiance reçue et vécue ensemble dans le Christ et en Eglise, elle se partage. Notre foi se déploie en espérance pour les autres, ceux dont nous avons charge et responsabilité.

 

7. Le vivre

Voilà un récit qui nous parle de la mort et de la vie, de la peur et de la confiance, du don reçu et de l’espérance partagée. Du Christ crucifié et ressuscité et de la vie à laquelle il nous appelle. Reste un septième point : le vivre ! Saisir la main du Christ, laisser notre main dans la sienne, trouver en lui la confiance, une confiance contagieuse.

Que le Seigneur nous aide, nous qui avons parfois peu de foi, à ne pas douter de sa présence avec nous, en nous et par nous.

Amen.