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Car rien n'est impossible à Dieu

Texte de la prédication du dimanche 27 février 2022, par Annette Preyer

Car rien n'est impossible à Dieu

 

Prédication du dimanche 27 février 2022, par Annette Preyer.

Lecture biblique : Genèse 18, versets 1 à 15

 

Chères sœurs et chers frères,

 

Notre histoire est introduite par cette phrase : « Le Seigneur apparut à Abraham près des chênes de Mamré ». L’auteur nous avertit d’emblée, nous, ses lecteurs : Yahvé lui-même vient vers Abraham. Pour Abraham c’est moins évident et le texte, dans la suite, entretient un flou quant à l’identité du ou des voyageurs.

 

Voici donc Abraham assis à l’entrée de sa tente, à l’heure la plus chaude de la journée. Souvenons-nous, Abraham était très riche en troupeaux, en argent et en or. Il avait de nombreux serviteurs pour s’occuper de ses troupeaux.

Nous l’avons entendu à propos des disputes entre les bergers d’Abraham et de Loth, son neveu, qui les a amenés à choisir des territoires séparés pour chacun.

Nous l’avons à nouveau entendu lorsqu’Abraham mobilise toute une armée pour libérer Loth.

Cela n’empêche qu’Abraham est un nomade, d’où la tente, installée près d’un bosquet d’arbres qui offrent de l’ombre. Le texte nous laisse nous imaginer les lieux. Un village de tentes ? Avec des rues et des places ? Les troupeaux sont-ils loin ou y a-t-il des animaux qui paissent près des tentes ?

Toujours est-il qu’Abraham n’est pas penché sur des tableaux Excel pour gérer son business agricole, il semble oisif, il a du temps. Et les voyageurs aussi d’ailleurs.

Abraham a presque 100 ans mais il est alerte. Il court vers les voyageurs et les invite. Il les installe à l’ombre et leur annonce un encas. De fait, il leur fait préparer un vrai festin et choisit lui-même le veau. Tout est fait vite, avec empressement. Mais la préparation des galettes et du rôti a dû prendre au bas mot deux heures. C’est une estimation à vue de nez car je ne connais rien aux abattoirs ni ne suis une cuisinière très avertie. Mon impression est que ces hommes sont vraiment dans une société moins pressée que la nôtre !

Abraham ne partage pas le repas copieux avec ses invités. Il reste debout à leur côté pour les servir, comme un serveur dans un grand restaurant.

 

Puis il y a un retournement dans l’histoire : l’initiative passe du côté des visiteurs. Ils annoncent à Abraham et Sarah qu’ils vont avoir un fils dans un an.

Si j’ai bien compté, c’est la 5ème fois que Dieu annonce une descendance à Abraham.

1ère annonce avant de quitter Harrân, quand Abraham a 75 ans.

« Je ferai de toi une grande nation et je te bénirai. »

2ème annonce après la séparation d’avec Loth

« Je multiplierai ta descendance comme la poussière de la terre. »

3ème annonce après la guerre pour libérer Loth

« Contemple donc le ciel, compte les étoiles si tu peux les compter. Telle sera ta descendance. »

 

Dix ans après l’installation du couple au pays de Canaan, Sarah prend l’initiative pour que la promesse se réalise par une voie détournée. Elle envoie Hagar, sa servante égyptienne vers son mari. Ismaël naît alors qu’Abraham a 86 ans.

 

Mais Sarah avait mal compris. La promesse ne concernait pas seulement Abraham. Elle aussi est concernée.

Quand Abraham a 99 ans arrive la 4ème annonce. C’est au moment où la circoncision est instaurée comme signe de l’alliance avec Dieu.

« Tu deviendras le père d’une multitude de nations. »

Et donc, pour une fois, Sarah est comprise dans la promesse :

« Je la bénirai et même je te donnerai par elle un fils. Je la bénirai, elle donnera naissance à des nations ; des rois de peuples sortiront d’elle. »

 

Abraham rit en réaction en disant « naîtrait-il un enfant d’un homme de cent ans ? Sarah aurait-elle un enfant à quatre-vingt-dix ans ? »

Dans le passage que nous avons lu aujourd'hui, Sarah aussi rit, mais silencieusement. Les mystérieux visiteurs s’en aperçoivent. Ils réaffirment leur promesse et sur le ton du simple constat, sans jugement de valeur, répètent qu’elle a ri. Fin du récit.

 

J’aimerais vous proposer 5 remarques à propos de cette belle histoire.

 

Premièrement

Dieu arrive sans prévenir.

Les trois voyageurs n’ont pas pris rendez-vous avant, n’ont pas demandé si Abraham et Sarah étaient disponibles ce jour-là. Le couple n’a pas eu le temps de ranger la maison, ou plutôt la tente, de balayer par terre, de faire les courses.

Dieu arrive en plein dans notre quotidien. Nous pouvons créer un espace d’accueil pour lui dans notre cœur. Nous ne pouvons pas prévoir et préparer les circonstances précises.

Dieu arrive quand nous sommes stressés au bureau, ou heureux parce que nous avons réussi une négociation, ou en colère parce qu’on nous fait attendre. Il nous voit tels que nous sommes. Il débarque chez nous par surprise comme peuvent le faire de très chers amis ou des parents proches.

Accueillir quelqu’un à l’improviste crée de la surprise et du dérangement. Nous sommes en train de faire autre chose, quelqu’un vient de l’extérieur, cela nous bouscule, forcément.

Accueillir Dieu, c’est se laisser surprendre, c’est découvrir Dieu là où je ne m’y attends pas. Dieu peut surgir, à l’improviste, avec un visage qui m’était inconnu. 

 

Ce qui m’amène à ma deuxième remarque :

Dieu arrive déguisé, incognito.

Trois hommes, un seul, des anges, Dieu lui-même ?

Cette incertitude sur l’identité et le nombre des visiteurs est tout à fait parlante. En fait l’apparition de Dieu est si étonnante que notre auteur va la raconter en parlant de sa manifestation tantôt au singulier tantôt au pluriel.

Vous connaissez probablement l'icône de la Trinité, une icône russe peinte par Andreï Roublev au début du 15ème siècle, conservée à la galerie Tretiakov de Moscou. Le peintre s’en sort en représentant trois personnages, avec le même visage, différenciés seulement par leurs vêtements.

Le flou entretenu par le texte malmène notre logique cartésienne, et peut ainsi nous mettre en situation d’ouverture, aiguiser notre attention.

Ailleurs Dieu est un arc en ciel pour Noé, un buisson ardant pour Moïse, un ange pour Marie, en rêve pour Joseph. Il ne porte pas une casquette siglée Dieu ou un badge collé sur la poitrine. Cela nous oblige à veiller, à rester ouverts, à sortir de nos schémas établis.

 

Je ne décide pas où, quand et comment Dieu viendra se présenter à moi. Puis-je partir à sa recherche ? Oui. Cela signifie que je dois me tenir prêt, sur le seuil, prêt à accueillir l’étranger, ce prochain de l’inattendu. Dieu m’enverra ce prochain que je n’attendais pas et je recevrai la vie en plénitude, peut-être le désir le plus profond de mon cœur qui m’était encore inconnu.

 

Et donc voici ma troisième remarque :

Quand Dieu vient, sans prévenir et déguisé, il nous parle de notre avenir, de la vie.

Tu vas être le père d’un grand peuple, tu vas être la mère d’un grand peuple, disent les visiteurs à Abraham et à Sarah, qui écoute dissimulée à l’entrée de la tente.

Je comprends : Dieu tient sa promesse. Il mise sur Abraham et Sarah. Il mise sur nous, il nous fait confiance, parfois il peut paraître bien exigent.

Il y a la promesse du Royaume et il y a notre expérience de la réalité, la guerre en Ukraine, la pandémie, l’urgence climatique, la biodiversité en chute libre. Il y a de quoi douter, d’être sceptique.

L’histoire de Sarah et d’Abraham est là pour nous encourager. Oui, Dieu tient sa promesse. Il nous dit : « Tu es en chemin. » Sa présence nous révèle le sens, la beauté de notre vie.

Parfois la présence de Dieu ne se comprend qu’après coup, dans le rétroviseur. Voilà pourquoi la relecture de sa vie, pour y repérer les traces du Seigneur, un exercice qui se fait typiquement en accompagnement spirituel, est si bénéfique.

 

Quatrièmement,

Quand Dieu vient, sans prévenir, déguisé, et nous parle de la vie, l’amour est en jeu.

Le visiteur parle de grossesse donc logiquement Sarah doit penser à des ébats amoureux. Alors son rire est peut-être nostalgique. Ou amer. Ou simplement amusé par cette perspective folle de nouvelles étreintes puis d’un bébé qui naîtrait de sa chair flétrie. Elle pensait que le temps de l’amour physique était révolu pour elle et Abraham. Et bien, le contraire lui est annoncé.

Peut-être est-ce un rire libérateur, de joie, après tant de décennies de vaine attente et d’humiliations.

« Dieu est amour ; celui qui demeure dans l'amour demeure en Dieu et Dieu demeure en lui », nous dit Jean dans sa première épître.

Et encore : « Personne n'a jamais vu Dieu. Or, si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous et son amour se manifeste parfaitement en nous. Si quelqu'un dit : « J'aime Dieu », et qu'il a de la haine envers son frère ou sa sœur, c'est un menteur. En effet, s'il n'aime pas son frère ou sa sœur qu'il voit, il ne peut pas aimer Dieu qu'il ne voit pas. »

Le couple a accueilli les étrangers et il reçoit l’amour.

 

Donc ma cinquième remarque :

Quand Dieu vient, sans prévenir, déguisé, et nous parle de la vie, plein d’amour, alors tout devient possible.

Sarah, très vieille femme, ne pouvait imaginer encore accoucher d’un fils. Marie, très jeune femme, ne pouvait imaginer déjà accoucher d’un fils.  Jésus dit souvent « ta foi t’a sauvé » ou « ta foi t’a guéri ».

Alors faut-il croire aux miracles ? Je ne sais pas.

Je crois que je suis aimée par Dieu, je lui fais confiance, je désire m’ouvrir à lui. Et cela peut passer par des rencontres et des paroles inattendues, surprenantes, dérangeantes aussi bien que réconfortantes.

 

Une histoire pour nous donner courage.

Car y a-t-il donc quelque chose que le Seigneur soit incapable de réaliser ?

Dieu vient dans notre vie de façon inattendue et nous pouvons attendre quelque chose de lui pour notre vie.

Comme le dit l’ange Gabriel à Marie : « Car rien n'est impossible à Dieu ! »

Amen