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Dessine-moi un mouton

Prédication du dimanche 10 août 2025, par Christine Décamp-Batier

 

« Dessine-moi un mouton ! »

Prédication du dimanche 10 août 2025, par Christine Décamp-Batier

 

Lectures bibliques :

  • Ezéchiel 34, versets 11 à 17
  • Matthieu 18, versets 1 à 6 et 10 à 14

 

Imaginons un peu la scène de notre Évangile, avec Jésus, entouré d’une grande foule qui discute avec un petit enfant assis sur ses genoux.

 

L’ENFANT - Dis-moi, Jésus, c’est encore loin le Royaume des cieux ? Et comment fait-on pour y aller ? On peut prendre un âne ou un chameau ? Et, est-ce que, là-bas, il y a des moutons dans des grandes prairies vertes ? Parce que moi j’aime bien les moutons, je les trouve beaux avec leur laine blanche, on dirait des nuages !

 

JÉSUS - Tu sais, mon petit, le Royaume des cieux, là où habite mon Père, est comme un trésor caché dans un champ.

Et toi, avec ta fraîcheur, ton innocence mais aussi la pertinence de tes questions d’enfant, tu as vraiment toute ta place dans le Royaume.

Tu es même un exemple pour ces grandes personnes qui se sentent importantes, qui pensent tout connaître sur tout et qui ne font plus attention à la beauté d’une fleur, à la chaleur d’un rayon de soleil, ou à l’immensité du ciel étoilé.

 

L’ENFANT - Oh oui j’aime beaucoup regarder les étoiles dans le ciel.

Et j’aime beaucoup aussi les nuages, je trouve qu’ils ont la forme de moutons avec une tête et des pattes. Peut-être que ce sont des anges cachés dans les nuages ! Alors, souvent, j’aime bien leur parler parce que je me sens un peu seul… J’aimerais bien avoir un ami, un compagnon simple, quelqu’un un peu comme moi, un petit, un innocent, dont je pourrais prendre soin, avec qui je pourrais partager mon repas, mes joies, mes peines et qui m’aiderait à m’endormir le soir.

Oh, Jésus, s’il-te-plaît, dessine-moi un mouton !

**************

« Car vous êtes tous enfants de Dieu par la foi qui vous lie à Jésus-Christ. » (Galates 3,26)

Cette parole de l’apôtre Paul fait écho à nos lectures d’aujourd’hui. La bonne nouvelle pour nous : oui, nous sommes tous les petits de Dieu, ses enfants, et nous pouvons vivre cette relation particulière avec notre Père céleste.

 

Et s’il arrive que l’un d’entre nous se perde, Dieu met tout en œuvre pour le retrouver et il nous partage son élan de joie d’avoir réuni tous ses enfants auprès de lui ! Car, pour Dieu, les petits ont beaucoup plus d’importance qu’on ne croit et ils méritent qu’on prenne soin d’eux et qu’on leur donne toute leur place. Voilà le message au cœur de notre Evangile aujourd’hui.

 

Dieu est donc comme un berger qui consacre sa vie pour ses moutons.

C’est le Bon Berger, cette représentation traditionnelle et courante du Christ qui porte sur ses épaules le mouton égaré.

L’image est belle mais en réalité, ce mouton perdu en a fait baver à son berger qui a dû parcourir des kilomètres, dans le froid et le noir, en criant partout le nom de son mouton avant de le retrouver totalement apeuré, épuisé par cette longue fuite. Comme il ne tient plus debout sur ses pattes, le berger est obligé de le porter sur ses épaules pour faire le trajet du retour. Et il est plus lourd qu’on ne l’imagine et ne sent pas la rose… Notre mouton ne facilite pas vraiment la tâche de son sauveteur !

En fait, il est un peu comme nous, notre mouton : quand nous nous égarons du droit chemin, quand nous faisons la sourde oreille, quand nous jouons à cache-cache avec Dieu. Nous n’imaginons pas tous les efforts qu’il doit faire pour nous retrouver… Il faut admettre que nous non plus, nous ne facilitons pas toujours la tâche à notre Sauveur !

 

Pourtant, malgré tous les efforts fournis, le berger éprouve une immense joie de retrouver son mouton. Beaucoup de soulagement aussi mais surtout une grande joie d’avoir toutes les pièces de son troupeau, toutes les pièces de son puzzle réunies.

 

Je prends l’image du puzzle parce que j’aime cette activité qui fait travailler ma concentration et surtout ma patience ! Comme Jésus, quand je perds une pièce de puzzle, je laisse mes 999 autres pour aller à quatre pattes, sous le bureau, dans les franges du tapis, à la recherche de la pièce perdue ! Mon troupeau de 999 moutons est de toute façon bien en sécurité sur le bureau, tous bien accrochés les uns aux autres, tous veillant sur ses voisins. Et alors là, vous ne pouvez pas savoir quelle joie immense quand je retrouve le 1000ème qui complète mon œuvre et comble le vide !

 

Voilà, c’est pareil pour Dieu il n’aime pas le vide… Il n’abandonne jamais un seul mouton de son troupeau. C’est la promesse qu’il fait déjà au prophète Ezéchiel que nous avons lu juste avant l’Evangile :

« J'irai chercher la bête qui s'est perdue, je ramènerai celle qui s'est égarée, je soignerai celle qui s'est blessée, je ferai reprendre des forces à celle qui est malade. » (Ézéchiel 34, 16) 

 

Le message du prophète et celui de l’Evangile est incroyablement beau et nous donne toujours un élan d’espérance. Savoir que Dieu met tout en œuvre pour nous retrouver, pour ne pas nous perdre. Et peu importe les raisons pour lesquelles tu t’es éloigné de lui. Peu importe ce qui t’a poussé à partir, à te mettre en marge du troupeau. Dans le désert où tu t’es caché, Dieu vient te chercher et il est ravi de te retrouver !

 

C’est vrai, dans notre texte, nous ne savons pas pourquoi le mouton est parti. Peut-être était-il insatisfait de sa situation et a-t-il voulu vérifier par lui-même que l’herbe était plus verte dans le pâturage d’à-côté ? Ou bien était-il naïf - c’est bien connu les moutons suivent le troupeau bêtement - et a-t-il été berné par les belles paroles d’un loup mal intentionné ?

Peu importe nous répond Dieu : je vais chercher jusqu’aux tréfonds de la terre celui qui s’est égaré car il a du prix à mes yeux et je l’aime. (Esaïe 43, 4)

 

Alors Dieu se réjouit plus pour ce mouton égaré que pour les 99 autres qui étaient restés bien sagement à l’étable. J’aime bien cette figure du Dieu joyeux. Cela nous change un peu du Dieu colérique ou jaloux qui lance un déluge pour punir son peuple par exemple. Ou encore du Dieu omniscient et sage qui est assis sur son trône de justice. Voilà que nous rencontrons ici un Dieu joyeux, un bon père de famille qui aime rassembler les siens autour de lui pour faire un banquet.

C’est vrai que cette joie d’avoir retrouvé ce qui était perdu et d’organiser une fête à cette occasion est plus développée chez Luc que dans notre version de Matthieu. Luc associe, en effet, ces trois paraboles bien connues du mouton égaré avec celle de la pièce d’argent et celle du fils prodigue. Chaque histoire se termine par un « happy end » comme dans les films américains ou les BD d’Astérix : y a de la joie ! Chaque fois que nous avons fouillé la montagne ou retourné la maison à la recherche de ce qui était perdu, y a de la joie ! Réjouissons-nous sur terre comme au ciel car le perdu est retrouvé grâce à l’amour qui nous a mis à sa recherche.

 

C’est cette promesse, lue dans le livre d’Esaïe, de l’amour inconditionnel de Dieu. Cette parole qui nous est redite le jour de notre baptême notamment. Dieu se souciera toujours de toi et même si, plus tard, dans ta vie, tu venais à t’éloigner de l’Eglise, sache qu’il y a toujours une place ici pour toi et que Dieu se réjouira de t’y accueillir.

Et le pasteur s’adresse ensuite aussi aux paroissiens, membres du troupeau de Jésus, témoins de ce baptême, à nous qui avons la tâche, le devoir même, d’accueillir sans jugement le frère ou la sœur qui se serait éloigné, quelle qu’en soit la raison.

Car Matthieu nous le redit dans notre texte : « notre Père qui est dans les cieux ne veut pas qu'un seul de ces petits se perde. » (Matthieu 18, 14)

 

Dieu ne veut perdre aucun de ses petits. Une fête n’est pas pleinement vécue s’il manque un membre du groupe. Jésus nous demande alors d’adopter une attitude bienveillante envers ces petits, de prendre soin d’eux, de ne pas les laisser s’égarer ou s’il le faut, comme le berger, de nous mettre en action pour les rechercher inlassablement.

Car Jésus nous le dit plus tard dans l’Evangile de Matthieu, au moment du Jugement dernier : « ce que vous avez fait à l’un des plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » (Matthieu 25, 40)

 

Qui sont alors ces petits, ceux qui sont comme cet enfant assis sur les genoux de Jésus ou comme ce mouton égaré ? En 2000 ans, peu de choses ont vraiment changé… Les petits sont toujours les malades, les exclus, les pauvres, ceux que l’on ne regarde pas, ceux à qui l’on n’accorde guère de reconnaissance. En fait, ceux qui sont différents de nous - ceux qui nous semblent différents - et à qui on ne voudrait surtout pas ressembler. Mais peut-être est-ce là le caillou dans notre chaussure : nous savons bien que nous sommes tous vulnérables et que, du jour au lendemain, nous pourrions très bien être à leur place (tomber malade, perdre notre travail, nous fâcher avec notre famille…) Ceux qui ont déjà aidé aux déjeuners du CASP le savent bien. Alors nous détournons souvent le regard de ces autres qui nous rappellent notre vulnérabilité et que nous ne sommes pas si différents au final.

 

Tout est une question de point de vue et nous rencontrons souvent Jésus dans les Évangiles qui demande à ses interlocuteurs de changer de regard.

« Comment peux-tu dire à ton frère ou à ta sœur : “Laisse-moi enlever cette paille de ton œil”, alors que tu as une poutre dans le tien ? » (Matthieu 7, 4)

 

Prenez exemple sur les enfants, les petits, ceux qui ont un regard neuf sur le monde. Et vous, effacez vos jugements de grandes personnes, et cessez d’être dans le mépris ou l’indifférence. Quittez ce regard de haine, sombre et qui conduit à la mort. Optez pour des lunettes simples, joyeuses et pleines d’amour et qui conduiront à la vie.

 

Pour terminer, je reprends l’image du Petit Prince de Saint-Exupéry qui m’a inspirée pour le titre de cette prédication. Dans le conte, l’aviateur, en réponse à la demande du Petit Prince, dessine une boîte dans laquelle se cache le mouton. Seul l’enfant peut percevoir le mouton à l’intérieur grâce à toute son imagination d’enfant quand les grandes personnes ne vont voir, elles, qu’un vulgaire carton… L’imagination, tout comme la foi, peut transformer les choses simples en quelque chose de significatif et de précieux. Le Petit Prince voit le mouton à travers le carton c’est-à-dire qu’il a une intelligence qui va au-delà des apparences.

Exactement comme quand Jésus reproche à ses disciples régulièrement d’être aveugles, d’être incapables de dépasser les apparences humaines et les jugements de valeur.

« Vous aurez beau entendre, vous ne comprendrez jamais.

Vous aurez beau regarder, vous ne verrez jamais. » (Matthieu 13, 14)

 

Voilà pourquoi Jésus veut que nous ayons les yeux et le cœur d’un enfant.

 

Pour voir et vivre cette bonne nouvelle : Dieu ne veut perdre aucun de ses moutons.  

Et si, pour une fois, au lieu de chercher Dieu partout, avec nos lunettes de grandes personnes, c’est-à-dire avec notre intelligence cartésienne, nos savoirs scientifiques, nos objectifs de rentabilité, nous nous laissions chercher par lui. Et si, pour une fois, nous acceptions que ce soit lui qui nous cherche et nous trouve ? Que nous soyons attentifs aux signes de ce Dieu Père qui cherche sans fin ses enfants et se réjouit enfin de les voir réunis auprès de lui.

 

**************

 

L’ENFANT : Jésus, en t’écoutant raconter toute cette histoire de moutons, moi j’ai quand même l’impression que tu ferais… un bon berger !

 

JÉSUS : Tu as raison, je vais y réfléchir…

En tout cas, toi, mon enfant, tu es comme un « petit prince », celui pour qui s’ouvrent tout grand les portes du Royaume des cieux.

 

Car « on ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux. » (Le Petit Prince)

 

Amen.