Ce matin encore, j'étais lépreux... — Église protestante unie de Pentemont-Luxembourg - Communion luthérienne et réformée

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Ce matin encore, j'étais lépreux...

Texte de la prédication du dimanche 14 février 2021, par Christine Décamp

« Ce matin encore, j’étais lépreux… »

Prédication du 14 février 2021 – Temple de Pentemont - Christine Décamp
 


Il était une fois, en Galilée, dans la ville de Capharnaüm, un homme qui courait. Sous le soleil brûlant, il courait. Pieds nus sur le chemin caillouteux, il courait. A en perdre haleine, le front perlant de sueur, il courait. Mais où courait-il ainsi ? Qu’avait-il de si urgent à faire ou à raconter ? A coup sûr, il venait de vivre quelque chose d'extraordinaire pour courir ainsi !


Le prêtre, descendant de Moïse et d’Aaron, se tenait là devant la porte de sa synagogue. Il vit arriver cet homme avec un tel empressement qu’il se demanda s'il n’était pas ivre. Aucune parole intelligible ne sortait de sa bouche. Dans un essoufflement dû à sa course effrénée, le pauvre homme tentait de s’exprimer. Mais ce n’était que des mots embrouillés, sans queue ni tête… une histoire de guérison, de toucher, de lèpre… Encore un qui avait passé sa journée à la taverne et s’était réveillé après un drôle de rêve !


« Impur, impur... je suis impur parce que je suis lépreux... Enfin, non, ce matin encore, j’étais lépreux mais ça c’était avant… Désormais, c'est du passé, de l'histoire ancienne, depuis que je l'ai rencontré : Jésus ! C’est lui qui m’a guéri et m’a rendu à la vie. Je vais tout vous raconter.

J'ai tout apporté : deux oiseaux, du bois de cèdre, de la laine écarlate et même une branche d'hysope pour que tu fasses le rite de purification comme Moïse l'a enseigné. Regarde mes mains, mes bras, mon visage ! Les taches sont parties, ma peau est de nouveau toute lisse et saine. Je suis bel et bien guéri ! 

Car j'étais lépreux, impur aux yeux de la société et exclu de tout et de tous. Par peur de la contagion, j'ai été chassé de mon travail alors je me suis mis à mendier sur le bord du chemin, à l'extérieur de la ville. Nous autres, les lépreux, nous ne pouvons pas entrer dans la ville, ni fréquenter les mêmes lieux. Alors nous nous tenons à l'écart. Et ces regards de travers sur mon corps rempli de taches blanches, sur mon visage déformé par la maladie. Et ces enfants qui me pointaient du doigt et demandaient à leurs parents pourquoi j'étais comme ça, pourquoi j'étais différent et surtout ce que j'avais fait pour être ainsi. Car j'avais forcément dû faire quelque chose de mal pour mériter cela. 

Et puis un beau jour, j'ai entendu parler d'un homme, un certain Jésus qui venait de Nazareth et qui pérégrinait dans toute la région accompagné de nombreux disciples. C'est un marchand qui venait de Capharnaüm qui m'en a parlé en premier. En entrant dans mon village, il m'a lancé une petite pièce de monnaie pour que je puisse vivre, ou plutôt survivre. C'est là qu'il m'a parlé de ce Jésus. Il m'a dit qu'il avait assisté à une scène incroyable : un homme connu pour être possédé par un terrible démon depuis des années se trouvait là. Il aurait suffi d'un mot de la part de Jésus pour que cet esprit impur quitte le corps du malheureux. Il paraît que la force qui émanait de ce rabbi était telle qu'on aurait dit qu'il avait autorité sur le démon.


Mon seul espoir ne résidait plus alors qu'en ce Jésus de Nazareth. Quand j'ai appris qu'il arrivait dans mon village, ni une ni deux, je me suis mis en route pour aller le voir. Je ne perdais rien à essayer de le rencontrer ! Même si cela m'est totalement interdit... Hélas, je suis lépreux, je suis donc impur et je ne peux pas m'approcher de quelqu'un, ni même lui parler ou encore moins le toucher... Tout cela, je le sais bien, toutes ces règles de la Torah, je les connais, hélas, depuis longtemps... J'ai transgressé la Loi de Moïse et des prophètes. J'ai désobéi, oui... mais cela en valait tellement la peine !

Vous n'imaginez pas : je peux enfin sortir de ma quarantaine, ça y est je suis déconfiné !
Finie la maladie, plus de traces sur mon corps meurtri, plus besoin de porter ce voile qui me masquait le visage, plus besoin de m'annoncer comme "impur"  puisque Jésus m'a guéri. Il m'a redonné une intégrité physique et morale, on peut dire qu'il m'a rendu la vie ! Ça y est, ma vie sociale peut reprendre enfin. Oh depuis le temps que j'attendais ce moment... Sortir de mon enfermement, aller rencontrer des gens, leur parler tout simplement, voir leur sourire, toucher et même embrasser mes proches ! Ça me manquait tellement !

 

C'est vrai que Jésus m'a défendu de parler et de raconter mon histoire... Mais moi je ne pouvais pas m'empêcher de le dire autour de moi. De proclamer qu'il est vraiment fabuleux cet homme !

Vous ne vous rendez pas compte, j'ai été mis à l'écart des miens pendant tant d'années ! Isolé, enfermé dans ma solitude, n'ayant plus comme identité que le nom affreux de ma maladie. J'étais même devenu muet puisque je n'avais plus personne à qui parler... C'est terrible, la solitude, vous savez...

Alors quand Jésus m'a guéri, c'est bien plus qu'un corps en bonne santé que j'ai retrouvé, c'est ma vie, mon âme, mon souffle qui se rallumaient en moi. Car j'étais comme mort et, en un instant, la vie reprenait en moi.


Je ne sais pas si Jésus a ressenti de la pitié pour moi ou bien s'il était exaspéré de ma demande pressante. Toujours est-il qu'il a ressenti une vive émotion en lui et que je ne l'ai sûrement pas laissé indifférent. Je l'ai vu dans son regard, un regard si puissant, profond dans lequel j'ai perçu qu'il était bien plus qu'un simple guérisseur. Nos regards se sont croisés, une intense lumière a brillé et là j'ai ressenti au plus profond de moi-même que désormais plus rien ne serait comme avant. Qu'est-ce qui peut remplacer un regard ?


C'est là qu'il a tendu sa main vers mon épaule et qu'il m'a touché. Vous rendez-vous compte de l'audace de ce geste ? Une abomination pour un juif digne de ce nom qui respecte la Loi ! Un homme pur qui ose parler et toucher un lépreux : pure folie ! Moïse et Aaron ont dû se retourner dans leur tombe !

Quand il m'a dit : "oui je le veux, bien sûr, sois guéri, mon frère !" J'ai senti que c'était vraiment sa volonté au fond de lui, qu'il ne le faisait pas juste comme ça pour se débarrasser de moi rapidement. Même que cette volonté semblait lui venir d'ailleurs, de plus haut, d'un Autre encore plus grand et plus puissant. C'est avec une telle autorité naturelle mais forte qu'il m'a dit ces mots. Une de ces autorités qui en imposent, que vous ne pouvez pas contrarier.


Je ne sais pas pourquoi Jésus m'a ensuite demandé de garder le silence sur tout ça. Comme si cela était un secret qui ne devait être révélé qu'à quelques initiés... Ou peut-être que le moment n'était pas encore venu de le révéler, qu'il était encore trop tôt...


Mais moi, vous me connaissez, je n'ai pas pu résister à l'envie de tout raconter ! A tout homme que je croisais sur ma route, pour venir jusqu'ici, j'ai dit ce que je venais de vivre d'extraordinaire et ce que Jésus avait fait pour moi. Comment il avait pris le risque de me répondre et de me toucher, moi, l'intouchable. Comment il avait pris sur lui mon impureté, mon exclusion, ma détresse et comment, en retour, il m'avait touché par sa grâce. D'une parole, d'un geste, il m'avait guéri. Soudain, je suis redevenu pur et intègre ; il m'a redonné un corps, une voix, une identité.

Il m'a fait revivre, car j'étais mort et grâce à lui je suis revenu à la vie ! »



En route, mes frères ! A mon tour, maintenant, d'annoncer ici, autour de moi, ce Jésus qui prend sur lui toutes les misères de ce monde. Celui qui va à la rencontre de ceux qu'on ne regarde plus, ceux qui nous dégoûtent car ils sont trop différents, trop à la marge... Mais surtout ceux qu'on tient à l'écart car ils nous rappellent trop notre propre faiblesse et surtout que nous aussi nous pourrions très bien être à leur place demain...

 


Après le départ de cet homme, le prêtre rentra dans sa synagogue et s'interrogea : comment était-ce possible que Jésus ne fût pas contaminé au contact de ce lépreux ? Bien évidemment, et si c'était plutôt sa pureté qui était contagieuse ?


Amen.