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Le doute est-il compatible avec la foi ?

Prédication du dimanche 14 avril 2024, par le pasteur Christian Tanon

 

Le doute est-il compatible avec la foi ?

Prédication du dimanche 14 avril 2024, par le pasteur Christian Tanon

 

Lectures bibliques : 

  • Actes 3, versets 13 à 19
  • Luc 24, versets 35 à 48
  • 1 Jean 2, versets 1 à 5

 

 

Le doute-interrogation

 Je réponds oui, c’est normal, c’est humain d’avoir des doutes, alors même que nous sommes croyants.

Encore faut-il préciser ce qu’on entend par « doute ». Je viens de perdre une grande amie de la famille à laquelle j’étais très attaché. Il s’agit de Christiane Scrivener, et je pense qu’elle retrouvera là-haut son mari, et son fils unique, Noël, qui était d’ailleurs mon meilleur ami.

Je le pense mais je n’en suis pas sûr.

Quand nous perdons un être - cher, nous nous interrogeons parfois : Est-ce que je le retrouverai « là-haut », et dans quel état le retrouverai-je ? dans l’état où je l’ai vu pour la dernière fois, ou dans la force de l’âge ? ou quand il était jeune ? Nous n’en savons rien.

Mais je n’appellerais pas ça un doute, une interrogation plutôt.

Le doute, cela concerne par exemple la question de la résurrection du Christ. ; et la nôtre également. Avoir des doutes sur ce sujet ne nous empêche pas d’être croyant, de croire que Jésus est le Seigneur, de venir à la table de communion, et de chercher à faire sa volonté.

 

Est-ce si facile d’y croire ?

Mais est-ce si facile de croire vraiment, c’est-à-dire avec toute sa raison et tout son cœur, que Jésus Christ est ressuscité, donc vivant, et qu’il est vraiment présent parmi nous, et dans notre vie de tous les jours ? pas si facile !  

Avez-vous remarqué qu’autour de nous il n’y a aucun signe visible de la résurrection du Christ ? Où sont-ils les signes visibles de la résurrection ?

Partout se dressent des calvaires aux carrefours de nos chemins de campagne.  Nos édifices religieux sont remplis de croix. Mais où trouver les signes visibles du Christ ressuscité ? D’ailleurs, dans cette Église, y en a-t-il ?

Certes nos croix protestantes sont nues, évoquant le Christ ressuscité.  Mais c’est plus une évocation qu’un signe visible.

Dans les Évangiles, il n’y a aucune description de la résurrection du Christ. Je veux parler du processus de la résurrection. On décrit dans le détail le processus de sa passion et de sa mort, mais pas de sa résurrection.

Quant aux preuves, il n’y en n’a pas non plus ! Un tombeau vide ne prouve rien.

La garde des chefs religieux ou des romains aurait très bien pu retirer le corps de Jésus pendant la nuit, pour éviter que la foule ne continuent à vénérer ce dangereux personnage.

Reconnaissons ceci :  d’un point de vue objectif, Pâques est un non-évenement.

Autant la mort du Christ au Golgotha est un évènement, reconnu par tous les témoins de l’époque, autant sa résurrection des morts n’a été reconnue que par une poignée de disciples.

Un tombeau vide, des apparitions dans l’intimité d’une rencontre ou dans le secret de la chambre haute… ce n’est pas grand-chose. Aucun media de l’époque n’aurait relaté quoi que ce soit le dimanche de Pâques. RAS.

Paradoxalement, ce non-évènement a eu par la suite d’énormes conséquences sur l’histoire.

Il a eu un tel retentissement dans l’histoire humaine, que même les historiens agnostiques (j’en ai connu un à Reims) reconnaissent qu’ils ont du mal à expliquer la croissance spectaculaire du christianisme dans l’empire romain aux 3 premiers siècles de notre ère.

Cette croissance spectaculaire, nous qui sommes croyants, nous l’expliquons par la puissance du témoignage des premiers chrétiens, et leur persévérance dans la foi malgré les persécutions. Tout repose sur la foi.

 

Je reviens donc à la question : est-il si facile de croire en la résurrection ?

Mettons-nous un instant dans la peau des disciples du Christ, il y a plus de 2000 ans.

Croire qu’un homme puisse ressusciter, c’était impossible à vues humaines pour les juifs, et même pour les disciples de Jésus.

Par trois fois, avant de mourir, Jésus leur avait dit qu’il mourrait et ressusciterait le 3ème jour ; ils ne comprenaient absolument pas ce qu’il disait.

Dans notre passage de Luc, les disciples ont cru voir un esprit quand tout à coup Jésus leur est apparu. Ils en furent effrayés dit le texte. On les comprend. Jésus a beau leur dire : « la paix soit avec vous ! », ils tremblent de peur. Jésus tient à les apaiser tout de suite : « pourquoi êtes-vous troublés…voyez mes mains et mes pieds ! touchez-moi … »

Croire que Jésus est ressuscité n’est pas de l’ordre du savoir, mais de l’ordre de la conversion. Ce n’est pas dans la tête que cela se passe, mais dans le cœur.

Pour nous qui n’étions pas là au moment des faits, nous n’avons pas le choix : il nous faut nous appuyer sur le témoignage des autres avant nous, et sur l’éclairage que nous donne l’Esprit Saint.  « Heureux celui qui croit sans avoir vu » avait déclaré Jésus à Thomas (selon l’Évangile de Jean) C’est notre lot.

 

Un doute plus profond : le doute-méfiance

Il y a une autre sorte de doute, qui est plus profonde, et plus grave, pour notre foi. C’est de remettre en cause la bonté de Dieu.

Les Hébreux au désert se sont mis à murmurer contre Dieu et Moïse en disant à ce dernier : « toi et ton Dieu, tu nous as fait sortir du pays d’Égypte pour nous emmener au désert afin de nous faire périr. »

 C’est un exemple extrême. Mais ce doute là, que j’appellerais le doute-murmure,  ou le doute-méfiance, c’est un doute qui creuse un fossé entre nous et Dieu.

Le jour de l’épreuve, je risque de penser :  pourquoi faire appel à Dieu pour m’aider à m’en sortir ? je ne compte que sur moi-même.

Il convient donc de distinguer le doute-interrogation et le doute-méfiance ;

Le doute est-il compatible avec la foi ? Question ambiguë. C’est comme si je demandais : le vin blanc est-il compatible avec le poisson ? Oui, mais pas n’importe quel vin blanc ! Un blanc sec, oui, mais pas le vin doux, qui est servi en entrée avec le foie gras.

 

Le texte dit l’amour de Jésus Christ pour nous

 

Revenons à notre texte de l’Évangile pour éclairer notre réflexion.

Essayons encore d’imaginer la scène : les disciples sont rassemblés quelque part à Jérusalem, sans doute dans la chambre haute. Ils craignent d’être arrêtés par les autorités. Les 1 ers témoignages de la résurrection du Christ arrivent, par les femmes, et par les pèlerins qui reviennent d’Emmaüs, mais ils n’y croient pas.

Et voilà que tout à coup Jésus leur apparaît. Redoublement de la peur. Jésus tente de les apaiser en leur montrant son corps avec les traces de son passage à la croix

Ce passage suscite en moi plusieurs sujets d’étonnement. J’aimerais les partager avec vous.

Tout d’abord l’importance du corps pour surmonter l’incrédulité.

Jésus se montre avec un corps qu’on peut toucher. Il leur parle. Il les invite à toucher.

Il leur dit même : « avez-vous quelque chose à manger ? »

À quoi reconnaître quelqu’un sinon à son corps ? C’est-à-dire aux traits de son visage, à l’intonation de sa voix, à la profondeur de son regard, à tous ces signes extérieurs qui suscitent en nous le sentiment de la présence de telle personne bien précise ?

Selon mon expérience de pasteur et à l’Escale, je peux témoigner que les conversions à la foi se font plus souvent par le corps que par la pensée.

Je m’explique : le corps avec tous les mouvements du psychisme humain, est directement impliqué dans le processus de conversion.

De la même manière, c’est par le regard et les gestes de tendresse à l’autre que je révèle mon amour, plus que par mes dires.

Et Jésus, en montrant son corps aux disciples, leur dit à sa manière combien il les aime. Combien il nous aime.

 

2ème sujet d’étonnement dans ce récit : Pourquoi a-t-il montré son corps avec ses plaies ?

Il aurait très bien pu se montrer tel qu’il était avant sa mort, tel que ses disciples l’ont connu pendant les 3 années de son ministère terrestre. Non, il s’est montré avec les plaies aux mains et aux pieds, et son côté.

Jésus en chair et en os : Y aurait-il un autre chemin pour aborder Jésus ? Certes, non. Et cependant, depuis Pâques, c’est-à-dire depuis la mort et la résurrection de Jésus, quelque chose est arrivé à cette chair. Ce n’est plus le corps d’avant, familier, reconnaissable à première vue, mais fragile et encore voué à la mort. C’est désormais le corps d’après, un corps à qui sont arrivés en même temps la mort et l’amour. 

 

3ème sujet d’étonnement : la joie au milieu du doute.

Je cite le verset 41 : « et comme dans leur joie ils ne croyaient pas encore et demeuraient dans l’étonnement… »

Rendez-vous compte : ils étaient déjà dans la joie alors qu’ils ne croyaient pas encore, alors qu’ils ne comprenaient pas que Jésus était ressuscité.

Cela montre que souvent les émotions précèdent la compréhension de ce qui se passe. Émotions positives comme la joie ou la paix intérieure, ou négatives comme la peur, la colère ou la tristesse.

Quand j’ai perdu ma grande sœur que j’aimais beaucoup, elle avait 54 ans, je ne comprenais pas. Pourquoi elle ? Je ne voyais que pleurs et parfois révolte dans la famille et en moi-même.

Plus tard, prenant conscience de tout ce qu’elle nous avait transmis, à ses enfants, à son petit frère notamment, j’ai compris, j’ai mieux saisi, tout l’amour de Dieu à travers elle et par sa foi exemplaire.

La joie perce au milieu des ténèbres. L’émotion précède l’intelligence.

 

Conclusion

Il est temps d’en venir à la conclusion. J’en aurai trois :

 (il faut bien rester fidèle à la Trinité, n’est-ce pas ?)

Premièrement, le doute est bien compatible avec la foi, à condition de ne jamais remettre en cause la bonté de Dieu envers nous. Doute-interrogation, oui. Doute-méfiance, non.

2ème conclusion : notre texte d’Évangile atteste la rencontre entre 2 amours, celui du Christ pour nous, et celui de Dieu pour son Fils.

Permettez-moi de citer André Louf, moine dominicain, théologien et psychanalyste.

« Voilà de quelle façon, dans sa mort pascale, le corps de Jésus devint le lieu crucial, où la mort se trouva engloutie par la vie, puisqu’en lui deux amours se firent face, dans une seule et même étreinte, l’amour du Fils se donnant jusqu’à la mort, et l’amour du Père sauvant son Fils de la mort, rencontre d’où jaillit la résurrection. » Fin de citation.

Pour décrire Pâques, l’art chrétien présente le Christ, soit souffrant sur la croix, soit ressuscité dans la gloire, mais rarement les deux à la fois. Ici, dans la chambre haute, Jésus se montre à la fois corps glorieux et avec les plaies de la croix. Quel paradoxe et quel amour !

3ème conclusion : je reviens à la question : où sont les signes de la résurrection autour de nous ?

Les calvaires et les croix, oui, c’est important. Ils nous rappellent la mort du Christ.  

Mais où trouver les signes visibles que Jésus est vivant ? Des signes que peuvent voir non seulement les chrétiens mais aussi les non-croyants, les agnostiques, ou les chercheurs de Dieu ?

Ces signes visibles, c’est nous ! c’est vous, c’est moi. Pour être honnête, je n’en vois pas d’autre !

Dès lors que vous rayonnez de la foi en Jésus Christ, vous êtes des signes visibles de la résurrection.

Serge Oberkampf - paix à son âme, avait terminé son sermon de ma reconnaissance de ministère à Reims - c’était en 2006, avec cette expression : « toi, Christian, avec ta gueule de ressuscité ! »

Je n’en tire pas orgueil, car je sais que c’est un don de Dieu.

Sans vouloir être impoli, je dirais que vous avez des « gueules de ressuscités ».

Car votre espérance, don de Dieu, et votre foi en Jésus Christ vivant - don également de Dieu, sont bien des signes visibles de la résurrection.

Des signes qui se lisent sur votre visage

Des signes qui, comme une lumière qui émane d’un diamant - mais nous savons que la lumière ne vient pas du diamant mais de l’extérieur, éclairent le monde.

 

Ce monde qui en a tant besoin !

 

Amen