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Prêter sarment à la vraie vigne

Texte de la prédication du dimanche 2 mai 2021, par Géraldine Walter

 

"Prêter sarment à la vraie vigne" par Géraldine Walter

 

Jean 15,1-8 (TOB)

1« Je suis la vraie vigne et mon Père est le vigneron.

2Tout sarment qui, en moi, ne porte pas de fruit, il l’enlève, et tout sarment qui porte du fruit, il l’émonde, afin qu’il en porte davantage encore.

3Déjà vous êtes émondés par la parole que je vous ai dite.

4Demeurez en moi comme je demeure en vous ! De même que le sarment, s’il ne demeure sur la vigne, ne peut de lui-même porter du fruit, ainsi vous non plus si vous ne demeurez en moi.

5Je suis la vigne, vous êtes les sarments : celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là portera du fruit en abondance car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire.

6Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est jeté dehors comme le sarment, il se dessèche, puis on les ramasse, on les jette au feu et ils brûlent.

7Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous, vous demanderez ce que vous voudrez, et cela vous arrivera.

8Ce qui glorifie mon Père, c’est que vous portiez du fruit en abondance et que vous soyez pour moi des disciples.

 

Chères sœurs et cher frères,

 

Jésus avant de vivre sa passion et d’être crucifié, enseigne encore et toujours. Il enseigne à ses disciples, sur sa nature, son identité, mais aussi sur comment vivre après sa mort.

Notre récit se place le soir de la Passion. Après le geste du lavement des pieds, après le dernier repas où le pain et le vin ont été partagés.

« Levez-vous ! Partons d’ici ! »   Jésus vient d’encourager ses disciples à sortir pour aller au-devant de ce qui l’attend. Ils sont dans la nuit, sur la colline de Gethsémané, et peut-être sous les arbres, ou entourés de vignes. Dans ce drame à venir, on imagine la tension, le cœur serré, la tristesse qui les envahie. C’est la nuit.

Et Jésus choisit le langage métaphorique de la vigne pour s’adresser à ses disciples. Une parole de vie pour ceux qui restent. Une parole de vie communautaire qui nous donne le fondement de la vie d’église.

Et cette  métaphore de la vigne qu’il va progressivement déployer ne peut être entendue que dans l’espérance de la résurrection.

 

Cette parole n’est pas forcément facile à entendre. Jean , plus que les autres,  est l’évangile de la signification, de l’interprétation, des reprises . Jean essaie de mille manières de capter une lumière qui lui échappe et qui pourtant l’inspire, tel un peintre.

Évangile qui est à retravailler à chaque lecture comme la vigne est à travailler au fil des jours. Le mûrissement s’opère au fil de nos méditations, comme les fruits de la vigne murissent lentement, et comme nous évoluons, mûrissons au fil de notre vie.

 

En reprenant la métaphore de la vigne qui est utilisée dans le premier testament pour désigner le peuple d’Israël, Jésus s’adresse à ses disciples en terrain connu mais pour les emmener ailleurs.

Pour nous déplacer. Dans Esaïe (5,1-7), les Ps par exemple comme celui que nous avons chanté, la vigne représente l’élection du peuple d’Israël.

 

Jésus transpose et s’approprie cette image.

Au premier verset, « Je suis la vraie vigne et mon père est le vigneron. »

Par vraie, il faut entendre, véritable, authentique, est vrai ce qui provient de Dieu, ce qui dispense la révélation divine. Si on puise dans les racines hébraïques du mot vrai, c’est le mot « emet » qui signifie qqch sur quoi on peut compter, de fiable, de solide.

Jésus est la vraie vigne et son père est le vigneron. Dieu le père travaille la vigne. Tout vient du père. Et tout passe par Jésus, qui est lui-même travaillé, émondé par le père.  

 

 « Je suis la vigne et vous êtes les sarments. »

Les sarments sont les branches de la vigne, accrochés au pied de vigne.

Je voudrais m’arrêter sur ce petit mot, un tout petit mot « Et ».  Mais ce petit mot dit une chose importante : Et, ensemble. Liaison.  Lié, lien.

Vigneron, vigne, sarments/Dieu, Jésus, disciples/croyants/ fidèles.

La vie d’église se dit dans ces deux « et » : Jésus fils du Père et nous, sarments, accrochés, attachés à la vigne. Liés, et pourtant aussi distincts : Jésus distinct du père et nous distinct de Jésus.

 

Distincts et unis. Unis pour porter fruit, on peut même dire unis pour donner la vie, une vie bonne et joyeuse.

Car la vigne est synonyme de vinification, de vin, de vendanges etc... de moments de partage, de gaité .

Chacun a sa place, chacun a son rôle, sa mission dans le projet de Dieu, de son Royaume, càd un monde de paix, de justice et de fraternité. Sur cette vraie vigne, tous les sarments, les branches sont égaux.

 

V 4 Demeurez en moi comme je demeure en vous. Il n’y a qu’à se laisser faire ! Oui, il n’y a qu’à se laisser faire. C’est le cœur du message, c’est l’Évangile même  qui nous est donné ici.  le verbe demeurer revient 7 fois dans ce passage !!  Décliné au présent, futur, impératif, conditionnel, vraiment, il concerne toute situation, notre vie entière.

« Moi, Je suis la vigne et vous êtes les sarments. »

Sarments qui sont tortueux, comme nos chemins, mais qui sont déjà émondés par la parole de Dieu V3. Quelle parole de confiance :  les disciples, nous : déjà émondés par la parole.

 

« Demeurez en moi comme je demeure en vous ». ce mot demeurer, si cher à Jean, qui revient si souvent dans son Évangile. Que veut dire « demeurer en moi « ?  Demeurer en moi, je traduirais par: se laisser habiter par l’esprit de Dieu, se laisser travailler par sa parole.

 

Il y a une habitation réciproque, demeurez en moi comme je demeure en vous. Et pourtant, elle nécessite un engagement de notre part.

Cela peut paraître paradoxal, les sarments sont attachés à la vigne, ils y sont liés de manière structurelle. Mais l’attitude de se laisser habiter par l’esprit de Dieu, par le Christ, n’est pas naturelle, elle nécessite qu’on s’y emploie, qu’on se laisse faire.

Être sarment, c’est être solidaire, fidèle à la vraie vigne.

C’est pour cela que j’ai eu envie de jouer avec les mots de sarments et serment.

Demeurer en Christ, c’est prêter sarment à la vraie vigne ! C’est s’engager à se laisser travailler par l’Esprit. La sève nourrit la vigne, les sarments, l’Esprit nourrit notre engagement.

Nous ne sommes pas invités à atteindre un but, nous sommes déjà attachés à la vigne. Mais nous sommes bien invités à rester attachés. Attachés dans la durée à une relation déjà existante, entre le Christ et nous. Nous sommes invités à rester attaché et à vivre cette relation déjà donnée pleinement dans le présent de la foi.

C’est aussi ce serment à la vraie vigne que l’on atteste lorsque nous disons amen, qui en hébreu signifie certainement, vraiment et a la même racine que « emet ».

 

Le Christ donne aux siens ce qu’il commande. 

Et effectivement, il y a un paradoxe apparent de nous demander, de nous exiger ce qui nous est donné, d’emblée, gratuitement. Mais quand je regarde comme nous avons du mal dans toutes nos activités, à nous poser, à lâcher prise, à faire confiance.

Comme notre esprit peut être encombré par toutes sortes de préoccupations. Quelle parole d’Évangile de nous rappeler que tout nous est déjà donné avant toute chose.

 

Il faut de la patience, du labeur, du temps, pour que la vigne donne du fruit et ensuite du vin.

Il nous faut du temps pour apprendre à vivre en chrétien. C’est le temps d’une vie, un chemin de sanctification, de bonification ! Parfois les mots anciens sonnent si justes !

 

5Je suis la vigne, vous êtes les sarments : celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là portera du fruit en abondance car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire.

J’entends là un appel à l’humilité.

Ne pas se prendre pour Dieu, ne pas penser que ce que je fais vient de mes petits bras musclés.

Mais cela vient de Dieu inspiré par son Esprit et en essayant de suivre Jésus.

Tout ce que je fais, donne, transmets me vient d’un plus grand que moi.

« en dehors de moi, nous ne pouvez rien faire » :

La question des fruits nous renvoie à la question des œuvres.

Seuls les fruits à la gloire de Dieu sont bons, fiables, authentiques. Et ce ne sont pas les plus voyants, ni les plus glorieux. Porter du fruit, c’est être celui ou celle qui permet à l’autre de grandir, de vivre en être humain.

 

Que dire des sarments qui sont coupés et jetés au feu? Les bons d’un côté, les autres au feu, ...Mais le jugement ne nous appartient pas. Ce n’est pas à nous de dire ce qui est bon et ce qui est mauvais. Ce n’est pas notre tâche.

Notre tâche à nous les sarments, c’est de demeurer en Christ et de porter du fruit. Cela nous est donné dès notre naissance, puisque nous sommes les sarments accrochés au pied de vigne.

 

Aussi la question que nous pose ce texte est celle de notre liberté, de placer notre vie devant Dieu et notre liberté de porter du fruit.

Porter du fruit en Jésus-Christ, c’est aimer son prochain.

 

Porter du fruit en Jésus-Christ : il en est questions aussi dans les réflexions qui nous occupent aujourd’hui dans les débats sur la laïcité. Vivre notre foi en respectant la liberté des autres mais sans se laisser enfermer, ni museler par des politiques qui bien souvent n’ont que peu de connaissance du monde des religions et de la vie spirituelle.

Il ne s’agit pas de se renfermer entre témoins, entre croyants, mais de porter du fruit dans la société, d’être porteurs d’un message de paix et de fraternité. Et avec l’exigence et l’humilité qui libère et protège de toute position convictionnelle ou identitaire qui trop souvent exclut l’autre.

 

La question d’identité est au cœur de notre foi.  Être chrétien, demeurer en Christ, tel le sarment de vigne, travaillé, émondé par la parole de Dieu.

 

Être sarment, c’est se laisser habiter par l’esprit de Dieu, se laisser travailler par sa parole, reconnaître notre enracinement, notre lien au Dieu de Jésus-Christ.

C’est demeurer en lui, reliés à lui et à nos frères et sœurs.

Que l’Esprit de Dieu nous fasse demeurer dans sa paix,

Amen