Comment retrouver du souffle ? — Église protestante unie de Pentemont-Luxembourg - Communion luthérienne et réformée

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Comment retrouver du souffle ?

Prédication du Pasteur Christian Baccuet du dimanche 20 mai 2018
Lectures : Actes 2, 1-11; Galates 5, 16-26

Lectures :

  • Actes 2, 1-11
  • Galates 5, 16-26

 

Il peut nous arriver de nous retrouver essoufflés. De manquer d’air. D’être à court de souffle. De ne plus savoir comment avancer. Cela nous arrive physiquement, quand nous avons couru trop longtemps, ou monté trop vite des marches d’escalier. Cela nous arrive aussi existentiellement, quand nous nous trouvons dans une impasse, quand nous sommes découragés, à bout, que nous ne voyons pas comment faire un pas de plus. Et il est de bonnes raisons de perdre son souffle, dans un monde qui nous écrase d’actualités déprimantes, dans nos vies qui traversent des épreuves, dans notre quotidien fatigué par tout ce qui nous encombre. Il importe, dans ces moments-là, de savoir que faire pour retrouver du souffle, retrouver une perspective de vie, nous relancer dans l’espérance.

Physiquement, quand on trop forcé, retrouver son souffle est relativement simple. C’est une séquence en trois temps : quand je suis essoufflé, 1) je m’arrête, 2) je place ma respiration dans un rythme équilibré, puis 3) je repars. S’arrêter, respirer, repartir, ces trois temps sont essentiels. Mais qu’en est-il sur le plan existentiel ? Comment retrouver du souffle ?

Le mot « souffle », en grec du Nouveau Testament, se dit avec deux termes qui viennent du même verbe, le verbe πνέω (pnéo), qui veut dire « respirer », « souffler ».  Le premier nom, c’est πνοή (pnoé), qui désigne la « respiration », l’« haleine », mais aussi le « souffle de vie », ou encore le « vent ». Le deuxième, c’est πνεῦμα (pneuma), qui désigne aussi l’air de la respiration, le principe de vie qui est dans un être vivant, le vent, et qui a donné en français les mots « pneumatique » (il y a de l’air dans un pneu !) ou « pneumologie » (il y a de l’air dans un poumon !). Il peut aussi se traduire par « esprit », dans le double sens de la personnalité de quelqu’un (sa capacité à penser, décider, ressentir – comme quand on dit de quelqu’un qu’il a de l’esprit) ou d’un être spirituel, un ange ou un mauvais esprit ; c’est le terme qui désigne l’Esprit de Dieu, l’Esprit saint.

Souffle, respiration, vent, Esprit… ces mots sont de même source. Et l’on trouve les deux termes πνοή et πνεῦμα dans le récit de Pentecôte, dans le livre des Actes. Il y est question d’un fort coup de vent (πνοή, v. 2) et de la venue de l’Esprit saint (πνεῦμα, v. 4). Comment retrouver du souffle ? En relisant le récit de Pentecôte à travers cette question, je trouve une invitation à passer par trois temps.

 

1 – S’arrêter

 

Premier temps : s’arrêter. Trop souvent, nos vies sont emportées dans un tourbillon d’activités, de sollicitations, d’informations. Notre monde est en accélération constante. Il nous faut tout le temps courir et nous sommes pris dans un rythme qui nous entraîne au-delà de nos forces. Trop d’émotions est épuisant.

C’est sans doute ce que les amis de Jésus ont vécu dans les jours qui ont suivi la mort et la résurrection de Jésus. Ils sont passés par une épreuve brutale, la croix, puis par une annonce bouleversante, la résurrection ; ils ont croisé intensément la mort et la vie. Ils ont rencontré le Christ vivant puis ont été présent à son départ, lors de l’ascension ; ils ont traversé la joie de la présence et le vertige de l’absence. Ils ont vécu la trahison de Judas et le choix d’un nouvel apôtre, Matthias ; ils ont vécu une crise forte au sein de leurs amitiés. Beaucoup d’émotions et de questions. Et les voilà, le jour de la fête de Pentecôte, rassemblés dans une maison, « assis » nous dit le texte, entre eux. Pentecôte, cela veut dire, étymologiquement, « cinquantième » : c’est le cinquantième jour après la fête de la Pâque, c’est dans le judaïsme le jour où l’on célèbre le don de la Loi à Moïse, autrefois, dans le désert, sur le Mont Sinaï (Exode 19). En ce jour de fête, alors que Jérusalem déborde de pèlerins venus des tous les coins de la terre pour célébrer leur joie, les disciples, eux, sont à l’arrêt. On dit souvent qu’ils sont enfermés car ils ont peur des événements, de l’hostilité qui s’exprime contre eux… Mais rien dans le texte n’évoque cela. Il n’est question ni de peur, ni d’enfermement. Ils sont tous simplement ensemble, assis dans un même lieu, comme nous en ce moment ! Au milieu de l’agitation ambiante, ils font une pause car ils en ont bien besoin.

Je trouve ce simple fait riche en enseignement pour nous. Il est bon de s’arrêter quand tout tourbillonne. De s’asseoir, avec d’autres, pour reprendre ses esprits, pour retrouver son désir de vivre, pour remettre en perspective ce que l’on vit, l’horizon vers lequel on veut aller, le chemin que l’on veut emprunter, ce qui est fondamental, ce que l’on veut vivre.

Ici j’entends résonner la lettre aux Galates, quand Paul évoque ce qui nous plombe. A ces chrétiens de Galatie, région au nord de l’actuelle Turquie, une vingtaine d’années après le récit de Pentecôte, l’apôtre fait la liste d’éléments qui nous tirent vers le bas : l’immoralité, l’impureté, le vice, le culte des idoles, la magie, la haine, la querelle, la jalousie, la colère, la rivalité, la division… Autant d’éléments qui, dans nos vies, à la fois nous attirent et nous détruisent, et qui ne sont pas de Dieu et de son Royaume car ils tendent vers la mort. Puis l’apôtre évoque une autre liste de sentiments et de comportements : l’amour, la joie, la paix, la patience, la bienveillance, la bonté, la fidélité, la douceur et la maîtrise de soi. Autant de dimensions de la vie que nous aspirons à vivre car nous sentons bien que c’est en elles qu’une vie équilibrée et épanouie se vit. Paul ne fait pas ici un discours de morale, il lance un appel à quitter les rivages de la mort pour aborder ceux de la vie.

Pour entendre cela dans notre propre vie, il est nécessaire de prendre le temps de poser ce que l’on vit et ce que l’on aimerait vivre, de s’arrêter pour faire le point sur la route, pour choisir, à nouveau, ce qui nous fait vivre véritablement, sereinement, heureux et joyeux, avec nous-même et avec les autres. Le conflit ou la paix ? S’arrêter pour cela est nécessaire. Et, comme quand on court, autant choisir de s’arrêter régulièrement que d’être contraint à s’arrêter brutalement par l’asphyxie et l’épuisement !

Cet arrêt, dans notre quotidien, c’est chaque fois que nous prenons le temps d’une pause, que nous regardons nos vies, que nous recevons la Parole de Dieu. Chaque fois que nous sommes assis, ensemble, dans un même lieu, comme les disciples le jour de la Pentecôte à Jérusalem. Le culte est cette occasion privilégiée où nous pouvons poser ce qui nous encombre pour pouvoir reposer – et re-poser, dans le sens de poser à nouveau – nos vies et reprendre souffle. Voilà pourquoi il est important de venir régulièrement au culte. A celui du dimanche, bien sûr, mais plus largement à toute occasion de s’asseoir seul avec soi-même ou avec quelques frères et sœurs en Christ pour partager et méditer. S’arrêter pour reprendre souffle.

 

2 – Respirer

 

Le deuxième temps, quand on est essoufflé et que l’on s’est arrêté, c’est de retrouver une juste respiration, de caler son souffle dans un rythme régulier.

C’est ce qui arrive aux disciples réunis à Jérusalem le jour de la Pentecôte. Le vent souffle sur la maison et, tous, ils sont emplis du souffle de Dieu. Le jeu de résonnance entre les mots qui disent le vent et l’Esprit saint est ici donné comme pour nous dire que cette présence de Dieu ne vient pas de leurs efforts, mais se reçoit comme un cadeau. C’est du ciel (de Dieu) que vient l’Esprit, comme un vent qui vient se déposer en eux dans un souffle de vie. C’est Dieu qui se manifeste, comme autrefois il s’est manifesté sur le Sinaï à Moïse. Et comme pour appuyer cela, un autre écho de mots se fait entre les « langues » de feu qui se posent sur chacun d’eux, et les autres « langues » dans lesquelles ils se mettent à parler ; en grec comme en français, c’est le même terme (γλῶσσα – glossa) qui désigne l’organe et le langage. Le souffle de Dieu les traverse et sortent d’eux des mots nouveaux ! Cela est un don de Dieu.

C’est, en d’autres termes, ce que Paul écrit aux Galates quand il évoque les « fruits de l’Esprit ». L’amour, la joie, la paix, la patience, la bienveillance, la bonté, la fidélité, la douceur et la maîtrise de soi ne sont pas des qualités que nous avons au fond de nous-mêmes, elles ne sont pas non plus des performances à atteindre. Elles sont le fruit de l’Esprit, c’est-à-dire ce qui surgit en nous et par nous quand nous sommes dans l’Esprit saint, dans la présence de Dieu.

Et puisque c’est le même mot qui dit souffle, respiration et Esprit, cela nous dit que l’Esprit saint c’est la respiration de Dieu, son souffle. Et que cet Esprit nous est donné pour que nous respirions de la respiration de Dieu, que nous soufflions de son souffle. Retrouver du souffle, c’est caler sa respiration sur celle de Dieu ! Pour le dire autrement, pour retrouver du souffle dans notre vie, quand nous nous sommes arrêtés pour faire le point et poser nos existences, il importe de se mettre en situation de disponibilité. Etre disponible à l’Esprit saint, qui parfois surgit soudainement comme à Pentecôte, qui souvent s’exprime de manière légère et fragile, ténue, presque inaudible. On peut passer à côté si l’on ne fait pas attention… C’est pourquoi s’offrir à la disponibilité est important.

Pour être en disponibilité à la respiration de Dieu, nous est donnée la prière, ce temps de respiration spirituelle, ce temps d’échange de souffles avec Dieu, ce dialogue intime et personnel ou s’expriment nos sentiments et se reçoit la présence de Dieu. La prière, ce n’est pas d’abord un alignement de mots, c’est fondamentalement une posture relationnelle, un silence et une écoute, l’expression de quelques mots de louange ou de demande, un cœur ouvert à la parole de Dieu. Car la prière est le temps de la disponibilité à Dieu. Pour retrouver du souffle dans notre vie, il importe de s’arrêter et de prier, pour respirer au rythme de Dieu.

 

3 – Repartir

 

Puis vient un troisième temps, celui de repartir, de reprendre la route, le temps de l’existence quotidienne, qui nous fait vivre dans le monde parmi les hommes et les femmes qui nous entourent.

Quand Paul parle des fruits de l’Esprit, ce n’est pas pour faire une réflexion philosophique ou pour inciter à se retirer du monde dans une sagesse immobile. C’est pour appeler à vivre ces fruits dans notre quotidien : « L’Esprit nous a donné la vie ; laissons-le donc aussi diriger notre conduite » (v. 25).

Quand les disciples réunis le jour de Pentecôte sont saisis par le souffle de Dieu, cela ne reste pas que pour eux, entre eux. La foule présente à Jérusalem en est bouleversée (v. 6). Elle les entend parler dans différentes langues des grandes œuvres de Dieu (v. 11). Le souffle de Dieu, par les disciples, se répand au-delà de leur cercle. Là encore, le texte joue avec les résonnances. Quand l’Esprit vient sur les disciples, le bruit du fort coup de vent « vient du ciel » (v. 2), et la foule présente à Jérusalem vient de toutes les nations « qui sont sous le ciel » (v. 5). Les disciples qui étaient « assis » dans une maison (v. 2) se retrouvent « debout » pour prêcher l’Evangile (v. 14). Et, comme l’Esprit saint s’est posé sur « chacun d’eux » (v. 3) et que « tous » en furent remplis (v. 4), dans la foule « chacun » les entend dans sa langue maternelle (v. 8), c’est-à-dire dans la langue de son quotidien, dans le cœur de son existence, et « tous » sont stupéfaits et perplexes (v. 12), questionnés et bouleversés par ce qu’ils voient et entendent. Du ciel et de toute la terre, dedans et dehors, tous et chacun… Il y a comme quelque chose d’universel qui se joue ici. Quand l’Esprit saint advient, il passe par le cœur du croyant pour se répandre dans l’univers. Quand nous retrouvons du souffle, ce souffle se partage avec d’autres.

S’arrêter pour un temps de culte, se rendre disponible dans la prière, ce n’est pas se replier, s’enfermer, c’est s’ouvrir et partager. Comme quand on s’arrête et que l’on reprend une respiration régulière, c’est pour aller plus loin, de même quand on retrouve une paix spirituelle, c’est au bénéfice de ceux qui croisent notre route. Il ne s’agit pas de devenir de grands spirituels, des maîtres de sagesse, il s’agit tout simplement de se laisser porter par l’Esprit saint, comme les disciples à Pentecôte qui ne sont pas des êtres extraordinaires – ils ont tous abandonné Jésus au moment de son arrestation, et ils ne sont guère que des « Galiléens », comme le dit la foule (v. 7), ce qui est un terme méprisant car la Galilée, vue depuis Jérusalem, c’était une région éloignée, pleine de païens et d’impureté, loin des chefs du peuple, des grands prêtres et des scribes, bonne surtout pour de simples pêcheurs, bergers ou artisans illettrés… Ils ne sont que des Galiléens, mais c’est par eux que l’Evangile va se répandre. Nous ne sommes que des personnes vite essoufflées, mais c’est par nous que l’Esprit de Dieu se partage !

Retrouver du souffle, ce n’est pas égoïste, c’est au contraire trouver l’équilibre spirituel qui permet d’être bien avec soi-même, et par conséquent bien avec les autres, et leur permettre ainsi, à leur tour, de retrouver leur souffle ! C’est, au quotidien, vivre, tout simplement, l’amour, la joie, la paix, la patience, la bienveillance, la bonté, la fidélité, la douceur et la maîtrise de soi… La confiance et la sérénité de la présence de Dieu !

 

Comment retrouver du souffle ? Comme les disciples à Pentecôte, en se donnant régulièrement rendez-vous pour un temps de culte, en se mettant régulièrement en disponibilité dans la prière, en ouvrant sa vie pour que d’autres puissent aussi recevoir l’Evangile. Bien sûr, c’est comme quand on s’essouffle physiquement, que l’on s’arrête, que l’on reprend une respiration régulière et que l’on repart : ce n’est jamais définitif. Il faut souvent recommencer ! Ainsi en est-il pour notre vie spirituelle : c’est un va-et-vient incessant entre ces trois temps de l’arrêt pour faire le point, de la disponibilité à l’Esprit saint et de l’engagement avec les autres. Comme un mouvement de vie. Comme une hygiène spirituelle. Et, comme pour un sportif, la régularité c’est s’entraîner – ou plutôt être entraîné – et retrouver du souffle. Et cette régularité permet d’aller plus loin, plus longtemps. La vie spirituelle s’entretient ainsi ! Quelle que soit notre modalité de vie, que l’on vive notre existence comme un coureur de fond ou un sprinter, un adepte de la performance ou un randonneur lent, un amateur de grandes foulées ou un pratiquant des petits pas, il est essentiel de s’arrêter régulièrement pour faire le point, de caler sa respiration sur celle de Dieu, de repartir joyeusement dans le quotidien, dans un cycle heureux où les fruits de l’Esprit grandissent et se partagent.

S’arrêter, se rendre disponible à l’Esprit et porter du fruit pour les autres. Ici résonne pour moi ce proverbe hindou qui se trouve dans la règle des sœurs de Pomeyrol : « Ne cherche pas à faire le bien : sois en Dieu, et le bien tombera de ta vie comme le fruit tombe de l’arbre ». Ici résonne aussi pour moi cette bénédiction que j’aime dire à la fin du culte : « Que la paix de Dieu soit sur toi ; que la paix de Dieu soit en toi ; que la paix de Dieu soit par toi ! ».

Ainsi en est-il de notre vie spirituelle, ainsi en est-il de notre existence : que le souffle de Dieu nous soit renouvelé, en Jésus-Christ !

Amen.

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