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Vidéo Culte de Pâques - Prédication : "Qui cherches-tu ?"

Dimanche 4 Avril 2021 Prédicateur : Christian Baccuet

Qui cherches-tu ?

Prédication culte de Pâques - EPUPL

Texte de la prédication du culte de Pâques, le dimanche 4 avril 2021, par le pasteur Christian Baccuet.

Lecture : Jean 20, 1-18

 

Qu’êtes-vous venus chercher ce matin dans ce temple ?

L’accomplissement d’un rite, le culte de Pâques qui chaque année nous met un peu de baume au cœur, parce qu’il coïncide avec le printemps ou nous rappelle notre enfance ? Ou bien l’écoute d’un discours qui, enfin, apportera des preuves de ce que les chrétiens confessent depuis 2000 ans, mais que notre rationalité a de la peine à admettre : Jésus, qui était mort et enterré, est revenu à la vie ?

Ce n’est pourtant ni un rite ni un discours qui nous attendent ce matin. Mais un simple récit, une annonce, une rencontre, un dialogue. Et c’est bien plus essentiel, car là que se trouve la vie. Notre vie.

 

1. Marie de Magdala

C’est l’histoire de Marie de Magdala (parfois appelée Marie-Madeleine) qui ce matin nous dit la résurrection.

Marie, originaire de Magdala, petite ville sur le bord du lac de Galilée, est une femme que Jésus a libérée d’une souffrance profonde[1]. Depuis, elle suivait Jésus, avec d’autres femmes, avec les disciples. Marie de Magdala était présente au pied de la croix[2]. Elle a assisté à la mise au tombeau de Jésus[3]. Elle est la première personne venue à la tombe de Jésus en ce matin du premier jour de la semaine[4].

La première, elle découvre que le tombeau est vide. Marie surprise, bousculée par ce phénomène étrange, ne sait pas qu’en penser. Elle va vite dire son désarroi à deux disciples, Simon Pierre et « l’autre disciple », sans doute Jean. Ceux-ci ne lui adressent pas la parole, ils la laissent toute seule, ils l’abandonnent dans son trouble. Et, une fois qu’ils ont constaté qu’elle disait vrai, une fois que Jean se met à croire, ils rentrent chez eux. Ils gardent cette nouvelle pour eux, ils ne reviennent même pas vers Marie de Magdala pour la réconforter. Elle reste seule.

Un peu plus tard, elle revient, toujours seule, vers cette tombe vide. Elle est complètement déboussolée. Elle pleure abondamment (le verbe est utilisé 4 fois en 5 versets[5]). Jésus est mort, c’est une souffrance terrible pour elle, et en plus son corps a été enlevé… Le rite ne peut s’accomplir, la visite régulière à une tombe qui ne contient plus le corps de son maître n’a pas de sens. Et aucun discours ne peut permettre de comprendre cela, pas même la présence des deux messagers de Dieu qui se tiennent près du tombeau.

Rien n’y fait. Marie est perdue. Elle va pourtant être la première à rencontrer le ressuscité. Jésus va se trouver debout devant elle, vivant, et il va lui parler, elle va lui répondre, ils vont dialoguer. C’est un dialogue en trois morceaux, comme trois étapes sur le chemin de sa foi. Trois étapes sur le chemin de notre propre foi en Jésus-Christ le ressuscité. Un chemin de résurrection. Ni rite ni discours, ce chemin peut être le nôtre… Notre chemin de foi.

 

2. Premier dialogue : la rencontre

Marie est dans le jardin, devant la tombe ouverte et vide, désemparée, en pleurs. On a enlevé son Seigneur et elle ne sait pas où on l’a mis… Elle le dit aux deux hommes habillés de blanc qui sont assis dans la tombe, à ces deux messagers de Dieu, mais pour elle cela n’a pas de sens. Elle les voit, elle les entend, elle leur répond, mais c’est comme si elle ne pouvait pas comprendre. La Parole de Dieu peut s’entendre mais rester incompréhensible en dehors de la rencontre avec le Seigneur.

Et voici que Marie se retourne et que Jésus est là, tout près d’elle. Elle le voit, mais elle ne le reconnaît pas. Comme dans d’autres récits de rencontre avec le Christ ressuscité (pensez aux disciples d’Emmaüs en Luc 24), les yeux ne reconnaissent pas à eux seuls celui qui est vivant. Le ressuscité ne se donne pas comme une évidence, comme une preuve objective. La foi en Christ ressuscité n’est pas une affaire facile. Cet homme, qu’elle ne reconnaît pas, ouvre la bouche et se met à lui parler[6]. Il lui pose deux questions essentielles, fondamentales.

« Femme, pourquoi pleures-tu ? ». Sa première question est une manière de s’approcher d’elle vraiment, là où elle est en ce moment de sa vie de femme : dans les pleurs, dans la détresse, dans la souffrance, dans ce qui la travaille au plus profond d’elle-même.

« Qui cherches-tu ? ». La deuxième interrogation est un appel. C’est la reprise de la toute première phrase que prononce Jésus dans l’Evangile de Jean : « Que cherchez-vous ? »[7], dit-il à deux compagnons de Jean-Baptiste, André et un autre dont nous ignorons le nom, avant de les appeler à la suivre. Ils sont les deux premiers disciples de Jésus. En cet instant, Marie de Magdala est appelée à devenir la première disciple d’après la résurrection. Elle est invitée à se mettre en chemin derrière le ressuscité.

Mais c’est encore trop tôt. Sa réponse montre qu’elle n’a pas encore compris. Elle croit que c’est le jardinier qui lui parle, alors elle l’interpelle : « Si c'est toi qui as emporté [le corps de Jésus], dis-moi où tu l'as mis, et j'irai le reprendre ! »[8]. Sa réponse est à la fois un reproche et une supplication. Elle veut récupérer ce qu’il faut pour le rite : le corps du défunt. Sans le savoir, son cri est déjà une prière, où elle dit, maladroitement et en se trompant, ce qu’elle a au fond d’elle-même : le besoin d’être rassurée.

Ce premier dialogue nous dit que le ressuscité est tout proche de nous. Il vient nous rejoindre, comme autrefois Marie de Magdala, dans nos pleurs et notre recherche éperdue de paix, au plus profond de nos vies, au cœur de notre existence de femme, d’homme. Et il entend nos cris maladroits, nos prières qui disent nos manques, nos appels, notre vie dans toute son épaisseur humaine. Parce qu’il est proche, il entend nos reproches.

La résurrection ne tient pas dans un rite, mais dans un face à face avec le Christ vivant. Nous ne le reconnaissons pas forcément encore, à cet endroit de nos vies. Mais lui est là déjà, avant que nous le sachions, tout proche, debout à nos côtés, vivant. Le début de la foi est souvent là, dans une présence qui s’adresse à nous, dans une parole qui nous rejoint dans nos pleurs et nos attentes, même si nous ne savons pas qui est vraiment celui qui nous parle, même si notre réponse est maladroite. Et la suite du dialogue va nous le faire reconnaître…

 

3. Deuxième dialogue : la reconnaissance

Jésus, une seconde fois, va ouvrir la bouche[9]. Il va dire un mot, un seul. Et Marie va lui répondre. Un seul mot aussi. Ce dialogue est le nœud du texte. C’est là que l’histoire bascule, qu’un sens nouveau surgit, que l’horizon s’éclaire. Ce n’est pas un discours, ni une démonstration, ni une série de preuves. Deux mots pour une relation vraie.

Jésus ouvre la bouche et dit un mot essentiel pour Marie. Il lui dit : « Marie ! ». Il l’appelle par son nom, par son identité profonde, par toute sa vie : le nom pour les hébreux contient toute la vie de celui qui est nommé. C’est à Marie, à elle seule, à elle au plus intime d’elle-même que Jésus s’adresse. C’est une relation toute personnelle qu’il établit avec elle. Elle n’est plus « femme », elle est « Marie ».

Alors Marie, qui le prenait pour le jardinier, en entendant sa voix qui l’appelle personnellement, se retourne. Elle se déplace, elle change de sens, elle prend une autre direction, on pourrait dire qu’elle en est toute retournée… convertie. Elle sait désormais que cet homme est Jésus, vivant. Elle lui dit un seul mot, en écho à celui qu’il disait : « Rabbouni », l’équivalent araméen du mot hébreu « Rabbi », qui veut dire « Maître » : c’est le premier mot prononcé par les premiers disciples, André et un autre dont nous parlions tout à l’heure, en réponse à la question de Jésus : « que cherchez-vous ? »[10]. « Maître ». Ce n’est pas encore une confession de foi en Jésus ressuscité. Marie ne dit pas, comme plus tard Thomas, « mon Seigneur et mon Dieu »[11]. Mais elle reconnaît dans cet homme debout devant elle, vivant, lui parlant, la nommant, son Maître, Jésus. Elle entre dans le cheminement du disciple.

Ce deuxième dialogue nous dit que le Christ ressuscité se rencontre dans une parole personnelle, qu’il nous adresse au plus profond de notre vie. Il nous connaît par notre nom. Et quand nous l’entendons nous appeler par notre nom, alors nous sommes comme retournés, mis en marche sur le chemin de la foi. La résurrection ne tient pas dans un discours, mais dans notre vie posée sur les lèvres de Jésus, dans le cœur de Dieu. La foi est d’abord celle de Dieu en nous, la relation qu’il initie, un échange de noms, une rencontre intime qui éveille en nous la conscience de sa présence vivante.

 

4. Troisième dialogue : l’envoi

Une troisième fois, Jésus prend la parole[12]. Une parole qui, à ce moment où Marie s’éveille à la foi, peut sembler dure : « Ne me retiens pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père ».  On pourrait traduire : « Ne me touche pas », ou « Cesse de t’accrocher à moi ». Marie vient à peine de le reconnaître, et déjà il faut passer à autre chose. C’est cela la foi. Un temps de rencontre, un temps de reconnaissance mutuelle, mais l’impossibilité de figer ce temps. L’impossibilité de s’accrocher au Christ, l’impossible main mise sur le ressuscité. Il n’est pas une statue que l’on peut déplacer à notre guise, un rite que l’on peut reproduire à l’infini, un discours que l’on peut maîtriser. Il est un mouvement, il est en chemin vers ce Dieu qu’il nous dit être Père.

Il nous faut, dans la foi, faire le deuil de la présence physique de Jésus, renoncer à l’évidence de son corps devant nous. La foi est une rencontre qui nourrit, ce n’est pas un temps que l’on peut arrêter. Ce n’est pas notre immobilisation béate dans le jardin, devant la tombe ouverte, dans le bonheur idyllique de sa présence. C’est une mise en route. D’ailleurs Jésus prolonge sa phrase : « Va dire à mes frères que je monte vers mon Père qui est aussi votre Père, vers mon Dieu qui est aussi votre Dieu ».  C’est un envoi en mission que Jésus donne à Marie. Elle est la première à l’avoir vu vivant, la première à l’avoir entendu lui parler au creux de sa vie, elle va être la première à transmettre la bonne nouvelle. Elle va aller vers les disciples, qu’ici, pour la première fois de l’Evangile, Jésus appelle ses frères. Elle va leur dire ce qu’elle a vu et ce qu’il lui a dit. Elle va leur dire qu’il est vivant. Elle va leur dire que son Père est notre Père, que son Dieu est notre Dieu ! Avec eux qui gardaient tout pour eux, elle va tout partager ! La foi est mouvement vers l’autre.

Dans ce troisième dialogue, Marie ne répond pas directement à Jésus. Sa réponse, elle la donne en devenant témoin, en partageant ce qu’elle vient de vivre. Elle va annoncer aux disciples qu’elle a vu le Seigneur et qu’il lui a parlé. Elle qui pleurait devant les messagers de Dieu[13], devient à son tour messagère. En grec, les messagers sont les « angelous » (anges), et Marie s’en va « angelloussa » (annonçant)[14] : j’ai vu le Seigneur, et voici ce qu’il m’a dit ! Elle est, à jamais, la première témoin du Christ ressuscité !

Marie venait pour accomplir un rite au tombeau, elle repart comme témoin. Elle n’a pas reçu de discours démontrant irréfutablement la résurrection, elle a fait l’expérience de la rencontre personnelle avec le ressuscité. A-t-elle tout compris, tout saisi ? Sans doute pas. Mais elle a été suffisamment touchée pour que par elle la bonne nouvelle se répande, et parvienne jusqu’à nous ce matin.

Avons-nous tout compris ? Certainement pas. Mais le Christ se tient devant nous, debout, vivant, avant même que nous ne le reconnaissions. Il nous rejoint dans nos vies au plus profond de leur réalité, il nous questionne, il nous appelle par notre nom, il nous invite à nous déplacer, à nous mettre debout à notre tour, à partager ce que nous avons vu et entendu. Ainsi pouvons-nous trouver écho au fond de nous de sa présence vivante. C’est cela la résurrection : le Christ vivant au cœur de notre vie. Un long chemin, paisible et chaotique, imparfait et maladroit, dans les larmes et dans la joie… Une rencontre bouleversante sur le chemin de la vie, et l’appel à annoncer aux autres que nous avons vu le Seigneur et qu’il nous a parlé.

Comme à Marie de Magdala dans le jardin au matin de Pâques, le Christ ressuscité s’adresse ce matin à chacun de nous :

« Pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ?

Christian (que chacun ici entende son propre nom) !

Ne t’accroche pas à moi qui monte vers le Père, mais va vers mes frères et sœurs et dis leur que je monte vers celui qui est mon Père et votre Père, mon Dieu et votre Dieu ! ».

 

Amen.

 

 

 

 

[1] Luc 8, 2 et Marc 16, 9.

[2] Jean 19, 25 – aussi Matthieu 27, 56 et Marc 15, 40.

[3] Matthieu 27, 61 et Marc 15, 47.

[4] Aussi en Matthieu 28, 1 ; Marc 16, 1 ; Luc 24, 10.

[5] v. 11 (2 fois), v. 13, v. 15.

[6] v. 15.

[7] Jean 1, 38.

[8] v. 15.

[9] v. 16.

[10] Jean 1, 38.

[11] Jean 20, 28.

[12] v. 17.

[13] v. 12-13.

[14] v. 18.

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