"Choisir la vie, c'est devenir plus humain·e." — Église protestante unie de Pentemont-Luxembourg - Communion luthérienne et réformée

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"Choisir la vie, c'est devenir plus humain·e."

Prédication du dimanche 16 février 2020 par Lionel Thébaud

Lectures bibliques :

Deutéronome 30.15-20
1 Corinthiens 2.6-10
Matthieu 5.17-37

Je n'ai vraiment pas de chance. D'abord, j'avais hésité à travailler ma prédication à partir du texte du Deutéronome prévu dans les lectures pour ce dimanche. En effet, j'ai l'impression qu'en ce moment, beaucoup de pasteur·e·s prêchent sur "choisir la vie". Ajoutez à cela que chaque petite vidéo du pasteur du dimanche, que vous trouvez sur les réseaux sociaux, se termine systématiquement par ce joli petit slogan : "choisis la vie". A force de l'entendre, je me suis dit que c'était peut-être un peu beaucoup. Mais surtout, je suis tombé récemment sur une vidéo réalisée par Christian Baccuet sur pasteurdudimanche, justement. Je me suis dit, là, non, vraiment, c'est too much, on va croire que je surfe sur la vague. J'ai failli tout réécrire. Mais à bien y réfléchir, au fond, est-ce que ce n'est pas justement très pertinent comme message, ce "choisis la vie", en cette période étrange où beaucoup de nos choix n'ont pas d'autre objectif que de satisfaire notre propre personne? Quand j'étais enfant, il y avait cette chanson qui passait à la radio : "chacun fait fait fait, c'qui lui plaît plaît plaît". Si je trouve important de ne pas s'oublier, je trouve tout aussi important de ne pas oublier l'autre. Alors, j'ai quand-même décidé de parler du Deutéronome, même si ça me semble trop répétitif, parce que choisir la vie me parle de la relation à l'autre.

La rétribution

Le peuple sorti d’Égypte est prêt à entrer en terre promise. Le Deutéronome, c’est - disons - une prédication de Moïse qui reprend Exode, Nombres et Lévitique. Son contenu, c’est la Loi et l’histoire des Hébreux. Notre passage fait partie de la conclusion du livre, où on trouve des discours de malédictions et de bénédictions. Si tu fais ceci, tu seras béni, si tu fais cela, tu seras maudit. C’est la théologie de la rétribution : si tu fais le bien il ne t’arrivera que le bien. Cette école théologique ne fait pas l’unanimité dans la Bible. Les amis de Job, par exemple, pensaient eux aussi qu’il ne pouvait pas nous arriver de malheur quand on se comportait bien. Et le livre de Job nous démontre qu’ils avaient tort. La vie de Jésus ou des apôtres nous l’enseigne aussi : on peut être dans le plan de Dieu et souffrir terriblement. Pourtant, il est bien vrai qu’un mauvais comportement nous apporte des misères. Si je tire la queue de mon chat, il y a de grandes chances pour qu’il me le fasse payer. Et si j’arrose correctement mes plantes, elles vont être en bonne santé. La rétribution existe donc, dans une certaine mesure. On récolte ce que l'on sème. Si je fais le bien, j’en serai récompensé. Mais ce n’est pas systématique, et je ne reçois pas ce que j’ai donné. Et surtout, on ne doit pas se servir de cette idée de rétribution pour juger l’autre. Il faut le rappeler : la Bible ne m’apprend pas à discerner si l’autre est bien sur le chemin de Dieu. Elle m’apprend à discerner si je suis sur le chemin de Dieu. Quand je me regarde, je vois que le travail à faire est bien suffisant. Quand je me regarde, je n’ai pas envie d’aller mesurer la distance qui sépare les autres de Dieu. Ma propre distance me préoccupe suffisamment. « Tu vois la paille qui est dans l’œil du voisin, mais tu ne vois pas la poutre qui est dans le tien » nous rappelle Jésus. Notre compréhension de la volonté de Dieu ne doit jamais nous servir de prétexte pour juger les autres.

L'impossible Loi

En tant que protestant, je suis convaincu que Dieu m'aime tel que je suis. Il ne m'aime pas en fonction de ce que je fais. Le rappel à la Loi que notre texte contient me dérange. De la même manière, quand Jésus affirme que nous devons être fidèle au plus petit commandement de la Loi, j'avoue que ça me fait mal. C'est une affirmation qui s'oppose à la théologie de Paul, et même en un sens de la théologie de Jésus en d'autres endroits des Évangiles. En effet, toute cette série de bénédictions et de malédictions conditionnées par l’observance des commandements ne cadre pas très bien avec la dynamique de l’Évangile, qui nous a affranchi de l’observance stricte de la Torah. Jésus passe son temps à nous démontrer qu'on ne peut pas accomplir la Loi. Et si quelqu'un croit qu'il l'a accomplie, il augmente l'exigence de la Loi pour montrer que ce n'est jamais suffisant. Pour Jésus, désirer une autre femme, c'est déjà de l'adultère. Dire de quelqu'un qu'il est stupide, c'est déjà du meurtre. Tous les êtres humains sont dans le péché. Il n'y a pas un juste, pas même un seul. Personne ne peut faire le bien. Au fond je comprends que c'est dans notre cœur - dans nos motivations - que tout se joue, et qu'on ne peut pas juger quelqu'un d'après ses actes ou d'après ses paroles. Il y a comme un grand écart entre la théologie de la rétribution et le message de Jésus. Le lecteur que je suis m’oblige à trouver un sens à ce grand écart. D’un côté, je ne veux pas diminuer la portée des menaces contenues dans ce passage. Parce que chacune de mes actions a des conséquences que je dois mesurer. C’est le principe de responsabilité. Mais de l’autre côté, l’Évangile me dit que ce ne sont pas les œuvres que je fais ou que je ne fais pas qui me feront gagner des points. La superstition ne mène nulle part. Du coup, ce n’est pas parce que je vais faire du bien qu’il ne m’arrivera que des bonnes choses. Cette tension entre la récompense liée à mes actions et la liberté qui m’est offerte doit produire quelque chose. Ce quelque chose n’est pas pour moi. Ce quelque chose est pour mon prochain.

L'esprit de la Loi

Sans forcément appliquer la Loi, je suis invité à agir dans l'esprit de la Loi. Je lis dans le Nouveau Testament que l’esprit de la Loi, c’est la loi de l’amour qui dirige toute la Torah. Tout ce que tu fais par amour véritable est en accord avec la Loi. Mettre en pratique l’esprit de la Loi donnée par Dieu aux Hébreux, c’est faire ce qui te semble être le mieux pour l’autre, en le respectant et en te respectant. « Tout ce que vous voudrez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux » dit Jésus en Matthieu 7 : 12. Et la première chose que je veux que les autres fassent pour moi, c’est qu’ils m’acceptent tel que je suis, et qu’ils ne cherchent pas à me changer. C’est l’histoire de ce samaritain qui était bien plus préoccupé par la vie de l’homme blessé que par ses propres urgences (Luc 10 : 25-27). C’est l’histoire de Sarah qui prépare à manger pour les voyageurs qui se présentent chez elle (Genèse 18 : 1-15). C’est l’histoire de cette Église du Nouveau Testament qui s’organise pour prendre soin des veuves (Actes 6 : 1-6). En tant que chrétien·ne·s, nous profiterons de lire les lois de la Torahpour chercher à agir selon l’esprit dans lequel elle ont été données aux Hébreux.

Que signifie « choisis la vie » ? Dans le contexte du Deutéronome, choisir la vie c’est obéir aux commandements. Ça ne s’applique pas comme ça au chrétien et à la chrétienne. Lisons Jean 15 : "Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime". Aimer Dieu et aimer l'être humain sont deux choses intimement liées. Et Jésus était sans doute l'être humain qui a le plus répondu à son appel d'être humain, en aimant Dieu et en aimant son prochain comme lui-même. Alors, marcher avec le Christ, pour moi, c’est faire preuve d’humanité. Quoi qu’il en coûte. Et c’est bien sûr quelque chose de très exigeant. Jésus était exigeant. Quand je lis : « choisis la vie », j’entends : « fais les choix qui montreront que tu es humain. Fais les choix qui redonneront un élan de vie à ton prochain ».

L'amour qui nous ouvre à la différence

Pour conclure, chacun et chacune de nous a une couleur particulière. Cette couleur, c’est notre culture, notre histoire personnelle, nos goûts, nos émotions, et tant d’autres choses qui font que nous sommes ce que nous sommes. Par conséquent, non seulement Dieu ne me touche pas exactement de la même manière qu’il peut toucher l’un ou l’une d’entre vous, mais ma réponse à l’amour de Dieu sera elle aussi différente de votre réponse. En entendant « choisis la vie », telle personne ne réagira pas comme telle autre. Quelqu'un fera d’autres choix que moi. Et peut-être même qu'il fera exactement l’inverse de moi ! Personne ne peut regarder son voisin ou sa voisine et dire : « Celui-ci ou celle-ci n’a pas choisi la vie ». C’est vraiment une question personnelle, que je dois me poser seul devant Dieu, en toute honnêteté. C’est dans l’intimité de notre relation personnelle avec Dieu que nous devons faire librement nos choix. Il ne s’agit pas de faire mieux que les autres, il s’agit de faire mieux que ce que nous faisions jusqu’ici. Ne fais pas tes choix sous la pression que les autres exercent sur toi. Ne fais pas tes choix pour te faire bien voir des autres. Fais tes choix parce que la Parole de Dieu résonne dans ton cœur. Pour moi, si je veux ressembler à Dieu, je dois être plus humain. Si je veux marcher à-côté du Christ, je dois donner à l’autre ce qui lui manque pour aimer la vie. Ce ne sont pas des œuvres à faire pour gagner des points. C’est un état d’esprit. Un style de vie. « Tous sauront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres ». Je crois que Dieu attend de nous que nous soyons les véhicules de son amour inconditionnel. Alors si tu entends sa voix ce matin : « Choisis la vie » !