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C'est vraiment la galère en ce moment !

Prédication du dimanche 16 juillet 2023, par la Pasteure Sophie Ollier

 

C'est vraiment la galère en ce moment !

Prédication du dimanche 16 juillet 2023, par la Pasteure Sophie Ollier

 

Lectures bibliques :

  • Marc 1, versets 29 à 39
  • Job 7, versets 1 à 7

 

"Vraiment la vie de l'homme sur la terre est une corvée".

Alors, effectivement, j’aurais pu choisir un autre texte pour ma première prédication en tant que pasteure de cette Eglise, peut-être plus jovial, ou amour, ou mission… et pourtant, c’est un cri du quotidien donc autant rentrer directement dans le quotidien de nos vies et de celles qui nous entourent !

"Vraiment la vie de l'homme sur la terre est une corvée".

Qui n’a jamais eu cette pensée ? Des voix se lèvent dans ce monde, de partout, pour dire combien ce que nous vivons peut-être une corvée, combien des décisions peuvent meurtrir des peuples, combien des difficultés de la vie peuvent peser lourd, combien des deuils ou des maladies peuvent nous faire crier « pourquoi ? » !

Oui, débuter une prédication comme ça c’est déroutant, et pourtant, ce cri de Job est tellement actuel qu’on ne peut pas ne pas s’en faire l’écho ! Et chacun de nous l’a vécu ou le vit aujourd’hui !

"Vraiment la vie de l'homme sur la terre est une corvée"

Ce cri de Job est un cri d'aujourd'hui ! C’est vraiment la galère en ce moment !

Le cri de Job, c'est le cri d'aujourd'hui car c'est le cri de tout un chacun, homme, femme, jeune, enfant même, qui a tellement de charges sur les épaules que ça l’empêche d’avancer, de voir plus loin qu’aujourd’hui, ou de ne discerner que du sombre, impossible de voir de la lumière. C'est le cri de tous les découragés qui se sentent écrasés de toutes parts et n'ont plus l'envie de poursuivre leur route. C’est le cri de toutes celles et ceux qui n’en peuvent plus, qui ont l’impression que c’est trop de répondre aux exigences de tout le monde, tout le temps ! C’est le cri de celles et ceux qui ont l’impression que tout s’enchaine tout le temps, sans instants de pause. C’est le cri de celles et ceux pour qui leurs droits reculent.

C'est le cri de toutes celles et ceux que la vie et les événements accablent à un point tel qu'ils ne trouvent plus où tourner leur regard pour trouver du réconfort, ou encore l’espoir d'un temps meilleur, avec cette question parfois : Mais quand est-ce que ça va s’arrêter, parce que c’est vraiment la galère en ce moment ? C’est le cri que nous avons déjà pu lancer, chacun et chacune, une fois, dans notre cœur, ou que nous lançons peut-être en ce moment même à Dieu !

Aujourd'hui, ce sont les conditions et les rythmes de travail effrénés et souvent déshumanisés, ce sont les difficultés à gérer son quotidien quand il faut jongler entre la famille, les activités des enfants, ses propres engagements, le temps à consacrer à d'autres, ce sont les soucis financiers, les problèmes de santé, de retraite ou que sais-je ?! Bref, des exemples on peut en trouver en nombre pour décrire l'accumulation de tous ces facteurs qui font que bien souvent l'on se sent écrasés par les événements que l'on subit. On en arrive à être désabusés, à ne regarder la vie que d'un œil sombre et pessimiste, en ne reconnaissant même plus les petites touches de lumières.

Nous nous reconnaissons toutes et tous à un moment ou à un autre dans ce cri de Job, et finalement, tant mieux que ce texte fasse partie de la Bible, que cette humanité que nous vivons nous puissions la trouver dans les Ecritures. Nous trouvons, dans la Bible, ces êtres humains comme nous, avec les mêmes soucis et questionnements ! La Bible nous ressemble à n’en pas douter !

Dans la Bible nous trouvons l’humain dans tout ce qu’il est, l’amour du Cantique des cantiques, la fuite de Jonas, les appels à la justice des psaumes, les cris de détresse de Job.

Ça nous rappelle que ce "gros livre" vient au plus profond de notre quotidien rejoindre nos réalités et nous montrer ce que Dieu fait pour nous dans ces moments de vies. Ce n’est pas juste un livre avec de jolies histoires et un beau message, mais si nous regardons bien, nous y voyons nos vies.

Ce cri de Job est bien le cri d'aujourd’hui, le cri de tous les jours pour certains. Et l’Evangile que nous avons lu aujourd’hui peut nous faire entendre une réponse à ce cri de Job.

Dans son Evangile, Marc nous dit : "le soir venu, après le coucher du soleil," (v32)

Cette petite phrase, qui peut nous paraitre insignifiante dit beaucoup ! L’obscurité n’est pas la fin mais le début ! Oui, pour les juifs, le jour commençait au coucher du soleil, au début de notre nuit à nous. Notre vie, même si elle se trouve parfois, souvent pour certains, dans la nuit, une chose est sûre : le soleil finira par se lever à un moment donné. Même dans les pays où il fait nuit 6 mois par an, ils savent qu’après le soleil reviendra, que la lumière finira par rejaillir !

Et c’est ce que nous dit aussi l’Evangile de Marc ici, la nuit dans laquelle notre vie peut être plongée est porteuse d'une Bonne Nouvelle, d'un renouveau, d'un espoir car, Jésus, "le soir venu, après le coucher du soleil," va faire lever un jour nouveau !

Alors, précisons quelque chose quand même ! Jésus, s’il avait vécu à la même époque que Job, ne console pas d’un coup en claquant des doigts le cri de Job, il ne balaie pas d'un revers de main la détresse de Job ; il ne fait pas comme si ça n’avait jamais existé : il ne console pas l’humain genre d’un coup de baguette magique, ce n’est pas juste un doigt tendu et POUF tous nos soucis disparaissent, non…, Jésus fait lever l’humain, il fait naître l’humain lorsqu’il est au milieu de sa détresse.

C’est ce que nous expérimentons lorsque nous lâchons prise, que nous entendons ce Dieu qui nous invite à la résurrection, à nous remettre debout, en mouvement, acteurs de nos vies ! Il y a deux ans je crois, Christian avait fait un « Pasteur du dimanche » en proposant l’anagramme de « Résurrection ». Vous vous souvenez de ce que c’était ? Reconstruire !! Et pour reconstruire cela peut prendre du temps, c’est mettre des pierres les unes sur les autres, petit à petit.

C’est ce que fait le Christ avec les diverses personnes qu’il rencontre au fil de sa vie, il les remet en chemin ! Il leur permet de déjà poser la première pierre de reconstruction ! Et il sera aussi là pour aider à mettre les prochaines. C’est à ça que nous servent les Evangiles, tous ces mots sur le papier, ils sont là comme Parole pour nous relever, pour nous dire : voilà ce qui est possible ! Ce n’est pas une Parole vide, mais une Parole dite performative, c’est-à-dire qu’elle agit, en nous, par nous. Si nous nous reconnaissons dans le cri de Job nous pouvons aussi nous reconnaître dans les appels à la vie ! Ouvre les yeux, lève toi et marche, va maintenant !

"Le soir venu, après le coucher du soleil, on lui amenait tous les malades et les démoniaques. Toute la ville était rassemblée devant la porte" (v 32-33)! Quelque chose se passe, s’élargit, se met en route ! L’espace où la Parole agit s’élargit ! Et dans tout ce cheminement, ce ne sont que des mouvements ! Des déplacements s’opèrent, physiques oui, mais aussi dans les vies de celles et ceux qu’il croise. Rien n’est jamais figé !

Même lorsque Jésus décide de prendre un temps pour prier, un mouvement s’opère ! Rien n’est figé, rien n’est statique, tout se déplace. L’inertie pourrait être le problème ! Et en même temps, dans nos vies, lorsque la chappe semble lourde, lorsque la vie devient corvée, on peut se sentir comme figé sur place, à ne plus pouvoir bouger, nous restons au même point car désemparé devant la grandeur de la tâche à accomplir pour se relever ! Et à rester figé, on rouille ! Si on laisse un vélo trop longtemps sans rouler par exemple, si on veut qu’il puisse à nouveau se mettre en route, il faudra un peu de graisse, un peu d’huile sur la chaine pour l’aider à repartir !

C’est ce que fait Jésus avec la belle-mère de Pierre par exemple, la main qu’il lui tend est une huile pour repartir. Lorsque Jésus se retire pour prier, c’est une huile pour sa vie, pour repartir ensuite dans d’autres villes.

Oui, l’Evangile aujourd’hui est bien un écho à Job et à son cri « Vraiment la vie de l'homme sur la terre est une corvée », l’Evangile vient apporter de l’huile dans ce cri de souffrance !

Il n'y a rien à dire de la souffrance et du mal, à toutes nos questions de « pourquoi » on ne trouvera jamais aucune réponse, même si la question est légitime, même si nos cris sont légitimes, nous nous enfermons à chercher la réponse à ce « pourquoi », alors que ce sont eux qui nous laissent sur place.

Je ne reprendrai pas tous les maux (M A U X) qui peuvent nous toucher, ces maux de culpabilité, d'obsession, d'angoisse, de colère, de lassitude… Mais ceux-là font encore écho à nos vies aujourd’hui avec ce cri de Job dans lequel nous nous retrouvons.

Le combat que nous avons à mener est celui de la vie, pour la vie ! Nous n’avons pas à nous battre contre quelques chose, mais pour, pour la vie ! C’est le chemin combattif sur lequel nous mène le Christ, et qu’il mène avec nous ! Tous ces malades qu’il guéri, ces hommes et ces femmes, ne sont pas différents de nous, eux aussi se sentent dépossédés de leur vie, incapables de garder un cap viable, écrasés sous des chappes d’obscurités. Et tous ces événements qui surviennent autour de nous nous découragent.

Après avoir passé la nuit à guérir des malades et faire sortir des démons, Jésus s’en va prier, et c’est au moment où le soleil se lève qu’il s’en va ! Jésus est présent au plus profond de nos détresses, et lorsque le soleil se lève sur nos vies, Jésus ne disparait pas, mais il demeure d'une autre manière, il demeure parce qu’il nous a relevé, et c’est par ce que nous pouvons faire après qu’il est présent parmi nous.  

Cela demande à ce que nous nous levions dès que le jour revient, à ce que nous prenions à bras le corps nos vies ! Comment ? Par des touches de Lumière ! Un sourire gratuit, un bonjour inattendu, un acte dans notre quotidien qui, aussi infime soit-il, vient quand même éclairer l’obscurité de nos journées ! Mais il faut accepter de les voir et de les reconnaître.

Je me suis fait cette remarque d’ailleurs hier soir. Avant de revenir sur Paris je m’attendais à retrouver une ville pleine de colères, de manifestations tout le temps, une ville cassée, un peu détruite. Effectivement, c’est ce que nous voyons sur les réseaux sociaux, dans les journaux, à la télé. Et hier soir, en me baladant vers le jardin du Luxembourg, sur quoi je suis tombée ? Sur le perron du Théâtre de l’Odéon, des gens dansaient ! Simplement ça ! Comme une touche de Lumière au milieu de l’image assombrie de Paris. Ça peut être ça ces petits rayons lumineux du quotidien, pas grand-chose et pourtant cela peut illuminer du sombre ! Ça ne veut pas dire que la détresse ou les colères n'existent pas, mais que nous pouvons quand même trouver de la Lumière ! Vous savez, dans une pièce entièrement noire, un seul et infime rayon de lumière, et l’obscurité ne peut plus être appelée obscurité ! Ces petits rayons de lumières sont comme l’huile qui se dépose sur les chaines de nos vies pour nous remettre en route !

Et même dans tout ce qui se passe autour de nous, indépendant de nous, lorsque nous pensons aux guerres, lointaines et proches, lorsque nous voyons de nos yeux la détresse de certains, il n’est pas question de se taire et de rester dans la nuit, mais bien de faire surgir la lumière à notre tour, comme il nous a été donné de la recevoir ! A nous aussi d’être les porteurs de ces infimes rayons de lumière ! A nous de devenir l’huile qui remet ce monde en route, qui remet des vies en route. C’est par notre action de rayonnement, lorsque le Christ nous fait sortir de la nuit que nous pouvons nous lever et démontrer qu’aujourd’hui encore Dieu peut faire lever sa lumière et faire disparaitre la nuit par sa Parole, en mots et en actes !

Alors si nous faisons cela, si nous sommes les acteurs de ces rayons de Lumières, ces témoins de la vie qui l’emporte, ces gouttes d’huile qui remettent en route des personnes, en Dieu et par Dieu, alors le cri de Job, aussi légitime soit-il, se transformera en puissance de vie pour ce monde !  

Que nos cris de détresses deviennent aussi des combats pour la vie !

Amen