Soulevés par l'attraction céleste — Église protestante unie de Pentemont-Luxembourg - Communion luthérienne et réformée

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Soulevés par l'attraction céleste

Prédication du 17 novembre par Jean-Michel Ulmann

Dimanche 17 novembre 2019

 

              CHRONIQUE D’UNE VIE ANNONCEE

 

Puisqu’il est beaucoup question de musique et de danse dans les lectures de ce matin, nous pouvons entendre cette épître comme une grâce à trois temps :

1 Mort et Résurrection

2 Rencontre

3 Réjouissance. Réconfort.

 

« Ceux qui seront morts en croyant au Christ se relèveront les premiers ; ensuite, nous qui serons encore en vie à ce moment-là, nous serons enlevés avec eux au travers des nuages pour rencontrer le Seigneur. Réconfortez-vous donc …»

 

Cette lettre de Paul défie la loi de l’attraction terrestre. Ce qui est valable pour la pomme d’Isaac Newton ne l’est pas pour le genre humain. D’ailleurs les pommes célestes, bio naturellement, celles cueillies au verger du jardin d’Eden, n’ont jamais fait bon ménage avec les femmes et les hommes. Autrement dit, cette épître fait passer de l’attraction terrestre à l’attraction céleste. « Nous serons enlevés avec eux au travers des nuages ». Ce qui, admettez-le-, est assez fortifiant, ravigotant surtout quand il est question de se réveiller après être tombé de sommeil, dans le sommeil...éternel. Quel soulagement !

 

L’épître aux Thessaloniciens constituerait le plus ancien écrit du Nouveau testament. Elle est envoyée par l’apôtre Paul dans les années 50-51depuis la ville de Corinthe en Grèce distante d’environ 450km de Thessalonique au bord de la mer Egée.  

Paul vise d’abord, à dissiper certains malentendus surgis dans la jeune église.

Dans les versets précédents ceux qui viennent de nous être lus, Paul délivre quelque chose comme un certificat de bonne conduite pour ne pas dire de bonne vie et mœurs aux membres de la jeune église. C’est un courrier élogieux et stimulant. Les frères Thessaloniciens sont exemplaires et Paul s’en félicite. Et il les encourage à persévérer dans cette voie, à faire toujours mieux. En termes sportif nous dirions que Paul est un manager, un entraîneur exigeant. Mais ce n’est ni sans risques ni sans difficultés.

Que se passe-t-il à ce moment pour la jeune église chrétienne ?

 

Dans ces années-là, tout ne va pas pour les mieux parmi les fondateurs et les pionniers du christianisme. Un an avant un  édit de l’empereur Claude opprime les juifs et du même coup les chrétiens qui leurs sont assimilés. Les juifs eux-mêmes sont divisés, les uns, comme les pharisiens, croyants à la résurrection les autres, les sadducéens, n’y croyant pas, les uns refusant l’entrée des non circoncis dans la nouvelle église les autres comme Paul l’encourageant. Question très clivante. Les judéo-chrétiens freinent l’entrée des pagano-chrétiens. Paul a dû batailler à l « assemblée de Jérusalem » ou « réunion de Jérusalem  tenues sous la direction de Jacques le Juste –le plus légitime d’entre eux- et qui ouvre la communauté des Juifs chrétiens aux « païens ».

 

Donc la situation est compliquée et conflictuelle et les bonnes nouvelles  se font rares. Angoisse, peur, inquiétude sont plus fréquentes que joie, paix et amour. Ajoutons à cela la menace de la fin imminente des temps, ce qui –admettons-le- a de quoi semer le trouble dans les esprits aussi sains soient-ils.

L’épître de Paul arrive dans cette ambiance tourmentée. L’ère chrétienne est toute jeune. C’est la crise.                                                         Entre nous soit dit, depuis le temps, ça ne s’est pas arrangé. A croire que l’humanité est incapable de sortir de son adolescence.

 

Aussi après les instructions pour « plaire à Dieu et progresser dans la sainteté », Paul, en bon pédagogue, et compte tenu des circonstances, aborde le dernier chapitre, celui de la mort. Souvenons-nous que pour les juifs –mis à part les pharisiens- les morts sombraient parmi les ombres et ne s’en relevaient pas, exceptés Enoch et Elie enlevés vivants au ciel annonciateur du Messie,  qui s’envole dans un tourbillon). Donc cette question est cruciale.

Paul en parle de façon très concrète, sans ambiguïté mais non sans lyrisme. Il s’exprime en technicien, en expert, en homme qui a donné la mort et avec exaltation. Il nous en fait une représentation à grand spectacles en trois tableaux : « On entendra un cri de commandement, la voix de l’archange et le son de la trompette de Dieu,… » (v 16 à 17)

Un peplum en forme de chronique d’une résurrection annoncée ou, mieux, la chronique d’une vie annoncée.

En ce qui concerne le passé, nous sommes assurés du pardon. En ce qui concerne le futur nous pouvons compter sur la promesse du salut. La foi est une attitude, une résistance et non un contrat. Il n’y a pas de cases à cocher. Il nous faut vivre au présent. Ces versets concentrent la Déclaration de foi de Lille 2017. «Il (Christ) nous relève sans cesse : de la peur à la confiance, de la résignation à la résistance, du désespoir à l’espérance ».

Cette promesse de résurrection que Paul tient de bonne source (bien informée) « Voici ce que nous vous disons d’après un enseignement du Seigneur »- invite à vivre pleinement notre vie incarnée, notre existence, si incertaine et imprévisible soit-elle, à être présent au monde.  

La bonne nouvelle c’est l’annonce qu’il arrive quelque chose de bon et aussi de nouveau. Enfin une nouveauté, une nouvelle nouvelle et non plus un message en boucle. Quelqu’un est venu qui nous relève et nous met en marche, quelqu’un qui donne un sens à la vie, de l’amplitude, de l’élan. De la Bonne nouvelle de l’Evangile nous ne retenons souvent que l’adjectif bonne. Pourtant Nouvelle est aussi important. Elle nous sort de la routine mortifère. Elle était annoncée, elle est arrivée. Pour en revenir à la Déclaration de foi adoptée par le synode de Lille en 2017 : «Dieu habite notre fragilité et brise ainsi la puissance de la mort. Il fait toutes choses nouvelles ! (…) L’esprit saint nous rend libres et responsables par la promesse d’une vie plus forte que la mort ». Toutes chose, c’est-à-dire nous aussi renouvelés, régénérés, ressuscités. La consigne pourrait être :

« Quand on vit, ne pas oublier de ressusciter ». C’est à quoi nous appelle le Christ.

 

Et la fête –déjà célébrée dans le psaume 98- commence. Allégresse, danse, musique. Psaume 98 :

« Gens du monde entier faites au Seigneur une ovation dans votre enthousiasme poussez des cris de joie (…)Célébrez le Seigneur au son des trompettes (Il sera un juge pour le monde, un arbitre équitable pour les peuples ».

 

En 2019, nous ne disons pas autre choses. Dans son roman Soif Amélie Nothomb fait dire à Jésus crucifié;

«Alors, j’ai connu ce moment de pur vertige : être laissé seul avec sa mort. Cela aurait pu très mal se passer. Est-ce parce que je suis Jésus que ça a été merveilleux ? J’espère que non. Je voudrais ce soit ainsi pour le plus de morts possible. Dès que tout a été fini a commencé ma fête. Mon cœur a explosé de réjouissance. Une symphonie de liesse a retenti en moi. Je suis resté allongé pour explorer cette joie jusqu’à l’instant où je n’en ai plus été capable. Je me suis levé et j’ai dansé. Les musiques les plus grandioses du passé et du futur ont déferlé en mon sein et j’ai connu l’infini. »

 

Pour nous, aussi, ce dimanche, cette allégresse est le fruit d’une rencontre.

« Le seigneur lui-même descendra du ciel (…) Nous serons enlevés pour rencontrer le Seigneur ».

Dans la Bible, comme dans la vie, les rencontres avec les amis, les inconnus, les proches, les lointains, les étrangers font bouger les choses et les gens. Chaque rencontre est un évènement. Un aiguillage qui oriente nos vies dans un sens inattendu ou inespéré.  Souvent une épiphanie. C’est ce que soulignait Moïse, notre Moïse, notre Moïse, il y a deux semaines, à propos de Zaché et de Jésus.

 

Rencontre pour les uns, rendez-vous pour les autres, parfois coup de foudre dans le cas de Paul ou de Pascal Blaise: c’est toujours Dieu qui fait les premiers pas : « L’idée d’une quête de l’homme par Dieu est d’une splendeur et d’une profondeur insondables. » écrivait la philosophe Simone Weil.

Et  ce rendez-vous est un salut : « Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde mais pour que le monde soit sauvé par lui ». (Jean 3, 17).

C’est cette confiance, cette transformation de la dette en reconnaissance qui fait passer de la mort à la vie. Si Dieu est père, et qu’il nous aime, qu’il nous sauve, il n’a pas besoin de notre souffrance prétendument réparatrice. Bien sûr, Jésus guérit le paralytique, guérit le lépreux. Il rend la vue à l’aveugle, il relève Lazare. Ces coups d’éclat sont l’écume de son message. L’important est sa parole prononcée, sa mort sur la croix et sa résurrection pour tous, qui redresse ceux qui sont dans les bas-fonds de la vie ou perchés dans les arbres. En venant à notre rencontre, en nous donnant sa parole, Jésus nous relève, il nous soulève, il nous libère. Le seigneur n’attend pas notre trépas pour venir à nous, pour éclairer nos vies,  réveiller les endormis.

Si l’on veut bien admettre que l’homme est un être capable d’infini et non un être borné, alors, le ciel commence ici et maintenant.

 

« Le « céleste » pour Jésus, c’est la vie en abondance mais pas dans l’au-delà, déjà entre nous !» Lytta Basset.

 (Sans, l’adverbe en vogue. Dieu Monsieur Plus).  La vie éternelle doit être comprise comme une sur-vie comme une plénitude, plutôt que comme « une vie après la vie ». C’est notre vie avec Dieu, notre vie en Dieu, notre connaissance de Dieu. « La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu et ton envoyé Jésus-Christ » (Jean 17,3)

 

 Aujourd’hui, ce matin (ce soir) cette épître garde toute sa fraîcheur, tout son éclat et tout se force. Nous sommes tous des Thessaloniciens (en progrès qui peuvent toujours mieux faire). Jésus ne nous promet pas des lendemains qui chantent avec tambours et trompettes. Sa promesse s’accomplit ici et maintenant.

Jésus ne ressuscite pas les morts, il ressuscite les vivants.

 Amen