Sans oublier un seul de ses bienfaits — Église protestante unie de Pentemont-Luxembourg - Communion luthérienne et réformée

Aller au contenu. | Aller à la navigation

Outils personnels

Église protestante unie de Pentemont-Luxembourg
Menu
Navigation

Sans oublier un seul de ses bienfaits

Texte de la prédication du dimanche 9 octobre 2022, par Annette Preyer

Sans oublier un seul de ses bienfaits

 par Annette Preyer

 

Lectures bibliques :

  • 2 Rois 5, versets 14 à 17
  • Luc 17, versets 11 à 19

 

 

Vous n’avez probablement jamais été confrontés à la lèpre. Heureusement. Parfois, pour la journée mondiale des lépreux en janvier, des affiches de la fondation Raoul Follereau nous rappellent que la lèpre n’a pas disparu bien qu’elle puisse aujourd'hui être soignée par des antibiotiques.

Dans mon imaginaire lèpre et gangrène se confondent, des pustules sur la peau, des bouts de doigts ou le nez qui meurent et tombent.

Maladie très invalidante, la lèpre effraie et dégoûte. Les lépreux sont des pestiférés, si je peux dire. Pour donner une illustration contemporaine : ils font peur comme c’était le cas pour les malades du sida dans les années 80 et 90. Et plus proche de nous : la peur d’être contaminé par le Covid.

Redoutée depuis toujours la lèpre a souvent été considérée comme une maladie héréditaire, une malédiction ou une punition de Dieu.

Ainsi au temps de Jésus. Il y a 2000 ans, à la place des laboratoires ou médecins d’aujourd'hui, ce sont les prêtres qui examinent les malades et les déclarent malades ou en bonne santé, impurs ou purs. L’examen médical est réglementé de façon très détaillée dans le Lévitique. Quand la lèpre est constatée, le prêtre fait un rituel proche d’un enterrement pour marquer l’expulsion des malades hors de la société. Les lépreux doivent habiter hors du village et crier « impur, impur » afin que personne ne les approche. Malades, ils auraient plus que jamais besoin d’être entourés et soutenus par leurs proches. Mais en plus d’être malades ils sont maudits. La lèpre les coupe des autres humains et peut-être aussi de Dieu, en tout cas des célébrations religieuses.

En cas de guérison, le Lévitique prévoit également avec moult détails un rituel. Les prêtres examinent les lépreux guéris et font des sacrifices pour leur réintégration dans la société.

 

Venons à nos deux récits de guérison de lépreux.

D’abord Naaman, le chef des armées du roi de Syrie, c'est-à-dire un personnage vraiment important de l’Etat. Il a déjà dû mobiliser tout ce que le pays comptait comme médecins et prêtres pour se faire soigner. Mais sa lèpre progresse. Alors une jeune fille israélienne, fait prisonnière lors d’un raid syrien en Israël et mise au service de la femme de Naaman, parle d’un prophète dans son pays qui pourrait guérir Naaman. Ce dernier décide d’essayer cette piste de guérison. Il sort des sentiers battus et prend le risque d’aller à la recherche de ce prophète étranger.

Il part avec une suite de serviteurs et emmène or, argent et autres cadeaux de valeur. Un cortège avec chevaux et chars, riche et impressionnant. Ils s’arrêtent près de la demeure du prophète Elisée. Ce dernier envoie un messager dire à Naaman : va te laver sept fois dans le Jourdain et ta chair deviendra saine, tu seras pur.

Cette consigne met Naaman en colère. Non, mais, qu’est-ce qu’il se permet ! Naaman s’était imaginé la scène : le prophète va sortir à ma rencontre, il va invoquer son Dieu, bouger sa main au-dessus de ma peau malade et je serai guéri. Et bien cela se passe autrement. Le prophète ne prend même pas la peine de le saluer. Quel affront pour un personnage de son rang ! Puis il est censé se baigner dans le Jourdain, comme s’il n’y avait pas de rivières et fleuves plus beaux et plus grands en Syrie ! Autre vexation qui heurte cette fois-ci sa fierté de Syrien.

Mais Naaman, à nouveau, est capable d’écouter la contradiction, de surcroît venant de plus petit que lui : Ses serviteurs lui font remarquer qu’il n’aurait sûrement pas rechigné si le prophète lui avait demandé quelque chose de difficile à faire. Alors Naaman se plonge dans le Jourdain et sa peau est guérie, il est pur.

Naaman en est tout retourné. Et il retourne auprès d’Elisée. Il est converti et déclare à Elisée sa nouvelle foi dans le Dieu d’Israël. Tout à coup, Naaman voit la trace de Dieu dans sa vie et le dit tout haut. Il déborde de gratitude et veut combler Elisée des cadeaux somptueux qu’il a apportés depuis la Syrie. Elisée refuse. La grâce est gratuite ! La grâce nous précède. Elle est là pour ceux et celles qui veulent la recevoir. Comme dans nos temples à chaque début de culte.

Face à Elisée qui ne veut pas être payé, Naaman, humblement demande de pouvoir emporter de la terre d’Israël chez lui. La terre, l’humus, l’humilité. Il se dit serviteur d’Elisée. Il ne veut plus adorer que YHWH.

 

Guérison, gratitude, louange, conversion.

Voici le parcours de Naaman.

Guérison, gratitude, louange, conversion.

 

Dans l’évangile du jour, c’est Jésus qui guérit dix lépreux. Ils savent que Jésus est un guérisseur et font appel à sa compassion. En même temps, ces lépreux respectent la législation relative à la lèpre et se tiennent à distance.

L’Evangile précise que Jésus les voit. Ça n’a l’air peut-être de rien, mais ce regard est une immense bénédiction. Jésus regarde les malades qui en dégoûtent d’autres, qui sont exclus. Il les voit tels qu’ils sont. Il comprend.

Jésus voit, et pourtant, il ne fait rien pour guérir ces dix lépreux. Il ne s’approche pas. Il leur dit juste : « Allez-vous faire examiner par les prêtres. » Il les invite à la confiance, à croire qu’ils sont dès à présent guéris. » Comme Naaman, ils se sont sûrement attendus à autre chose. Mais ils n’hésitent pas une seconde. Ils obéissent à l’ordre étrange de Jésus et se mettent en route. En chemin ils sont guéris, leur confiance les a guéris.

Parmi les dix il y a un Samaritain, un hérétique aux yeux des Juifs. Car à l’époque, les Juifs et les Samaritains étaient en quelque sorte des frères-ennemis.

Le texte biblique dit : L'un d'entre eux, quand il vit qu'il était guéri. Et ce verbe voir, c’est le même qui est employé pour dire que Jésus voit les dix lépreux. C’est une perception intime et vraie : le Samaritain sait qu’il est au bénéfice d’une guérison miraculeuse. Il se rend compte de l’immense cadeau reçu.

Luc ne nous raconte pas ce que font les neuf autres. Nous pouvons imaginer qu’ils passent par les rituels prescrits et réintègrent leur famille, leur village. Ils ont sûrement fait la fête. Ils ont sans doute parlé de Jésus qui les a guéris. Puis ils retournent à leur ancienne vie. Comme si au fond, la maladie et sa guérison n’avait rien changé.

 

Pas le Samaritain. Le Samaritain désobéit à l’ordre de Jésus. Il fait marche arrière et, cette fois, s’approche tout près de Jésus. Il laisse exploser sa joie. Il vient se jeter au pieds de Jésus en le remerciant de tout son cœur.

 

Nous apprenons aux enfants à dire merci. Ce n’est pas une simple question de convention ou de politesse. Reconnaître que l’autre me fait du bien, que son action, son cadeau n’est pas un dû, c’est construire la relation. C’est reconnaître la bonne intention de l’autre, honorer son don.

Mais reconnaître un bienfait reçu n’est pas seulement important vis-à-vis de la personne qui a donné. « Les ingrats ne profitent jamais des bienfaits qu'ils reçoivent, » dit un proverbe oriental. Car honorer le don reçu nous nourrit, nous construit, influence notre attitude vis-à-vis de la vie.

 

Antoine Nouis raconte l’histoire suivante : un garçon se fait renverser par une voiture. Il est blessé mais pas trop gravement. Une ambulance des pompiers arrive, le couche sur une civière et l’emmène à l’hôpital. Arrivé aux urgences, le garçon demande à voir l’aumônier. L’infirmière le rassure et lui répond que ce n’est pas la peine de se faire du souci et qu’il ne va pas mourir. Le garçon répond : « je ne veux pas voir un aumônier parce que j’ai peur de mourir mais parce que je veux rendre grâce à Dieu d’être encore en vie après mon accident. » Entre l’infirmière et le garçon, nous trouvons deux conceptions de la religion. Pour la première, elle est une façon de se rassurer face à l’angoisse de la mort, alors que pour le second elle conduit à la gratitude pour la vie.

 

Il est bon de nous arrêter de temps en temps, faire une pause, pour repérer les traces de l’action de Dieu dans notre vie et le remercier, le louer. Pour une guérison, un accident évité de justesse, une consolation quand nous sommes en deuil, la sortie d’une crise existentielle, quand nous reprenons pied, quand l’horizon se dégage,

mais aussi pour les personnes qu’il met sur notre chemin, un coup de foudre, une naissance, un bon repas entre amis, le soleil ou la pluie.

Le psaume 103 commence par : « Je veux bénir le Seigneur, sans oublier un seul de ses bienfaits. C'est lui qui pardonne toutes tes fautes, qui guérit toutes tes maladies. » Certains frères et sœurs repèrent tous les soirs les bienfaits reçus pour rendre grâce. D’autres ou les mêmes prennent des temps de retraite. Plein d’autres expressions existent !

 

Mais revenons à notre évangile :

Jésus demande : où sont les neuf autres ? Est-il déçu ?  Il souligne que c’est l’étranger qui est revenu pour rendre gloire à Dieu. La bonne nouvelle est pour nous : la guérison est pour tout le monde, Juifs et étrangers !

 

C’est seulement après que Jésus s’adresse à nouveau au Samaritain et lui révèle ce qui vient de se passer pour lui : le voilà sauvé. Non seulement guéri, mais sauvé. « Relève-toi et va ; ta foi t'a sauvé, » lui dit-il. « Relève-toi » : ce verbe est le même qui est utilisé pour décrire la résurrection. Il lui dit donc « ressuscite ».

La louange et la joie d’être sauvé orientent désormais toute la vie du Samaritain. Des dix guéris, lui seul a choisi un nouveau départ. La foi a sauvé celui des dix qui en était le plus éloigné, celui qui avait le moins de prédispositions. Combien de fois Jésus n’a-t-il pas trouvé une foi exemplaire chez ceux dont on l’attendait le moins !

 

A nouveau nous avons guérison, gratitude, louange, conversion.

 

Des guérisons, nous en avons tous et toutes vécues, des petites et des spectaculaires, des lentes et des subites. Guérison du Covid, du cancer, mais aussi de rancunes, de remords, de regrets, de colères, de culpabilité, de désespoir. Aujourd'hui, dans le rétroviseur, nous pouvons en prendre conscience et rendre grâce.

La gratitude, c’est vivre sa foi.

Quand je me mets devant mon paysage favori, le massif du Montblanc, les rouleaux de l’Atlantique à Biarritz, la lagune de Venise je peux laisser venir la gratitude pour toute cette beauté.

En observant un enfant, pas forcément le mien, quand je suis tranquillement à côté d’une personne aimée, quand j’écoute de la musique qui me remue, je peux laisser monter la joie, élargir mon espace intérieur à ce présent offert.

Peut-être que ces moments peuvent-ils aider quand ça va moins bien.

 

Notre prière est devancée par Dieu. L’évangéliste Marc cite Jésus : C'est pourquoi je vous dis : Tout ce que vous demanderez en priant, croyez que vous l'avez reçu, et vous le verrez s'accomplir. (Marc 11, 24)

Dieu exaucera notre prière peut-être autrement que nous l’avions prévu. Comme Jésus avec Naaman et avec les dix lépreux. Parfois il nous donne ce que nous demandons, parfois il donne plus tard et parfois il dit « j’ai mieux pour toi ».

 

Pour conclure, écoutons Paul :

Ne vous inquiétez de rien ; mais en toute chose faites connaître vos besoins à Dieu par des prières et des supplications, avec des actions de grâces. Et la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, gardera vos cœurs et vos pensées en Jésus-Christ. (Philippiens 4, 6-7)

Amen