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"Quand la bise fut venue"

Texte de la prédication du 15 août 2021, par Christine Décamp

« Quand la bise fut venue… »

Prédication du 15 août 2021, par Christine Décamp

Lecture biblique : 1 Rois 19, 9-15

 

 

J’ai choisi pour titre de cette prédication « Quand la bise fut venue… »

Je ne vais pas vous parler de cette bise, dont nous sommes si friands, nous les Français, pour nous dire bonjour entre famille, amis ou collègues. Pourtant, elle nous manque tant depuis un an et demi maintenant…

Je ne vais pas non plus vous réciter la célèbre fable de « la cigale et la fourmi » qui, je dois l’avouer, m’a inspiré ce titre et qui nous rappelle nos tendres souvenirs d’enfance, de récitation, de bons points et de belles images reçues en récompense.

Aujourd’hui, je vous parle d’une autre bise. D’un léger vent, d’un murmure silencieux presque imperceptible, le calme après la tempête. Cette bise qui a touché notre prophète Elie. Mais ce n’est pas n’importe quelle bise car elle contient une présence, et surtout elle permet la rencontre avec Dieu. C’est une bise fraîche, décoiffante, balayant les préjugés d’Elie et lui révélant l’amour de Dieu. Elle sera le moteur de son avenir et ce qui lui manquait pour mener à bien sa mission de prophète.

Au final, contrairement à la cigale de la fable, Elie se retrouvera fort bien pourvu quand cette bise sera venue.

 

« Après le feu, il y eut le bruit d’un léger souffle »

C’est un léger murmure que va finalement entendre Elie. Pas la tempête qui brise les montagnes, pas le séisme qui fend la terre, ni le feu qui dévore tout sur son passage. Non, c’est ce léger murmure quasi inaudible, quasi imperceptible qu’Elie va ressentir et qui va le pousser à sortir de sa caverne où il s’était réfugié. Et c’est ce léger souffle qui va le plus retenir l’attention d’Elie, qui va faire le plus de bruit. C’est dans le bruit d’un silence ténu que Dieu se révèle.

D’habitude, le silence c’est plutôt mauvais signe… C’est qu’on ne sait plus quoi dire ou quoi faire. On est dans une situation de mal-être, de honte et de repli sur soi. D’ailleurs, Elie est au plus mal dans l’épisode précédent, il connaît un véritable coup de blues et a même envie de mourir. C’est pour cette raison qu’il se cache au désert pour fuir les menaces de mort de la reine Jézabel. Il faut dire qu’Elie a été peut-être un peu trop zélé dans sa mission. Furieux de constater qu’Israël s’est laissé influencer et a préféré adorer les dieux païens locaux plutôt que Yahvé qui les avait fait pourtant sortir d’Egypte. La jalousie fait alors commettre à Elie un acte terrible : tuer 450 prophètes du dieu cananéen Baal, ses pires concurrents. De quoi mettre la reine en colère et lancer une bonne poignée de sbires à ses trousses…

Dans son isolement au désert, Elie s’adresse à Dieu et lui demande de mourir. Mais au lieu de cela, Dieu lui envoie un messager et le nourrit avec de l’eau et une galette. De quoi le remettre sur pieds et lui donner assez de force pour qu’il poursuive sa route jusqu’au mont Horeb, le lieu par excellence de la rencontre de Dieu avec son peuple. C’est ici que Moïse reçoit les Dix Commandements, la Loi comme alliance avec Yahvé.

Ce passage au désert marque un tournant dans la vie et le ministère d’Elie.

Comme le dit le théologien Charles de Foucauld : « Il faut passer par le désert et y séjourner pour recevoir la Grâce de Dieu ; c’est là qu’on se vide, qu’on chasse de soi tout ce qui n’est pas Dieu et qu’on vide complètement cette petite maison de notre âme pour laisser toute la place à Dieu seul. » (Charles de Foucauld, Lettre au père Jérôme).

Ici, Elie se met à l’abri dans une caverne et comme Dieu lui a dit qu’il allait passer, il se tient sur le seuil, comme lorsqu’on attend un ami qui doit arriver. Alors Elie voit passer des phénomènes impressionnants, une forte tempête, un tremblement de terre et puis un incendie. A faire pâlir les plus grands films américains ! Mais à chaque fois, Dieu n’y est pas… Dans la Bible, nous le rencontrons souvent ce Dieu qui aime jouer à cache-cache. Caché dans un buisson ardent devant Moïse, caché dans une colonne de fumée pour accompagner son peuple pendant son exode, caché dans le corps du fils du charpentier de Nazareth… Un Dieu qui se cache mais tout en se révélant néanmoins. Il est bien là, sous nos yeux, mais nous ne le voyons même pas.

Comme dans le roman d’Edgar Allan Poe, La lettre volée, où l’on cherche désespérément une lettre que l’on croit extrêmement bien cachée alors qu’en réalité, elle se trouve posée là sur le bureau, bien en évidence, depuis le début. Car on n’attire pas l’attention lorsque l’on paraît ordinaire et sans valeur.

Ce qui se révèle à nous ce peut être aussi ces choses toutes simples, ces petits signes anodins qui semblent totalement ordinaires. Quelques mots de la part d’un ami, un sourire échangé avec un inconnu dans la rue, un rayon de soleil qui perce à travers les arbres, le rire des enfants qui jouent au parc… En réalité, ces petites choses portent en elles beaucoup plus de valeur et de sens qu’on ne le croit. C’est à la fois un Dieu qui se révèle tout en se cachant et un Dieu qui se cache quand on pense qu’il va se dévoiler. C’est parce qu’il nous laisse ainsi la liberté de le reconnaître ou non, de lui répondre ou de rester replié sur soi-même. La foi ne nous est pas donnée tout de suite de manière complète et prête à l’usage. Les piles ne sont pas forcément fournies dans le paquet… A nous de jouer maintenant !  

C’est ce que Dieu veut faire comprendre à Elie. Cette légère bise anodine, invisible qui n’a rien à voir avec les phénomènes précédents. Cette bise qui paraît si légère va finir par décoiffer notre prophète. Elle balaie en fait l’image violente qu’il se fait de son Dieu. Car il est coincé dans cette théologie archaïque où la violence serait la seule arme de Dieu face à un peuple désobéissant et ingrat envers son Créateur. Sauf que Dieu n’est pas cela, ne peut pas être réduit à cette image de violence. Dieu n’est pas présent dans les effets spéciaux hollywoodiens, il n’est pas un Dieu vengeur et dictateur qui s’impose. Ce léger murmure souffle tout de même assez fort. Il décoiffe et balaye les préjugés pour révéler à Elie un Dieu d’amour, le Dieu de Jésus-Christ qui se manifestera dans la faiblesse et la mort.

Par ce léger murmure, Elie découvre donc un Dieu créateur puissant par sa tendresse. Comme une mère qui porte un regard tendre vers son enfant, qui sait le consoler et le rassurer quand il doute.

Quand la bise fut venue, Dieu murmura à l’oreille d’Elie des mots doux. Un léger murmure qui révèle la force de la tendresse de Dieu et la puissance de son amour. Un amour qui se donne totalement et gratuitement. Un amour qui ne contraint pas mais qui rend libre. Libre d’aimer à son tour.

Nous ne sommes pas si éloignés finalement de cette bise affectueuse dont nous sommes privés depuis trop longtemps déjà…

Amen.