La croix sur le Mont Thabor — Église protestante unie de Pentemont-Luxembourg - Communion luthérienne et réformée

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La croix sur le Mont Thabor

Prédication du dimanche 5 mars 2023, par Christian Tanon

 

La croix sur le Mont Thabor, en filigrane de la transfiguration

 

 

Prédication donnée à Pentemont et Luxembourg le 5 mars 2023 par Christian Tanon

Lectures bibliques : Genèse 15, versets 5 à 18 ; Matthieu 17, versets 1 à 9 ; Philippiens 3, verset 17 à 4, verset 1

 

Prédication

 

Il y a deux Monts Thabor, que j’ai eu la chance de gravir avec Marie-Laure : celui dont parle la Bible et qui est une colline toute ronde au milieu d’une plaine, en Galilée. Et celui du département des hautes Alpes, au-dessus de la vallée de Névache, non loin de la ville de Briançon. Au sommet du premier, la Basilique de la transfiguration construite au 19 ème siècle par les Franciscains, et au sommet du second, culminant à 3178 m et battue par les vents, une petite chapelle dédiée à Notre Dame des 7 douleurs.

Revenons en Israël.

Matthieu nous rapporte un évènement qui est plein de points d’interrogations : la transfiguration du Christ sur une petite montagne en Galilée, un récit qui est comme un puzzle dont les différentes pièces ont du mal à se mettre ensemble pour nous aujourd’hui.

Nous n’avons pas besoin d’effets spéciaux

Quelque chose nous gêne dans ce récit, c’est son côté spectaculaire, que nous appelons en langage cinématographique, les effets spéciaux. Des éclairs qui jaillissent du visage, une voix qui tombe du ciel, une nuée qui enveloppe trois hommes dont deux viennent de nulle-part, et en s’évaporant, n’en laisse plus qu’un.

Comme si Dieu jouait au magicien devant nous pour nous épater.

Quel effet ce récit peut-il avoir sur nous aujourd’hui ? Avons-nous besoin d’effets spéciaux et de surnaturel pour se convaincre de la bonté de Dieu ? Nous savons hélas qu’il n’arrêtera pas avec un bras sortant des nuages, les missiles qui s’abattent sur les villes d’Ukraine.

Jésus calmant la tempête, Jésus marchant sur les eaux, ou s’élevant dans le ciel : les histoires de ce genre ne manquent pas, mais nous aident-elles à vivre ?

Mais un Jésus qui pleure parce que son ami Lazare est mort, peut-être, nous touche davantage. Sans doute parce que cela évoque des situations que nous avons vécues.

En filigrane, se dresse la croix

 

Revenons à Jésus au mont Thabor.

Voilà qu’apparaissent Moïse et Elie aux côtés de Jésus. De quoi parlaient-ils ? Dans un autre évangile il est dit qu’ils échangeaient sur ce qui allait arriver à Jésus Christ. Ils parlaient vraisemblablement de sa passion et de sa mort prochaine. En filigrane de ce récit, me semble-il, se profile la croix.

Un beau matin je suis entré dans une Église et je regardais un magnifique vitrail au fond du chœur à l’est, représentant Jésus sur la croix. Le soleil du matin a illuminé ce vitrail et toute la silhouette du Christ semblait envoyer des rayons de lumière dans toutes les directions, comme au jour de la transfiguration sur le Mont Thabor.

J’en arrive à croire que sur le Mont Thabor, ce n’est pas le spectaculaire et les effets spéciaux qu’il faut voir, mais la croix. Pas seulement la résurrection prochaine de Jésus, mais aussi sa mort.

Jésus avait deux messages à faire passer à ses disciples : sa nature divine et sa mort. Deux messages a priori contradictoires.

Le problème pour Jésus, c’est que les disciples avaient beaucoup de mal à comprendre que leur maître allait mourir.

Qu’il soit le Messie que les Juifs attendaient, ça il le comprenait. Qu’il soit un homme qui accomplit des miracles, guérit les malades, ressuscite les morts, et fait des discours qui frappent l’imagination des foules, ça ils pouvaient l’admettre, et c’est pour ça qu’ils le suivaient. Mais qu’il allait mourir sur la croix… non ! le message ne passait pas. Par trois fois il leur a dit qu’il allait mourir, mais ils ne le comprenaient pas.

D’ailleurs, même pour nous aujourd’hui, ce message a du mal à être accepté. Nous continuons, malgré tous les enseignements bibliques que nous avons reçus, à penser qu’il vaut mieux se confier à un homme puissant plutôt qu’à un homme qui se laisse arrêter, humilier, et mourir.

Se confier à quelqu’un, je le dis au sens fort du terme : confier ses biens, confier sa vie, confier ses projets, confier tout ce qui nous est précieux…à un homme qui n’a pas été un roi sur la terre, mais un serviteur souffrant, non, ce n’est pas si facile, reconnaissons-le.

 

Un message difficile à communiquer

Comment Dieu s’y prend-il pour faire passer un message si difficile à admettre ? Comment arrive-t-il à dire aux humains : j’ai donné mon fils par amour pour vous ?

Prenez par exemple le cas d’Abraham.  Dieu lui a demandé de sacrifier son fils Isaac. Il ne comprenait pas. Mais il a obéi.

Les commentateurs disent que c’était pour mettre à l’épreuve sa foi. Bon, c’est convaincant. D’autres disent que c’était pour mettre fin aux sacrifices d’enfants qui avaient cours à l’époque. D’accord.

Mais il pouvait y avoir une autre explication, à savoir que Dieu voulait faire passer un message difficile à admettre. Même pour Abraham.

Comment en effet Abraham pouvait-il comprendre le projet de Dieu pour l’humanité ? Comment pouvait-il imaginer qu’un jour Dieu enverrait son propre Fils pour être sacrifié sur la croix ?

Dieu, qui avait une confiance totale en Abraham, et c’était réciproque, n’a-t-il pas voulu lui partager son projet ? Le projet d’un Fils bien aimé qui serait lui-même sacrifié ?

Et là, pour le coup il n’y a pas eu l’ange qui a arrêté le bras du père.

Dieu voulait lui faire comprendre par l’expérience vécue, je dirais presque dans sa chair, ce que représente la perte d’un fils bien aimé. En lui faisant vivre ce que lui, Dieu, allait vivre des siècles plus tard.

 

Théologie de la croix ou théologie de la prospérité ?

Si la croix se dresse en filigrane au Mont Thabor, c’est peut-être pour nous un message qu’il ne faut jamais mettre de côté :

à savoir que Jésus est ressuscité - et c’est ce que nous célébrons le Dimanche, c’est une super bonne nouvelle à partager, mais aussi que Jésus est mort sur la croix. Qu’il a souffert toutes les souffrances humaines possibles : souffrances physiques, morales, spirituelles même.

Pour Paul, le message de la croix est central. Et il sait très bien que ce message a du mal à passer auprès de ses interlocuteurs. Il l’écrit aux Philippiens de façon poignante : Je cite le passage que nous avons lu :

« il en est plusieurs qui marchent en ennemis de la croix de Christ, je vous en ai souvent parlé, et j'en parle maintenant encore en pleurant. »

Ailleurs il dit que la prédication de la croix est un scandale pour les Juifs, et une folie pour les Grecs. Et pourtant il persiste et signe.

 

A l’opposé de la théologie de la croix, il y a la théologie de la prospérité.

Cette théologie déclare en quelque sorte : Suivez Jésus Christ, qui fera pour vous des miracles, et vous aurez la prospérité. Si vous êtes un bon chrétien, Dieu vous épargnera les malheurs de la vie. Séduisant, vous ne trouvez pas ? Suivez aussi votre pasteur et payez la dîme…(là on risque de passer de la haute théologie à la manipulation vénale.)

La théologie de la prospérité est un piège. Dieu ne nous épargne pas les épreuves. Un psaume dit bien : Le malheur atteint souvent le juste…, mais l’Eternel l’en délivre toujours. (Ps 34. 20)

Notre expérience de la vie avec Dieu n’est pas qu’il nous protège du malheur, mais qu’il nous donne la force intérieure pour le traverser, le surmonter.

 

Et qu’est-ce qui nous permet de surmonter les peines et les souffrances ? sinon que Jésus Christ les a connues avant nous.

Et peut-être qu’il souffre encore aujourd’hui, à chaque fois que l’un d’entre nous souffre.

Jésus pleure à chaque fois qu’un enfant pleure quelque part dans ce monde, disait Dostoïevski dans les Frères Karamazov.

Et que de larmes ne verse-t-il pas en ce moment à cause de la guerre en Ukraine, les séismes au Proche-Orient et la collision de trains en Grèce !

Jésus pleure. Paradoxalement, c’est aussi une bonne nouvelle pour nous. Jésus ou Dieu, cela revient au même, souffre quand nous sommes dans l’épreuve.

C’est pourquoi nous pouvons comprendre, avec l’expérience de la vie et de la foi, que Jésus nous tient la main même quand nous descendons dans nos obscurités. Et il la tient encore quand nous en remontons dans la lumière. Et lui seul peut nous emmener vers la résurrection.

 

Au temps de l’épreuve, nous n’avons pas besoin d’effets spectaculaires, ni d’éclairs qui jaillissent d’un visage sur un mont Thabor.

Nous avons besoin d’une personne à nos côtés, qu’elle soit Jésus lui-même, invisible mais vivant, ou un frère ou une sœur en Christ capable de nous écouter avec bienveillance, et qui nous accompagne. Nous avons besoin d’un ami qui nous rend visite, d’un coup de téléphone au bon moment….

 

Nous n’avons pas besoin d’effets spéciaux.

Le seul effet spécial qui nous reste finalement, et qui nous soutient dans la vie, c’est la superposition de deux images :

L’image du Golgotha où Jésus est défiguré, et celle du mont Thabor où il est transfiguré.

Nous avons besoin de voir cette gloire paradoxale de Jésus Christ, crucifié et transfiguré à la fois.

Nous avons besoin d’être emmené sur des nouveaux Monts Thabors,

pour contempler le Christ ne serait-ce qu’un instant dans son éternité,

puis redescendre avec lui dans la plaine pour aller à la rencontre de nos frères en humanité.

 

Nous aussi sommes appelés à être transfigurés :

 

J’ai une dernière question :

La transfiguration, phénomène étrange, est-elle réservé au seul Jésus Christ ? Ne sommes-nous pas nous aussi appelés à être transfigurés ?

Si nous prenons la définition courante du mot, la transfiguration est un changement de figure dans un sens positif. Et la défiguration, c’est un changement de figure dans un sens négatif. Ce que nous voyons sur la terre autour de nous ressemble plus à une défiguration qu’à une transfiguration.

Exemple de défiguration : Un homme en colère ; cela se voit sur son visage. Pourquoi es-tu en colère demandait Dieu à Caïn ? Pourquoi as-tu le nez en feu ? (traduction littérale du mot colère en hébreu).

A l’opposé, prenons deux exemples positifs de transfiguration : le visage d’un enfant qui dort paisiblement. Il n’y a pas d’éclairs ni d’effets spéciaux, et pourtant il semble habité par quelque chose qui nous touche, qui nous dépasse, comme si la paix céleste l’habitait et voulait se communiquer à nous.

Ou encore les yeux pétillants d’un couple âgé, qui, ayant vécu 60 ans ensemble dans l’amour conjugal, nous fait dire : comme c’est étonnant, ils se ressemblent ! Il y a une beauté, une sagesse quasi divine qui émane de tels visages, pourtant plein de rides, et qui nous parle de Dieu mieux qu’un long discours théologique. 

 

Oui, frères et sœurs, il y a des belles transfigurations autour de nous, et peut-être en vous !

Et nous-mêmes, à la fin des temps, nous serons transfigurés, comme dit l’apôtre Paul :

Il transfigurera notre misérable corps mortel pour le rendre semblable à son corps glorieux, grâce à la puissance

qui lui permet de soumettre toutes choses à son autorité.(phil. 3. 21)

 

Amen