Aussitôt... tout de suite maintenant ? — Église protestante unie de Pentemont-Luxembourg - Communion luthérienne et réformée

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Aussitôt... tout de suite maintenant ?

Texte de la prédication du dimanche 21 janvier 2024, par le pasteur Christian Baccuet, prononcée à l'église Notre Dame des Champs (Semaine de prière pour l'unité des chrétiens) et au temple de la rue Madame lors du culte du soir.

 

« Aussitôt »… tout de suite maintenant ?

 

Messe de 11h à Notre-Dame-des-Champs et culte de 18h30 rue Madame, 21 janvier 2024.

Prédication du pasteur Christian Baccuet.

 

Lecture biblique : Marc 1, versets 14 à 20

 

Merci de m’accueillir aujourd’hui pour partager avec vous la Parole de Dieu. C’est un grand plaisir pour moi d’être ici, comme ce le fut l’an dernier d’accueillir le père Camille Millour au temple de la rue Madame pour la prédication au cours d’un culte. C’est une joie profonde que de pouvoir partager ensemble la bonne nouvelle, frères et sœurs unis en Christ, dans la richesse de la diversité de nos Eglises. Unis et divers comme Simon, André, Jacques et Jean, chacun unique et ensemble appelés à suivre Jésus.

A première écoute du texte de l’évangile de ce jour, j’ai deux sentiments contradictoires.

Le premier, c’est d’aimer cette belle histoire romantique. Jésus marche le long du lac de Galilée, et il voit Simon et André, puis Jacques et Jean, en train de pêcher du poisson. Il les appelle à le suivre, et aussitôt ces hommes abandonnent leurs filets et partent avec lui pour une aventure fabuleuse. Pour un peu, on imaginerait le soleil qui se lève et le chant des oiseaux.

Et puis j’ai un deuxième sentiment, si je m’imagine à la place des ces pêcheurs. Jésus passe, il me regarde et m’appelle : « Christian, viens et suis-moi ! »… et me voilà obligé, toutes affaires cessantes, d’abandonner mon travail, ma femme et mes enfants, mes repères et ceux que j’aime, pour suivre Jésus. De romantique, ce texte devient soudain nouvelle effrayante. 

Nous lisons souvent la Bible ainsi, oscillant entre des images pieuses et un poids trop lourd à porter, entre une foi naïve et le refus d’un engagement radical. Pourtant, je crois que l’Ecriture n’est ni un récit romantique ni une mauvaise nouvelle. Elle est bonne nouvelle qui touche à la réalité de nos vies. Ainsi le texte de ce jour, que je voudrais entendre avec vous comme la mise en perspective de ce que nous pouvons vivre entre chrétiens de différentes Eglises, dans notre foi commune, ensemble membres de l’unique Eglise de Jésus-Christ.

Comme autrefois Simon, André, Jacques et Jean, Jésus nous appelle aujourd’hui. Trois dimensions de cet appel résonnent aujourd’hui.

 

1. Quitter notre routine

La première, c’est l’appel à quitter notre routine.

Simon, André, Jacques et Jean sont pécheurs de poisson, comme leurs pères. Ils vivent avec des gestes reproduits quotidiennement depuis des générations : monter dans la barque, jeter le filet, réparer le filet… Ils sont attachés au lieu où ils sont nés, où ils vivent et où ils mourront.

Un jour, Jésus surgit dans leur vie et leur dit : « Venez à ma suite » ! Et les voilà soudain propulsés dans une aventure sans pareille. Ils laissent leurs filets, leur barque, leur père, leur lieu, pour devenir disciples de cet homme dont la Parole est vivante. Leur quotidien va désormais être totalement différent de celui qu’ils connaissaient. Ils vont suivre Jésus sur les routes poussiéreuses de Galilée et de Judée. Ils vont l’écouter annoncer le Royaume de Dieu, ils vont partager avec lui les signes de ce Royaume, des vies libérées, des fatalités renversées, des relations renouées. Ils vont prier avec lui, manger, rire, partager le pain et le vin. Ils vont avoir peur, pleurer devant sa mort, se réjouir de sa résurrection, recevoir l’Esprit Saint à Pentecôte, former la première Eglise… Quelle vie !

D’un quotidien routinier, leur vie bascule dans l’aventure de la foi.

Simon, André, Jacques et Jean vont quitter leur barque… et nous restons enfermés dans nos murs, dans nos maisons, dans nos problèmes, dans nos Eglises. Ils vont laisser là leur père… et nous restons figés dans notre passé, notre histoire, nos traditions, nos institutions, nos doctrines. Ils vont abandonner leurs filets… et nous restons entortillés dans nos méfiances, nos suspicions, les caricatures dans lesquelles nous préférons maintenir les autres et que nous réparons dès qu’elles risquent de s’effilocher.

Simon, André, Jacques et Jean entendent l’appel chacun dans sa vie, et ensemble. Je crois profondément que la relation entre chrétiens est essentielle pour nous aider à entendre l’appel du Christ à sortir de nos enfermements. Sortir de nos routines pour prendre la route à la suite du Christ.

 

2. Témoins de l’Evangile

Venez à ma suite, leur dit Jésus, et « je vous ferai devenir pê cheurs d’êtres humains ».

La deuxième dimension de l’appel du Christ, est un appel à aller vers d’autres que soi-même. Un appel à la mission. Sortir de nos habitudes pour être témoins de la vie. Quitter la dépendance du seul monde économique pour se mettre au service d’une réalité plus profonde : la réalité spirituelle, humaine, existentielle du Royaume. Mettre à disposition de cette dynamique de vie leur humanité, leurs capacités, leur énergie. Suivre le Christ pour porter l’Evangile au monde.

Quand Jésus appelle les disciples, il est lui-même déjà en marche, il a commencé à partager l’Evangile.Il parcourt la Galilée, au nord de la Judée. Son ministère ne débute pas à Jérusalem, au centre de la foi d’alors, mais dans une contrée semi-païenne, à la frontière des nations, dans laquelle les populations se mélangent. L’Evangile n’est pas pour le centre mais pour les frontières. Il n’est pas que pour nous chrétiens, il est destiné à toute la terre. Jésus nous appelle ainsi à sortir de nos murs pour porter l’Evangile autour de nous.

Cet Evangile que Jésus annonce ainsi, au début de notre passage : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Evangile ».

« Le règne de Dieu est tout proche ». Jésus s’est approché de nous, l’Evangile se vit pleinement dans la réalité présente, la rencontre avec le Christ est pour aujourd’hui, ici et maintenant. Ce n’est pas une affirmation théorique, c’est une réalité existentielle qui touche à notre quotidien, qui nous touche dans notre quotidien : « Convertissez-vous et croyez à l’Evangile ! ».

Pour ce monde qui ne sait pas toujours où est l’essentiel, pour tant de gens dont le quotidien est déboussolé, pour tous ceux qui ne trouvent plus sens à leur vie sous le poids de la souffrance, de la routine, de la solitude, de l’exil, nous avons à partager l’Evangile qui peut, aujourd’hui, ouvrir des cœurs et renouveler des vies.

Je crois profondément que nous avons bien des choses à faire pour partager l’Evangile, des mots et des gestes à vivre dans ce monde. Ce texte nous appelle à oser ensemble le témoignage et le service.

 

3. Une urgence

Une troisième dimension me touche dans ce récit : c’est l’urgence qui s’en dégage.

Un petit mot revient deux fois. C’est « aussitôt ». Un mot d’urgence, d’immédiateté. C’est maintenant que « les temps sont accomplis », dit Jésus. Aussitôt, il les appelle. Aussitôt, ils laissent leurs filets et le suivent.

Aussitôt. Ce mot est paradoxal aujourd’hui. Nous ne vivons plus un temps immobile comme dans l’antiquité, mais un temps qui s’est accéléré et qui souvent s’emballe. Il faut tout-tout-de-suite, décisions, résultats, bénéfice, émotion, plaisir. Et nous sommes fragilisés, fatigués, et notre monde se détruit d’être dans l’urgence permanente. Il se détruit aussi d’être dans la non prise en compte des vraies urgences, crise climatique, replis identitaires, défiance vis-à-vis de la parole. Trop de fausses urgences. Et l’impossibilité de prendre du recul, du discernement.

Comment vivons-nous le temps de la foi ? Il y a l’urgence de la réponse au Christ. Et il y a le temps long de la maturation, de l’approfondissement, du partage. Simon, André, Jacques et Jean répondent aussitôt, et ils vont vivre longtemps à la suite de Jésus puis dans les premiers temps de l’Eglise. Pas toujours facilement, parfois en rivalité, mais toujours nourris par la présence du Christ. Ils n’ont pas encore tout compris, mais déjà ils s’engagent. Ils n’attendent pas. L’appel et la réponse sont aujourd’hui, et cela s’épanouit dans toute la vie et même au-delà !

C’est ce qui résonne dans le livre de Jonas[1]. L’appel à la conversion et la force du pardon de Dieu. C’est le temps de Dieu. Maintenant.

C’est ce qui est en arrière-fond de la première Lettre de Paul aux Corinthiens[2]. Pas un appel à quitter sa femme, à ne plus éprouver d’émotions, à quitter le monde, mais un appel pressant à ne pas passer à côté de l’essentiel, l’Evangile, qui donne sens à nos amours, à nos émotions, à notre place dans le monde. C’est le temps de Dieu. Maintenant.

Il passe, ce monde tel que nous le voyons, mais la Parole de Dieu demeure. Et son appel vivant, pressant à le suivre sur les chemins de la foi, de l’espérance et de l’amour.

Je crois profondément que c’est maintenant que le Christ nous appelle à devenir ensemble ses disciples.

 

Ainsi, ce matin, l’appel de Simon, André, Jacques et Jean ne peut plus résonner comme un texte romantique ni comme un récit repoussoir. Il ne peut plus s’entendre comme s’il était pour hier ou pour demain. Il ne peut plus se lire comme s’il était loin de nous. Il est notre propre histoire. Aujourd’hui.

L’histoire des Simon, André, Jacques et Jean, de Christian, Camille – et chacun met ici son prénom – de la paroisse catholique de Notre Dame-des-Champs et de la paroisse protestante de Pentemont-Luxembourg, occupés chacun dans son coin à réparer ses filets, à entretenir sa petite vie, mais soudain rejoints par le Christ qui nous appelle par notre nom à le suivre sur les chemins de la vie pour porter ensemble son Evangile !

Qui nous appelle, chacun et ensemble : « Venez à ma suite, et je vous ferai pécheurs d’humains » !

Aussitôt, maintenant, tout de suite !

Amen.

 

[1] Jonas 3, 1-5.10. Texte du jour.

[2] 1 Co 7, 29-31. Texte du jour.

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