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"A table !", par Christine Décamp

Prédication du dimanche 19 août, par Christine Décamp

Lectures bibliques : 

  • Proverbes 9, 1-6
  • Ephésiens 5, 15-20
  • Jean, 51-58

 

Nous avons tous des souvenirs d’enfance, de notre mère appelant toute la maisonnée par un : « A table ! Le dîner est prêt ! La soupe va refroidir… »

Eh bien ce matin, je vous propose de nous mettre à table, au sens propre comme au figuré.

Dimanche dernier, nous avons lu les versets de l’Evangile de Jean qui précèdent notre lecture du jour.  Tout ce chapitre 6 est consacré à la thématique du pain, de la nourriture, de la faim. Jésus commence par multiplier les pains et les poissons pour nourrir la foule venue l’écouter, puis il énonce un grand discours sur la véritable nourriture, celle venue du Ciel et qui conduit au Père, avec cette expression célèbre : « je suis le pain vivant descendu du Ciel, celui qui mangera de ce pain vivra pour toujours. »

Notre pasteur Christian Baccuet nous a donc conduits dans la méditation de ce texte en nous interpellant d’abord avec cette question : « Avez-vous faim ? » La faim nous renvoie à l’un des besoins fondamentaux de l’être humain pour vivre qui est de se nourrir. Dans l’Evangile, Jésus nous parle d’une faim à la fois physique et spirituelle. En réponse, Dieu nous propose un pain qui comble notre appétit mais pas un pain qui nous rassasie complètement, au point de nous gaver et de nous ôter la faim, cette envie d’y revenir. Au contraire, Dieu nous nourrit jour après jour et il nous ouvre à la vie et à la liberté. Comme le peuple hébreu dans le désert à qui Dieu donne la manne pour subsister. Chaque jour, il leur envoie la quantité suffisante pour la journée, mais pas plus, car le lendemain il en fera de même. Dieu nous nourrit chaque jour de sa présence et nous rassure car demain il sera encore là et le surlendemain et ainsi de suite… « A chaque jour suffit sa peine. » Cela nous donne une ouverture incroyable et une confiance dans la vie.

 

Dimanche dernier, pour conclure, notre pasteur nous invitait à la table de communion. Ce matin, je vous propose, dans cette continuité, d’évoquer avec vous cette invitation au repas.

 

1) Pour tous nous réunir, Jésus commence d’abord par lancer une invitation,

2) par le biais de ce cri familial, ce « à table ! » Jésus nous parle de son Père et fait de nous une communauté de frères et de sœurs en son nom,

3) enfin cette invitation a pour but de nous rassembler autour d’une même table, d’un même pain, d’une même Parole.

 

I. Pour commencer, nous avons tous reçu une invitation…

 

Dans notre première lecture de ce matin, dans le livre des Proverbes, nous rencontrons le personnage de la Sagesse.

La Sagesse est une femme organisée. Elle a tout prévu : elle a dressé une table, a disposé les chaises autour, a mis le couvert, a pensé à faire cuire son pain dans le four la veille, et enfin a versé son meilleur vin dans des cruches… Oui mais voilà, il manque une chose, et une chose essentielle : les invités ! Il est préférable d’être plusieurs pour partager ce festin, encore faut-il les prévenir. Elle lance donc son appel à voix haute à qui veut bien l’entendre : « Venez vous nourrir à ma table et boire le vin que j’ai préparé ! » Et elle s’adresse à tous ceux qui passent…

 

A mon sens, nous lisons, entre les lignes, l’appel du Christ à prendre part à la Cène. Quelques siècles plus tard, par les paroles d’institution, il nous convie lui aussi à son repas - le dernier - celui auquel nous sommes invités à partager le pain et le vin. Le pain de l’intelligence, son propre corps, et le vin de la fête, son propre sang. A l’aube de sa mort, pain et vin comme symboles de vie.

« Celui qui mange ma chair et boit mon sang possède la vie éternelle,    et je le relèverai de la mort au dernier jour. »

Notre texte, si je puis-dire, est assez... cru car l’auteur… ne mâche pas ses mots ! En effet, l’évangéliste choisit le verbe grec qui est utilisé normalement pour les animaux trôgein qui signifie littéralement ‘mâcher’. C’est que nous sommes invités à manger de cette chair, à boire de ce sang, pour que cette nourriture prenne vie en nous, qu’elle s’enracine en nous, s’incarne dans notre vie quotidienne.

C’est dans cette optique-là que j’ai choisi la prière d’illumination d’André Dumas qui fait l’analogie de la Parole et du pain. Une Parole que nous pouvons mâcher, déguster, digérer voire ruminer pour mieux l’apprécier et s’en nourrir.

 

« Nous sommes tous invités au repas du Seigneur »

Nul besoin d’avoir reçu un carton d’invitation, nul besoin de se mettre sur son 31, nul besoin d’acheter un bouquet de fleurs… Il suffit juste de répondre par l’affirmative à cet appel lancé par le Christ.

Car c’est lui qui vient à nous, où que nous soyons, qui que nous soyons. Il franchit les portes, les barrières, pour s’approcher de nous et nous tendre la main et nous proposer notre pain quotidien.

 

II. Cette invitation est plus qu’une invitation à se nourrir, elle offre une mise en relation. Une relation vivante vécue avec Dieu et avec les autres.

 

Christian nous a d’ailleurs appris dimanche dernier que l’étymologie des mots « copain » et « compagnon » c’est celui avec qui je partage mon pain.

Jésus nous l’affirme :

« Le Père qui m'a envoyé est vivant et je vis par lui ;

de même, celui qui me mange vivra par moi. »

Cette invitation nous place au sein d’une nouvelle famille, d’un foyer adoptif où nous gagnons un père et un frère.

Un Père d’abord

Avec Jésus, nous découvrons un Père aimant, un Dieu qui finalement n’est pas si distant et si éloigné de nous… On le voit bien car il est soucieux des besoins vitaux de l’homme. Faim et soif, il cherche à les combler. Pour ne pas nous laisser dépérir…

Par l’intermédiaire de Jésus, nous trouvons un Père qui se donne entièrement et qui se fait proche de nous.

Un frère ensuite

Jésus-Christ nous fait entrer en relation avec le Père et nous devenons ainsi ses propres frères et sœurs.

« Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure uni à moi et moi à lui. » Cette expression de « demeurer en Christ » signifie chaque jour puiser notre force en lui, trouver notre joie et notre espérance en laissant résonner sa Parole en nous.

Et puis, Jésus est un frère attentionné, on pourrait même dire un grand frère qui nous montre l’exemple et nous pousse à faire nos premiers pas. Celui qui nous entraîne car il connaît le chemin, il est déjà passé par là. Il sait où se trouvent les embûches et quelle est la voie à suivre ou au contraire à fuir. Il est « notre chemin, notre vérité et notre vie ».

 

Ce temps vécu entre frères est le temps de la communion, un des événements fédérateurs de la vie de l’Eglise.

Nous nous apprêtons justement à célébrer la Sainte-Cène, ce temps de mémoire du dernier repas de Jésus. Et c’est au moment de la communion que nous vivons ce partage entre frères de ce que Jésus nomme le pain de vie. Si je joue sur les mots, je dirais que la Cène est la « mise en scène » par excellence de notre vie chrétienne.

 

Il existe plusieurs termes bibliques pour décrire ce repas : on parle de Cène, de Communion, d’Eucharistie, d’Agapes. Lequel choisir ?

Je pense que Jésus nous invite à un festin qui réunit ces 4 dimensions à la fois.

A son appel, nous pouvons prendre part :

à la Cène comme synonyme de repas, de souper, un repas qui nous réunit autour d’une table,
repas au cours duquel la Communion a lieu entre le Messie et son peuple, « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure uni à moi et moi à lui. »
nous, peuple qui célèbrons les merveilles de Dieu en lui rendant grâces, par ce qu’on appelle l’Eucharistie,
et qui se traduit par des Agapes, réponse au commandement d’amour fraternel « aimez-vous les uns les autres ».

 

La Sainte-Cène c’est donc ce repas qui réunit, où nous nous trouvons en communion les uns avec les autres et où nous rendons grâces à Dieu dans son appel d’amour.

Au-delà des mots, aussi riches soient-ils, Dieu, par la voix de Jésus, invite chaque humain personnellement à prendre part à ce pain de vie, fruit de sa Parole.

 

 

III. Une invitation à prendre part à une communion autour d’une table qui unit et d’une Parole qui éclaire : tout cela forme l’Eglise.

 

Premier constat : je ne suis pas seul.

La faim est pourtant un besoin personnel : je cherche à me nourrir, à nourrir mon corps pour ma propre conservation. En partageant un repas, je me rends compte que je ne suis pas seul à éprouver ce besoin, que d’autres sont dans la même situation et ainsi je déplace mon focus : je ne suis plus égocentré sur mon besoin personnel mais j’apprends à m’ouvrir aux autres, au monde.

Et ça tombe bien la nourriture que Jésus nous propose est sans limite, une sorte de source inépuisable, qui telle que les 5 pains et les 2 poissons, se multiplie et même croît au fur et à mesure qu’on la partage !

 

Deuxième constat : la Parole est plus savoureuse si elle est partagée.

J’apprends alors à partager cette nourriture : la Parole qui me vient de Dieu, ce pain descendu du Ciel qui peut me nourrir moi mais aussi mon voisin. C’est là tout le message de l’Evangile, la bonne nouvelle d’une nourriture qui peut être lue, goûtée, dégustée et partagée avec d’autres.

 

Troisième constat : cette communion forme l’Eglise.

Tous les ingrédients sont réunis.

Nous avons des hommes et des femmes,

qui expriment un besoin naturel et existentiel, faim et soif,

qui se réunissent autour d’une table,

pour partager une même Parole.

 

A partir de ce moment-là, naît l’Eglise.

« Car là où deux ou trois s'assemblent en mon nom, je suis au milieu d'eux. »

 

En préparant cette prédication cette semaine, j’ai eu une pensée pour une de mes collègues, Valérie, qui est décédée fin juillet. Je ne la voyais pas très souvent, elle ne travaillait pas au même étage que moi… Mais l’une des dernières fois que je l’ai vue, elle avait soumis l’idée d’un déjeuner à plusieurs d’entre nous, une façon de se voir en dehors du travail. L’occasion ne s’est finalement pas présentée, je ne l’ai pas revue, et elle est décédée d’un cancer foudroyant en 3 mois...

 

Voici,

Tout est prêt, ici et maintenant,

le Seigneur nous attend,

il nous invite à prendre place.

 

Alors, mes frères et sœurs, à table !

Et réjouissons-nous ensemble !  

 

Amen !