Profession du père ?
Profession du père ?
Prédication du dimanche 21 décembre 2025, par Jean-Michel Ulmann
Lectures bibliques :
- Esaïe 7, versets 10 à 16
- Matthieu 1, versets 18 à 24
Quand, à la rentrée en CP ou CE1, de l’an 6, le maître d’école de Nazareth a demandé à ses élèves la profession de leur père que lui a répondu le petit Jésus ? Charpentier. Et à la question : que voudrais-tu faire quand tu seras grand, l’enfant Jésus répondit : Comme papa. Et c’est bien ce qu’il a fait, ce qu’il, nous, fait : nous charpente.
Mais de quel père s’agit-il ? De quelle charpente ?
Quelle profession exerçait Joseph? Le texte qui vient de nous être lu ne nous le dit pas. Mais nous la connaitrons au chapitre 13 versets 55 : « S'étant rendu dans sa patrie, il (Jésus) enseignait dans la synagogue, de sorte que ceux qui l'entendirent étaient étonnés et disaient: D'où lui viennent cette sagesse et ces miracles? N'est-ce pas le fils du charpentier? N'est-ce pas Marie qui est sa mère? Avant lui, Marc, le premier, va plus loin encore. Non seulement Joseph était charpentier mais il a transmis son métier à Jésus. Nous lisons au chapitre 6, verset 3 : « Quand le sabbat fut venu, il se mit à enseigner dans la synagogue. Beaucoup de gens qui l'entendirent étaient étonnés et disaient: D'où lui viennent ces choses? Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée, et comment de tels miracles se font-ils par ses mains? (ses mains) N'est-ce pas le charpentier, le fils de Marie... ». Inattendues qualités pour un fils d’artisan. Quelle promotion, comment s’est-il élevé si haut? Les préjugés face sur les manuels déjà…
La réponse viendra un peu plus tard, quand jeune ado de12 ans, s’étant attardé avec les docteurs de la loi, lorsque Joseph et Marie, inquiets de ne pas le retrouver dans la foule de Jérusalem venu fêter Pessah le retrouvent enfin et lui demandent : « Mais enfin, Jésus, où étais-tu passé ? » Il a le toupet de répondre : « Pourquoi m’avez-vous cherché ? Ne savez-vous pas que je dois m’occuper des affaires de mon Père ! ». C’est un peu déroutant, non. Mettez vous à la place des parents. Imaginez leur embarras parce que cette vérité n’est pas pour eux un secret. Ils l’ont vécue. Elle avait été annoncée par Esaïe au roi Achaz sept siècles plus tôt.
Achaz, l’un des rois de Juda mentionnés dans la généalogie de Jésus dans l’évangile de Matthieu, craignant Israël et la Syrie, envisagea de faire alliance avec l’Assyrie (les Assyriens) pour protéger son royaume (2 Rois 16 ; 7). Esaïe lui fit alors remarquer que s’il mettait sa foi dans le Seigneur au lieu de faire des alliances politiques douteuses, de s’égarer du côté Baal, et d’idoles bizarres (Toutes choses inimaginables aujourd’hui), le Seigneur protégerait son royaume. Il y a un dialogue assez cocasse entre le prophète et le roi : «Demande en ta faveur un signe à l’Eternel, demande-le… » mais Achaz, crâneur, répond: « Je ne demanderai rien ; je ne tenterai pas l’Eternel » . A quoi Esaïe réplique : «Ecoutez donc, maison de David ! Est-ce trop peu pour vous de lasser la patience des hommes que vous lassiez encore celle de Dieu ? » Et il lui annonce : « Le Seigneur lui-même vous donnera un signe. Voici, la jeune fille deviendra enceinte, elle enfantera un fils. Elle lui donnera le nom d’Emmanuel » (Dieu avec nous).
Esaïe encourage ce roi un peu têtu, à demander à Dieu. C’est toujours valable pour nous aujourd’hui. Ne soyons pas des croyants timorés ou des mégalos frimeurs qui n’ont besoin de personne. Souvenons-nous de Matthieu 7:7-8. « Demandez, et l’on vous donnera ; cherchez, et vous trouverez ; frappez, et l’on vous ouvrira. Car quiconque demande reçoit, celui qui cherche trouve, et à celui qui frappe, on ouvrira. » A ceux qui se refusent d’espérer l’éternel donnera un signe, nous donnera un signe d’espoir, un signe de vie. Et c’est bien ce qui arriva. Nous le célèbrerons dans trois jours.
Joseph, lointain descendant de David, (berger musicien) lui -même rejeton de Jessé, reçut, d’un ange, l’annonce la grossesse de Marie.
Pourquoi lui ? Pas seulement pour une raison de généalogie. Mais aussi du fait de son métier, charpentier. Je crois que ce choix est une glorieuse allégorie de notre foi. Ce choix n’est pas fortuit.
Joseph, aurait pu exercer le métier de maçon, de meunier, de tailleur. S’il est charpentier c’est pour nous dire quelque chose. Souvenez-vous de l’émotion suscitée par l’incendie de la charpente de Notre Dame. Un naufrage tombé du ciel. Nous sommes plus attachés aux vieux arbres qu’aux vieilles pierres. D’abord parce qu’ils sont plus vulnérables, plus fragiles, qu’il faut du temps pour qu’ils soient dignes de confiance. Les voir partir en fumée était insupportable, une souffrance, par ce que nous les imaginions irremplaçables. Parce que perdre ce chef d’oeuvre de chênes centenaires était comme perdre ce qui soutien, protège et nous éléve. A une époque d’impératif présent, de vitesse, d’impatience, d’exigence d’instantané, restauré cette charpente semblait au-dessus de nos forces. Où trouver la matière première (chênes de près de trois siècles) et le savoir-faire des charpentiers du Moyen Âge ? Et pourtant, cinq ans après, elle était là-haut, identique et nouvelle. Une charpente combine merveilleusement la nature (on l’appelle la forêt) et l’architecture. La charpente est portée et porteuse. Elle est soutenue et soutien. Et elle a été reconstruite parce que quelque chose de plus fort l’a voulu. Les travaux de la sacristie, toutes proportions gardées, sont du même esprit. Nous ne pensons pas : restaurons, aménageons cette salle, faisons une chouette déco, une bel éclairage…Nous disons accueillions, échangeons, partageons.
Le charpentier assemble ce jeu de construction qui dit la diversité, des arbres tous différents comme nous tous mais qui réunis, ajustés font corps ; ils font église.
Revenons donc à notre charpentier et à nos lectures.
Entre Esaïe et Matthieu se produit un formidable mouvement de bascule. Nous passons de « demande à Dieu » à « Dieu te demande ». Dieu fait confiance à Joseph.
Ces textes alternent demander et recevoir, demandeur et récepteur. Esaïe dit à Achaz: Demande en ta faveur un signe à l’Eternel » Dans Matthieu, inversion, c’est Dieu qui par la voix d’un ange, -il est coutumier du fait- demande à Joseph d’accueillir cet enfant. Dieu prie Joseph. Formidable transition d’un Dieu que l’homme implore, ignore ou craint à un Dieu qui a besoin de l’homme pour accueillir son fils, fils qui nous sauve…
Ainsi Joseph, le brave Joseph, accueille, sauve Jésus du roi Hérode, le mène en Egypte, ramène sa famille quand un ange le prévient, protège Jésus, lui transmets son métier.
Voila ce que Matthieu nous apprend. Dieu nous demande. Cette relation céleste devient un compagnonnage terrestre, incarné. Nous quittons un Dieu tout puissant qui n’a que faire de nous pour un Dieu qui a besoin de nous, qui nous permet de participer au grand chantier de sa création.
Poursuivons l’enquête avec l’héritage de Joseph
D’un côté, Joseph, artisan, père manuel, (modèle) modeste mais descendant de Jessé, de l’autre Dieu, le père spirituel de Jésus, cet enfant conçu du Saint Esprit né de la vierge Marie, ». Cet état civil peut nous déconcerter, nous étourdir. Il nous faut pourtant assumer cette généalogie. N’est-ce pas ce qui nous est donné lorsque nous disons le Notre Père et aussi par notre baptême, quand nous renaissons en quelque sorte reconnus, enfants légitimes de l’Eternel et frères, sœurs, de notre Seigneur ?
Croire, ce n’est pas attendre une Toute-Puissance. Notre église n’est pas dans la salle d’attente d’un dieu gynécologue en blouse blanche. L’heureux évènement a eu lieu. Nous avons à le vivre et à le faire vivre. Après la longue attente, après le rude hiver, La nouvelle éclatante Ebranle l’univers: Fini le dur tourment, Le Messie va paraître! L’annonce des prophètes S’accomplit maintenant.
Plus tard, vingt ans plus tard, Jésus lui-même demandera à ses disciples : « Et vous, qui dites-vous que je suis? Simon Pierre répondra: Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. Jésus, reprenant la parole, lui dira: Tu es heureux, Simon, fils de Jonas; car ce ne sont pas la chair et le sang qui t'ont révélé cela, mais c'est mon Père qui est dans les cieux. Et moi, je te dis que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Eglise. Matt 16 (nous voilà encore dans une affaire de bâtiment…)
De même que Dieu a demandé à Joseph d’accueillir, de protéger, de trouver une crèche ; il demande à Pierre de construire son église. C’est lui qui demande de bâtir son église. Comme une prière de Dieu. Ce qu’il nous demande à cet instant c’est d’être protecteur de notre prochain, d’être accueillant comme son papa Joseph. Dans quelle demeure, à quelle adresse, poste restante Pentemont-Luxembourg ? Oui, ça ne fit aucun doute mais aussi dans notre intimité. Il demeure en nous. Les messages des anges ne sont pas des harangues de tribuns qui prophétisent devant la foule. C’est une « messe basse », tendre, transmis de bouche à oreille.
Alors osons, soyons assez humbles pour appeler, assez fous pour demander et assez confiants et disponibles pour donner et accueillir.
Jésus, le Christ, nous charpente, il nous structure. Sa parole nous construit, nous soutient. Nous en sommes les murs porteurs, les porteurs de sa Parole, parole de justice, de fraternité, parole d’amour.
Alors, ce matin/soir, je vous invite à nous réjouir ensemble simplement, un peu comme des ravis de la crèche, comme des amis disponibles, libres, ouverts à la joie. Comme l’écrit le pasteur Samuel Amédro dans un récent message : « Retrouvons la ferveur des commencements, la ferveur et la tendresse de Jésus ».
Ainsi sommes-nous passés de l’Eternel, d’un Dieu tout puissant à un père, notre Père, le charpentier. Tous charpentiers invités à construire, consolider, embellir et élargir les piquets de notre tente avec Jésus comme mât. Être les éternels apprentis de notre bon maître. C’est cela la Bonne nouvelle, passer d’un Dieu à un père. Notre charpentier. Joyeux Noël !
Amen
