Croire… malgré la difficulté de croire — Église protestante unie de Pentemont-Luxembourg - Communion luthérienne et réformée

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Croire… malgré la difficulté de croire

Texte de la prédication du dimanche 11 avril 20121, par le pasteur Christian Baccuet.

Lecture : Jean 20, 19-29

 

Nous sommes dans le temps de Pâques, alors je vous ai apporté… des « œufs ». Des « œufs » qui nous aident à croire, malgré la difficulté de croire.


1 – Difficile de croire

Il est difficile de croire ! Dimanche dernier, c’était le dimanche de Pâques. La fête de la vie, la rencontre avec le Ressuscité dans le jardin, le cheminement de foi de Marie de Magdala[1]. Et nous voilà, une semaine après, deux mille ans plus tard, avec de la peine à croire en la résurrection.  

Trois raisons principales nous rendent difficile le fait de croire.

a – Raison existentielle

La première, c’est une raison existentielle. On ne sent pas toujours la foi vibrer en nous. On est pris dans tant de problèmes dans ce monde : pandémie, violence, planète détruite, société où les relations se durcissent, incertitude de l’avenir… Et dans nos vies : famille, travail, précarité des liens. Où est la vie, l’espoir, la confiance ? Nous sommes envahis de peur, engourdis d’angoisse, le ventre noué… comme si nous étions verrouillés, enfermés…

C’est la situation des disciples au soir de Pâques (v. 19). En ce jour de la résurrection, ils ont reçu le témoignage direct de Marie de Magdala qui a vu Jésus vivant dans le jardin, mais ils ne font pas la fête : ils sont enfermés dans une maison, portes verrouillées, vies verrouillées par la peur des moqueries et des représailles des autorités qui ont voulu la mort de Jésus[2]. Ils ont le ventre noué. Ils ne vivent pas encore la résurrection. Ils sont bloqués existentiellement par la difficulté de vivre… Ils sont si semblables à nous.

b – Raison intellectuelle

Une autre raison pour avoir de la difficulté à croire est d’ordre intellectuel. Il est difficile de se représenter Jésus vivant. Notre rationalité bloque, notre esprit critique résiste, le doute scientifique méthodique nous joue des tours. Nous sommes coincés par notre esprit moderne, notre éducation prudente, notre logique cartésienne. Notre tête résiste… comme si un mur se dressait qui nous enferme.

C’est la situation de Thomas, absent ce soir-là (v. 25). Il peine à croire. Il veut des preuves, un signe, quelque chose de tangible. Thomas est si moderne, si protestant luthéro-réformé !  Si semblable à nous. On l’appelle d’ailleurs « Didyme », c’est-à-dire le « jumeau » : notre jumeau.

c – Notre rapport au temps

Une troisième raison est notre rapport au temps. Nous sommes dans une époque où l’on perd facilement la mémoire et où on se projette difficilement dans l’avenir, une époque au présent hypertrophié. Dans ce temps de pandémie et de confinements successifs, cela nous pèse particulièrement. Ce que nous faisions avant mars 2020 nous paraît appartenir à un temps bien lointain, et ce que nous ferons en juin de cette année… nul ne sait ! Comme si le temps s’était immobilisé, et nous avec. Difficile d’espérer, d’avancer, de nous réjouir.

C’est la situation des disciples ; enfermés le soir de Pâques dans une maison, ils le sont à nouveau huit jours après, comme s’il ne s’était rien passé entre ces deux dimanches.

Oui, pour eux comme pour nous, il est difficile de croire, de sentir la présence du ressuscité, d’accepter la résurrection. Que ce soit avec notre vie et ses soucis, avec notre tête et sa rationalité, avec notre rapport au temps qui semble bouclé sur lui-même, la foi n’est pas une évidence. Cela a toujours été ainsi. Dès le premier jour pour les premiers témoins. A plus forte raison pour nous ! C’est rassurant, en quelque sorte. Mais la difficulté à croire est-elle une fatalité ?

 

2 – La présence de Jésus

Il est difficile de croire en la résurrection, mais ce n’est pas une fatalité : c’est le message que je reçois aujourd’hui de ce texte. A huit jours d’intervalle, la scène se reproduit presque de manière identique (v. 19 et v. 26). Les disciples sont dans une pièce verrouillée, à l’abri de murs épais, dans une vie enfermée. Mais…

a – Jésus est au milieu d’eux

Jésus vient et « se tient au milieu d’eux » (v. 19 et v. 26). Cela ne veut pas dire qu’il est un magicien passe-muraille. Cela veut dire qu’il n’est pas retenu par les verrous… par nos verrous, verrou de l’angoisse existentielle, verrou du doute intellectuel, verrou du temps figé. Il franchit ces murs, ces verrous, pour être présent, au cœur de nos peurs, au cœur de nos doutes, au cœur de notre immobilité.

b – « La paix soit avec vous »

Il se tient au milieu de ses disciples et, trois fois, il leur dit un mot : « Shalom », « paix » (v. 19, v. 21, v. 26). C’est une salutation habituelle, en son temps, comme on dit « Bonjour ». Mais là, elle prend un sens véritable quand Jésus la prononce : la paix soit avec vous. Au cœur de vos peurs, de vos difficultés, de ce qui emprisonne vos vies : shalom ! C’est-à-dire bien-être, équilibre, réconciliation, pardon, force, plénitude. A ses disciples troublés, apeurés, enfermés, Jésus apporte la paix.

A leur difficulté existentielle de croire en sa résurrection, il apporte la paix existentielle. Sa présence au milieu d’eux, sa présence vivante… à lui le ressuscité ! Face à la peur… la confiance.

c – Traces de la croix

Pour qu’il n’y ait pas de malentendu, pour qu’on sache bien que c’est lui, il montre ses mains et son côté (v. 20 et 27). Ses mains avec la trace des clous, son côté avec la marque de la lance qui l’a transpercé. Lors de la deuxième rencontre, il propose même à Thomas de mettre le doigt dedans ! C’est bien le crucifié qui est présent devant eux. La résurrection n’annule pas les traces de la croix. La paix du Christ n’enlève pas la réalité de la vie. Mais la présence du crucifié ressuscité, vivant, est donnée comme une marque à celui qui doute.

A la difficulté de croire intellectuellement en la résurrection (un mort ne peut pas revenir à la vie), Jésus montre le signe de la crucifixion. Le crucifié et le ressuscité sont la même personne ! Face au doute : une confession de foi, du sens…

d – La joie, la foi

Les disciples sont ainsi rejoints dans leur peur par la paix que donne Jésus : ils sont remplis de joie (v. 20) : ils reçoivent au fond de leur existence ce sentiment de plénitude, de confiance. Leur vie est bouleversée. Ils ressentent la présence du ressuscité ! Cela ne veut pas dire que c’est facile. Huit jours après, ils sont de nouveau enfermés dans la maison. Mais ils sont habités par la rencontre avec Jésus vivant qui leur a donné la paix.

Thomas plein de doute peut constater par lui-même les marques de la croix chez le ressuscité (v. 27). Il reçoit au fond de son doute le signe qu’il lui fallait, alors éclate sa foi : « Mon Seigneur et mon Dieu » (v. 28). C’est la confession de foi la plus intense de l’Evangile. Thomas est la première personne qui confesse que Jésus est Dieu ! Non seulement « Dieu », mais « mon Dieu », dans une relation personnelle de confiance. Thomas, le disciple plein de doute, est le premier chrétien !

A la difficulté de sortir d’un présent figé, Jésus ouvre l’espace de la joie et de la foi, il ouvre une perspective de vie.

Ainsi, au milieu de leur angoisse existentielle, au cœur de leur doute intellectuel, dans leur peine à se projeter, Jésus se rend présent, Jésus apporte la paix, Jésus se révèle comme le crucifié-ressuscité, Jésus fait éclater en eux la joie et la foi. Jésus touche ses disciples là où bat leur vie. Ainsi, ce récit nous ouvre un espace. Il ne fait pas que répondre à notre difficulté existentielle, intellectuelle et temporelle : il offre une perspective spirituelle.

 

3 – Le temps de la foi

Calvin a commenté ainsi ce passage : « Jésus a été merveilleusement soigneux de pourvoir à la foi de Thomas et à la nôtre ; car il n’a point eu égard seulement à Thomas, mais aussi à nous, afin que rien ne fît défaut pour confirmer notre foi »[3]. Notre foi ! Car c’est pour nous qu’est écrit ce récit. Pour nous aider à vivre cela, nous qui traversons aussi des moments de doute existentiel, des moments de doute intellectuel, des moments de vie sans perspective, nous qui sommes enfermés dans des maisons verrouillées par la peur, prisonniers d’une rationalité desséchante, figés dans un quotidien vide de sens. Le Christ franchit les murs, est au milieu de nous et nous donne sa paix. Dans la difficulté de croire, il nous ouvre à la joie de la foi. Ce récit nous dit que nous ne sommes pas condamnés à la fatalité de ne pas arriver à croire. Nous ne sommes pas seuls. Nous avons trois aides.

C’est pourquoi je vous ai apporté trois « œufs ». Pas des œufs en chocolat, mais la lettre « E » ! Trois « E », trois mots qui commencent par « E ». Trois dimensions qui nous permettent de vivre vraiment la foi dans le Christ vivant.

a – Esprit

Le premier « E », c’est l’Esprit. Nous sommes enfermés dans nos peurs, mais Jésus est là malgré nous. Pas à cause de notre foi, mais malgré notre pauvrette foi, et même si on ne le sent pas ! C’est lui qui croit en nous. La foi en la résurrection, c’est la foi du Christ en nous, sa confiance, sa présence, sa respiration, son souffle, son esprit... Le Saint Esprit !

Dans notre texte, le soir de Pâques, il donne l’Esprit saint à ses disciples, il souffle sur eux, leur confie son souffle de vie (v. 22) ! L’Esprit saint, c’est la présence de Dieu. Et ce que l’Evangile nous dit, c’est que cette présence est un don, vrai et profond. Au-delà de nos vies compliquées, au sein de ce monde incertain, la relation vivante au Seigneur est le point d’équilibre de nos vies. Et la prière est le lieu privilégié où nous pouvons-nous ressourcer. Où notre foi se développe, dans la joie d’aimer Jésus. Prier, c’est se rendre disponible au souffle de Dieu.

b – Eglise

Un deuxième « E » : E comme Eglise. Il est difficile de comprendre avec notre rationalité, mais Jésus est là, au milieu de ses disciples. Ils ne sont pas seuls, isolés, perdus. Ils sont ensemble. En Eglise. Et ils s’entraident les uns les autres. Au cœur de ce récit, se trouve le témoignage des disciples à Thomas : « nous avons vu le Seigneur » (v. 25). Ils partagent avec Thomas ce qui les fait vivre.

C’est cela l’Eglise : la communauté, le culte, la confession de foi de l’Eglise, le témoignage des frères et sœurs, l’entraide mutuelle, le soutien. Les peurs et les doutes partagés, la foi et l’amour partagés. La méditation ensemble de l’Ecriture qui nous rend témoignage du Dieu de Jésus-Christ. Le lieu où notre amour se démultiplie. La foi des autres qui nous aide à construire la nôtre.

c – Espérance

La présence du Dieu vivant, la communauté de frères et de sœurs, voilà deux piliers essentiels à notre vie de foi. Et puis une troisième « E ».

Nous sommes dans un temps qui nous paraît figé, mais, le premier jour, Jésus dit aux disciples : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » (v. 21). Il les charge de la mission d’apôtres (ce qui signifie littéralement « envoyés »), porteur du pardon de Dieu, témoins de ce pardon qui, retenu, ne peut être vécu ; et qui, donné, ouvre à la vie (v. 23). Ce n’est pas un pouvoir, c’est une puissance. Une mission énorme : continuer l’œuvre du Christ ! Une dynamique d’espérance, de vie.

Le huitième jour, Thomas va rencontrer à son tour le Christ. Il va à son tour confesser sa foi. Et il va recevoir de Jésus une béatitude : « Heureux ceux qui, sans avoir vu, ont cru » (v. 29). « Heureux », ce n’est pas un mot statique. C’est une dynamique : debout, en avant. Redresse-toi. Va ! L’important, ce n’est pas de mesurer si on est plus ou moins dans « croire » ou « pas croire » : c’est de devenir. Être en chemin de confiance. Espérer. Ainsi se comprend le v. 27, quand Jésus dit à Thomas : « Cesse de douter, et crois ! », c’est-à-dire : « Ne reste pas un incroyant, deviens un homme de foi ! » : laisse-toi aller à la confiance !

Ce troisième « E », c’est le « E » de l’Espérance. Espérer, c’est poser des actes de résurrection autour de nous. Pardonner, accueillir, soutenir, faire du lien, poser des gestes de solidarité, regarder chaque être humain en Christ, donner un avant-goût du Royaume.

 

Esprit, Eglise, Espérance… Trois dimensions qui portent notre foi, qui nous aident à croire, qui nous aident à marcher dans la confiance. Nous qui vivons bien des difficultés, nous qui avons tant de peine à croire, nous qui ne voyons pas… heureux sommes-nous quand jaillit la foi ! C’est-à-dire quand nous vivons existentiellement la confiance, quand nous adhérons intellectuellement à la foi au crucifié-ressuscité, Seigneur et Dieu, quand nous sommes faits apôtres par l’Esprit, témoins ensemble de cette force spirituelle qu’est la vie avec le ressuscité, entrainés dans l’espérance. Heureux sommes-nous quand nous conjuguons foi, amour et espérance… C’est ainsi que nous sommes vivants, en Christ ressuscité.

Oui, heureux sommes-nous, nous qui ne voyons pas, quand dimanche après dimanche, au cœur de nos vies verrouillées, nous pouvons entendre Jésus nous dire « Que la paix soit avec vous » et que nous pouvons balbutier avec Thomas : « Mon Seigneur et mon Dieu » !

Amen.

 

[1] https://www.epupl.org/spiritualite/la-parole/predications-du-pasteur-christian-baccuet/qui-cherches-tu

[2] Attention : quand le texte de l’évangile dit qu’ils ont peur « des Juifs », cela n’est en aucun cas un début d’antisémitisme : ils sont eux-mêmes juifs. Ils ont peur des chefs juifs, des autorités du peuple.

[3] Jean Calvin, Commentaires sur le Nouveau Testament. T. 2 : Evangile selon Saint Jean, Genève, Labor et Fides, 1968, p. 538. Edition originale : 1553.

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