Dans le ventre du poisson — Église protestante unie de Pentemont-Luxembourg - Communion luthérienne et réformée

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Dans le ventre du poisson

Vidéo du culte du 14 août 2022 et texte de la prédication de Christine Décamp sur Jonas 2.

« Dans le ventre du poisson »

 

Lecture biblique : Jonas 2

Pentemont-Luxembourg, 14 août 2022, prédication de Christine Décamp.

 

Vidéo du culte du matin à Pentemont : cliquez ici.

Texte de la prédication : voir ci-dessous.

 

 

Bonjour, je me présente. Je m’appelle Hélène. Hélène, la baleine.

Et je ne sais pas trop ce qu’il m’arrive depuis 3 jours et 3 nuits, je me sens toute ballonnée… j’ai quelque chose qui me pèse sur l’estomac… j’ai sans doute avalé une crevette que je n’arrive pas à digérer !

 

Maintenant vous me connaissez, vous savez que j’aime bien rendre vivants les personnages des textes bibliques et notamment les animaux. Alors je n’ai pas résisté à l’envie de faire parler Hélène, la baleine qui a avalé notre pauvre Jonas !

Nous vous proposons, avec Christian et Nkoussou, une série de prédications tout au long du mois d’août sur le livre de Jonas. Chaque dimanche, un chapitre.

Petit résumé pour ceux qui étaient absents dimanche dernier :

Au chapitre 1, Le Seigneur appelle Jonas à partir pour Ninive, la grande ville. Le prophète doit annoncer aux habitants de la ville, qui sont des païens, la colère de Dieu provoquée par leur mauvais comportement et donc la destruction de Ninive. Mais Jonas décide d’échapper à Dieu, de fuir loin de la face du Seigneur et embarque en direction de Tarsis qui est le bout du monde connu de l’époque, en actuelle Espagne. À ce moment-là, un grand vent se lève, une tempête menace de renverser le bateau. Les marins à bord sont pris d’une grande panique, se mettent à prier leurs dieux et réveillent Jonas qui dormait tranquillement au fond de la cale du bateau. En tirant au sort, ils comprennent que c’est lui, Jonas, le responsable de ce malheur. C’est Jonas lui-même qui leur explique qu’il est en train de fuir Dieu et donc il leur dit de le jeter par-dessus bord pour apaiser la tempête. Les marins hésitent, puis après avoir prié le Dieu de Jonas, acceptent finalement de s’en délester et aussitôt la mer redevient calme. Les marins se convertissent alors au Dieu de Jonas et le prient en reconnaissance.

Le pasteur Christian nous a expliqué avec quels grands moyens Dieu continue de nous suivre, même dans nos tentatives de fuite, et finit toujours par nous retrouver, par nous repêcher in extremis. C’est une bonne nouvelle de savoir qu’il ne nous laisse jamais tomber ni sombrer en nous envoyant son souffle vivant, ce grand vent de l’Esprit. 

 

Nous nous sommes donc arrêtés à cet instant de notre récit où Jonas, tombé à l’eau, se fait avaler par une baleine.

Enfin, baleine, c’est vite dit car le texte nous dit « dag gadol » c’est-à-dire, en hébreu, un grand poisson et c’est un terme féminin. C’est l’animal marin que l’on trouve déjà dans le livre de la Genèse lors de la Création du monde. Dieu, après avoir séparé la terre ferme des eaux, crée, à présent, les mammifères marins pour les distinguer des oiseaux du ciel et des autres animaux terrestres, à pattes ou rampant. Nous avons donc ici un grand poisson féminin. Est-ce une baleine ? C’est un choix de traduction plus tardif et qui inspirera bien d’autres contes populaires comme Moby Dick ou Pinocchio. De nombreux intellectuels cherchent, depuis des siècles, à savoir quelle espèce de grand requin ou de baleine aurait une gueule et un estomac suffisamment grands pour pouvoir engloutir un homme. Mais peu importe son espèce, ce qu’on sait c’est que c’est complètement absurde d’imaginer un homme se faire avaler tout entier par un grand poisson et en ressortir indemne au bout de 3 jours. Mais ce livre de Jonas est plein d’humour et il cherche à bouleverser nos certitudes, à ouvrir notre esprit au vent du grand large.   

 

Le fait que ce soit un grand poisson fait doublement écho à la grande ville de Ninive où Dieu envoie Jonas.

Déjà parce que Ninive était la ville de la déesse babylonienne Ishtar qui avait pour symbole le poisson et donc l’emblème de la ville est un poisson dans une maison.

Et nous avons un grand poisson comme nous avons une grande ville. Et la tempête qui se lèvera et la crainte des marins à bord du bateau seront toutes aussi grandes. Le Seigneur emploie les grands moyens pour embaucher Jonas qui visiblement est coriace et n’a pas du tout envie de remplir sa mission. Et c’est également une impression de grandeur qui écrase Jonas et qui croît au fur et à mesure qu’il se sent impuissant et véritablement tout petit face à Dieu.

C’est qu’on n’échappe pas à Dieu… C’est ce que raconte Hélène, notre baleine :

 

Hélène : C’est vraiment étonnant parce que normalement je n’aurais pas dû me trouver là. Je ne sais pas trop pourquoi j’avais décidé de barboter dans cette partie de la mer, où je ne vais jamais d’habitude, mais là j’ai soudainement eu envie d’y tremper mes nageoires ! Comme si une force invisible m’y avait poussée ! Ou un aimant qui m’aurait attirée là-bas et que je ne pouvais pas résister. Je crois que c’était mon destin d’y aller.

La baleine a littéralement été envoyée par Dieu. Elle est une sorte de vecteur qui permet de transporter Jonas d’un endroit à un autre. Transport gratuit et sans effort ! Tout comme Jonas, elle a reçu un ordre de mission de la part de Dieu (c’est le terme hébreu Manah « être destiné ») parce qu’elle a un vrai rôle à jouer dans notre histoire. Mais elle, contrairement à Jonas, elle obéit et ne fuit pas devant sa tâche. Et une fois Jonas transporté, nourri, logé et blanchi pendant 3 jours et 3 nuits, elle finira par le rejeter sur la terre ferme. Une fois sa tâche accomplie, elle pourra de nouveau s’effacer.

Elle lui aura permis d’avoir ce temps de transition entre les eaux mouvementées de la tempête et le calme retour à la terre ferme avant d’accomplir sa mission de prophète au sein de la ville de Ninive. La baleine nous raconte :

 

Hélène : mon ventre s’est mis à gargouiller mais d’habitude quand j’ai faim, il ne fait pas le même bruit… Là, c’est étrange parce que j’entends comme une petite voix venant de mes entrailles, quelques notes d’un chant inconnu. Je connais toutes les baleines qui vivent dans le coin et je peux repérer l’une d’entre elles en moins de 2 à des kilomètres à la ronde ! Et je peux vous dire que, là, ce chant m’est totalement inconnu… mais il n’est pas si désagréable. Je sens une rengaine obsédante qui revient sans cesse depuis 3 jours.

À l’intérieur de la baleine, Jonas se met à prier :

« Quand j’étais dans la détresse, j’ai crié vers toi, Seigneur, et tu m’as répondu ; du gouffre de la mort, j’ai appelé au secours et tu m’as entendu. »

Cette prière est comme un psaume dans l’esprit de ceux qu’aurait pu chanter le roi David. Le psaume de Jonas nous rappelle le « psaume des profondeurs », le Psaume 130, De profundis qui commence ainsi : « Des profondeurs je t’appelle, SEIGNEUR : Seigneur, entends ma voix ; que tes oreilles soient attentives à ma voix suppliante ! »

Le psaume de Jonas est vraiment un psaume des profondeurs car Jonas est tombé au plus bas. Déjà dans le bateau, au chapitre 1, il est descendu dans la cale, plongé dans un sommeil profond, puis jeté à la mer par les marins. Plongé dans l’eau, il est ensuite avalé par le grand poisson et descendu au fond de son estomac. Clairement, Jonas est sur une pente descendante. Il s’enfonce peu à peu jusqu’au plus bas, c’est-à-dire dans les entrailles du poisson où il va passer 3 jours et 3 nuits.

De quoi avoir une peur bleue…

Ce que craint le plus Jonas ? Être sous le regard de Dieu, ce que nous a expliqué Christian dimanche dernier. D’où sa fuite vers Tarsis, à l’opposé du lieu de sa mission. Le texte nous dit que Jonas a voulu fuir « loin de la face du Seigneur » c’est-à-dire le plus loin possible pour ne pas être vu de Dieu. Comme un petit enfant qui, pour se cacher, met les mains devant ses yeux et croit être devenu invisible. Je ne te vois plus, alors toi non plus, tu ne me vois plus.

Jonas cherche à se rendre invisible à Dieu et, dans le ventre de sa baleine, on pourrait se dire qu’il est bien tranquille finalement. Enfin loin du danger et surtout à l’abri des regards. Loin du regard de Dieu qui l’obsède… Mais il est surtout loin de tout… Il le reconnaît dans sa prière :

« Tu m’avais jeté dans la mer, au plus profond de l’eau. Les flots m’encerclaient, tu faisais déferler sur moi vagues après vagues. »

Alors résonne, au fond du ventre du gros poisson, comme un cri de détresse. La prière de Jonas nous fait penser à certains Psaumes dans lesquels un homme crie tout son désespoir et lance un appel au secours au Seigneur.

Au Psaume 69, par exemple : « Sauve-moi, ô Dieu, car les eaux me viennent jusqu'à la gorge. J'enfonce dans la boue des profondeurs, sans pouvoir tenir ; je descends au fond des eaux, un courant m'emporte. »

Seul et abandonné, il ne sombre pas pour autant dans la déprime notre Jonas mais au contraire, il se tourne dans la prière vers son Seigneur. Pendant 3 jours et 3 nuits, il se retrouve seul face à lui-même, descendant encore un peu plus bas, en lui-même, dans les profondeurs de son être. Comme le Fils prodigue qui, en gardant ses cochons, finit par « rentrer en lui-même » pour faire son introspection et se rendre compte qu’il ferait mieux de retourner chez son père pour lui demander pardon. Jonas, au fond du trou, se met à prier le Seigneur et regrette ce temps où il pouvait se rendre à son temple et mener son existence banale de prophète normal.

Finalement, Dieu est le Dieu de la Création toute entière et on peut le prier partout, même au fond du ventre d’une baleine ! Car la présence de Dieu dépasse les frontières et les barrières et elle n’a aucune limite. Même dans l’obscurité, même quand je ne vois plus rien, que je n’ai plus aucune perspective devant moi, Dieu est toujours présent à sa façon. C’est peut-être même là dans ces recoins les plus sombres qu’il est le plus présent. Là où l’on ne l’attendait pas, où l’on ne l’attendait plus.

C’est ce qu’écrit Thomas Merton, un moine cistercien américain qui a vécu au 20ème siècle.  

« Comme Dieu est proche de nous […] Contre toute attente humaine, Il nous soutient lorsque nous en avons besoin et nous aide à faire ce qui semblait impossible. […] On atteint l'espérance parfaite au bord du désespoir lorsque, au lieu de tomber dans l'abîme, on se retrouve marchant dans les airs. L'espérance est perpétuellement sur le point de se changer en désespoir, mais au moment de la crise suprême la force de Dieu est tout à coup rendue parfaite par notre infirmité. Ainsi apprenons-nous à attendre Sa miséricorde d'autant plus calmement qu'il y a plus de danger, à Le chercher paisiblement dans les périls, certains qu'Il ne peut nous manquer son amour. »

C’est donc bien là au fin fond du gouffre, dans le ventre sombre de ce gros poisson, que Jonas expérimente la rencontre avec Dieu, en tête-à-tête avec lui, ou plutôt en « cœur à cœur ». Jonas voulait fuir le tête-à-tête avec Dieu où l’on se regarde l’un en face de l’autre, l’un jugeant l’autre. « On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux » nous disait le renard du Petit Prince.

Après toutes ces péripéties, cette forte tempête, ce petit séjour au sein d’une baleine, notre prophète trouve enfin le réconfort dans la prière. Cette confiance retrouvée grâce à ce « cœur à cœur » vécu en direct avec son Dieu.

Un Dieu de patience qui met en place de gros moyens pour le retrouver. Un Dieu, je dirais même plus que patient, obstiné.

Un Dieu qui n’abandonne pas même lorsque l’on fuit à l’exact opposé. Un Dieu de grâce qui accueille largement, qui ouvre grand ses bras et qui pardonne nos fuites et nos peurs.

Un Dieu de vie qui nous tire du désespoir et nous fait échapper à la mort.

Un Dieu, comme dit Jonas « qui fait remonter vivant du gouffre ».

 

Et c’est là comme une lumière qui jaillit de l’obscurité !

C’est le pasteur Henri Lindegaard qui l’explique bien au travers de son œuvre. Vous avez dans vos feuillets, une illustration de cet épisode de Jonas dans le ventre de la baleine. Dans La Bible des contrastes, ce pasteur/artiste nous propose en regard une relecture poétique du texte et un dessin fait de collages toujours en noir et blanc. Ce qui permet de montrer tout le contraste qui surgit de bien des textes bibliques.

Ici, vous avez Jonas, à l’intérieur de la baleine, entre ombre et lumière. À gauche, le bas de son corps est encore dans la gueule du poisson, dans le côté sombre. Tandis qu’à droite, ses bras et ses mains et surtout sa tête sont déjà tendus vers le haut, vers cette lumière qui jaillit du ciel. Et nous voyons bien à quel point le contraste est fort. Il est déjà sur une pente ascendante cette fois, dans une marche vers le haut, dans un processus de résurrection, de « remonter vivant du gouffre ».

À la fin du chapitre, notre baleine finira, effectivement, par rejeter Jonas sur la terre ferme. Passant ainsi de l’obscurité à la lumière, de la mort à la vie, en 3 jours et 3 nuits, le prophète est en quelque sorte ressuscité. Il nous préfigure la Passion que subira le Christ quelques siècles plus tard.

Comme nous lisons dans l’Évangile de Matthieu (12, 40) : « Car de même que Jonas fut 3 jours et 3 nuits dans le ventre d’un grand poisson, de même le Fils de l’homme sera 3 jours et 3 nuits dans le sein de la terre. »

Dieu a ressuscité Jonas. Littéralement Dieu l’a relevé, l’a remis debout. Déjà au début du livre, Dieu interpelle Jonas en lui disant : « Lève-toi ! Va à Ninive. » Le terme grec de la Résurrection, vous le savez, est le verbe « mettre debout », « relever ». Voilà pourquoi, dès le premier chapitre, Dieu choisit sciemment de relever Jonas, de le ressusciter, lui qui était déjà comme mort. Parce qu’il est enfermé dans le silence Jonas. Le fait qu’il ne souhaite pas répondre à l’appel de Dieu, c’est faire le mort en quelque sorte. Oui faire comme s’il était mort. Il aurait préféré mourir plutôt que d’aller prêcher à Ninive. Mourir pour être enfin tranquille et débarrassé de la voix de Dieu qui le poursuit.

Mais voilà, Dieu a envoyé une grande baleine pour le faire arriver à bon port et le sauver. Car Dieu est un « Dieu aimant ». J’aime beaucoup cette expression qui dit à la fois tout l’amour que Dieu porte pour nous les humains en tant que Création. Aimant, le participe présent d’aimer car c’est le temps du présent qui caractérise le mieux notre relation à Dieu. Et aimant pour dire toute cette force d’attraction dont il use pour nous ramener à lui. 

 

Grâce à l’histoire de Jonas nous avons un témoignage de ce Dieu aimant. De toute la puissance de vie de ce souffle qui se manifeste par le grand vent (le terme hébreu « rouah » qui désigne le souffle, l’Esprit de Dieu) mais aussi de la paix sereine vers laquelle il nous aimante, il nous ramène après toutes ces pérégrinations.

Le calme après la tempête. Tout un programme contenu déjà dans le prénom de Jonas qui signifie « colombe » en hébreu. Yonah, c’est la colombe planant sur les eaux qui revient vers l’arche de Noé un rameau d’olivier vert au bec, signe de terres nouvelles et d’hommes nouveaux. Signe de l’alliance entre Dieu et son peuple. C’est aussi une colombe qui représentera l’Esprit de Dieu descendant sur Jésus lors de son baptême au début de l’Évangile, et qui nous préfigure la nouvelle alliance en Jésus-Christ.

 

Je laisse le mot de la fin à Hélène, notre baleine :

Hélène : Ah c’était donc ça cet oiseau blanc qui me tournait autour et lorsque j’ai voulu l’attraper, j’ai avalé cette crevette qui me reste sur l’estomac depuis 3 jours…

Tiens, le revoilà cet oiseau ! Attends un peu que je t’attrape !

Petite pause technique, Hélène rejette Jonas sur la terre ferme.

Ouf, voilà je me sens mieux maintenant que j’ai recraché sur le sable cette crevette que j’avais au fond du ventre. Je me sens bien plus légère maintenant ! Prête à repartir !

Cet oiseau blanc, cette colombe, que je vois pour la 2ème fois, ce doit être un signe. Oui, un signe descendu du Ciel ! C’est qu’elle avait raison ma petite crevette Jonas :

C’est le Seigneur du Ciel qui l’a sauvé !

 

Amen.