"A la recherche de mon prochain" par Annette Preyer — Église protestante unie de Pentemont-Luxembourg - Communion luthérienne et réformée

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"A la recherche de mon prochain" par Annette Preyer

Prédication du dimanche 14 juillet 2019

Luc 10, 25 à 37

 

Le bon Samaritain, une figure que tout le monde connaît, même les non Chrétiens. Le petit Robert des mots communs dit « faire le bon Samaritain : se montrer secourable ; être toujours prêt à se dévouer. » Et le Wiktionnaire dit : « Toute personne faisant preuve de bienveillance avec autrui. Avec deux phrases exemples :

J’en ai marre de jouer au Bon Samaritain.
Son air renfermé et dur cache en fait un Bon Samaritain.

Des exemples qui ne donnent pas vraiment envie.

 

En Allemagne, il y a le Arbeiter-Samariter-Bund, la fédération des ouvriers samaritains, créée en 1888 par des charpentiers pour porter les premiers secours à des ouvriers accidentés sur un chantier. Cette organisation a aujourd'hui 40 000 salariés et 20 000 bénévoles et agit un peu comme la Croix rouge.

 

Premier défi donc : parler d’une parabole super connue.

 

Deuxième défi : Je pense que je serais moi-même passée à côté de l’homme blessé au bord de la route. Pour commencer, voir du sang me fait tomber dans les pommes. Puis je ne connais pas les gestes de premier secours. Enfin j’aurais peur : si l’homme simulait son mal-être pour me tendre un piège ? Ou que des complices m’attendaient pour me dépouiller à mon tour ?

Que faites-vous quand vous voyez un homme mal habillé et mal en point, étendu, affalé dans la rue ?

 

A la faculté de théologie de Princeton, aux Etats-Unis, des psychologues ont fait une expérience intitulée « De Jérusalem à Jéricho » avec 40 étudiants. Ces derniers savaient qu’ils participaient à une expérience de recherche, mais évidemment en ignoraient le vrai sujet. Dans un bâtiment ils devaient remplir un questionnaire puis étaient envoyés dans un autre bâtiment où ils devaient parler pendant 3 minutes soit de leurs perspectives de carrière professionnelle, consigne donnée à 20 étudiants, soit de notre parabole du bon Samaritain, tâche donnée aux 20 autres. En chemin, ils passaient devant un homme, mal habillé, couché dans une entrée, qui jouait le malade et toussait et gémissait à leur passage.

Combien, croyez-vous, se sont arrêtés ?

16 sur les 40.

24, c'est-à-dire 60% ont continué sans un regard.

A un tiers des étudiants on avait dit : « dépêchez-vous, mon collègue vous attend, vous êtes déjà en retard ». Parmi ceux-là 10% se sont arrêtés.

Au deuxième tiers on a dit : « mon collègue est prêt pour vous recevoir, allez-y ».  45% se sont arrêtés.

Enfin aux dernier tiers on a dit : « votre entretien avec mon collègue ne commence que dans quelques minutes, mais vous pouvez tout de même déjà y aller ». Parmi eux, 63% ont proposé de l’aide.

Donc, plus les gens sont pressés, stressés peut-être, moins ils voient la détresse autour d’eux. Oui, mais … ils vont chez un universitaire qui travaille, comme nous allons peut-être chez un client ou chercher notre fils à la crèche. On pourrait donc faire l’hypothèse qu’ils ne sont pas insensibles mais se trouvent dans un conflit de priorités, car un autre prochain les attend, l’autre personne dépend aussi d’eux.

 

Et ceux qui devaient parler du bon Samaritain se sont-ils arrêtés plus volontiers que les autres. Ouff, oui, mais seulement à 53% contre 29% pour ceux qui devaient faire un speech sur les carrières.

Donc, je ne suis pas seule dans mon cas, mais n’empêche, cela me met mal à l’aise, me culpabilise. Car j’ai mon planning, mes objectifs, je désire les tenir et je ne veux pas me laisser ralentir, arrêter ni dévier de mon chemin.

De surcroît, j’aurais tendance à choisir mon prochain, celui que je veux bien aider. En donnant du temps pour la paroisse, en faisant du soutien scolaire pour les enfants de ma gardienne, …Cela pourrait être la Cimade, le KT, ELP, Greenpeace, les repas du CASP, les scouts, une épicerie solidaire, …

 

Heureusement pour nous, la pédagogie de Jésus ne se sert pas de la culpabilisation. Jésus ne répand pas la déprime et le désespoir autour de lui, mais la joie et la confiance. Il ne présente pas l’attention au prochain comme une obligation légale, mais comme un élan spontané, une réponse à l’amour de Dieu qui est premier.

Revenons un instant sur la première question que Jésus pose au maître de la loi – pour mémoire, entre parenthèses, un maître de la loi est un théologien et non pas un juriste, il est question de la loi de Moïse. Le maître de la loi, donc, avait bien répondu, en mettant ensemble le verset du Deutéronome « Tu dois aimer le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence. » Et celui du Lévitique : « Tu dois aimer ton prochain comme toi-même. »

Pour cette réponse, Jésus lui donne une bonne note au point de vue de la connaissance de la bible. « Tu as bien répondu. » Il rajoute une parole d’encouragement, d’envoi et une parole de bénédiction : « Fais cela et tu vivras. »

 

Le maître de la loi n’en est pas satisfait. Soit sincèrement, soit parce qu’il n’a pas pu coincer Jésus. D’où la question « qui est mon prochain ? » et notre parabole.

A cette question théorique, Jésus donne une réponse concrète qui concerne deux personnes. Il met en scène un être en détresse et un être en chemin. Cela devient une question de relation.

 

Ici j’ai envie d’ouvrir une parenthèse avant de revenir à la question du bon Samaritain et nous, chrétiens en 2019.

Les pères de l’église, Origène, Irénée de Lyon et Clément d’Alexandrie, qui ont vécu dans la seconde moitié de 2ème siècle et au début du 3ème, puis deux cents ans plus tard, Saint Augustin, Jean Chrysostome et Ambroise de Milan ont eu la lecture suivante : l’homme blessé représente l’humanité, les brigands symbolisent les forces du mal, le prêtre et le lévite figurent les anciennes religions, incapables de relever l’humanité blessée, souffrante. Le bon Samaritain, lui, représente Jésus qui vient sauver les malades et les perdus. L’hôtel devient l’église où les croyants sont à l’abri en attendant que le Christ revienne.

Cette interprétation qui nous identifie, vous et moi, à l’homme à demi-mort au bord de la route nous parle du salut de l’humanité ou de la chrétienté ou du croyant individuel. Elle nous dit que nous ne pouvons nous en sortir seuls, que nous avons besoin de l’amour inconditionnel du Seigneur.

 

Ce qui ramène à ici et maintenant. Nous ne voulons pas ressembler à ces maîtres de la loi qui pensent pouvoir décider eux-mêmes si eux ou les autres sont justes ou pas, en s’appuyant sur une loi très détaillée. Nous croyons que seul le Seigneur est juste. Nous qui nous savons aimés par lui, le prenons pour modèle. Ce qui signifie aussi que nous faisons du bien à notre prochain non pas pour avoir un bénéfice pour nous, fût-ce la vie éternelle, pas pour être bien vus par le Seigneur ni par nos semblables. Nous aidons notre prochain en réponse à l’amour inconditionnel reçu du Seigneur. Pas parce que nous sommes « bons », mais parce que la bonté du Seigneur nous a emplis !

 

Voici que Jésus qui a le secret de toujours nous proposer des perspectives nouvelles  retourne la question du prochain. Il ne s’agit plus de savoir qui je dois secourir : les membres de ma famille, ou de ma communauté religieuse, ou de mon pays ou tout être humain ? Encore que la parabole est claire sur cet aspect : l’homme blessé n’a aucun qualificatif, c’est un humain tout simplement.

Jésus applique le mot « prochain » au prêtre, au lévite et au Samaritain. Le maître de la loi répond que le prochain a été « celui qui a été bon pour lui. » Et Jésus de conclure avec un nouvel envoi : « Va et fais de même. » Nous sommes donc invités à nous faire le prochain du voyageur blessé, de l’autre.

« Aime le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence et ton prochain comme toi-même. »

Drôle de terme, en fait, ce mot « prochain » : on dit à dimanche prochain, la prochaine fois, au prochain arrêt du bus, et aussi, pour à nouveau citer le Petit Robert : prochain, c’est une personne, un être humain considéré comme un semblable. Voilà qui me paraît important : entre nous, entre humains, il ne s’agit pas de sauveteur et sauvé, pas de bienfaiteur et bénéficiaire. La relation dissymétrique devient une relation d’équivalence, une relation entre deux êtres qui ont de la valeur pour le Seigneur. Assuré de l’amour du Seigneur, je peux, je suis poussé à m’approcher d‘autrui. Et peu importe si l’autrui en question, est pour la plupart du temps présélectionné par mon agenda, mon mode de vie. De toute façon, sur mon chemin que j’ai planifié, la vie mettra suffisamment de surprises bonnes ou mauvaises, même dans nos cercles les plus familiers. Ce qui compte, c’est la relation d’équivalence. Du coup, nous sommes tous les deux au bénéfice de cette relation qui nous rend humain.

Etre aimé et pouvoir ainsi aimer. Se laisser approcher par le Seigneur et pouvoir ainsi approcher d’autres. Cette parabole n’est pas une théorie, ni une morale. Elle est une invitation spirituelle à être disponible à Dieu et aux autres.

Cela m’incite à conclure avec des phrases qui ont été pendant un temps affichées dans la salle Agapé : « J'ai cherché mon âme et je ne l'ai pas trouvée. J'ai cherché Dieu et je ne l'ai pas trouvé. J'ai cherché mon frère … et je les ai trouvés tous les trois. »

Amen