Aussitôt dit, aussitôt fait — Église protestante unie de Pentemont-Luxembourg - Communion luthérienne et réformée

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Aussitôt dit, aussitôt fait

Prédication du dimanche 31 janvier 2021, par le Pasteur Simon Wiblé

Lectures bibliques :

Marc c 1, 21 à 28

Jésus et ses disciples entrent dans Capharnaüm. S'étant rendu à la synagogue (aussitôt) le jour du sabbat, Jésus se mit à enseigner. Ils étaient ébahis de son enseignement ; car il enseignait comme quelqu'un qui a de l'autorité, et non pas comme les scribes. Il se trouvait (aussitôt) justement dans leur synagogue un homme possédé d'un esprit impur, qui s'écria : Que nous veux-tu, Jésus le Nazaréen ? Tu es venu pour notre perte. Je sais qui tu es : le Saint de Dieu ! Jésus le rabroua, en disant : Tais-toi et sors de cet homme. L'esprit impur sortit de lui en le secouant violemment et en poussant un grand cri. Tous furent effrayés ; ils débattaient entre eux : Qu'est-ce donc ? Un enseignement nouveau, et quelle autorité ! Il commande même aux esprits impurs, et ils lui obéissent ! Et sa renommée se répandit aussitôt dans toute la Galilée.

Autre lecture : Deutéronome 18, 15 à 20

 

Aussitôt dit, aussitôt fait

 

L’évangile de Marc est le plus ramassé, le plus condensé des 4 .

« Aussitôt dit, aussitôt fait » …

Après le baptême de Jésus dans le Jourdain, aussitôt les 40 jours dans le désert. Ensuite, Jésus prêche la bonne nouvelle de Dieu, la proximité du Royaume de Dieu, la conversion et la foi, tout ceci en très peu de mots, en très peu de versets.

L’appel des premiers disciples ensuite, le long de la mer de Galilée. Pêcheurs de poissons, à l’appel de Jésus, ils deviennent pêcheurs d’hommes. « Aussitôt », ils laissent leurs filets et suivent Jésus.

Le passage proposé ce matin indique que Jésus et ses disciples se rendent à la ville de Capernaüm, dans la synagogue. Là, il enseigne et guérit un homme possédé d’un esprit impur.

C'est la première guérison que nous relate l'évangile de Marc. Et c'est aussi le premier acte public de Jésus. C'est donc par cette guérison que Jésus commence sa mission d'annoncer que le Royaume de Dieu est proche. Et cette proximité du Royaume de Dieu se révèle dans une guérison.

Souvent, nous nous demandons en quoi peut bien consister le Royaume de Dieu annoncé par Jésus : le Royaume de Dieu, c'est quoi ?

Ce que le geste de Jésus nous révèle, c'est que le Royaume de Dieu consiste en une parole qui a suffisamment d'autorité pour guérir un homme.

Parole – autorité - guérison

Voilà peut-être déjà un premier enseignement précieux pour nous ce matin.

Pause

Nous avons tendance à vivre et à comprendre notre relation à Dieu dans un cadre juridique : nous sommes sur le banc des accusés, Dieu est à la place du juge, Jésus est l'avocat qui plaide pour nous et qui permet que nous soyons graciés au lieu d'être punis.

Je ne dis pas que cette manière de vivre et de comprendre les choses est forcément mauvaise.

Mais je dis en revanche que le texte de ce matin nous invite à voir les choses autrement.

Plutôt que dans un cadre juridique, nous sommes invités à considérer notre relation à Dieu dans un cadre thérapeutique.

La guérison que Jésus opère nous révèle non pas un Dieu juge ou avocat, mais un Dieu médecin, un Dieu dont la parole produit en l'homme un effet de guérison.

Ce premier acte public de Jésus dans l'évangile de Marc nous permet de découvrir Dieu autrement et de nous positionner par rapport à lui autrement.

Nous ne sommes pas tant des coupables ayant besoin d'être pardonnés, que des malades ayant besoin d'être guéris. Je vous rappelle d'ailleurs qu'en grec on utilise le même mot pour dire « sauver » et « guérir ».

Pause

Maintenant posons-nous la question : quelle est la maladie dont Jésus peut nous guérir ?

Cet homme possédé d'un esprit impur présente plusieurs symptômes. Essayons de faire un diagnostic. Je ferai 3 observations.

Première observation :

il est dans la synagogue, il fait partie d'une communauté de croyants. En somme, c'est un paroissien ! Mais manifestement, cela n'est pas en soi un gage de bonne santé spirituelle.

Deuxième observation :

il est possédé par un esprit impur. Dit autrement : cet homme n'est pas lui-même. Il est possédé, c'est-à-dire soumis à une puissance qui, précisément, l'empêche d'être lui-même. Il n'est pas libre de parler sa propre parole, car il est dominé par un esprit impur, c'est-à-dire « quelque chose » qui parle à sa place.

Troisième observation :

il sait tout sur Jésus. Il connaît sur le bout des doigts son catéchisme : il sait quelle est la mission de Jésus et quelle est son identité. Jésus est venu pour perdre les esprits impurs, c'est-à-dire pour détruire les puissances qui empêchent les hommes d'être eux-mêmes. Jésus est le Saint de Dieu, c'est-à-dire le Messie, le Christ envoyé par Dieu pour sauver son peuple et toute l'humanité.

Pause

Si nous résumons :

voilà un croyant modèle, membre actif d'une communauté, qui possède la bonne doctrine... mais en réalité c'est lui qui est possédé. Il est ravagé par une maladie spirituelle qui l'empêche d'être lui-même, qui le rend incapable de parler sa propre parole.

Le symptôme le plus fort de cette maladie spirituelle, c'est ce « tout-savoir » sur Jésus, sur sa mission et son identité. Parce que ce « tout-savoir » sur Jésus se substitue à une relation vivante avec Jésus.

Il y a là de quoi nous interpeller, que l'on soit paroissien ou pasteur.

Quelle sont nos maladies spirituelles ?

Quelles sont les forces qui agissent en nous et nous privent de notre liberté d'être et de notre liberté de parole ?

Par quels discours, par quelles idéologies, par quelles connaissances sommes nous possédés à notre insu, au point de ne plus pouvoir assumer notre propre existence et notre propre parole ?

Quels sont les doctrines, les catéchismes, les enseignements qui nous font tellement bien connaître Jésus, que nous n'avons plus accès à lui d'une manière renouvelée et vivante ?

Pause

En somme, je dirais que ce qui nous rend spirituellement malades ce n'est pas notre ignorance, nos tâtonnements, nos interrogations ou nos doutes, mais plutôt notre savoir, nos connaissances, nos certitudes, nos images toutes faites sur Jésus... dont nous ne nous apercevons même plus qu'elles nous dominent et nous placent en danger de mort spirituelle.

Oui, la meilleure théologie peut avoir pour effet de masquer le Christ et de rendre inaudible sa parole, précisément en prétendant tout savoir et tout dire sur lui.

Et alors,

ce que je crois être ma parole n'est en réalité qu'un discours vide que je répète à longueur de temps sans même savoir que je le répète.

Ce que je crois être ma foi n'est en réalité qu'une opinion ou une doctrine que je perpétue de manière inconsciente et qui fait de ma vie non pas une histoire libre et ouverte, mais un destin tout tracé.

Pourquoi suis-je engagé dans l'Église, pourquoi est-ce que je cotise, pourquoi est-ce que je viens au culte ?

Par habitude, par fidélité à une tradition familiale, pour perpétuer ce que j'ai toujours connu ?

Ou parce que ma relation personnelle au Christ est une relation vivante et libre et que, justement, être engagé dans l'Église me donne l'occasion de vivre cette relation avec d'autres, de partager mon expérience, de ressourcer et de renouveler ma foi ?

Frères et sœurs, les deux ne sont pas forcément exclusifs, notez-le bien, mais la question mérite d'être posée.

Il y a en tout cas une très grande différence entre la foi et le savoir.

Le savoir, c'est connaître des choses sur Jésus.

La foi, c'est être en relation avec Jésus.

La maladie spirituelle, c'est ce qui pousse à confondre les deux.

Et cette maladie spirituelle, nous avons grand besoin d'en être guéris par Jésus.

Pause

La question est alors : comment Jésus peut-il nous guérir ?

Là encore essayons de repérer les étapes du processus thérapeutique.

Le texte nous dit que Jésus enseigne avec autorité, et non pas comme les scribes. C'est-à-dire que, contrairement aux scribes, Jésus n'enseigne pas une doctrine, il ne cherche pas à transmettre un savoir sur Dieu.

La parole de Jésus est une parole qui a autorité, autrement dit c'est une parole qui agit avec puissance, une parole qui produit des effets concrets chez ceux qui l'entendent. Cf. « aussitôt dit, aussitôt fait »

C'est en cela que l'enseignement de Jésus est un enseignement nouveau. La parole de Jésus fait ce qu'elle dit au moment où elle le dit.

La parole de Jésus est un acte qui manifeste la puissance de Dieu. La parole de Jésus, c'est Dieu en acte. Dans la parole de Jésus, Dieu révèle sa puissance.

Mais attention, la puissance de Dieu n'est pas une toute-puissance écrasante. C'est une puissance thérapeutique. La parole de Jésus, c'est le médicament de Dieu pour notre guérison spirituelle.

Jésus guérit cet homme uniquement par la puissance de la parole. Et c'est déjà quelque chose d'extraordinaire, pour moi c'est le plus grand miracle qui soit au monde : qu'une parole ait le pouvoir de guérir quelqu'un.

Qu'une parole ait le pouvoir de libérer quelqu'un, de le relever, de lui donner la paix, de l'encourager à vivre.

Qu'une parole puisse toucher quelqu'un, ouvrir une brèche dans son désespoir et lui faire relever la tête.

Qu'une parole puisse rejoindre quelqu'un au plus profond, fissurer la carapace de son orgueil pour lui permettre de sortir enfin de lui-même et de renouer le dialogue avec les autres.

La parole de Jésus peut faire tout cela.

Elle peut faire taire les esprits impurs qui vivent et parlent à notre place.

D'ailleurs, vous aurez remarqué, quand Jésus dit « Tais-toi », il ne s'adresse pas à l'homme mais bien à l'esprit qui le possède et qui parle à sa place : le but de Jésus est bien de libérer la parole de cet homme en imposant silence à ce qui parle en lui à sa place.

La parole de Jésus peut mettre un coup d'arrêt aux puissances, aux idéologies, aux discours, aux doctrines qui plus ou moins consciemment nous empêchent d'être nous-mêmes et de parler notre propre parole.

La parole de Jésus est l'acte que Dieu accomplit pour chasser de nos vies tout ce qui nous possède, tout ce qui nous domine, tout ce qui nous rend esclaves, tout ce qui nous déshumanise...

y compris, parfois, des certitudes religieuses mortifères que nous croyons être parole d'Évangile !

Et justement, à ce propos, la parole de Jésus produit encore une dernière chose.

Elle fait taire en nous les idées que nous nous faisons de lui, elle déconstruit les images que nous nous sommes construites de lui et dans lesquelles nous l'enfermons.

Et en enfermant Jésus dans une image, c'est Dieu que nous enfermons dans une image.

Pause

Dans l'évangile de Marc, c'est très frappant, les seuls personnages à prétendre savoir qui est Jésus sont les démoniaques et les possédés.

Les seuls à savoir que Jésus est le Christ sont les esprits impurs et globalement les puissances mauvaises.

C'est pour cela que chez Marc, de manière encore plus forte que dans les autres évangiles, la révélation que Jésus est le Christ et le Fils de Dieu se fera à la croix, c'est-à-dire précisément là où il était impensable que le Christ, le Fils de Dieu puisse se révéler.

Marc nous enseigne à confronter toutes nos idées et tout notre savoir sur Dieu au scandale de la croix.

La croix nous révèle le Christ en prenant à contre-pied la logique humaine qui cherche Dieu dans la toute-puissance.

Il nous faut sans cesse arpenter le chemin qui mène à la croix pour découvrir Dieu autrement.

La croix nous empêche d'enfermer Dieu dans une image, car elle fait voler en éclat toutes les images de Dieu que nous pouvons nous faire.

La parole de Jésus a un effet thérapeutique sur notre foi, précisément parce qu'elle ouvre devant nous le chemin qui mène à la croix.

Et paradoxalement, ce chemin qui mène à la croix est un chemin de vie.

C'est sur ce chemin que nous pourrons crucifier toutes les puissances qui nous déshumanisent et qui défigurent notre relation à Dieu.

C'est en cheminant avec Jésus vers la croix que nous pourrons crucifier tout ce qui nous empêche d'être nous-mêmes et d'être sujets de notre parole, crucifier tout ce qui nous possède et qui nous pousse du côté de la mort : la répétition, les idéologies, les fausses croyances, l'orgueil, le désespoir, la quête de perfection, le désir d'être Dieu...

La croix du Christ nous guérit de tout cela.

Et en cela, elle nous permet de commencer, dès à présent, à ressusciter.

Parole – autorité – guérison – Salut !

« Aussitôt dit, aussitôt fait »

Amen