"Dans le chemin, témoin..." — Église protestante unie de Pentemont-Luxembourg - Communion luthérienne et réformée

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"Dans le chemin, témoin..."

Copyright : Priscilla du Preez

Prédication par Emmanuel Argaud, 29 décembre 2019

Lectures bibliques (NBS)

Jérémie 31, versets 7 à 9

7 Car ainsi parle le SEIGNEUR : Poussez des cris de joie pour Jacob, éclatez d'allégresse en tête des nations ! Faites-vous entendre, louez, dites : SEIGNEUR, sauve ton peuple, le reste d'Israël ! 8 Je les ramène du pays du nord, je les rassemble des confins de la terre ; parmi eux sont l'aveugle et le boiteux, la femme enceinte comme la femme en travail ; c'est une grande assemblée qui revient ici. 9 Ils arrivent en pleurant, et je les conduis dans leurs supplications ; je les mène vers des cours d'eau, par un chemin tout droit où ils ne peuvent trébucher ; car je suis un Père pour Israël, et Ephraïm est mon premier-né.

Marc 10, versets 46 à 52

46 Ils viennent à Jéricho. Et comme il sortait de Jéricho, avec ses disciples et une foule importante, un mendiant aveugle, Bartimée, fils de Timée, était assis au bord du chemin. 47 Il entendit que c'était Jésus le Nazaréen et se mit à crier : Fils de David, Jésus, aie compassion de moi ! 48 Beaucoup le rabrouaient pour le faire taire ; mais il criait d'autant plus : Fils de David, aie compassion de moi ! 49 Jésus s'arrêta et dit : Appelez-le. Ils appelèrent l'aveugle en lui disant : Courage ! Lève-toi, il t'appelle ! 50 Il jeta son vêtement, se leva d'un bond et vint vers Jésus. 51 Jésus lui demanda : Que veux-tu que je fasse pour toi ? — Rabbouni, lui dit l'aveugle, que je retrouve la vue ! 52 Jésus lui dit : Va, ta foi t'a sauvé. Aussitôt il retrouva la vue et se mit à le suivre sur le chemin.

 

Prédication

« Dans le chemin, témoin... »

Quel texte surprenant que ce passage de Marc : à la fois texte charnière dans le cheminement vers la passion, tout autant récit de miracle que de mise en mouvement comme témoin. A la fois, très symbolique mais aussi si concret. Bref l’évangéliste Marc nous bouscule et nous fait cheminer dans notre texte comme dans notre foi.

Commençons donc par donner quelques repères sur ce texte.

Bartimée est, au bord du chemin, aveugle, mendiant misérable et coupable : en effet, toute maladie était considérée à cette époque comme une punition divine, excluante.

Bartimée, handicapé à vie, rejeté et réduit à la mendicité, crie. Qu'attend-il ? Tout simplement la charité…

« Fils de David, Jésus, aie compassion de moi ! »

Bartimée, sans complexe, ne se laisse ni enfermer dans quelque honte, ni marginaliser. Lorsqu'on veut le faire taire, il crie de plus belle. Il ne reste pas soumis dans son coin, ni n’appelle dans les normes. Il s’engage totalement dans ce cri d’appel : il ose protester ainsi d'un passage de Jésus qui ne serait pas pour lui, il ose demander, il ose arrêter ce fils de David qu’il reconnaît.

Bartimée agace, importune... et cela fonctionne : Jésus s'arrête ! Et entre en dialogue d’abord par intermédiaire puis directement ! Le dialogue avance !

Jésus, de son côté, va adopter une attitude assez surprenante, et utiliser un procédé thérapeutique bien particulier.

« Appelez-le ! »

Au lieu de le considérer comme un infirme impotent, dépendant... Jésus le fait venir à lui, le fait se redresser et marcher comme un homme ordinaire, le rétablit dans son statut social d'adulte capable de répondre... Il ne le considère pas comme incapable d'exister par lui-même.

« Courage ! Lève-toi, il t'appelle ! »

L'homme hésite peut-être, en infirme qu’il est. Il hésite peut-être comme si témérité l’avait lâchée, comme s'il avait du mal à croire à sa propre demande… sortir de l’exclusion pour un geste de rencontre demande courage et précaution, et pourtant, galvanisé par cet appel relayé, Bartimée se lance…

« Il jeta  son manteau, se leva d’un bond et vint vers Jésus »

Trois actions décisives transforment cet handicapé dépendant en un homme nouveau allant à la rencontre :

jetant son manteau, il abandonne toute protection
se levant d'un bond, il sort résolument de la fatalité léthargique de malade
venant vers Jésus, il naît enfin à la vie sociale

Ces actions décisives le placent en situation d'égalité et il peut entrer vraiment en relation avec Jésus, relevé.

« Que veux-tu que je fasse pour toi ? »

Ni charité, ni pitié. Jésus le rencontre dans sa pleine possibilité d'homme ordinaire, et l'invite à clarifier sa requête, sans plus crier sa souffrance de mendiant : quel est son désir, son souhait essentiel d'homme ?

Jésus l’aide ainsi à sortir de situation sociale stéréotypée de quémandeur opiniâtre dont on se débarrasse par une aumône pour avoir la paix. Bartimée est invité à quitter l’appel à la pitié par une formulation de son désir d'homme. Rétabli dans la relation, debout, cet être humain, bien qu’aveugle, devient capable de penser, de vouloir, d’exprimer une intention consciente,  responsable. Ainsi il devient capable de formuler en mots un souhait précis.

« Rabbouni, lui dit l'aveugle, que je retrouve la vue ! »

Tellement évident ! Mais tellement important pour lui. Nous assistons à une véritable naissance, à l'éveil d'un être tout neuf dans sa mise en route engagée.

Si nous attendions un miracle, il est là, lorsque cet homme prend lui-même en charge sa vie et sa personne, quand il abandonne sa quête d’aumône, quand il confie en toute confiance son espoir à Jésus, quand il formule en termes simples et directs sa souffrance d’homme. Quand il s’engage.

En fait, rencontrant Jésus, cet homme Bartimée ose se projeter sur un chemin de guérison et d'autonomie. Enfin, il ose dire « je »... il existe enfin !

« Va, ta foi t'a sauvé »

Va. Avance. Tu peux maintenant te prendre en main. Ta confiance t’a rendu capable et tu peux choisir ta route.

« Aussitôt il retrouva la vue et se mit à le suivre sur le chemin. »

Bartimée est guéri, publiquement. Il voit le chemin qu’emprunte Jésus, il discerne donc le chemin vers le Père. Il a compris et adapte sa vie à celle de Jésus.

Jésus l’a renvoyé à sa propre vie, à ses choix, en lui redonnant dignité, courage et confiance, une vie débarrassée de toute cécité : Bartimée voit ! Et Bartimée, lucide maintenant, va sur le chemin du Royaume, témoin engagé d’un Jésus attentif et discret, redevenu silencieux...

 

Quelle bonne nouvelle ce texte peut nous amener aujourd’hui ?

Notre découverte de ce passage de l’Evangile nous offre un cheminement lucide en trois points, me semble-t-il : une urgence, une réponse, une guérison qui nous engage.

 

1/ Tout d’abord, une urgence

Par sa vivacité de réaction et son opiniâtreté à bousculer tout le monde pour être sauver par sa foi et suivre Jésus, Bartimée nous indique l’urgence à se lever pour être avec Jésus dans notre monde, comme lui à accéder au monde des humains de son époque.

Si Noël vient à peine de se terminer avec la naissance de cet enfant, incarnation de Dieu, n’oublions pas avec Bartimée que le chemin de la passion est déjà là. Nous n’avons pas de temps à perdre dans notre engagement à la suite de Jésus dans ce monde qui a soif d’espérance. Il y a urgence à annoncer cette Bonne nouvelle de la venue du Christ pour nous, comme ces autres témoins sur le chemin des Rameaux. Jubilons à la suite de cette invitation qui nous est aussi adressée : « appelez-le » ! Nous aussi, jetons nos manteaux et levons-nous d’un bond pour venir dans le monde où Jésus nous attend, ce monde d’espérance où tout est possible. Il y a urgence à se saisir de cette joie et à l’annoncer avec force.

 

2/ Ensuite, notre réponse

N’oublions pas de nommer nos espérances de foi, car Jésus nous interpelle aussi aujourd’hui encore avec cette question « Que veux-tu que je fasse pour toi ? ».

Est-ce un monde meilleur ? Un monde de paix ? Un monde d’amour ? Un monde où je peux dire à mon tour aux plus plus petits que nous croisons cette question « que veux-tu que je fasse pour toi ? » ? Chacun de nous, au fond de son cœur, a une réponse. Bartimée, c’était de retrouver la vue, son essentiel pour lui permettre de suivre Jésus sans trébucher.

Et nous quel est notre essentiel aujourd’hui ? Ce texte nous invite à le formuler dans le secret de nos cœurs avec la même foi et la même conviction sans faille de Bartimée… et soyons assurés que nous déplacerons des montagnes ! Et nous vivrons…

 

3/ Enfin, notre guérison qui nous engage

Souvenons-nous que Bartimée a recouvré la vue. A sa suite, les disciples ont enfin ouvert les yeux sur leur maître Jésus. Et même si le cheminement a continué à être chaotique vers la passion, ils ont ouvert les yeux sur la réalité de l’appel de Jésus à faire d’eux des disciples sur le chemin de Pâques et au-delà, plus besoin de miracles et de silence autour de ses miracles : Jésus est là pour le monde ; et ceux qui voient le suivent dans la joie d’un « Hosanna ! » dit par tous aux Rameaux qui suit notre texte.

Alors, nous aussi, la lumière de Noël nous a guéri de notre cécité, et Jésus nous a tendu la main et nous pouvons croire et le suivre.

Il y a tant à faire dans le monde d’aujourd’hui : guéris pour oser risquer notre vie au-delà des conventions du monde, guéris pour oser vivre l’amour pour lequel notre Père nous a destinés, à l’image de ce Jésus de Nazareth.

Nous ne sommes pas seuls pour œuvrer à embellir notre monde en aidant l’opprimé, le faible et le vulnérable. Le Père nous a donné une fois pour toutes le signe de sa proximité dans notre humanité et nos souffrances : son Fils Jésus qui est venu nous guérir sans fin, par son Esprit, de nos maux et nos cécités, pour que nous lui emboîtions le pas. Pour nous engager vraiment dans le monde.

Ouvrons donc les yeux, ma sœur, mon frère, et réjouissons-nous de cette joie de l’enfant qui se sait adopté par son Père, fou d’amour, qui nous montre tendrement le chemin... nous met sur le chemin, témoin de l’Evangile.

Soyons tous des Bartimée, témoins discrets, fraternels et... lucides !

Amen