"Ne baissons pas les bras" par Christine Décamp — Église protestante unie de Pentemont-Luxembourg - Communion luthérienne et réformée

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"Ne baissons pas les bras" par Christine Décamp

Prédication du dimanche 20 octobre par Christine Décamp

Samedi dernier, dans le métro, sur la ligne 6 qui me menait vers le Trocadéro, j’étais en pleine réflexion… Je commençais à préparer cette prédication. Je repensais à ce dimanche d’août dernier où je prêchais en Normandie et où, à l’issue du culte, une paroissienne vient me trouver en s’exclamant : c’est bien la première fois que j’assiste à un culte où l’on ne dit pas le Notre-Père ! … Les bras m’en sont tombés... J’avais oublié d’introduire le Notre-Père après la prière d’intercession…

Alors donc dans le métro, samedi dernier, j’étais en train de me dire, surtout dimanche, tu n’oublies pas le Notre-Père ! Pas deux fois ! Et à ce moment-là, j’entends un monsieur chanter « Notre Père, qui, j’espère, êtes aux cieux, n’ayez cure des murmures malicieux. » C’était ce monsieur que vous avez peut-être déjà croisé, tout de rouge vêtu, qui reçoit quelques pièces en chantant des chansons de Georges Brassens, et particulièrement la chanson, la marguerite :   

« Notre Père, qui, j’espère, êtes aux cieux,

n’ayez cure des murmures malicieux. »

Je ne sais pas si vous connaissez cette chanson, pleine d'humour, comme souvent chez Brassens. C'est l'histoire amusante d'un curé qui, en ouvrant son missel pour dire la messe, fait tomber une marguerite. Ce qui fait jaser dans l'assemblée...

Revenons à nos lectures du jour. Voici donc le récit de deux combats, deux luttes. Une lutte de territoire d'abord dans l'Exode, entre le peuple hébreu et ses voisins Amalécites. Puis une lutte pour la justice, chez Luc, entre cette veuve et ce juge inique. Des combats difficiles, presque perdus d'avance, c'est un peu « le pot de terre contre le pot de fer ». Mais 3 dimensions essentielles ressortent : il y a pour commencer la prière, mais il y a aussi l’action, et il y a surtout l’espérance.

Tout d’abord la prière. C’est déjà dans le préambule de la parabole : « Jésus leur dit cette parabole pour leur montrer qu’ils devaient toujours prier, sans jamais se décourager ».

Alors je m’arrêterai quelques instants sur la prière. La prière, c’est quoi ?

La prière, je dirais que c’est ce lien avec le Dieu de Jésus-Christ ; c’est ce qui nous permet d'entrer en relation avec Dieu. C’est une parole adressée à Dieu, avec nos mots, qui nous permet de ressentir sa proximité, de réveiller en nous cette fibre spirituelle qui a tendance à très vite s’endormir...

Prier, c’est au fond déjà croire que nous ne sommes pas dans un monde cyclique où tout se répète à l’infini, mais dans un monde linéaire, où les choses peuvent avancer, où les situations peuvent bouger, où l’impossible n’existe pas pour Dieu !

Prier, c’est aussi se décentrer de soi, de son individualisme, de ses propres préoccupations, pour remettre à Dieu des situations difficiles, et surtout puiser des forces pour devenir acteur dans le monde.

Avoir la force de Dieu dans son cœur, dans ses bras, dans sa tête !

Prier enfin, c’est parler à Dieu simplement, avec nos petits mots et nos grands silences, avec nos balbutiements et nos doutes ; mais c’est en tout cas replacer Dieu à sa place de Dieu, et non pas croire que nous sommes de puissants petits dieux...

Dans notre parabole, la prière de la veuve est imagée : sa prière à elle, c’est cette demande faite à un juge qui est... injuste. Elle demande. Elle n’a de cesse de lui demander : « rends-moi justice contre mon adversaire ». Lui, refuse. Et il refuse ; et il refuse encore. On nous dit même qu’il refuse pendant longtemps... De quoi baisser les bras…

Mais, nous allons le voir, cette veuve, elle ne lâchera pas le morceau.

Et j’en viens ensuite à l’action.

Cette veuve, elle se déplace. Elle va ; elle va régulièrement jusqu’au juge. Elle ne reste pas tranquillement chez elle en se disant : « maintenant que les choses sont dites, j’attends que ça se passe ». Elle sort de chez elle. Pas d’attente passive. De l’action.

« La vie, ce n’est pas d’attendre que les orages passent, c’est d’apprendre comment danser sous la pluie. »

Pareil dans notre texte de l’Exode, Moïse dit à Josué de choisir des hommes et d’aller combattre les Amalécites. En hébreu, le verbe signifie littéralement « sortir faire la guerre ». Nous sommes d’ailleurs seulement quelques chapitres après celui de la sortie d’Egypte.

Sors de chez toi, quitte ta barque, pour aller et agir dans le monde. C’est sûr qu’en restant chez soi, il ne peut rien nous arriver (ou presque) certes, mais il ne peut rien arriver d’extraordinaire non plus, pas de rencontre possible, pas de combat non plus.

Dans le désert du Sinaï, la ville de Refidim où a lieu le conflit entre les Amalécites et les Hébreux, porte un nom qui signifie en hébreu « lieu de repos ». Etrange nom pour la scène de ce combat féroce... Peut-être que le repos n’est possible qu’à l’issue d’une lutte acharnée ?

La prière ce n’est pas un défouloir vers Dieu de tout ce qu’on ne veut pas faire soi-même. La prière c'est la force de l’action encouragée, soutenue, validée par Dieu !

La prière sans l’action, c’est comme une parole donnée sans l’engagement qui va avec.

Saint Augustin écrivait :

« Prie comme si tout dépendait de Dieu. Travaille comme si tout dépendait de toi. »

Je ne crois pas qu'il faille opposer prière et action, d’un côté, ceux qui ont un ministère spirituel et de l’autre, ceux qui ont un engagement actif. Nous avons tous besoin des deux, prière et action, combinées pour pouvoir déplacer des montagnes !

Alors, cette veuve elle formule une prière de demande mais surtout elle va. Elle va à la rencontre du juge.

Même si le combat est tout à fait inégal, et paraît perdu d’avance. Car nous avons, d’un côté, une femme qui n’a plus de mari, qui demande que justice lui soit rendue. Et de l’autre, nous avons un juge injuste qui avoue lui-même qu’il ne craint même pas Dieu et n’a d’égard pour personne.

Eh bien, cette veuve, elle est remarquable parce qu’elle y va, elle y retourne, elle fait entendre sa voix, une petite voix qui va devenir insoutenable au bout d’un moment pour ce juge. Le texte dit littéralement qu’elle « lui casse la tête ». Elle relève les manches, notre veuve, et elle y croit dur comme fer.

N’est-ce pas un peu ce qui nous manque parfois, la constance et la persévérance ? La constance dans nos projets, constance dans nos choix, constance dans nos combats ?

J’en viens alors au troisième point, qui est l’espérance.

Je crois qu’avec le Christ, il nous est donné, je dirais même offert, de ne jamais désespérer. JAMAIS. Même quand une situation semble sans issue, même quand la souffrance est de la partie... Y croire, même quand tout paraît mort.

Ne pas s’enfermer chez soi, ne pas se replier sur soi, comme les disciples l’ont fait après la crucifixion et la mort de Jésus ; mais croire, toujours croire en la résurrection, c’est-à-dire la victoire de la vie sur la mort ; la victoire de la justice sur l’injustice ; la victoire de la réconciliation sur la déchirure ; la victoire de la reconstruction sur l’échec.  

Croire que le Dieu de Jésus-Christ ne nous laisse pas en plan, mais nous assure de sa présence et aussi de son action chaque jour à nos côtés.

Voilà l’espérance chrétienne, qui doit toujours accompagner notre prière et notre action ! Espérer et croire que le pot de terre peut avoir raison du pot de fer.

Malgré ce juge injuste qui ne craint même pas Dieu et qui ne s'intéresse à personne d'autre qu'à lui-même... Ce juge qui représente le monde actuel qui se détourne de Dieu, ou bien se prend pour un dieu tout-puissant, et qui tel un rouleau compresseur, écrase tout ce qui est trop petit, trop faible, trop seul sur son passage.

Malgré ce pot de fer qui paraît incassable, se tient debout le pot de terre, cette veuve qui représente tous ceux qui veulent un monde plus juste ; ceux qui veulent un monde où l’humain passera avant les richesses. Ceux qui veulent un monde où l’homme, la femme, et l’enfant pourront vivre en paix, librement. Cette veuve, elle représente toutes les personnes et les organismes de bonne volonté qui croient que les gouttes d’eau font les grandes rivières et même les océans. Et qui puisent leur force, leur courage, leur espérance dans le Christ qui a vaincu la mort !

 

Mes frères et sœurs, ne baissons pas les bras ! Ne baissons pas les bras car nous ne sommes pas seuls.

Parce que nous pouvons nous relayer quand la fatigue se fait sentir. Quand l’un d’entre nous n’arrive plus à prier, il sait que ses frères et sœurs en Christ sont à ses côtés et prennent le relais. Comme Moïse qui est secondé par Aaron et Hour. Sans eux, il aurait baissé les bras et abandonné le combat... Au lieu de cela, il est assis sur sa pierre, et il tient ferme, un modèle de stabilité, de fidélité pour tout le peuple. C'est la racine « amen » en hébreu. « Amen » c’est ce petit mot qui dit « c’est bon, on peut y aller ». C'est le chamelier, dans le désert, qui crie « Amen », OK, c’est bon tous les chameaux sont attachés, la caravane peut partir !

Quand tout est OK, quand les bras de Moïse sont fermes et fidèles, alors l’ennemi est KO !

Car Dieu est présent sous les bras. Ce n’est pas lui le juge inique qui rend justice pour se débarrasser vite fait des indésirables qui lui « cassent la tête ». Dieu, lui, il est sous les bras de Moïse quand il flanche ; il est sous les bras de cette veuve quand elle essuie refus sur refus. De même, Dieu est sous nos bras quand on ne sait plus comment faire... quand la tâche est trop dure, le fardeau trop lourd à porter et que nous nous épuisons...

Mes frères et sœurs, ne baissons pas les bras !

Comme le coureur kényan qui a fini, la semaine dernière, son marathon en moins de 2 heures. Poursuivons notre course, avec foi et persévérance !

Tenons ferme jusqu'au bout avec cette foi en Christ ressuscité !

Vainqueur de la mort et de l'injustice ! Triomphant sur la peur et l'individualisme !

Alors, avec Moïse, avec cette veuve, prions toujours notre Dieu qui nous donne force d'agir et qui est notre raison d'espérer.

 

Et à la question finale de la parabole :

« Quand le Fils de l’homme reviendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? », je crois que nous répondrons d’un seul cœur : « oui, Seigneur ! ».

Amen