Ézéchiel et Jésus devant le temple
Ézéchiel et Jésus devant le temple
Prédication du dimanche 9 novembre 2025, par Nicolas Chaine
Lectures bibliques :
- Ézéchiel 47, versets 1 à 12
- Jean 2, versets 13 à 22
Pour préparer ce culte, j’ai commencé, comme je le fais toujours, par chercher quel était l’évangile choisi par les églises chrétiennes pour ce dimanche.
C’était Jésus chassant les marchands du temple. Cet épisode est dans les 4 évangiles. C'est le seul épisode où Jésus se met vraiment en colère ; à Cana, il est seulement agacé par sa mère, et à Capharnaüm il a juste un regard de colère pour les pharisiens qui ne répondent pas à ses questions.
Pour les synoptiques cet épisode est à la fin du ministère de Jésus, pour Jean au tout début : d’emblée il veut affirmer que Jésus est le nouveau temple : il annonce un culte en esprit et en vérité.
Les 4 évangiles partent des mêmes citations de l’Ancien Testament : Ma maison sera appelée maison de prière, Esaïe56, 7
Mais vous en faites une caverne de voleurs, Jérémie 7, 11.
Mais dans ce fameux lectionnaire qui organise les lectures des dimanches sur 3 ans, il y a non seulement un évangile, mais aussi un psaume, un bout d’épitre ou d’Actes, et un texte de l’Ancien Testament ; si le psaume et l’épitre sont là semble-t-il au petit bonheur, le texte de l’Ancien Testament est choisi pour éclairer l’évangile. El là, le choix est vraiment excellent. Ézéchiel, et c’est bien là le métier du prophète, nous montre le chemin.
La juxtaposition de ces 2 textes nous permet de dessiner un grand arc : on part du temple de Salomon destiné à abriter l’arche de l’alliance ;
le temple c’est pour Israël la lumière du monde, le cœur de la cité, la résidence même de Dieu, le siège de sa gloire.
Puis le temple est détruit par Nabuchodonosor et c’est l’exil. Psaume 137
Sur les bords des fleuves de Babylone,
nous étions assis et nous pleurions,
en nous souvenant de Sion. etc
C’est là qu’on trouve Ézéchiel ; il est en exil et il fait ce rêve magnifique (en langage biblique ça s’appelle une prophétie): de la porte du temple sort un fleuve qui grossit, sans affluents, et devient immense ; tout revit, sur ses bords les arbres donnent des fruits chaque mois, et quand il se jette dans la mer morte, elle devient vivante et pleine de poissons.
Ce texte qu’il faut lire comme une métaphore est plein d’enseignement. Ce qu’Ézéchiel nous dit c’est que le temple n’est pas un réservoir mais une source. Dès les premiers pères de l’Église, on a vu dans ce fleuve la parole qui irrigue, qui féconde, qui fait vivre. Certains ont même reconnu les 4 évangiles dans les 4 niveaux d’eau décrits. D’autres ont vu l’eau qui jaillit du côté de Jésus crucifié en Jean 19.
Plus tard Luther y voyait plutôt la Parole, qui va jusqu’au bout du monde, et Calvin plutôt l’Esprit Saint.
Ce que nous retenons pour l’instant, c’est que ça ne se passe plus dans le temple : le fleuve sort du temple ; le temple ce n’est pas un réservoir, c’est une source. Si j’osais, je dirai que le message prophétique d’Ézéchiel, c’est qu’il faut se mouiller !
Puis il y a eu le second temple, celui qu’a connu Jésus ; il y a même été présenté enfant (Luc).
Mais il n’est plus la maison de prière d’Esaïe, plutôt la caverne de voleurs de Jérémie. Le temple n’est plus tant le siège de la gloire de Dieu que celui d’une cléricature qui tarifie, ritualise, contrôle, limite l’accès à Dieu à ceux qui ont de l’argent ou les bons rites.
On est passé d’un temple siège de la gloire de Dieu chez Salomon, ou rêvé comme source de tous ses bienfaits chez Ézéchiel, à une caverne de voleurs comme dit Marc.
Le grand prêtre est devenu un personnage politique, le clergé un groupe de privilégiés attaché à ses prébendes.
2) l’enseignement de Jésus
Quand la samaritaine demande à Jésus si c’est sur le mont Garizim ou à Jérusalem qu’il faut adorer Dieu, il lui répond : ni l’un ni l’autre, il faut adorer Dieu en esprit et en vérité.
Ce qui importe ce n’est pas un rite extérieur, mais la relation personnelle à Dieu. C’est l’Esprit Saint lui-même qui rend possible la véritable adoration.
Il n’y a donc plus de temple, plus de sacrifices, c’est la communauté croyante qui devient le temple de Dieu. Remplacer le culte rituel, formel, par une relation vivante entre Dieu et l’homme c’est laisser l’Esprit saint nous révéler le Christ.
C’est le cœur de cet épisode : Détruisez ce temple et en trois jours je le rebâtirai, il parlait du temple de son corps. Parole évidemment incompréhensible sur le moment, mais que la résurrection rendra claire.
Il n’y a plus de temple de pierre, il y a le christ ressuscité.
Et pour nous maintenant
Il ne faut jamais oublier ce qui est arrivé au temple de Jérusalem qui construit pour la seule adoration de Dieu, est devenu un système, le système d’une caste, une religion, au mauvais sens du terme. Une cléricature, qui légifère, tarifie ou exclut.
On voit toujours ces tendances, ces défauts, dans l’église d’à côté ; il faut aussi regarder chez nous, toujours vérifier qu’on ne sacralise pas des habitudes, vérifier que le rite est vivant, précaire.
Parce que Paul qui en 1 Corinthiens 3 résume tout quand il écrit : « Le temple de Dieu, c’est vous ». Nous sommes bien sûr responsables de nos églises.
Que parte d’elles ce grand fleuve de la parole qui irrigue, qui féconde, qui rend vivant.
Nous sommes le temple de Dieu ; nous le sommes par grâce, sans mérites ; le grand fleuve d’Ézéchiel est la figure même d’un don inconditionnel.
Soyons reconnaissants de cette grâce qui nous faite.
