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Un portrait de famille

Prédication du dimanche 31 décembre 2023, par Christine Décamp-Batier

 

Un portrait de famille

 

Prédication du dimanche 31 décembre 2023, par Christine Décamp-Batier

 

Lecture biblique : Luc 2, versets 22 à 40

 

La traditionnelle photo de famille

Dans un coin du salon, le sapin scintille avec ses guirlandes allumées, tous les cadeaux sont emballés avec du ruban doré, c’est bon. Mamie est assise sur son fauteuil avec le chat blotti sur les genoux, les jeunes parents avec leur bébé se tiennent au milieu devant la cheminée, et Papy est à côté d’eux qui tient absolument à être debout quitte à se tenir à l’épaule du cousin. Et puis clic clac le flash !

Vous vous imaginez bien cette scène, que chacun d’entre nous connaît bien et que vous avez sans doute vécu il y a seulement quelques jours, à Noël. Vous pouvez presque la visualiser, comme si vous aviez la photo de famille sous les yeux. Oui, c’est exactement cela, aujourd’hui nous allons contempler ce portrait de famille brossé dans l'Évangile de ce dimanche 31 décembre.

 

Une illustration par Arent de Gelder

Parmi les nombreuses illustrations de cette scène de la présentation de Jésus au temple, j’ai choisi ce tableau reproduit sur la dernière page de votre livret de culte. C’est un tableau qui date de 1700 peint par Arent de Gelder, artiste néerlandais, l’un des derniers élèves de Rembrandt, à Amsterdam, dans les années 1660. Un peintre qui a une prédilection pour les scènes bibliques et qui reprend le style de son maître avec cette opposition entre le vif éclat de lumière qui illumine une scène aux teintes sombres.

Si vous souhaitez regarder sur votre téléphone la version originale pour avoir les couleurs, c’est encore mieux.

Vous voyez, au centre du tableau, l’enfant Jésus qui a à peine un mois et qui se trouve dans les bras de Siméon. Un véritable rayon de lumière descend du Ciel et illumine le visage de Siméon tout en enveloppant l’enfant. L’enfant qui tient d’ailleurs sur lui un tissu de couleur rouge annonçant déjà sa future Passion. Marie, sa mère, est légèrement courbée sur son fils, les mains jointes en prière. Puis, au fond de la scène, on distingue Joseph, le père tenant les oiseaux apportés pour l’offrande.

Voilà un beau portrait de famille qui illustre notre récit.

 

 

La présentation au temple

Retournons, non pas à notre mouton, mais à notre récit pour découvrir cette tradition de la présentation de l’enfant au temple.

En effet, dans les familles juives, un rite très important intervient à la naissance d’un enfant : il s’agit de la circoncision. Dans les versets précédant notre texte du jour, il nous est dit que Jésus avait bien été circoncis selon la Loi. Mais l’évangéliste choisit de ne pas s’arrêter sur ce rite mais plutôt sur celui qui suit et qui consiste à présenter l’enfant âgé d’un mois au temple. Cette cérémonie appelée « Pidyon HaBen » c’est-à-dire « le rachat du premier fils » est instituée dans le livre de l’Exode (Ex 13, 11-16) en souvenir de la sortie d’Egypte et concerne tous les premiers nés des hommes et des animaux. Ce rite symbolise l’acte par lequel le père rachète à Dieu son fils aîné mâle considéré, dans l’Ancien Testament, comme lui étant consacré et devant donc être racheté par une offrande.

Voilà pourquoi Joseph se retrouve, sur notre tableau, avec une paire de colombes dans les mains !

 

Dans notre récit, nous n’avons pas un mais deux rites entremêlés. La présentation de Jésus au temple intervient en même temps que celui de la purification de Marie, la jeune mère, un mois après son accouchement.

Noël est passé et la vie reprend son train-train quotidien avec tous ces rites religieux à accomplir pour une famille juive modèle.

Les premiers moments de la vie de Jésus sont profondément humains, s’inscrivant dans une tradition, dans l’histoire d’un peuple. Circoncision et présentation au temple, Jésus vit la même vie que tous les enfants de son époque. Il épouse ainsi réellement notre condition humaine pour que nous soyons tous, par la suite, fils et filles de Dieu.

 

 

Siméon, Dieu t’écoute

La figure de Siméon est celle du sage qui accueille à bras ouverts sur les marches du temple ce jeune foyer. Habitué des lieux, mais sans être prêtre, Siméon est en tout cas un homme très pieux, « un vieux paroissien » dirait-on aujourd’hui.

 

A la vue de cet enfant, il se met à entonner son célèbre cantique « Nunc dimittis » selon les premiers mots en latin.

Souvent lu au cours des enterrements car Siméon est celui qui, au soir de sa vie, regarde en arrière pour voir si ses actions et ses paroles ont été bonnes et s’il peut rejoindre le Ciel en paix.

 

« Maintenant, ô maître, tu as réalisé ta promesse :

Tu peux laisser ton serviteur aller en paix. » 

 

Ces mots de louange lui viennent naturellement lorsqu’il voit que son espérance est exaucée et que son vœu le plus cher, qui était de voir en personne le Sauveur d’Israël, est enfin réalisé.

C’est une prière qui est, aujourd'hui encore, chantée tous les soirs lors de l'office des complies, dans les monastères.

Ce cantique forme un triptyque avec ceux de Marie et de Zacharie, au premier chapitre de l’Evangile, et qui sont propres à Luc.

 

Ces trois personnages incarnent la joie d’un chant de louange qui monte jusqu’à Dieu : 

 

Marie, dans son fameux Magnificat : « De tout mon être, je dirai la grandeur du Seigneur. » (Luc 1, 46-55)

 

Zacharie dit : « Béni soit le Seigneur, le Dieu du peuple d’Israël. » (Luc 1, 68-79)

 

Siméon dit : « Maintenant, ô maître, tu as réalisé ta promesse : tu peux laisser ton serviteur aller en paix. » (Luc 2, 29-32) 

 

Siméon son nom signifie « celui qui écoute » et justement parce qu’il est dans cette attitude d’écoute et également d’attente, de patience et de persévérance tout au long de sa vie, finira par voir. Voir celui qu’il reconnaît immédiatement comme le Sauveur d’Israël. Le texte nous dit qu’il était rempli de l’Esprit saint et que c’est justement l’Esprit qui le pousse hors de chez lui jusqu’au temple afin de voir de ses propres yeux celui qu’il attend.

Non seulement il le voit mais il le tient maintenant, avec délicatesse, ce Salut qui lui était annoncé.

Sur notre tableau, nous voyons que regardant vers le Père, Siméon tient dans ses bras le Fils, tout en étant traversé par la lumière de l’Esprit Saint. C’est déjà la Trinité qui est réunie dans cette scène. Car oui, en Jésus, « Tout est accompli ».

 

 

Anne, Dieu te fait grâce

Après la figure de Siméon, entre en scène la prophétesse Anne. Anne est une femme âgée, veuve depuis longtemps, consacrée au temple c’est-à-dire qu’elle vit et passe ses journées au temple participant aux jeûnes et prières.

 

En préparant cette prédication, j’ai appris qu’une communauté catholique de femmes veuves existait et qu’elle portait le nom de « Communauté d’Anne la prophétesse ». Ces femmes âgées de plus de 50 ans, par fidélité à leur défunt mari, choisissent de consacrer la dernière partie de leur vie à Dieu. Sur le site de la communauté, leur engagement est décrit comme :

« La veuve consacrée est dans l’Eglise et pour le monde, un témoin de l’amour plus fort que la mort, un signe de la pérennité de l’amour humain comme étincelle de l’Amour et de la Fidélité de Dieu. » 

 

C’est dommage car on ne voit pas Anne, sur le tableau que j’ai choisi de vous montrer, contrairement à d’autres œuvres qui la placent souvent aux côtés de Siméon, un peu en retrait mais bien présente et souvent avec un geste de bénédiction au-dessus de l’enfant.

 

On ne sait pas si Anne était là au moment où Siméon accueille Jésus mais, en tout cas, le narrateur choisit de la faire apparaître juste après comme un pendant féminin au cantique de Siméon. Luc apporte une attention particulière, dans tout son Evangile, à la présence des femmes autour de Jésus. Anne, dont le nom signifie « grâce », a également une part importante dans notre récit : bien que ses paroles ne soient pas directement rapportées dans le texte, on sait qu’elle se met aussi à louer Dieu à la vue de Jésus, reconnaissant elle aussi, dans cet enfant, le Sauveur tant attendu. Et surtout, « elle parlait de l’enfant à toutes les personnes qui attendaient que Dieu délivre Jérusalem ». Cela signifie qu’elle est, en quelque sorte, l’une des premières disciples de Jésus, une des premières porte-parole par qui la bonne nouvelle va se propager dans toute la région. 

 

 

La bonne nouvelle d’appartenir à une famille

Nous découvrons ici le portrait classique d’un jeune foyer avec Joseph et Marie, heureux parents d’un petit garçon d’un mois présenté comme il se doit au temple.

Sur le tableau d’Arent de Gelder, nous voyons Marie, la jeune mère, en prière mais au regard déjà assombri par les paroles prophétiques de Siméon qui prévoient des jours douloureux.

Joseph, le papa présent et confiant mais en retrait, laissant la place à son enfant, au centre du tableau, et laissant la place au Père céleste.

 

Puis, la famille s’élargit avec les figures de Siméon et d’Anne, deux personnes âgées pieuses qui, en quelque sorte, « adoptent » cet enfant. Ce tout petit porte en lui leur immense espérance. Il est toute la manifestation de cette foi patiente et fervente en un Sauveur venu pour libérer son peuple. C’est beau de voir ce nouveau-né de quelques jours dans les bras du vieillard qui est au terme de sa vie. Ils représentent toute la vie humaine dans ses deux extrémités, de la naissance à la mort, et dans toute sa complémentarité, de la fragilité de Jésus jusqu’à la sagesse d’Anne et de Siméon. 

 

Jésus est la lumière que Siméon attendait et espérait pour tout le peuple d’Israël.

Sur le tableau, on voit bien les rayons de lumière qui font le lien entre ciel et terre. Les traits de lumière semblent se répondre dans un mouvement descendant du Père vers l’enfant mais aussi émanant de Jésus et éclairant ainsi toute la scène autour de lui. Jésus est la lumière venue dissiper les ténèbres du monde.

 

Mais ce salut n’est pas seulement prévu pour Israël mais pour tous les peuples comme le dit Siméon dans son cantique : « ce salut que tu as préparé devant tous les peuples : c’est la lumière qui te fera connaître aux populations. » A ce moment, nous percevons déjà l’universalité du message du Christ venu non pas pour quelques-uns mais pour tous. La lumière qui se révèle aux nations.

 

C’est finalement là que nous intégrons, à notre tour, cette famille dans laquelle chacun peut trouver sa place. Jésus devient alors pour toi et pour moi un frère, un ami, un Sauveur.

 

 

Voilà la bonne nouvelle de cet Evangile pour nous aujourd’hui : Jésus est né pour te rencontrer, pour que tu aies une place, ta place dans la famille de Dieu.

 

Alors, tenez-vous prêt, souriez, chacun a sa place dans ce grand portrait de famille, la famille de Dieu ! 

 

Amen.