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Marie, sujet de joie

Texte de la prédication du pasteur Christian Baccuet, dimanche 15 octobre 2023.

 

Marie, sujet de joie

 

Lecture biblique : Luc 1, versets 26 à 45

Temple du Luxembourg, 15 octobre 2023 / Prédication du pasteur Christian Baccuet

 

 

Ave Maria. Je vous salue Marie, pleine de grâce. Le Seigneur est avec vous. Vous êtes bénie entre toutes les femmes et Jésus, le fruit de vos entrailles, est béni…

Je m’arrête là ! Certains parmi vous, peut-être, sont surpris que je commence ainsi cette prédication.
Ce sont pourtant uniquement des paroles bibliques que je viens de prononcer. Il s’agit de la salutation que l’ange Gabriel fait à Marie lors de l’annonciation, quand il lui révèle qu’elle va être enceinte et mettre au monde Jésus : « Salut, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi » (v. 28). Puis des mots que prononce sa cousine Elisabeth quand Marie lui rend visite : « Tu es bénie parmi les femmes, et le fruit de ton ventre est béni » (v. 42).

Marie enceinte. Quelle place faire à celle-ci dans notre foi, elle qui est au croisement de divisions théologiques au sein du christianisme, elle sur qui se cristallisent tant de passions, d’adoration et de répulsion ?

 

1. Marie « en soi » : exagérations

On pourrait méditer Marie « en soi ». Mais l’histoire des Eglises montre à quelles exagérations on peut aboutir si on isole Marie.

Il y a bien sûr les exagérations que nous constatons dans d’autres confessions que la nôtre. La piété populaire en fait presque une déesse. Les dogmes se sont emparés de cette jeune femme pour lui donner une place particulière et unique dans la révélation divine, jusqu’à en faire une reine immaculée depuis sa conception et immortelle jusque dans son assomption. Elle serait presque une co-rédemptrice et on pourrait la prier comme on prie Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit.

Les protestants que nous sommes, attachés au Sola Scriptura, l’Ecriture seule comme norme de notre foi, sommes choqués par cela. A Dieu seul la gloire ! Mais, du coup, nous exagérons dans l’autre sens quand, à force de résister à ce que d’autres disent de Marie, on en vient à la mettre de côté, à ne plus en parler, presque à la nier. Les protestants, parfois, ont tendance à faire comme si Marie était absente dans la Bible. Et on dit souvent de nous : « ils ne croient pas en Marie ».

Alors, Marie, une divinité ou une absente ? Je crois que vouloir parler de Marie « en soi » ne peut mener qu’à exagérer dans un sens ou dans l’autre. Et que ni l’une ni l’autre de ces exagérations n’est fidèle au témoignage biblique. Tous les grands témoins bibliques, Abraham, Moïse, Josué, Déborah, David, Esther, Pierre, Marie de Magdala, Paul et tant d’autres, sont importants pour nous en ce qu’ils témoignent de Dieu et parlent à nos vies de foi. Il en est de même pour Marie, ni plus ni moins. On ne peut parler d’elle « en soi ».

On ne peut que méditer sa figure en lien avec le Christ, et en rapport avec nos vies de foi.

 

2. Marie, témoin de l’humanité de Jésus

Si Marie nous intéresse, c’est uniquement dans son lien au Christ.

Elle n’a rien de particulier en soi. On ne sait quasiment rien d’elle, si ce n’est qu’elle est fiancée à Joseph, un lointain descendant du roi David (dix siècles de distance !), qu’elle habite à Nazareth, une obscure bourgade de Galilée, qu’elle a une cousine qui s’appelle Elisabeth. Rien que de très banal et commun. Plus loin dans son évangile, Luc nous rapportera que Marie ne comprendra pas son fils de douze ans qui lui échappe, quand il préfèrera rester dans le temple de Jérusalem plutôt que de retourner en Galilée avec ses parents (Luc 2, 41-51). La relation à son fils ne sera pas plus facile quand, plus tard, alors qu’il est adulte, elle cherchera, avec ses autres enfants, à le voir et que Jésus répondra : « Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la mettent en pratique » (Luc 8, 21).

Marie a une vie banale. Si elle devient un témoin biblique important, ce n’est pas pour ses prédispositions particulières, pas par des qualités supérieures. C’est simplement, et fondamentalement, parce qu’elle est la mère de Jésus. Et si elle est la mère de Jésus, c’est parce que Dieu lui a donné cette mission.

C’est le récit dit de « l’annonciation », quand l’ange Gabriel vient lui annoncer qu’elle va être enceinte du Saint-Esprit. Dans ce récit, il ne faut pas se laisser arrêter par le merveilleux, mais accéder au sens profond. Un ange, c’est un messager de Dieu. Un enfant du Saint-Esprit, c’est une affirmation théologique : le fils qu’elle va mettre au monde est le fils de Dieu, le Christ est à la fois Dieu et humain. Voilà sa mission : mettre au monde le Christ.

D’autres avant elle et après elle ont reçu mission de Dieu. Mission de partir pour devenir l’ancêtre du peuple de Dieu (Abraham), de faire sortir le peuple hébreu de l’esclavage en Egypte (Moïse), de conduire son entrée en terre promise (Josué), de commander le peuple (Déborah), de diriger le royaume d’Israël (David), de devenir prophète porteur de la Parole de Dieu (Esaïe, Jérémie, Ezéchiel etc.), de sauver les Juifs de l’extermination (Esther), d’être témoin de la résurrection (Marie de Magdala), de devenir apôtres porteurs de l’Evangile (Pierre, Paul)…

La mission de Marie, c’est simplement de recevoir en elle le Fils de Dieu, l’Evangile, la Parole faire chair. De porter en elle Jésus pendant 9 mois, de le mettre au monde, sans doute de l’élever jusqu’à l’âge adulte… puis de le laisser aller à sa mission à lui, le plus grande, la plus essentielle, la plus fondamentale, celle du Seigneur Christ : ouvrir le règne de Dieu. Là est la seule spécificité de Marie. Etre la mère de Jésus, le Fils de Dieu. Rien de plus. Mais c’est beaucoup !

C’est beaucoup, car cela témoigne pour nous de l’humanité du Christ. Jésus-Christ est le Fils de Dieu, Emmanuel, Dieu avec nous. Mais il est aussi le Fils de Marie, enfant à Nazareth avant de fouler les chemins poussiéreux de Galilée et de Judée. Fils de Dieu et fils d’humain. En lui se rejoignent Dieu et l’humanité.
Par Marie, simple femme, il est inséré dans l’humanité, dans l’histoire d’un peuple, dans la première alliance. Par l’Esprit saint, souffle de Dieu, il est inséré en Dieu, dans la promesse du Royaume, dans la nouvelle alliance.

Oui, Marie « en soi » n’est rien qu’une femme parmi les autres, semblable à tout être humain. Et c’est parce qu’elle n’est que cela qu’elle est témoin essentiel de l’humanité du Christ. Enlever à Marie cette banalité humaine, c’est nier l’humanité du Christ. Parce qu’elle est une femme comme les autres, Jésus est un homme comme les autres. Et c’est parce que l’Esprit Saint est venu sur elle que Jésus est Fils de Dieu.

 

3. Marie, notre sœur croyante

Ce n’est que dans ce lien au Christ qu’elle est intéressante pour nos vies de foi, qu’elle parle à nos cœurs.

Elle n’est rien de particulier en soi, mais en Christ elle devient témoin de l’Evangile. C’est ce que nous rapporte la suite du récit, dans le passage souvent appelé la « visitation », quand elle va rendre visite à sa cousine Elisabeth. Elisabeth, âgée et contre toute attente elle aussi enceinte d’un fils qui s’appellera Jean, et dont le destin sera comme celui de Jésus grand et tragique, puisqu’il deviendra Jean le Baptiste, le jalon entre la première et la nouvelle alliance, celui qui désignera Jésus comme étant le Messie. Jean, dans le ventre de sa mère, bondit en entendant la voix de Marie ; Elisabeth a alors une parole de reconnaissance et de béatitude pour celle qu’elle appelle « la mère de mon Seigneur » (v. 43) : « Tu es bénie plus que toutes les femmes, béni aussi est le fruit de ton sein ! » (v. 42), « bienheureuse celle qui a cru : ce qui lui a été dit de la part du Seigneur s’accomplira ! » (v. 45).

Marie est ici figure de la croyante, non pas parce qu’elle aurait des qualités supérieures aux autres, mais parce qu’elle est pleine de la bénédiction de Dieu. Ce n’est pas Marie en soi qui est heureuse, mais Marie en tant que croyante. Pour que cela soit bien clair, Luc racontera, quelques chapitres plus loin, qu’une femme dit un jour à Jésus « Heureuse celle qui t’a porté et allaité ! » et que Jésus lui répondit : « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui l’observent ! » (Luc 11, 27-28), passage qui fait écho à celui, évoqué plus haut, dans lequel Marie et les frères de Jésus cherchent à le voir. La foi, ce n’est pas une qualité humaine, c’est la disponibilité à écouter la Parole de Dieu et à la vivre.

Marie, femme banale entre toutes, saisie par la grâce de Dieu…. Cela ne vous rappelle personne ? Cela vous fait certainement penser à quelqu’un d’autre…

A vous, à chacun et chacune de vous, à nous ! Car qui sommes-nous d’autres que des personnes « banales », qui n’ont rien de particulier « en soi »… et qui pourtant sont fruits de la grâce de Dieu, emplis de l’Esprit Saint, témoins de l’Evangile ? Comme Marie, nous avons en nous, dans la mémoire de notre peuple de chrétiens, dans la profondeur de nos entrailles, l’attente du Christ, la germination du Royaume. Nous portons en nous la bonne nouvelle. Ainsi, Marie, parce qu’elle est comme moi, parle à ma foi. Elle est le « type » de l’être humain croyant. Banal mais empli de la grâce de Dieu. Pêcheur mais pardonné. Humble mais aimé. Simple mais missionné par Dieu pour porter en lui la bonne nouvelle. Comme vous et moi. Nous qui, comme le dit Jésus, sommes sa mère et ses frères quand nous écoutons la parole de Dieu et lui obéissons, nous qui sommes heureux quand nous écoutons la parole de Dieu et l’observons !

Me voilà appelé par Jésus lui-même à être, à mon tour, comme Marie. C’est-à-dire porté par la confiance qui fait dire, tout simplement, comme elle après que l’ange lui ai dit sa mission : « Je suis la servante du Seigneur ; que tout se passe pour moi selon ta parole ». Me voilà, qu’il en soit ainsi. Prêt à traverser peut-être quelques difficultés, car il n’est pas toujours facile de croire et Marie va souvent se heurter à son fils, avant de pleurer au pied de la croix.

Me voilà invité à être sujet de joie. Comme Marie, à son arrivée devant Elisabeth, suscite un sursaut de joie chez le bébé dans le ventre de sa mère, ainsi, porteur de l’Evangile, me voici appelé à faire sursauter de joie ceux que je croise.

Me voilà appelé, comme Marie, à louer le Seigneur. Après avoir rencontré Elisabeth, elle dit une prière à Dieu, dans laquelle elle le loue pour ses merveilles et pour la joie qu’elle a dans son cœur. Une prière que la tradition nomme le « Magnificat » (Luc 1, 46-56), prière d’une croyante heureuse, prière de louange envers Dieu qui intervient dans l’histoire, prière à la manière des psaumes ; prière par laquelle la foi confiante de Marie s’inscrit dans la lignée de la spiritualité biblique qui élargit le sort personnel du croyant à celui d’un peuple dans son espérance et d’une humanité dans sa soif de justice. Marie n’est pas seule mais inscrite dans une communauté croyante et ses mots, comme ceux de tous les auteurs de prière dans l’Ecriture, peuvent porter notre prière.

Me voilà appelé, avec elle, à m’insérer dans cette histoire, dans la communauté croyante, dans l’Eglise qui attend le Seigneur, qui loue Dieu et témoigne de la joie qu’il y a à croire. Luc écrira, au début du livre des Actes, que « tous, unanimes, étaient assidus à la prière, avec quelques femmes dont Marie, la mère de Jésus, et avec les frères de Jésus » (Actes 1, 14). Luc qui a été prolixe sur Marie dans son évangile, devient très discret sur elle dans son histoire de la première communauté chrétienne. Il nous dit simplement, mais c’est essentiel, que Marie est membre de cette communauté qui va bientôt devenir l’Eglise. Elle y est avec les autres, membre parmi les autres, ensemble dans la prière.

Me voilà appelé à être, comme Marie, empli de la Parole de Dieu jusqu’à en être contagieux. Pas parce que, soudain, j’aurais un statut à part, un rôle d’intermédiaire, de médiateur… simplement parce que si l’Esprit Saint est en moi, il déborde forcément de moi.

Ainsi, par Marie, je reçois témoignage de l’humanité du Fils de Dieu. Par elle je reçois appel à suivre le chemin de la foi confiante, souriante, débordante. C’est ainsi, pour cela, et uniquement pour cela, que, comme l’ange Gabriel, je salue Marie qui est pleine de grâce ; le Seigneur est avec elle. Avec sa cousine Elisabeth, je salue Marie, bénie entre toutes les femmes à cause de Jésus, le fruit de ses entrailles, le béni.

Et je vous salue chacun ici, mes frères et mes sœurs en Christ. Vous êtes pleins de grâce ; le Seigneur est avec vous. Vous êtes bénis entre tous les humains, et Jésus, le fruit de vos entrailles, est béni.

Amen.