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A la recherche du bonheur

Prédication du dimanche 29 janvier 2023, par le Pasteur Lendo Makunga

 

A la recherche du bonheur

par le Pasteur Lendo Makunga

Pentemont-Luxembourg, le 29/01/2023

 

Textes bibliques : Sophonie 2.2 ; 3.12-13 ; 1 Corinthiens 1.26-31 ; Matthieu 5.1-12

 

     Au début de chaque année, nous avons l’habitude de présenter des vœux de bonne année. Nous avons toutes sortes de formules, telle que : « Que cette année t’apporte le bonheur ! ». Tout justement le texte de Matthieu 5 appelé les béatitudes qui ouvre le Sermon sur la montagne nous parle de bonheur : heureux. Le mot heureux y apparaît 9 fois. Une autre version des béatitudes se trouve dans Luc 6.20-26, mais les béatitudes sont suivies par des malheurs. Peut-on vraiment croire au bonheur ? Qu’est-ce qui vous rend heureux ? La recherche du bonheur est un désir de tout être humain. Elle est même inscrite dans la Déclaration d’indépendance américaine comme un droit inaliénable de l’être humain. Je vous propose de parler aujourd’hui de ce que le bonheur n’est pas, de ce qu’est le bonheur, et du bonheur immérité.  

      D’abord ce que le bonheur n’est pas. Selon le philosophe et sociologue Frédéric Lenoir, les différentes étymologies du mot bonheur renvoient toujours à l’idée de chance ou de destin favorable. Le grec classique utilise la racine eudaimonéo qui veut dire réussir, être heureux. Le substantif eudaimonia peut signifier « avoir un bon daimôn », c’est-à-dire « avoir un ange gardien, ou être né sous une bonne étoile », comme on dirait aujourd’hui. En français, le mot bonheur est issu de l’expression latine bonum augurium signifiant « bon augure, ou bonne fortune ». En anglais, on emploie le mot happiness qui vient de la « racine islandaise happ », qui veut dire « chance ».

     Qui d’entre nous ne souhaite pas vivre heureux ? Mais que faut-il pour être heureux ? La quête du bonheur est une préoccupation très présente dans notre vocabulaire, dans les médias, dans la publicité, dans la littérature. Des ouvrages, des philosophies, des religions, des coachs dans tous les domaines, des marabouts, des devins, des astrologues… prétendent donner des recettes toutes faites du bonheur. Le bonheur est souvent défini comme un état de plénitude et de satisfaction totale où rien ne nous manque. C’est un état agréable et équilibré de l’esprit et du corps d’où la souffrance, l’inquiétude et le trouble sont absents. Le bonheur suppose donc une harmonie et un équilibre nécessitant la satisfaction des besoins et la réalisation des désirs. Le New-Age par exemple nous propose le bonheur avec des moyens ésotériques des religions orientales. Le capitalisme nous propose le bonheur par l’argent et les biens matériels. On s’imagine que pour être heureux, il faut être comme ça, avoir ceci, faire cela, avoir un tel métier ou une telle maison, être beau, jeune, riche, célèbre, en bonne santé, voyager… Dans ce cas, le bonheur recule au fur et à mesure que la liste de nos critères, de nos conditions s’allonge. Le bonheur devient insaisissable comme le vent. Il y a certainement des choses bonnes et même agréables dans la vie dont il faut jouir, mais cela ne rend pas toujours vraiment heureux.

     Dans nos sociétés de consommation, la recherche du bonheur a pris une dimension économique et sociale très importante. La société marchande nous fait miroiter maintes fausses promesses du bonheur liées à la consommation, à l’apparence physique, à la réussite sociale… Le bonheur est mesuré par la quantité d’objets consommés. Or consommer toujours plus est une fuite en avant. On ne tient pas compte de l’épuisement des ressources de notre planète et l’augmentation des inégalités sociales. On va souvent de désirs assouvis en nouveaux désirs insatisfaits, donc de frustration en frustration. Dans la Rome antique, l’esclave affranchi étalait sa richesse comme signe visible de son bonheur. Certains qui critiquent la frénésie de la consommation dans nos sociétés vont jusqu’à dire que la recherche du bonheur par les biens matériels est une aliénation, un esclavage. Dans les béatitudes, le bonheur n’est pas quelque chose qu’on peut construire à force de ceci ou de cela, à force de belles réussites dans tous les domaines : affectif, sentimental, professionnel, économique, social, familial... Le secret du bonheur n’est pas la satisfaction de tous nos besoins, ni la réalisation de tous nos désirs, de tous nos phantasmes, de tous nos rêves, ni l’absence de soucis quotidiens. Mais si ce n’est pas ça le bonheur, alors le bonheur, c’est quoi ?

     Ce qu’est le bonheur : c’est mon deuxième point. Pour parler du bonheur, Matthieu n’utilise pas le substantif eudaimonia, mais l’adjectif makarios signifiant « béni, heureux, bienheureux » faisant écho au mot hébreu ‘ashar qui évoque un mouvement, une dynamique. Le sens fondamental de ’ashar est marcher. Le grec makarios peut être traduit par « en marche », debout. Les béatitudes décrivent donc la force dynamique de l’Évangile, une inversion des valeurs de ce monde. Lorsque Jésus prononce les béatitudes, beaucoup de ses auditeurs se posent des questions sur le sens de leur vie, sur la raison de leurs soucis quotidiens. Comment être heureux dans un pays occupé par les Romains ?

     Le bonheur que Jésus propose est paradoxal, inattendu, subversif ; il va à contre-courant du bonheur que nous propose le monde. Il nous invite à ne pas nous tromper de bonheur. Mais comment peut-on déclarer heureux celui qui est pauvre ou celui qui est malade ou celui qui est en deuil ou celui qui est persécuté ou celui qui n’a pas de travail ou celui qui a des soucis personnels ou familiaux ? Comment être heureux quand on n’a pas de raison évidente d’être heureux ? Jésus ne décrit pas un état mais une disposition intérieure, car il n’évoque pas les pauvres matériellement mais les pauvres en esprit (la première béatitude dans le texte grec dit pauvres en esprit et non humbles en esprit). Jésus n’encourage pas ceux qui ont faim et soif mais ceux qui ont faim et soif de justice. Jésus ne parle pas de la souffrance rédemptrice, selon laquelle il faut souffrir pour être sauvé, pour hériter le royaume de Dieu. Jésus déclare heureux ceux qui ont fait un choix de vie et non ceux qui subissent une situation malheureuse. Jésus ne rejette pas la joie de vivre, le désir légitime de profiter de la vie. Mais il sait que quiconque le suit prend le risque de la souffrance. Jésus encourage à une vie ouverte, aimante, au risque, effectivement, de l’échec et des larmes.

     Alors, vous qui vous tourmentez pour des enjeux sociaux, vous qui travaillez à faire reculer la violence, la haine, les discriminations, la pauvreté, vous qui militez pour une société, un monde plus juste, pour la fraternité humaine, pour le sort des affamés, des sans-abri, des étrangers, des demandeurs d’asile, de notre planète, heureux êtes-vous car vous serez peut-être déçus, incompris, persécutés, mais votre vie aura du sens. Si vous marchez sur les chemins de la paix, de la justice, de l’humilité, heureux êtes-vous, car vous allez rencontrer Dieu. Le vrai bonheur n’est pas la joie matérielle ou le plaisir d’où qu’il vienne, c’est la rencontre avec Dieu en Jésus Christ. Comment trouver un Dieu d’amour en vivant les rivalités, la jalousie, la cupidité, la rancœur, la haine, l’injustice, l’oppression ? Comment croire au Christ crucifié si nous choisissons la voie de la puissance, de la domination ? En orientant notre vie vers la douceur, la miséricorde, la compassion, le pardon, la réconciliation, en devenant artisan de paix, nous fréquentons le chemin de l’Évangile.

     Enfin le bonheur immérité. On pense souvent que le bonheur est une question de chance, de volonté personnelle, de mérite. Ainsi par sa force on pense pouvoir être heureux. Dans les béatitudes, les valeurs du monde, l'argent, le pouvoir, le prestige, l’autosatisfaction, sont transformées, relativisées, à cause de la venue du Royaume de Dieu. Pour Jésus, le vrai bonheur se trouve dans la présence de Dieu qui en est le garant. Il est au-dessus de tous les autres bonheurs passagers qui ne tiennent qu’à un fil qui, à tout moment, peut céder. Jésus ne nous cache pas que la vie sur la terre n’est pas toujours facile. Il ne nous dit pas qu’on peut se débarrasser de ses soucis et trouver un bonheur utopique et sans contraintes. On peut être heureux sans pour autant avoir tout ce que l’on désire. Jésus parle d’un bonheur qui ne dépend pas des circonstances de la vie, d’un bonheur centré sur Dieu, sur son amour, sur sa fidélité. C’est un bonheur que rien ne pourra jamais nous procurer. C’est ce bonheur qui tient face aux épreuves de la vie.

     Le bonheur de l’Évangile n’est pas une négation absurde de la misère humaine. Les croyants sont heureux, non pas à cause de la détresse, ni parce qu’ils souffrent, mais parce que, quelles que soient les épreuves qu’ils peuvent connaître, ils savent que Dieu pose sur eux son regard d’amour. Ils sont heureux parce qu’ils savent qu’aucune détresse ne peut changer leur relation avec Dieu en Jésus Christ, ni altérer leur condition des destinataires de sa promesse concernant le Royaume qui vient. Le bonheur ne dépend ni de ce que nous faisons, ni de ce que nous sommes, ni du regard des autres, ni des événements de la vie. Le bonheur vient d’ailleurs. C’est un don de Dieu, une grâce. Il ne se mérite pas. Il se reçoit au cœur de l’épreuve, dans une situation de manque et d’humilité. Dieu règne pour ceux qui ne se suffisent pas à eux-mêmes et peuvent connaître des épreuves. Dieu accorde ce bonheur gratuitement à ceux qui l’accueillent. Le bonheur est une bénédiction de Dieu, une promesse en même temps qu’une réalité actuelle. C’est un verdict de Dieu. Dieu nous déclare heureux et nous rend heureux en Jésus Christ. On peut être dans le bonheur même dans les temps de troubles, car notre bonheur dépend de notre relation avec Dieu, de notre confiance en lui.

     Pour terminer. Le bonheur est une quête universelle. Chacun souhaite être heureux. Mais nous avons vu ce que le bonheur n’est pas, ce qu’est le bonheur, et le bonheur immérité. Les béatitudes développent le grand renversement de l’Évangile. Elles ne sont pas des utopies naïves ou des consolations à bon marché, car elles prennent corps dans la vie des croyants et dans la vie de l’Église chaque fois que nous accueillons Dieu par le Christ et son Royaume et qu’il transforme notre regard sur le monde, sur les autres, sur Dieu et sur nous-mêmes. Plus que notre regard, nos cœurs, nos mains, nos ingéniosités… pour tantôt consoler, rassasier de justice, vivre une fraternité d’espérance, tantôt reconnaître les signes du Royaume de Dieu chez les humbles, chez les doux, chez les miséricordieux, chez les artisans de paix. Les béatitudes sont un encouragement à aller de l’avant, à se tenir debout, à persévérer, à ne pas baisser les bras devant la violence, la haine, les discriminations, l’injustice, l’oppression, les conflits, la guerre, l’idolâtrie de la force et de la puissance, l’indifférence, les épreuves… Jésus nous déclare heureux dans notre faiblesse, dans notre fragilité, dans notre vulnérabilité, dans notre manque. Mais cela n’a de sens que parce que lui-même a vécu ces béatitudes. Il nous invite à nous ranger du côté de ceux qui désespèrent, pour leur offrir la joie et l’espérance qui nous animent, nous relèvent et nous mettent en marche. Ce bonheur qui passe par le Christ nous sera encore offert dans la Cène que nous allons partager avec le Christ vivant. Frères et sœurs, soyez donc heureux en Christ. Amen.

 

Pasteur Lendo Makunga