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Sauver le sacré

Prédication du dimanche 12 mars 2023, par la Pasteure Lina Wackwitz

Lien pour visionner le culte : https://www.epupl.org/spiritualite/la-parole/cultes-en-video/video-du-culte-du-12-mars-2023

Sauver le sacré

Prédication pour le 12 mars 2023 par la Pasteure Lina Wackwitz

 

Lectures bibliques :

  • Exode 3, versets 1 à 6
  • Marc 11, versets 15 à 18
  • Ephésiens 4, versets 25 à 32

 

I Attaque du sacré
Quelque chose de rouge et épais s'écoule le long de la vitre.

Derrière la vitre, il y un tableau. Et pas n'importe lequel.

Non : un Van Gogh. Un de ses tableaux de tournesols.

Il est accroché dans un musée à Londres et admiré chaque jour par des milliers de personnes.

Un chef-d'œuvre de l'impressionnisme.

Un patrimoine culturel mondial.

Quelque chose que nous considérons comme sacré et dont nous prenons soin.

Et maintenant, le tableau est souillé, on pourrait presque dire : désacralisé. De la soupe de tomate rouge coule le long de la toile, lancée par trois jeunes femmes.

Elles sont des activistes climatiques.

Et au lieu de s'enfuir immédiatement, les femmes se collent au mur sous le tableau.

Elles disent : "Nous faisons ça par amour de la vie et donc aussi par amour de l'art. Parce que ce monde signifie quelque chose pour nous. Parce qu'il est sacré pour nous. 

Depuis des mois déjà, des activistes climatiques interviennent délibérément dans notre quotidien. Ils bloquent les routes et se collent aux carrefours, empêchant ainsi que les gens peuvent se rendre au travail. Ils ne s'arrêtent pas plus devant le filet de tennis de Rolland Garros que devant le Tour de France.

D´un côté, leurs actions sont fascinantes, de l´autre côté ils énervent les gens et ils sont beaucoup critiqués :

parce qu'ils touchent à quelque chose que la majorité des gens considère comme sacré, qui ne doit pas être dérangé ni interrompu. 
Et beaucoup pensent certainement: 
Cela ne se fait pas. 
C'est pourtant aussi une question de respect envers les sportifs, les artistes, la population qui travaille !
 

II Jésus sauve ce qui est sacré pour lui
Il y a quelqu'un d'autre qui, il y a de nombreuses années, a troublé l'ordre public. 
C'est le jour du marché : c'est du moins ce que l'on pourrait croire. Partout, des étals sont dressés et des marchands vantent leurs produits : « des pigeons, des pigeons frais ! » D'autres ont de la viande de chèvre ou de bœuf.

Les nombreux pèlerins qui ont parcouru d'innombrables kilomètres peuvent acheter ici la viande nécessaire à leur sacrifice. Abattus selon les règles religieuses de la pureté. Pour l'offrir à Dieu dans le temple.

Quel soulagement pour eux de ne pas avoir à la transporter sur le long chemin. Après leur long voyage, les gens sont soulagés d'être arrivés à destination. Ils discutent et rient. Ils sont de bonne humeur.


Une seule personne n'a pas envie de rire. C'est Jésus. Il entre dans l'enceinte du temple et assiste à une scène qui le choque. L'ambiance dans le temple ne le soulage pas, lui qui a parcouru de nombreux kilomètres aussi. Au contraire, c´est la colère et la tristesse qui l'envahissent. Et il ne réfléchit pas longtemps.

 

Il se dirige vers les étals du marché, saisit les tables et les renverse.

Il jette les marchandises et l'argent par terre,

il crie sur les gens et les jette hors du temple.

Jésus a littéralement pété les plombs. Il a agit d'une manière que nous ne connaissons pas de lui.

Par son action, il a perturbé la normalité de son environnement, il a littéralement tout renversé et s'est attiré la colère des autres : C'est avec cette expulsion du temple que commence la passion de Jésus, son accusation de révolutionnaire contre les autorités, son chemin vers la croix. 

 

III Le sauvetage du sacré
Bien sûr, la comparaison entre le tumulte de Jésus dans le temple et les actions de la Génération Rénovation est boiteuse.

Je le sais bien.

Et pourtant, je ne peux m'empêcher d'y voir un certain point commun.

Le grand cri, la colère et l'interruption violente de la normalité, cela me semble correspondre. Tous les deux veulent sauver quelque chose - quelque chose qui leur est sacré. 

Jésus pousse un cri. Il est en colère. Stupéfait par quelque chose. Quelque chose d'infiniment sacré pour lui est simplement devenu un grand bazar. La maison de son père, un lieu de prière pour le monde entier, est devenue un marché d'échange - où l'offre et la demande sont décisives. Où les gens veulent faire du profit. Mais un temple n'est pas un bazar.

Le lieu où les hommes peuvent être proches de Dieu doit échapper aux intérêts de l'économie de marché. Ce devrait être un lieu qui est simplement là - ouvert à tous. 

De nombreux jeunes poussent un cri. Ils sont en colère et abasourdis. De la manière dont nous avons pu brader ainsi ce monde, ce qui devrait être sacré pour nous et pour tous les êtres humains qui habitent cette planète.

Nous avons divisé chaque centimètre carré de ce monde.

Et chaque partie qui le permet est exploitée :

on cultive et on élève du bétail,

on abat des arbres et on fore des puits de plus en plus profonds. On produit plus que ce que nous pouvons manger et vendre - beaucoup plus. Et nous déversons ce trop-plein dans les océans. Pour que le prix du marché reste stable.

Pendant trop longtemps, nous avons pensé que le monde était une éponge qui donnait beaucoup,

pour autant qu'on la tordît bien fort.

Mais depuis quelque temps déjà, il est clair

que l'éponge devient de plus en plus sèche.
 

IV Le cri de Jésus
Ce grand cri inhabituel de Jésus est rapporté dans tous les évangiles. Marc et Matthieu le racontent, Luc le mentionne également. Et Jean rapporte que Jésus a même agi de manière particulièrement violente en se fabriquant un fouet et en s'en servant pour chasser les animaux et les hommes du temple. 

Le cri de Jésus, la colère et la violence derrière ses actes, est devenu un motif célèbre dans l'art.

Mais du côté de la théologie, on a souvent tenté de la nier et de l'atténuer.

Un Jésus qui jette des tables - cette image ne semble pas correspondre au Jésus qui te dit de tendre l'autre joue.

Elle ne semble pas convenir au Jésus qui, dans toute son angoisse, se retire seul pour prier.

Et c'est ainsi que l'on a dit que les récits des évangiles étaient fortement exagérés ou que le récit devait être interprété de manière purement symbolique : Le temple comme symbole de l'âme qui doit être maintenue propre de toute impureté extérieure. D'autres encore ont interprété l'histoire comme une prophétie de la destruction effective du Second Temple dans l´année 70. 

Ces interprétations essayent de faire coïncider des choses qui ne vont pas ensemble. L'histoire montre l'image d'un Jésus qui sort de ses gonds. Qui réagit spontanément et sans réfléchir. Qui se laisse emporter par ses propres sentiments. C'est une image qui, à mes yeux, rend Jésus profondément humain. Qui rompt avec sa linéarité et son intangibilité. 

L'histoire est généralement décrite comme la purification du temple, comme la chasse des vendeurs, mais je trouve le titre suivant bien plus approprié : Jésus sauve ce qui est sacré pour lui. 

 

V Ce qui est sacré pour moi
Qu'est-ce qui est sacré pour nous ? 
Qu'est-ce qui est sacré pour vous ? 
Je crois que chaque personne a quelque chose, ou peut-être plusieurs choses, qui lui sont vraiment sacrées. Et souvent, les choses qui ont une valeur particulière ne sont pas toujours compréhensibles pour les autres. 

Ce qui est sacré pour nous, ce sont souvent des choses.

Des choses qui nous relient au passé ou avec certaines périodes de la vie. 
Une vieille veste en cuir, la robe de mariée, des souvenirs de nos premières vacances ensemble. 
Nous avons souvent besoin de ces objets pour nous rappeler qui nous étions il y a dix, vingt ou même cinquante ans. Les photos, les lettres ou même les journaux intimes nous montrent souvent notre identité passé mieux et plus honnêtement que notre propre mémoire, qui travaille trop souvent avec un petit flou. 

Mais les choses ne nous rappellent pas seulement nous-mêmes, elles nous rappellent aussi très souvent les autres :

Des personnes qui nous étaient proches et qui sont peut-être déjà décédées. Nos parents et nos grands-parents - mais peut-être aussi, plus douloureusement, nos amis et nos enfants. 

Le sacré peut aussi être un temps particulier. 
Pour être avec les autres. Avec des amis ou la famille. 
Ou simplement avec soi-même. 
Pour se retrouver. 
Pour ne pas perdre la tête entre le travail, la famille et tous les problèmes et tâches que la vie d'adulte impliquent. 

Ce temps pour soi peut être la prière. 
A la maison chez soi ou bien au culte. 
Un temple sacré - rien que pour moi.  

 

 

VI Trouver le sacré
Qu'est-ce qui est sacré pour nous ? 
Qu'est-ce qui est sacré pour vous ?
Je pense que souvent, nous ne pouvons pas vraiment le nommer.

Et souvent, ce qui nous touche vraiment n'est justement pas évident, mais caché. Et ce n'est que par leur absence, leur mise en danger ou leur "désacralisation" que nous remarquons leur véritable importance pour nous.

 

Comme une mère qui, soudainement et sans le vouloir, éclate en sanglots parce que son enfant a cassé une vieille tasse moche. Une tasse qui n'a jamais été utilisée.

Qui se trouvait tout au fond de l'armoire.

Mais c'était la tasse préférée de sa mère décédée.

Et avec cette tasse, il lui semble que c'est aussi un peu le souvenir de sa mère qui s'est brisé. 

Parfois, nous nous emportons. Parfois, nous jetons des mots en l'air, nous étonnons et blessons les autres.

Parce que ce que nous avons de plus sacré

est touché et mis en danger.

Parce que nous nous asseyons comme une mère lionne et voulons le protéger.

Jésus connaissait ce sentiment. Et tout comme Jésus n'a expliqué ses actes qu'après coup, nous aussi, nous ne comprenons parfois qu'après coup pourquoi quelque chose nous a fait réagir d´une telle manière. 

Lorsque toutes les alarmes se déclenchent chez nous ,

lorsque nous fondons en larmes

lorsque nous nous mettons à courir sans trop réfléchir,

nous remarquons que quelque chose de sacré

est touché chez nous.

Quelque chose que nous devons absolument protéger.

 

Comme les jeunes qui se collent actuellement à ce monde pour ne pas le perdre.
Comme Jésus, qui se jette devant la maison de son père pour la protéger et se met ainsi à dos le monde entier.

 

Et peut-être que ce qui est sacré pour nous dans ce monde reflète encore une autre sainteté.

Une qui est bien plus grande

que ce que nous pouvons saisir et comprendre.

Une sainteté qui n'est justement pas de ce monde.


J'espère que nous pouvons toujours suivre les traces de sainteté dans notre vie.

Et j´espère de tout mon cœur,

que le moment venu,

nous aurons la force et le courage

de sauver ce qui est sacré pour nous.

Amen.
 

 

 

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