"Ne crains pas, crois seulement", par Annette Preyer — Église protestante unie de Pentemont-Luxembourg - Communion luthérienne et réformée

Aller au contenu. | Aller à la navigation

Outils personnels

Église protestante unie de Pentemont-Luxembourg
Menu
Navigation

"Ne crains pas, crois seulement", par Annette Preyer

Prédication du dimanche 1 juillet 2018

Chères sœurs, chers frères,

Nous voici en présence de deux histoires merveilleuses, deux histoires en sandwich :

  • d’abord Marc nous parle de Jaïrus et de sa fille
  • puis de la femme qui est guérie de ses hémorragies
  • enfin à nouveau de Jaïrus et de sa fille.

Deux histoires bien connues, qui sont aussi racontées dans les évangiles de Luc et de Matthieu.

 

Deux histoires de guérison qui appellent quelques remarques préalables avant d’y plonger : Notre raison peut parfois résister à leur dimension miraculeuse ; mais cette dimension ne posait pas de problème aux hommes et aux femmes de l’antiquité ; en rapportant ces miracles, Marc nous invite à trouver du sens, à voir ce que cela nous dit de Jésus et de nous, non pas dans une dimension spectaculaire, mais dans une relation profonde.

Pour certains d’entre nous, de tels récits de guérison peuvent éveiller un sentiment d’injustice : pourquoi pas une telle guérison pour moi, ou pour un de mes proches ? Interrogation légitime, sur laquelle nous n’avons pas de réponse ultime, comme nous n’avons pas d’explication au mal. Les récits tels que celui-ci ne sont pas des modèles, mais des invitations à trouver écho pour nous d’une rencontre entre Jésus et une autre personne. C’est dans cette dimension de la relation à Jésus – la foi – que je vous propose quelques éléments de réflexion.

 

Commençons par la femme. Elle saigne depuis 12 ans, elle a ses règles de façon ininterrompue depuis 12 ans. Cette femme a tout fait pour guérir. Elle est allée voir de nombreux médecins, elle y a laissé tout son argent.

J’imagine : un nouveau spécialiste, un nouvel espoir … suivi d’une nouvelle déception. Internet exploré dans tous ses coins. Un nouveau médicament déjà accessible aux US. Un naturopathe recommandé par une voisine. Un parcours pénible de traitements qui l’ont fait souffrir encore davantage. J’imagine toujours : maux de ventre, crampes, maux de tête, migraine … fatigue, épuisement autant physique que moral.

Sa maladie a 2 conséquences :

  • elle ne peut pas avoir d’enfant, sa fécondité est empêchée
  • elle est en marge, exclue de la société

Les règles sur la pureté et l’impureté du Lévitique précisent qu’une femme qui a ses règles est impure. Et toute personne qui la touche, qui s’assied là où elle a été assise ou qui touche un objet qu’elle a touché est également impure jusqu’au soir et doit se laver et laver ses vêtements. Donc pour elle, pas de relations sexuelles, pas de vie amoureuse et de l’autre côté, pas de vie spirituelle non plus, car elle ne peut aller à la synagogue.

Cela peut nous paraître absurde et d’un autre âge, à nous qui sommes habitués aux pubs qui nous montrent des femmes danser et nager pendant leurs règles grâce à la protection invisible machin truc chose. Pourtant des normes semblables existent à travers le monde, aujourd'hui, en 2018, et posent de graves problèmes, comme par exemple en Inde, au Népal, en Afghanistan, …

 

Revenons à l’évangile de Marc.

La femme malade ne se résigne pas. Elle a entendu parlé de Jésus. Dans les chapitres précédents, Marc a relaté de nombreuses guérisons faites par Jésus dont elle doit avoir connaissance. Elle n’a plus rien à perdre. Alors elle ose enfreindre la loi et aller dans la foule, jouer des coudes pour arriver à Jésus et le toucher.

Son raisonnement est certes magique voire superstitieux mais il ne laisse aucune place au doute : si je touche son vêtement je serai guérie. En même temps, elle n’envisage pas de demander sa guérison à Jésus, peut-être par honte, parce qu’elle se sent trop indigne pour s’adresser au maître. Elle va chercher sa guérison furtivement, à la dérobée.

Et ça marche. Ses saignements s’arrêtent instantanément. Elle recouvre sa santé, son intégrité physique.

Jésus, lui, a senti une force sortir de lui et maintenant il en cherche le bénéficiaire. Ses disciples se moquent de lui : la foule t’écrase et tu demandes qui t’a touché ! Comme souvent, les disciples ne comprennent pas, leur logique est pratico-pratique. Ce qui – entre parenthèses – me rassure personnellement. Moi aussi je me sens terre-à-terre, limitée dans mes raisonnements humains, et comme les Douze, je peux me dire disciple quand même !

Donc Jésus cherche la relation avec la femme guérie. Mais il ne l’impose pas. Sa question est ouverte bien qu’au féminin, ce que la traduction de la bible en français courant ne rend pas. Jésus cherche « celle » qui l’a touché, donc le lecteur peut imaginer qu’il l’a identifiée.

La femme finit par se montrer et même s’ouvre totalement : elle se jette à ses pieds et lui avoue toute la vérité. Jésus lui dit : « Ma fille, ta foi t’a guérie. Va en paix, délivrée de ton mal. »

Jésus reconnaît la foi dans le geste magique de la femme. Il lui a déjà donné la santé physique – mais pas explicitement. Maintenant il va au-delà, il lui donne sa paix, la guérison spirituelle.

Quelle histoire encourageante ! Impur, pécheur, pas à la hauteur – Jésus m’accueille ! Quelle que soit la forme concrète du pas que je fais vers lui – il m’accueille ! Et même si cela fait des années que je me démène dans mes problèmes, que j’essaie de m’en sortir seul, à la force du poignet – je peux toujours me tourner vers lui.

 

Maintenant, regardons l’autre guérison.

La personne malade est à nouveau une femme, ou plutôt une fille de 12 ans, une adolescente qui a précisément atteint l’âge où elle devient femme et peut se marier, enfin, il y a 2000 ans, il vaudrait mieux dire l’âge où elle peut être donnée en mariage.

Jaïrus, son père est un notable, il est chef de la synagogue. Il se jette aux pieds de Jésus. Un mouvement qui montre qu’il reconnaît l’autorité de Jésus, qui est pourtant déjà un personnage très controversé parmi les responsables religieux. Un mouvement qui montre aussi qu’il est au désespoir concernant sa fille, qu’il est prêt à tout pour la sauver. Et il a une idée précise de ce que Jésus doit faire : il doit imposer les mains.

Pendant que Jésus s’occupe de la femme guérie de ses saignements Jaïrus a dû sentir une tension, une pression extrême. Il n’y avait pas une seconde à perdre ! A sa place j’aurais été paniquée, prête à bousculer tout le monde. De fait, au moment précis où la femme est guérie et restaurée dans sa dignité, des messagers viennent annoncer la mort de sa fille. Ils lui recommandent d’abandonner sa démarche auprès de Jésus. Probablement ils n’ont jamais cru que Jésus puisse aider et désapprouvent la démarche de Jaïrus.

Mais Jésus n’en tient absolument pas compte et prend les choses en main. Il réconforte Jaïrus : N’aie pas peur, crois seulement. Marc ne nous dit pas si Jaïrus retrouve l’espoir, la confiance. Si dans son cœur il remet son sort et celui de sa fille dans les mains de Dieu. Il suit Jésus en direction de sa propre maison, peut-être comme un automate, hébété, abasourdi. Chez lui, le rituel du deuil s’est déjà mis en route. Il y a foule, pleureuses, cris, plaintes, lamentations. Jésus s’en étonne puisque la fille « n’est pas morte. Elle dort. » Mais la foule ne le prend pas au sérieux, ces gens ne croient pas. Du coup, d’autorité, il les fait sortir. Pour aller voir la fille, il emmène : les parents, Jaïrus et sa femme, et les trois disciples qu’il choisit aussi à d’autres moments pour être témoins d’un événement important – Pierre, Jacques et son frère Jean.

Dans la chambre de l’enfant, Jésus ne fait pas le geste escompté par Jaïrus, c'est-à-dire l’imposition des mains. Jésus prend la fille par la main et lui donne un ordre en araméen : « Talitha koum », littéralement « fille, lève-toi ». Et la fille se lève, se réveille, ressuscite, et marche, elle se met en mouvement vers la vie, sa vie, une vie de femme, créatrice et féconde.

Ce n’est pas pour autant qu’elle n’a pas besoin d’autrui. « Donnez-lui à manger » recommande Jésus. Ce souci, cette tendre attention de Jésus pour l’humain me touche beaucoup. Ici le pratico-pratique est dit par Jésus, et Marc le juge suffisamment important pour nous le répéter. La nourriture spirituelle n’est pas loin. Quand nous faisons un pas vers Jésus il peut nous guérir, nous sauver. Nous restons cependant pleinement responsables, soit pour nous nourrir, apprendre, nous développer pour nous approcher du Seigneur, soit pour nourrir l’autre, peut-être un enfant, peut-être un frère ou une sœur fraîchement converti ou qui vient d’arriver dans la communauté.

 

Nos deux récits, imbriqués l’un dans l’autre, sont différents par l’environnement : la foule, la rue versus 7 personnes dans une chambre, une maison privée ; une femme pauvre et exclue versus un notable, un responsable religieux ; une adulte qui se met en marche vers Jésus versus une adolescente pour qui son père se déplace vers Jésus avant que la jeune marche elle-même.

Les deux récits sont similaires et liés par le fait que le même mot grec tugater, qui veut dire « fille », est employé pour désigner l’une et l’autre femme : la femme adulte quand Jésus dit « ma fille, ta foi t’as guérie » et la fille de Jaïrus quand les messagers annoncent son décès..

Les 2 récits sont aussi liés par le chiffre 12, l’âge de la fille de Jaïrus, durée de la souffrance de la femme. Le 12 est un chiffre important dans la Bible, dans l’ancien comme dans le nouveau testament. Jacob a 12 fils qui donnent naissance aux 12 tribus d’Israël. 12 désigne donc le peuple entier. Jésus nomme 12 apôtres qui en prennent en quelque sorte le relais.

Douze est aussi le produit de 3 et 4. 3, c’est la trinité, le divin. 4, ce sont les 4 points cardinaux, les 4 saisons, les 4 éléments, bref, le monde, la création. 12 représente donc la rencontre ou l’alliance entre Dieu et le monde.

Les deux récits sont surtout liés par leurs messages :

 

Jésus se laisse déranger. Il cherche la relation avec tout un chacun. Nous pouvons aller vers lui à notre façon, comme nous sommes, comme nous pouvons.

Il traite indifféremment les puissants et les pauvres. Avec Jésus, il n’est jamais trop tard. Il est la vie, il peut nous renouveler.

La prière, pour soi et pour autrui, est active. Il n’y aura pas toujours des miracles spectaculaires mais chaque prière met debout.

Jésus donne au-delà, bien plus que nous pouvons imaginer.

Amen