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Peut-on être appelé sur un malentendu ?

Prédication du dimanche 17 janvier 2021, par Arnaud Latscha

Dimanche 17 janvier 2021

Lectutes bibliques :

  • 1 Samuel 3.3-19
  • 1 Corinthiens 6.13-20
  • Jean 1.35-42

 

Peut-on être appelé sur un malentendu ?

 

Chères sœurs, chers frères,

 

Les deux textes qui nous sont proposés ce dimanche et dont nous venons d’entendre lecture sont deux textes relatifs à l’appel adressé par Dieu à des hommes, un appel à le suivre.

 

Deux textes bien connus, que vous avez peut-être déjà entendu à de très nombreuses reprises. Mais ce sont deux textes magnifiques, qui nous parlent toujours, à nous, femmes et hommes du 21ème siècle.

 

Il y dans le premier testament plusieurs passages qui font référence à des appels adressés par Dieu à des hommes : on pense bien entendu à Abraham, à Moïse, à Noé, à Jonas. Des appels très forts, voire tonitruants, sans ambiguïté sur le destinataire de l’appel, sans ambiguïté non plus sur le message qui est adressé, la mission qui est confiée.

 

Dans notre imaginaire quand on pense « appel de Dieu », on pense plutôt à  ces appels ou à un appel accompagné d’un tremblement de terre, du ciel qui s’ouvre et d’une grosse voix qui nous parle.

 

Peut être que certains d’entre vous dans ce temple ont reçu ce genre d’appel, il peuvent lever la main si c’est le cas !

 

Mais, à côté de ces appels tonitruants, il y a d’autres formes d’appels, plus discrets, plus subtils, que Dieu peut adresser aux être humains, parfois peut être au risque du malentendu. D’ou le titre de mon message aujourd’hui : peut on être appelé sur un malentendu. ?

 

Un double risque de malentendu : un malentendu sur la forme même de l’appel, comme on vient de le voir : qui m’appelle ? comment suis-je appelé ? mais aussi un malentendu sur la signification de l’appel, sur son rôle dans notre vie : à quoi suis-je appelé ?

 

Ces appels plus discrets, plus subtils, on peut les trouver dans le premier testament, comme par exemple l’appel reçu par Samuel mais aussi dans le nouveau testament, comme l’appel des premiers disciples qui nous est raconté par Jean.

 

Tout d’abord le magnifique texte de Samuel : on nous parle d’une époque durant laquelle il était rare que Dieu parle directement à un homme. Samuel, alors enfant, est  confié par ses parents au prêtre Eli. Pendant la nuit, le Seigneur appelle Samuel, mais ce dernier croit que c’est Eli qui l’appelle. C’est donc bien un appel sur un malentendu ! Samuel ne sait pas que c’est Dieu qui l’appelle. Le malentendu se renouvelle encore à 2 reprises avant qu’Eli finisse par comprendre et explique à Samuel la conduite à suivre. Quatre leçon à retenir de cet épisode :

 

Première leçon :  déjà à l’époque, la parole de Dieu a été rare et précieuse.

Chers frères et sœurs, rassurez vous, ça ne date pas d’aujourd’hui.

 

Deuxième leçon : la vigilance, l’attention à l’autre : sans la vigilance d’Eli, sa sagesse, Samuel serait passé à côté de l’appel de Dieu.

 

Troisième leçon : Dieu est patient. il ne se formalise pas du quiproquo et réitère son appel pour laisser le temps à Samuel d’y répondre. Dieu ne s’impose pas. Il accepte que son appel passe en fait par Eli, au risque du malentendu.

 

Et Samuel de répondre enfin à l’appel de l’Eternel par une simple parole : « Parle Seigneur, ton serviteur écoute ». Un enfant qui fait confiance, qui répond à cet appel sans même savoir où cet appel cela va le mener. Il s’abandonne à cet appel. C’est la quatrième leçon : la confiance.

 

 

Puis le texte de l’Evangile de Jean.

 

Ce texte nous est présenté comme l’appel des premiers disciples. C’est souvent le surtitre qui figure au dessus de ce passage, dans certaines éditions de la Bible.

 

Mais ici encore, qui appelle ? qui est appelé ? comment est-il appelé ? pour quelle mission ?

 

Si on relit ce texte phrase par phrase, mot par mot, on est intrigué par son caractère presque surréaliste. Il s’agit ici d’une suite de situations qui pourraient presque également constituer des malentendus, une sorte de dialogue de sourd puisque personne ne répond vraiment à la question qui lui est posé ou répond plutôt par une autre question.

 

Mais c’est justement cet échange un peu surréaliste qui va peut être nous aider à comprendre la force et l’originalité de l’appel du Christ.

 

Regardons le tableau de plus près, regardons les personnages, leurs mouvements, écoutons leurs dialogues, observons leurs réactions :

 

Jean Baptiste voit Jésus passer. Il désigne Jésus à deux de ses disciples comme étant « l’Agneau de Dieu ».

Ce concept d’Agneau de Dieu, Jean vient d’en parler dans les versets qui précèdent ceux que nous venons d’entendre.

 

En effet, la veille, voyant Jésus venir à lui, Jean Baptiste avait dit : « Voici l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde ». Et racontant comment il avait vu l’esprit de Dieu s’arrêter sur Jésus, Jean Baptiste avait ajouté : j’ai vu et j’ai rendu témoignage qu’il est le fils de Dieu.

 

Peut être que dans le contexte dans lequel se situe ce texte, cette référence à l’Agneau de Dieu a semblé d’emblée claire aux deux disciples, mais franchement, pour quelqu’un qui entend cette phrase sans connaître la suite de l’histoire de Jésus, ce n’est pas franchement limpide.

 

Et pourtant, c’est sur cette simple parole de Jean Baptiste, et sans que Jésus ne se soit adressé directement aux deux disciples, sans que Jésus ne les ai appelé en aucune manière, ni ne les ai même regardé,  que les deux disciples de Jean Baptiste décident de  suivre Jésus.

 

Finalement, Jésus se retourne et s’adresse à eux. Ils ne leur dit pas : « je vous appelle à être mes disciples. Voici votre mission ». Il ne leur dit même pas « je suis le messie ».

 

Déjà, il s’adresse à eux par une question.  Et cette question n’est pas « Qui êtes vous ? » ou « Où allez vous ? » ou « Savez vous qui je suis ? » Il leur demande juste « que cherchez vous » ?

 

Et la réaction des disciples est tout autant inattendue : ils ne répondent pas à la question posée par Jésus mais posent à leur tour une question. Et une question qui n’est pas « Qui es tu ? » ou « Qu’attends tu de nous ? » ils demandent juste « Ou habites tu ? »

 

Ce à quoi Jésus ne répond pas directement. Il répond par une invitation  et par une promesse : venez et vous verrez. Une invitation à se mettre en route et une invitation aux disciples à voir par eux même.

 

Le texte ne nous dit pas ce que les disciples ont vu, ce qu’ils se sont dit avec Jésus, ce qui c’est passé. Cela n’appartient qu’à eux, cela relève de leur expérience personnelle, intime, l’expérience intime de la foi. Mais cette expérience leur permettra d’affirmer qu’ils ont trouvé le Messie et leur permettra, à leur tour, de transmettre la bonne nouvelle à de nouveaux disciples.

 

Il me semble que ces quelques versets permettent d’appréhender toute la subtilité du  message du Christ et toute la subtilité de sa manière de nous appeler. Et cet appel se résume finalement à une invitation à nous mettre en chemin. Un chemin qui nous parle de liberté, de confiance, de déplacement, de recherche et enfin de fraternité.

 

Nous voici face à un rabbi, un maître, qui n’est pas là pour nous donner une leçon, pour nous dire quoi penser, pour nous dire comment penser, pour nous asséner une certitude ou un ordre.

 

Nous voici face à un rabbi qui est là au contraire pour nous poser des questions, pour nous inciter à poser des questions, pour nous inviter à chercher, pour nous inviter à cheminer, et  enfin à voir par nous-même.

 

Ce que la foi chrétienne nous propose, à la suite de Jésus, ce n’est pas une réponse toute faite, ce n’est pas un dogme qui nous serait imposé. Mais une invitation, un programme de réflexion, un chemin de vie, une invitation à voir par nous même.

 

« Venez et vous verrez » nous dit Jésus. « Venez ! » Une simple proposition qu’il soumet à notre décision, à notre libre arbitre, tandis que lui en revanche, s’engage. Il s’engage par une promesse : « Vous verrez ». Et il fait cette proposition et cette promesse à des anonymes, des gens qu’il ne connaît pas et qui ne le connaissent pas.

 

Ce qui nous est proposé, c’est la liberté et la confiance. La liberté de se mettre en mouvement ou de rester ou l’on est. La confiance : la confiance du Christ qui propose à tous ceux qui le souhaite de le suivre, la confiance des disciples qui se mettent en route sur la foi d’une seule phrase du Christ : « venez et vous verrez ».

 

Et les disciples vont répondre à cet appel  et vont se mettre en route.

 

Cette mise en mouvement me fait penser à une définition de l’appel qui pourtant n’a rien de théologique mais qui me semble parfaitement adaptée à la situation : c’est la définition sportive de l’appel. Je vous propose cette définition : «  l’appel est l’élan que l’on prend en appuyant sur le sol le pied qui va assurer la projection du corps ».

 

La foi comme un élan, comme une projection, cela me semble assez proche de ce que nous propose  Jésus dans le texte de Jean.

 

Dans ce texte, tout le monde se déplace : le Christ passe, arrête sa route, puis se retourne, revient vers les disciples puis enfin les disciples les mettent en route, à la suite de Jésus puis qui partent à la rencontre d’autres futurs disciples.

 

La foi suppose un déplacement. Un déplacement auquel on est disposé car on est en recherche. Lorsqu’André, après avoir suivi Jésus s’adresse à Simon, il ne lui dit pas « j’ai rencontré le Messie » ou « j’ai été appelé par le messie ». Il dit simplement « Nous avons trouvé le Messie ». Trouver implique qu’on a cherché, qu’on cherchait.

 

Ces hommes étaient en recherche. On ne sait pas en recherche de quoi.  Ils suivaient Jean Baptiste avant de connaître Jésus. C’est cette recherche qui les met dans les pas de Jésus et les pousse à questionner Jésus. « Ou demeures tu » demandent ils à Jésus  ? Leur curiosité leur a permis de répondre positivement à cette étrange proposition de Jésus. « Venez et vous verrez ». La foi suppose une recherche.

 

Mais la réponse à ces appels, celle de Samuel, celui des deux premiers disciples, puis des autres disciples après eux, tout cela n’est pas possible sans Eli, cela n’est pas possible sans Jean Baptiste cela n’est pas possible sans André qui tous se font messagers de la parole de Dieu.

 

Oui, la foi suppose donc les autres, sans qui la bonne nouvelle ne serait pas entendue ni partagée. Elle suppose la fraternité.

 

Alors qu’est-ce que ces textes peuvent nous dire aujourd’hui, si longtemps après les évènements qui nous sont relatés et dans un monde qui peut paraître si différent ?

 

Des temps lointains, un monde différent, certes. Mais une quête de spiritualité qui reste la même, une recherche immuable, inhérente à la condition humaine.

 

Et cette recherche prend peut être un sens particulier dans notre monde aujourd’hui où nous avons parfois le sentiment que tout vacille, que tout est fragile. Cette recherche prend une place très forte.

 

Comme au temps de Samuel, il est rare de nos jours que le Seigneur parle directement à un homme ou une femme ou lui accorde une vision. Tout le monde n’est pas appelé comme Abraham, Moise, Noé ou comme les paroissiens chanceux qui ont levé la main tout à l’heure. La plupart des femmes et des hommes qui s’engagent dans un  chemin de spiritualité ont rencontré d’autres personnes qui les incitent et les encouragent à prendre ce chemin.

 

Cette rencontre ne peut pas exister sans fraternité, sans soin de l’autre, sans vigilance les uns pour les autres, sans une fraternité qui nous parle particulièrement dans la période difficile que nous traversons.

 

Alors oui, on peut parfois être appelé sur un malentendu : l’appel n’est pas forcément reçu de Dieu directement, la foi qui est proposée n’est pas de l’ordre de l’évidence comme nous l’aurions peut être souhaité.

 

Mais à écouter cet appel, à y répondre, nous y gagnerons des frères et des sœurs et nous pourrons nous mettre en chemin.

 

Nous, membres de cette église, la proposition de Jésus : « venez et vous verrez » devrait nous parler encore plus particulièrement puisque c’est le verset que nous avons choisi il y a quelques années pour le mettre en exergue de notre projet de vie d’Eglise. Un projet qui a plus particulièrement pour vocation de proposer un chemin de réflexion et de spiritualité à ceux qui sont en recherche.

 

Alors à toi mon frère, à toi ma sœur, qui es déjà engagé sur un chemin de foi, n’oublie pas quel peut être ton rôle : celui de discerner parmi tes prochains,  c’est à dire parmi ceux que tu croiseras sur ta route, celui ou celle que tu sens en recherche, celui ou celle qui a soif de spiritualité. A toi de lui dire: « dis moi, cette petite voix que tu entends, ce petit signe dans ta vie, dont tu me parles, n’est-ce pas là une invitation à te mettre en route ? Une invitation à te mettre en recherche ? »

 

A toi de lui annoncer la bonne nouvelle, le message libérateur qui lui permettra de s’engager dans le chemin de la confiance, de la foi. A toi d’être Eli qui éclaire Samuel, à toi d’être Jean Baptiste qui désigne le Christ, à toi d’être André qui annonce la bonne nouvelle à Simon : nous avons trouvé le Messie.

 

Et à toi qui es en recherche de spiritualité, de réflexion, sache que la foi chrétienne t’offre un chemin. Ce n’est peut être pas Dieu qui viendra te parler directement mais sois à l’écoute, dans ta vie de tous les jours, sois à l’écoute des simples signes qui peuvent t’être adressés. A toi d’être dans la confiance. A toi d’être Samuel qui dit simplement « Parle Seigneur, ton serviteur écoute »  à toi d’être les deux disciples qui demandent au Christ ou « habite tu » ? Alors, un nouveau chemin de vie s’ouvrira devant toi.

 

Vous tous, venez et vous verrez. Le Seigneur nous l’a promis. Ce n’est pas un malentendu.

 

Amen