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Une Eglise d’occasion(s)

Prédication du dimanche 19 septembre 2021 (culte de rentrée), par les pasteurs Christian Baccuet et Andreas Lof.

Lecture : Marc 1, 14-20

 

Pentemont-Luxembourg, 19 septembre 2021. Culte de rentrée.

Prédication des pasteurs Christian Baccuet (CB) et Andreas Lof (ALo)

 

 

CB – Andreas, quelle joie de te retrouver ce matin, au début de cette nouvelle année d’Eglise !

AL – Et quelle joie de retrouver tant de visages aimés !

CB – Dis-moi, j’ai vu en regardant la feuille de culte que cette prédication s’intitulait : « Une Eglise d’occasion(s) »… Cela m’intrigue !

ALo – Oui, c’est vrai, c’est un titre étrange.

CB – Comment le comprends-tu ?

ALo – Eh bien, pour moi, je dirais : une Eglise d’occasions, c’est une Eglise qui offre des occasions de rencontre.

N'est ce pas là une spécificité de la vie d'Eglise : être une communauté qui nous offre plein d'occasions de rencontre les uns avec les autres et aussi avec Dieu. Et ces occasions de rencontre se proposent à tous les âges, des plus âgés jusqu'aux plus jeunes, les enfants de l'Ecole biblique ou du Jardin biblique. A nous tous l'Eglise propose des temps, des lieux, des groupes, occasions multiples pour se retrouver, prier, partager, réfléchir et s'engager ensemble.  Et cela nous fera du bien après une année compliquée avec la crise sanitaire et bon nombre d'activités à l'arrêt !

Espérons que ces multiples occasions de retrouvailles entre nous puissent être aussi des occasions où nous pourrons saisir la main de Dieu tendue vers chacune de nos vies et entendre d'une manière ou d’une autre qu'Il est Vivant pour nous, qu’Il nous aime et qu'Il veut mettre l'espérance de l'Evangile dans notre vie.

L'Eglise n'est-elle pas ce lieu, cette communauté, cette occasion d'entrer ensemble dans cette espérance de Dieu pour nos vies ? Cette espérance que Jésus appelle le Royaume de Dieu ? Aujourd'hui encore, il nous invite encore à entrer dans cette espérance du Royaume de Dieu et de Sa justice, comme il l'a fait avec les tout premiers disciples.

N'est-ce pas ce que nous raconte le récit de Marc que nous venons d'entendre ? Cela se passe au tout début du ministère de Jésus, juste après son baptême. Il est revenu dans sa Galilée natale et s'adresse à quelques hommes, Simon, André, Jacques et Jean, sur le bord du lac de Galilée, avec cette parole étonnante : le temps de Dieu est là, « le Royaume de Dieu est proche, croyez à la Bonne Nouvelle, tournez votre vie vers l'avenir que Dieu vous offre, comme une occasion à saisir, convertissez-vous », venez avec moi, suivez-moi !

Les quatre disciples n'ont sans doute pas tout compris de ces paroles mais ils se sont mis en route avec Jésus. Ils ont fait confiance. Confiance à sa parole, à sa personne. Confiance qu'il allait les entrainer vers un avenir nouveau, meilleur, à découvrir avec lui.

Mais qu'est-ce que Jésus veut dire par cette expression, apparemment si importante pour lui ? Quel est ce Royaume de Dieu, ce Temps de Dieu, qu'il annonce comme une bonne Nouvelle pour notre vie ?

Pour mieux comprendre, je vous propose de revenir sur ce que Marc vient de raconter juste avant dans son Evangile : le baptême de Jésus. Cela nous donnera une clé importante pour saisir le sens de ces expressions.

Avant son baptême, Jésus avait vécu comme un parfait inconnu dans un village de Galilée, comme le charpentier de Nazareth. Un jour il a répondu, comme d’autres, à l'appel d'un prophète, nommé Jean, pour se faire baptiser, pour préparer la venue du Messie. Mais au moment de son baptême, de son immersion dans le jourdain, le ciel s'ouvre au-dessus de lui, il a une vision de Dieu, il entend une parole de la part de Dieu, une parole d'amour qui le saisit au plus profond de son être : « tu es mon fils bien aimé, l'élu en qui j'ai toute ma joie ».

C'est bien cette expérience bouleversante de l'amour de Dieu, de la voix du Dieu Vivant qui lui a parlé, qui va complètement changer la vie de Jésus. Après un long temps de solitude dans le désert de Juda, il va s'adresser aux hommes pour leur faire connaître l'amour de ce Dieu Père, qui s'est révélé à lui et qui a bouleversé son existence.

Désormais Jésus sera en route pour dire aux hommes : votre identité la plus profonde est dans le regard que Dieu pose sur votre vie :  vous êtes tous filles et fils du Père, chacun unique pour lui, aimé de lui ! Soyons des frères et sœurs les uns pour les autres ! Regardez-vous les uns les autres pour ce que vous êtes sous le regard de Dieu et créez des relations nouvelles entre vous. Dieu est proche de chacune de nos vies. Croyez à son amour, à sa fidélité envers votre vie, et qu'il veut le meilleur pour vous comme un père, une mère le veut pour ses enfants.

C'est cela le « Temps nouveau de Dieu » que Jésus propose aux hommes de vivre. Si nous nous engageons avec Jésus sur ce chemin, « le Royaume devient proche », se réalise parmi nous. Le Royaume de Dieu dont Jésus parle n'est pas quelque chose dans un lointain futur, ni un espace ailleurs, ou l'éternité de Dieu, mais il se réalise parmi nous, ici et maintenant, quand l'amour de Dieu fait sa demeure, son chemin dans le cœur des hommes et crée des relations nouvelles entre les hommes.

Il y a 2000 ans quelques hommes, sur le bord du lac de Galilée, ont répondu à l'appel de Jésus et saisi l’occasion d'entrer avec lui dans ce temps nouveau de Dieu. C'est aujourd'hui dans l'Eglise que cet appel de Jésus s'adresse encore à chacun de nous et qu'il nous est offert l'occasion d'entrer avec Jésus dans cette espérance du Royaume, d'une vie nouvelle sous le regard de Dieu et les uns avec les autres. Voilà, Christian, la manière dont j’entends le titre de cette prédication, « Une Eglise d’occasion(s) ».

CB – C’est beau ce que tu viens de nous dire, Andreas ! Jésus qui passe et qui crée des occasions de rencontre, les premiers disciples qui ont été saisis par l’appel de Jésus et dont la vie en a été bouleversée, et notre Eglise qui peut être, à son tour, une occasion de rencontres. Une Eglise d’occasions.

En t’écoutant, j’entendais aussi résonner le mot « occasion » dans un autre sens. Celui d’un objet qui n’est pas neuf, qui a déjà servi, et qui, au lieu d’être jeté, est remis en circulation, pour quelqu’un d’autre.

Et je me dis que notre Eglise est aussi une Eglise d’occasion dans ce sens-là. Elle n’est pas toute neuve, nous ne l’avons pas construite nous-mêmes, nous l’avons reçue de personnes qui nous ont précédés. Elle a déjà servi ! Des générations avant nous. Dans ce temple, des cultes sont célébrés depuis 175 ans, depuis le 8 novembre 1846 ! Et l’Eglise réformée existe en France depuis le début du XVIe siècle. Et l’Eglise de Jésus-Christ depuis le premier siècle. Et la présence de Dieu de toute éternité !

Et comme tout objet d’occasion, elle a des défauts, des bosses, des éraflures. Elle est marquée par le temps, par les épreuves, par les souffrances. Nous sommes au bénéfice de cette histoire, nous sommes au bénéfice de tous les chrétiens qui nous ont précédés. C’est d’eux que nous héritons notre vie d’Eglise, grâce à eux que nous la vivons maintenant, avec eux que nous la transmettrons à ceux qui nous suivront. Notre histoire de foi, ici, s’inscrit dans la suite des générations.

Pour moi, cela ne relativise pas ce que nous vivons ; au contraire, cela lui donne poids, épaisseur, richesse. Car il y a de la richesse dans un objet d’occasion. La patine du temps, le souvenir des gestes, la transmission, cela donne du prix à un objet d’occasion. Sa fragilité est touchante, sa force est émouvante. Que notre Eglise soit d’occasion est pour moi ce qui fait que je l’aime ! Et je suis reconnaissant pour ceux qui nous l’ont transmise, et pour ceux qui continuent à la faire vivre !

En élargissant, je me dis que notre monde aussi est d’occasion. Histoire humaine douloureuse – tant de conflits, de guerres, d’injustices – et planète en danger – surconsommation et pollution sans fin, réchauffement climatique. Nous héritons d’un espace et d’un temps qui ne nous appartiennent pas, dont nous ne pouvons pas faire ce que nous voulons, dont nous avons la responsabilité devant Dieu et pour les générations futures. Cela aussi a du prix, et notre engagement dans ce monde est plus que jamais nécessaire.

Et puis nos vies personnelles aussi sont d’occasion. Nous sommes souvent trimballés par les événements, pas toujours bien protégés, nous avons pris des coups, nous avons des cicatrices, des courbatures. Nous sommes là avec nos existences. Et c’est là que le Christ nous rejoint, lui qui sait ce que c’est que d’être maltraité, rejeté, condamné, et qui par là se fait tout proche de nous et de nos misères. L’Eglise n’est pas un rassemblement de personnes parfaites, compétentes, rentables, efficaces… elle est la communauté d’hommes et de femmes qui suivent le Christ, cahin-caha, comme elles peuvent. Une fraternité de cabossés heureux d’être aimés tels qu’ils sont, et qui ont envie de partager cet amour avec ceux qui les entourent. Notre accueil les uns des autres prend sa source dans cet accueil fondamental de chacune de nos vies par Jésus-Christ.

Comme les premiers disciples de Jésus, dans le texte que nous méditons. Ce sont des pêcheurs, fils de pêcheurs, qui ont passé toute leur vie à pêcher du poisson. Des hommes sans doute abimés par le soleil et le sel, par la mer et la dureté des gestes, dans un quotidien répétitif, le même depuis des générations et pourtant chaque jour incertain. Par la pauvreté et la précarité aussi, le texte nous précise que Jacques et Jean sont en train de réparer leurs filets quand Jésus passe.

Au cœur de leur vie usée, surgit Jésus, qui les tire de leur vie d’occasion en les appelant à une vie nouvelle. L’avenir s’ouvre devant eux : ils quittent leurs barques, leurs filets, leurs pères, leurs employés, pour suivre le Christ. Ils ne les abandonnent pas, mais ils ouvrent leur vie à une dimension nouvelle. Pêcheurs de poisson, ils seront pêcheurs d’hommes désormais. Leur vie est à la fois nouvelle, à la suite du Christ, et dans la continuité de leur métier. Sauf que celui-ci, désormais, sera de partager la bonne nouvelle, d’offrir avec Jésus des occasions de rencontre avec l’Evangile à tous ceux qu’ils croiseront.

Oui, à leur suite, nous sommes une Eglise d’occasion dans un monde d’occasion, avec nos vies d’occasion. Et de notre vie d’Eglise, et de nos vies personnelles, Jésus ne fait pas du neuf sans âme, mais de l’occasion restaurée, relevée, ressuscitée… du nouveau vivant !

ALo – C’est beau ce que tu viens de nous dire, Christian ! Oui, nous sommes appelés à être une Eglise d’occasions, dans les deux sens du terme. Une Eglise qui crée des occasions de rencontre avec le Christ. Et une Eglise qui offre une place à tous ceux qui sont d’occasion. Mais comment être cette Eglise, Christian ?

CB – Bonne question, Andreas ! Je n’ai pas la réponse, mais on va la chercher ensemble, cette année. Ensemble, c’est-à-dire toute notre communauté. Nous allons proposer plusieurs temps de partage et de réflexion, au cours de cultes et de soirées, pour partager avis et idées sur notre vie d’Eglise, ici, dans les années qui viennent : que voulons-nous honorer du passé de notre paroisse ? Quel avenir souhaitons-nous construire ? Quel présent désirons-nous vivre ? Comment l’espérance chrétienne peut-elle être partagée entre nous et autour de nous ? De quel Evangile sommes-nous témoins aujourd’hui, et comment ? Nous y réfléchirons ensemble, et demanderons à Dieu de nous accompagner sur cette route. Vous avez la présentation de cette démarche dans la LPL et sur le site de la paroisse, et toutes les dates sur la feuille de nouvelle.

ALo – Et puis nous vous proposerons cette année de cheminer avec un autre témoin de Dieu qui, dans la Bible, dans une vie déjà bien abimée, a saisi l’occasion d’un nouveau départ : Abraham. Nous ferons route avec avec lui au cours de plusieurs cultes, à partir du mois de janvier.

CB – Et puis il y aura toutes les occasions imprévues, inattendues, qui surgiront et nous déplaceront, comme les disciples dans leurs barques, tout ce qui n’est pas programmé, pas attendu. Etre Eglise, c’est aussi – et surtout – être en disponibilité à l’appel de Dieu, à l’appel des autres.

ALo – Et se mettre en route.

CB – Oui, nous mettre en route à la suite du Christ, comme les disciples que Jésus appelle, Simon et son frère André, Jacques et son frère Jean… et toi, et toi, et toi, et chacun de nous.

ALo – Un appel à laisser les filets qui nous enserrent, à nous en libérer pour suivre le Christ.

CB – As-tu remarqué que quand André et Simon entendent l’appel de Jésus, Marc nous dit qu’ils le suivent « aussitôt » ? Et quand Jésus voit Jacques et Jean, Marc nous dit qu’il les appelle « aussitôt » ?

ALo – Aussitôt, sans attendre. La rencontre avec le Christ est maintenant, alors pourquoi attendre ? Amen !