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La gloire de Dieu, c'est l'humanité débout

Prédication du dimanche 15 juin 2025, par Annette Preyer

 

La gloire de Dieu, c’est l’humanité debout

Prédication du dimanche 15 juin 2025, par Annette Preyer

 

Lecture biblique : Romains 5, versets 1 à 5

 

 

Cher.e.s ami.e.s, chères sœurs et chers frères,

Quand j’ai découvert les textes qui sont proposés à la lecture dans toutes les paroisses ce dimanche où j’ai l’honneur de présider notre culte, j’ai commencé par trébucher sur les versets de la lettre aux Romains de Paul. « Nous mettons notre fierté même dans nos détresses, car nous savons que la détresse produit la persévérance, que la persévérance produit le courage dans l'épreuve et que le courage produit l'espérance. » Au secours, me suis-je dit, voici le dolorisme que je croyais dépassé depuis longtemps. Vous savez, cette croyance qu’il faut souffrir pour se rapprocher du Christ, une exaltation de la douleur, une recherche volontaire de la souffrance. Avec beaucoup de propos moralisateurs autour.

 

Puis j’ai relu le passage et d’abord surtout les deux premiers versets, et j’ai relevé les termes qui désignent de magnifiques réalités : la foi, la paix, la grâce, l’espérance, l’amour.

La première phrase nous annonce que nous sommes devenus justes par la foi, que par Jésus Christ nous sommes en paix avec Dieu.

Comme l’a dit Martin Luther : Ce n’est pas en faisant ce qui est juste que nous devenons justes, mais c’est en tant que nous sommes justifiés que nous faisons ce qui est juste.

 

En paix avec Dieu. La paix, shalom en hébreu. Shalom peut signifier absence de conflit et bonne entente entre des personnes ou entre des entités, ou la paix intérieure, la sérénité. Shalom évoque aussi l’intégrité, la plénitude, il représente le bonheur, la prospérité, la santé, la sécurité, tout ce qui « va bien ». Alors évidemment, la lettre aux Romains est écrite en grec, et le mot grec eirénè – qui a donné irénique – est plus proche de notre terme paix. N’empêche que c’est écrit par un auteur juif. Cette paix garde son sens large de la réconciliation avec Dieu, du salut, et de la paix de l’âme. Elle repose sur la bonne relation, le bon ordre ; à l’inverse du désordre qui provient de la rupture avec Dieu.

 

Nous sommes reconnus justes, c'est-à-dire pardonnés, nous sommes en paix avec Dieu et troisième bonne nouvelle, « nous demeurons fermement – vous entendez, demeurer fermement ! – dans la grâce ». Le mot veut dire gracié, mais aussi gracieux et gratuit. La grâce, c’est le Dieu créateur du ciel et de la terre qui devient tout proche et qui nous accueille. Nous, les chrétiens et chrétiennes, nous sommes établis dans la grâce, nous vivons de la grâce. Nous ne méritons pas cette grâce, elle nous est donnée par Jésus Christ. Nous ne pouvons l’obtenir par nos œuvres, elle est un don pur et gratuit de Dieu qui nous aime.

 

Du coup, nous ne mettons pas notre fierté dans nos œuvres, mais « dans l'espoir d'avoir part à la gloire de Dieu ». D’autres traductions disent se réjouir, se glorifier, être fier à la place de mettre sa fierté. Dans mon éducation – éducation de fille ! – la fierté de mes réussites était interdite, il ne fallait surtout pas me vanter, car si je montrais de la satisfaction pour une bonne note à l’école, un cadeau avec lequel j’avais fait plaisir, un joli dessin, mes parents condamnaient mon arrogance, ma vantardise. Je pense que Dieu est différent de mes parents : il se réjouit avec nous quand nous avons réussi une performance sportive, décroché un travail, organisé une belle fête. Nos talents sont là pour être exprimés, mis en œuvre.

Tout cela est très bien, mais au bout du bout, ce n’est pas cela qui donnera du sens à notre vie.

Voilà pourquoi nous sommes invités à mettre notre fierté dans l’espérance de la gloire de Dieu. La gloire n’est pas un mot que nous utilisons beaucoup dans la vie de tous les jours. Nous parlons de reconnaissance, de célébrité, de réputation, peut-être mesurée en nombre de like et de followers.

En église, nous chantons « A toi la gloire, au ressuscité ! », nous terminons le Notre Père avec « car c’est à toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire ». La devise de la Réforme est « soli deo gloria ». A Dieu seul la gloire !

Le terme hébreu, « cavôd », dit le poids, la réalité massive d’une présence : la gloire est la puissance de vie qui émane de Dieu accompagnant son peuple. Le terme grec, « doxa » traduit plutôt l’aura d’une personne, sa renommée, mais surtout son rayonnement et sa générosité.

La gloire de Dieu, c’est la manifestation de ce qu’il est, un Dieu qui fait grâce. Un Dieu qui se fait connaître par sa création et par les écritures.

La participation à la gloire de Dieu et du Christ constitue à la fois l’expérience, le présent, et l’espérance, l’avenir. J’espère cette gloire pour le monde et pour ma journée.

 

Le monde n’est pas du tout réjouissant ! Et parfois ma journée pas davantage.

Il y a la guerre entre Israël et l’Iran, en Ukraine et à Gaza, il y a la faim en Haïti et au Soudan, le climat change et la biodiversité s’effondre, mais nos gouvernants regardent ailleurs. Dans nos vies à nous, les détresses sont partout : isolement, maladie, pauvreté, injustices, ruptures, échecs, …

Cela rappelle l’affirmation du Bouddha que l'insatisfaction et la souffrance sont universelles : « La naissance est souffrance, la vieillesse est souffrance, la maladie est souffrance, la mort est souffrance, être uni à ce que l'on n'aime pas est souffrance, être séparé de ce que l'on aime est souffrance, ne pas obtenir ce que l'on désire est aussi souffrance. » Face à cette réalité, le Bouddha enseigne un chemin en huit étapes qui doit conduire ses adeptes à une indifférence sacrée, un détachement qui a dépassé la souffrance.

Paul aussi nous propose un chemin, qui mène non pas à l’indifférence mais à l’amour, la joie et la paix. Paul nous explique « que la détresse produit la persévérance, que la persévérance produit le courage dans l’épreuve et que le courage produit l’espérance ». Dans d’autres traductions de la bible, patience ou constance remplace persévérance et à la place de courage dans l’épreuve, on peut trouver vertu éprouvée, résistance à l’épreuve, expérience, fidélité éprouvée.

 

Ce n’est pas très éclairant. Je vous propose la courbe du deuil comme une possible clé de lecture. Elisabeth Kübler-Ross, psychiatre suisse, émigrée aux Etats-Unis, pionnière de l’accompagnement de personnes en fin de vie, a résumé par cette courbe du deuil les réactions de malades telles qu’elle a pu les observer. La courbe aujourd'hui est mobilisée aussi bien pour des réactions individuelles que collectives. Elle a la forme d’un U évasé et commence par un choc, choc, surprise et réaction émotionnelle à l’annonce d’une maladie, mais aussi d’un licenciement, d’un changement d’organisation en entreprise, d’une rupture amoureuse, … Au choc, suit le déni, le refus : ce n’est pas possible, ils ont dû se tromper ; à son tour, le déni est suivi de la colère (pourquoi moi et pas un autre ? ce n’est pas juste ! je vais démissionner), peut-être la peur, la remise en question de soi-même. Puis arrive la tristesse, la dépression, la vallée des larmes, face à la perte, le passé disparu. Ce deuil ouvre la voie à l’acceptation. La personne ou le collectif réémerge vers le pardon, la quête de sens, un renouveau puis la sérénité et la croissance.

Les différentes phases peuvent être plus ou moins brèves ou longues, mais en général elles y sont toutes.

 

Paul, notre auteur, parle d’expérience. Il en a vécu des épreuves : tempêtes en mer, procès, lynchages, … « Demeurant fermement dans la grâce de Dieu », Paul a traversé ses souffrances. Il n’a pas cherché à les éviter. Le mot grec pour persévérance ou patience signifie littéralement « rester en-dessous », ne pas se débarrasser de la charge, mais la porter. Dieu donne la force de porter la charge, de ne pas s’écrouler dessous. Le poète allemand Friedrich Hölderlin dit : Dieu est proche et difficile à saisir. Là où il y a un danger, ce qui sauve croît également.

 

Vous pourriez sûrement chacun, chacune citer des personnes qui, comme Paul, ont courageusement affronté les difficultés de leur vie, certaines portées par leur foi, et qui en sont sorties avec une paix intérieure affermie.

Parmi des noms connus et récents, citons au hasard : Nelson Mandela, le Mahatma Gandhi, Rosa Parks, Alexej Nawalny. Prenons encore une autre personne : Roseline Hamel, la sœur du père Hamel, assassiné en 2016 dans son église à Saint-Etienne-du-Rouvray. De sa relation à son frère, elle dit : nous étions fusionnels. On n'avait pas besoin de se parler pour comprendre si quelque chose n'allait pas pour l'un ou pour l'autre. Après l'attentat, Roseline plonge dans la tristesse – mais pense aussi à ses enfants. Et donc elle cherche un sens à sa vie. Au bout de quelques mois, elle se pose une question : qui peut souffrir plus que moi ? Et elle appelle Nassera Kermiche, la mère du terroriste Adel Kermiche, tué par les forces de l’ordre, une mère qui, elle, a perdu son fils. Aujourd'hui ces deux femmes sont amies et témoignent de leur parcours.

D’où leur vient la capacité à rebondir, cette résilience ? Je ne le sais pas précisément pour Roseline et Nassera. Mais les psychologues nous apprennent que les relations sont vitales pour pouvoir traverser des épreuves. Voilà justement ce que notre foi nous offre. Notre foi est relation, rencontre ; relation avec Dieu, père, fils et esprit saint et relations interpersonnelles. Entre chrétiens et chrétiennes, en famille, en paroisse, nous pouvons nous aider, prier, agir.

 

Paul a les pieds sur terre. Il sait que la vie humaine n’est pas un long fleuve tranquille. Que nous sommes des créatures limitées et imparfaites qui vivons des malheurs et des souffrances. En ces cinq versets il nous assure de l’amour de Dieu, de sa présence à nos côtés quoi qu’il arrive. Ancré.e.s dans notre foi en Christ, nous sommes au bénéfice de la grâce. Nous n’avons pas à justifier notre existence, à nous légitimer. Dieu nous aime tel.le.s que nous sommes. Sa grâce n’est ni un dû, ni une récompense, ni un privilège, mais un cadeau gratuit et immérité. Elle nous offre la paix de l’âme dans la tourmente et la force pour aller en avant.

 

Dietrich Bonhoeffer, pasteur et théologien protestant allemand, qui est l’un des fondateurs de l’Église confessante, qui s’opposa à l’influence nazie au sein des églises protestantes allemandes, et qui est mort en résistant contre le régime hitlérien en 1945, l’a exprimé dans cette confession de foi :

 

Je crois que Dieu peut et veut faire naître le bien

à partir de tout, même du mal extrême.

Aussi a-t-il besoin d’hommes et de femmes pour lesquels

« toutes choses concourent au bien ».

Je crois que Dieu veut nous donner chaque fois

que nous nous trouvons dans une situation difficile

la force de résistance dont nous avons besoin.

Mais il ne la donne pas d’avance,

afin que nous ne comptions pas sur nous-mêmes,

mais sur lui seul.

Dans cette certitude, toute peur de l’avenir devrait être surmontée.

Je crois que nos fautes et nos erreurs ne sont pas vaines

et qu’il n’est pas plus difficile à Dieu d’en venir à bout

que de nos prétendues bonnes actions.

Je crois que Dieu n’est pas une fatalité hors du temps,

mais qu’il attend nos prières sincères et nos actions responsables

et qu’il y répond.

 

Dietrich Bonhoeffer prie parce qu'il est convaincu, à rebours de tout ce que l'on pourrait croire en ces temps-là que Dieu agit dans l'histoire. Face à d’autres menaces, dans d’autres réalités sombres, anxiogènes, tragiques, nous aussi, accrochons-nous à notre foi : Dieu agit dans l'histoire et a besoin d'hommes et de femmes qui agissent en son nom dans cette même histoire et, au plus profond des ténèbres, continuent à faire briller la lumière de la bonté, de l’amour et de la liberté.

Amen