L'Evangile en pelures d'oignon — Église protestante unie de Pentemont-Luxembourg - Communion luthérienne et réformée

Aller au contenu. | Aller à la navigation

Outils personnels

Église protestante unie de Pentemont-Luxembourg
Menu
Navigation

L'Evangile en pelures d'oignon

Texte de la prédication du dimanche 24 septembre 2023 par le Pasteur Christian Baccuet.

 

L’Évangile en pelures d’oignon

 

Lecture biblique : Jean 1, versets 1 à 18

 

Pentemont-Luxembourg, 24 septembre 2023

Matin : confirmation d’Oscar et de Gaspard

Prédication du pasteur Christian Baccuet

 


 

 

Aujourd’hui, nous voici avec Oscar et Gaspard qui vont confirmer l’alliance de leur baptême.

Nous voici avec un texte biblique bien dense.

Et voici un oignon…

Quel lien entre les trois ?

 

1. Le prologue de Jean, condensé de l’Évangile

Commençons par le texte biblique. Il s’agit des premiers versets de l’évangile de Jean, du prologue de cet évangile. C’est l’introduction à vingt et un chapitres dans lesquels l’évangéliste témoigne de ce que Jésus a fait, a dit, a vécu. Il donne dès le début de son évangile le sens de la venue de cet homme parmi nous. Il expose le cadre de son œuvre, son but, les principes de son interprétation. Il le fait avec une sorte de poème grandiose, qui englobe tout l’univers. On y trouve Dieu et le monde, la Parole et la vie, la lumière et les ténèbres, le commencement et l’éternité, le Père et le Fils, l’incarnation et le salut, Jean-Baptiste, Moïse et Jésus-Christ. Et nos vies. Tout cela en dix-huit versets très denses, peut-être difficiles à entendre, à lire et à comprendre.

Nous avons étudié ce texte lundi dernier dans le groupe biblique du lundi. Je vous conseille de venir dans ce groupe – ou dans celui du mercredi – car il est essentiel, pour nous chrétiens, de lire la Bible, de la comprendre avec d’autres, d’en vivre. Seul c’est plus difficile, notamment quand il s’agit de textes tels que ce prologue de Jean. Le lundi soir, une fois par mois, nous cheminons à travers la Bible. Nous sommes environ 25, pleins de questions et de désir de comprendre, nos paroles humaines circulent pour mieux saisir – y être saisis – par la Parole de Dieu. Cette année nous allons lire des extraits de l’évangile de Jean. Lundi dernier, donc, nous avons plongé dans ce prologue. Et, par-delà son aspect compact, nous avons vu quelques étincelles jaillir pour nous.

Par exemple, la majestuosité de ce texte, à l’ampleur cosmique : « Au commencement était la Parole » (v. 1) ! La Bible commence par ces mots « Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre » (Genèse 1, 1). Et voici que l’Evangile commence presque pareil, mais comme en remontant en amont, avant le geste créateur de Dieu. Au commencement était la Parole. Commencement chronologique, mais on pourrait dire aussi au principe de toutes choses, en tout premier lieu, en fondement, la Parole. La Parole inaugure une nouvelle création, un temps nouveau, un processus de vie qui se développe, une alliance nouvelle. Tout l’évangile de Jean dira la nouveauté de cette Parole qui crée une vie nouvelle, depuis le premier signe – l’eau changée en vin – jusqu’au dernier – le filet plein de poissons –, signes de la vie nouvelle offerte à tous.

Cette Parole qui « était avec Dieu, qui était Dieu » (v. 1), Jean nous dit dès ce prologue ce qu’il développera ensuite au fil des pages de son évangile : il s’agit du Fils de Dieu ; « la Parole est devenue un homme et il a habité parmi nous » (v. 14). L’immensité de l’univers et du temps rejoint un homme concret, qui a parcouru les routes de Galilée et de Judée au 1er siècle de notre ère. Ce Dieu aux dimensions de l’univers vient rejoindre les êtres humains dans leur vie concrète, quotidienne, humble. Jean l’évangéliste rapportera l’histoire des premiers êtres humains touchés par la Parole : les premiers disciples, Nicodème dans la nuit, les invités aux noces de Cana, la samaritaine au bord du puits, le fils malade d’un officier, un homme paralysé, une foule affamée, la femme adultère, Marthe et Marie et leur frère Lazare, Marie de Magdala au matin de Pâques, Thomas le disciple plein de doute…

Par ces rencontres, ce Jésus, incarnation de la Parole de Dieu, parce qu’il est homme et fils de Dieu, fait connaître Dieu comme un Père. La dimension relationnelle est très présente dans ce poème : relation du Père et du Fils, relation de Dieu et des êtres humains, puissance de la Parole, Parole qui est acte fondamentalement relationnel puisqu’elle est communication entre deux personnes. L’évangéliste rapportera, dans les pages de son évangile, de nombreuses paroles de Jésus, des discours, des réflexions, des dialogues, des polémiques, des invitations à se mettre en chemin, dès les versets qui suivent. Avec Jésus, la parole se libère, se partage, se propage. La Parole devenue un homme se démultiplie joyeusement ! Nous l’expérimentons dans les groupes bibliques du lundi et du mercredi !

Cette explosion de parole est bonne et belle, elle est lumière. Le thème de la lumière est très présent dans ce poème, et la vie qui va avec. Elle sera très présente dans l’évangile. Certes, il y a des ténèbres aussi dans le monde et dans nos vies, mais « l’obscurité n’a pas arrêté la lumière ! » (v. 5). Littéralement, en grec, elle n’a pas pu la « saisir » (katalambano – καταλαμβάνω), avec la double résonnance de ce verbe « saisir » : les ténèbres n’ont pas compris la lumière, et ils n’ont pas pu mettre la main dessus. Il y a une tension fondamentale entre lumière et ténèbres, et la lumière est plus forte ! Jean, dans son évangile, rapportera le conflit entre la lumière et les ténèbres, les forces de vie et les forces de mort, la suivance du Christ et l’hostilité que cela déclenche, les oppositions et les trahisons, jusqu’à la croix, victoire apparente des ténèbres, mais « l’obscurité n’a pas arrêté la lumière », annonce déjà du matin de Pâques !

La Parole, l’incarnation, la relation, la lumière, la vie, tout cela, si nous pouvons le connaître, c’est grâce au témoignage de ceux qui nous l’offrent. Jean l’évangéliste nous dit que Jean – le Baptiste, pas l’évangéliste – est venu rendre témoignage à la lumière. Jean Baptiste est le premier témoin d’une longue chaîne de transmetteurs de la Parole, de la lumière, de la vie. Le verset 19 commence ainsi : « Voici le témoignage de Jean (baptiste) ». Il est venu rendre témoignage pour que nous puissions croire, mettre notre confiance en elle, en vivre, il est venu annoncer Jésus-Christ, le don de la vérité, venu dans l’espérance du peuple qui vit de la loi de Moïse, pour donner au monde de connaître Dieu. « Au monde ». En grec, il s’agit du terme kosmos (κόσμος), qui dit une dimension bien plus large que la seule humanité : l’univers tout entier ! « Connaître », « croire ». Ce thème est très important dans l’évangile de Jean. Le verbe « croire » (pisteuo - πιστεύω) y figure quatre-vingt-six fois, il résonne en termes de confiance, il se déploie dans le fait de venir à la lumière, de devenir enfants de Dieu.

Devenir enfants de Dieu. Ici je passe à l’oignon !

 

2. Des pelures d’oignon révélant un tendre cœur

Un oignon est constitué de couches de peau que l’on peut enlever les unes après les autres pour se rapprocher du cœur. Ainsi en est-il de ce prologue de Jean. Sa construction est intéressante ; elle suit une figure de style très répandue dans l’antiquité et présente dans de nombreux textes bibliques. Une structure en « chiasme ». « Chiasme », cela vient de la lettre grecque Khi (Χ), qui s’écrit comme un X : une forme de croix, avec deux branches qui se croisent au centre. La forme littéraire chiasme consiste à écrire un texte avec des parties qui font écho l’une à l’autre. La première avec la dernière, la deuxième avec l’avant-dernière, etc., jusqu’à faire apparaître un centre. Des enveloppes successives, comme un oignon, ou comme des poupées russes. Regardez sur vos feuilles de culte. Le texte du prologue y a été disposé en forme de chiasme.

La première et la dernière parties évoquent Dieu, éternel unique, avec la précision dans la dernière partie qu’il est Père (v. 1-2 et 18).

La deuxième enveloppe, la deuxième et l’avant-dernière parties, évoque la création, la vie donnée par la Parole ; l’avant-dernière précise que ce don de Dieu a été exprimé dans la loi de Moïse et que le don de la vérité est venu en Jésus-Christ (v 3-5 et 16-17).

L’enveloppe suivante, troisième partie après le début et la troisième avant la fin, évoquent le témoignage de Jean-Baptiste (v. 6-8 et 15).

La couche suivante évoque la Parole venue dans le monde, ni reconnue ni accueillie par le monde dans la quatrième partie, et vue dans sa gloire dans la quatrième partie avant la fin (v. 9-11 et 14).

Quatre enveloppes successives, qui entourent un cœur, le cœur du message, les versets 12 et 13 : ce Dieu, sa Parole, celui dont Jean le baptiste témoigne, cette gloire du Fils venue habiter parmi nous, tout cela a un but : que nous devenions enfants de Dieu.

Devenir enfants de Dieu ! C’est le projet de l’Evangile, c’est le sens de la venue du Christ, c’est le désir de Dieu. Devenir enfants de Dieu, c’est être dans une relation de lien fort, de confiance, de présence qui fait grandir. C’est cela la foi. Recevoir le témoignage de la grâce de Dieu, l’accueillir dans la confiance, en vivre. Jean est clair, ce n’est pas par notre naissance naturelle, par notre nature humaine, que nous sommes enfants de Dieu. Ce n’est pas par une volonté humaine, par nos capacités ou notre mérite. C’est un don de Dieu, une nouvelle vie – une vie renouvelée –, à recevoir. La foi, c’est recevoir ce don au fond de soi, c’est en vivre.

Tout l’Evangile tourne autour de cette grâce, de cette promesse, de ce don : devenir enfants de Dieu. Tout l’enjeu de la vie chrétienne est de le vivre, jour après jour, pour soi, avec d’autres, pour ce monde. Recevoir l’appel qui résonnera dans la suite de ce premier chapitre, et qui figure au cœur de notre projet de vie d’Eglise : « viens et vois ! » (v. 39 et 46). Suivre le Christ, croire en la force de sa Parole, à la présence en lui de Dieu, à la vie nouvelle qu’il donne, à sa lumière qui guide dans l’obscurité, au don de la vérité en plénitude, à l’intimité possible avec Dieu. C’est pourquoi tout cela est « évangile », ce qui veut dire, en grec, bonne nouvelle ! Le témoignage de Jean baptiste, les témoignages recueillis par Jean l’évangéliste et disposés en forme de récit, nous sont donnés pour cela : savoir que nous sommes devenus enfants de Dieu, en vivre joyeusement et le partager autour de nous.

 

3. Oscar et Gaspard, enfants de Dieu

Ici j’en viens à Oscar et Gaspard. Vous avez été baptisés alors que vous étiez des tout petits enfants. Gaspard tu avais sept mois et Oscar tu avais un an et demi. Le jour de votre baptême, on vous a dit que vous étiez enfants de Dieu. Vous ne l’aviez pas demandé, vous étiez trop petits pour le savoir. C’est un cadeau qui vous a été donné ce jour-là, qui était là avant vous, qui précédait votre conscience ; on parle de la grâce « prévenante » de Dieu, qui vient à nous avant même que nous le sachions, méritons, vivions. Cela est un don, car en Jésus-Christ la Parole de Dieu est déjà venue habiter au milieu de nous. On parle de la grâce « inconditionnelle », car il n’y pas de conditions pour la recevoir, pas de conditions pour la garder. Nous sommes enfants de Dieu par le choix de Dieu. La foi, c’est le savoir et en vivre. La confirmation de votre baptême est un moment où vous affirmez que cela a du sens pour vous, sens peut-être balbutiant comme pour chacun.e de nous, mais chemin de vie sur lequel vous souhaitez continuer de marcher.

Vous vous savez enfants de Dieu, vous savez le poids des paroles du Christ. Et vous avez chacun choisi librement un verset biblique pour aujourd’hui, qui se trouvent tous deux être dans cet évangile de Jean ! Et qui contiennent en eux, eux aussi, la force de l’Evangile. Oscar, tu as choisi une phrase de Jésus à Nicodème : « Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle » (Jean 3, 16). Gaspard, tu as choisi une phrase de Jésus à la Samaritaine : « Quiconque boira de cette eau aura encore soif. Mais celui qui boira de l'eau que je lui donnerai n'aura plus jamais soif ; bien plus l'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d'eau vive » (Jean 4, 13-14). Vous nous direz dans quelques minutes pourquoi vous avez choisi ces versets. Mais je peux déjà vous dire que ce sont des paroles fortes qui peuvent accompagner une vie. Apprenez-les par cœur, et elles vous reviendront quand vous en aurez besoin.

Pour vous, et avec d’autres… « Enfants de Dieu » est au pluriel. L’Evangile est un trésor qui se partage avec d’autres, en Eglise, communauté de personnes qui cherchent, s’épaulent, s’entraident, se supportent – dans les deux sens du terme – les uns les autres. Par votre confirmation vous y avez désormais une place entière. Appuyez-vous sur elle, donnez-lui de votre foi et de votre énergie ! Cette Eglise vit l’Evangile en étant ressourcée sans cesse dans l’Ecriture, ce trésor par lequel la Parole de Dieu se donne à nous. Lisez-la, méditez-la, seuls, avec d’autres, avec nous ! L’Evangile est un trésor, c’est aussi un appel. L’appel à vivre dans la lumière et à en rendre témoignage dans ce monde qui en a tant besoin. Ce cosmos qui ne se réduit pas à l’être humain mais englobe toute la création de Dieu, toutes ses créatures. Vous êtes témoins de la vie au cœur de ce monde.

Jean baptiste a rendu témoignage à la lumière au moment où Jésus commençait son ministère. Jean l’évangéliste a rendu témoignage à cette Parole devenue un homme. Les mots qu’il écrit dans le prologue de son évangile éclairent tous les épisodes à venir ; ils résonnent aussi quand ils sont relus après avoir lu l’Evangile, éclairés par tous les épisodes vécus par Jésus. A partir du 3 octobre, Gérard Rouzier dira-jouera des extraits de cet évangile de Jean, chaque mardi à 12h30 dans la chapelle de la rue Madame, toutes les semaines jusqu’en juin, et trois soirs dans l’année. Si vous ne l’avez pas encore fait, venez l’écouter faire résonner cet évangile, et si l’avez déjà vu, venez le réécouter. Gérard Rouzier commence son spectacle en disant le prologue de Jean. Puis il le redit à la fin, et on le redécouvre, toujours nouveau, éclairé par les gestes, les paroles, les rencontres de Jésus, par l’écho en nous de sa présence. Ils ne sont alors plus concepts mais réalité de lumière, de vérité, de vie, de relation intime avec Dieu ! Forte expérience !

La Parole de Dieu, Oscar et Gaspard (et chacun de nous),un oignon… Un oignon, cela fait pleurer. Que l’Evangile vous fasse pleurer, pas de tristesse et d’amertume, mais de joie et de rire ! Un oignon donne du goût à un plat. Que l’Evangile vous soit délicieux à vivre ! Un oignon, cela apporte des bienfaits pour la santé. Que l’Evangile vous épanouisse !

Amen.