Allez, en route ! T'as peur de quoi ? — Église protestante unie de Pentemont-Luxembourg - Communion luthérienne et réformée

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Allez, en route ! T'as peur de quoi ?

Prédication du dimanche 6 juillet 2025, par la pasteure Sophie Ollier.

 

Allez, en route ! T’as peur de quoi ?

Prédication du dimanche 6 juillet 2025, par la pasteure Sophie Ollier.

 

Lectures bibliques : Luc 10, versets 1à 12 et 17 à 20 

 

 

Il y a dans l’Évangile de ce jour comme quelque chose d’ancien et de neuf à la fois. Un appel lancé il y a des siècles à des disciples encore un peu confus, un peu immatures, pas encore très prêts — et qui, pourtant, s’est prolongé jusqu’à nous, aujourd’hui, ici, dans notre Église, dans notre culte, dans nos existences parfois fatiguées. Ce "allez", de Jésus traverse le temps et résonne encore. Il n’a rien perdu de sa puissance. Il ne demande pas d’être héroïques. Et cet envoi nous semble d’une simplicité incroyable ! Ils sont envoyés, ils proclament la Bonne Nouvelle et ils reviennent plein de joie ! Des héros de l’évangélisation !

Mais avec Luc, il est toujours bon de situer les textes dans un ensemble plus vaste. Ce texte est encadré par deux autres textes encourageants, deux moments « magiques » si on peut dire, la transfiguration d'une part (pas exactement juste avant, mais au milieu du chapitre 9) et une joie particulière de Jésus qui lance une béatitude : « heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! ». Un moment qui semble plein d’entrain.

Et pourtant… quand on regarde les disciples au chapitre précédent, on pourrait sérieusement douter qu'ils soient les mieux placés pour partir en mission. C’est un peu une galerie de l’échec, ce chapitre 9 : ils n’arrivent pas à guérir un enfant possédé, ils se disputent pour savoir qui est le plus grand, ils interdisent à d’autres de chasser des esprits au nom de Jésus parce qu’ils ne font pas "partie du groupe", et pour finir ils veulent envoyer le feu du ciel sur des Samaritains. Charmant tableau. On est bien loin de l’équipe missionnaire idéale.

Et Jésus envoie ses disciples avec 3 recommandations : 1) ne pas trop s'encombrer de bagages, 2) rester là où ils seront accueillis et 3) secouer la poussière de leurs pieds en quittant une ville peu accueillante (une réponse de Jésus face à la volonté farouche des disciples de se venger d’un mauvais accueil).

Et pourtant. Jésus continue de leur faire confiance. Il ne renonce pas. Il ne les remplace pas par d’autres. Il les envoie — encore. Et cette fois, non plus seulement les Douze, mais soixante-douze. Le chiffre n’est pas anodin : c’est le nombre traditionnel des nations du monde dans la Genèse. Comme une manière de dire que la mission s’élargit, qu’elle déborde le cercle des intimes, qu’elle s’adresse désormais à l’humanité tout entière. Il ne s’agit plus seulement de "sauver la maison d’Israël", mais de porter un message pour toutes les nations, pour tous les peuples, pour toutes les générations. C’est d’ailleurs le message central de l’Evangile de Luc : l’universalité du message de Jésus. C’est même lui qui rédige le livre des Actes pour en raconter la propagation. Et cela, à partir de rien, ou presque.

Et ce que Jésus donne, ce n’est pas un manuel de persuasion, ce n’est pas une méthode bien rodée d’évangélisation, ce n’est même pas une stratégie en plusieurs étapes. Ce qu’il donne, c’est un envoi. Radical. « Allez ». À peine équipé. Pas de bourse, pas de sac, pas de sandales en rab. Il leur dit en substance : vous avez tout ce qu’il faut en vous. N’attendez pas d’être prêts. Allez. C’est dans le mouvement que vous recevrez ce dont vous avez besoin.

Et nous, aujourd’hui, qu’entendons-nous de cet appel ? À quoi ressemblerait ce "allez" dans notre contexte ?

Qu’avons-nous, Eglise Protestante Unie de Pentemont-Luxembourg, à offrir ? Beaucoup d’activités diverses et variées, le GPS est en cours de rédaction. Que disent-elles de notre mission ? Que disent-elles de cet envoi de Jésus ? Comment sommes-nous témoins, missionnaires par elles ? Comment parlent-elles de la radicalité de l’amour et de l’espérance ? Et comment tout cela se vit aussi à l’extérieur de nos murs ?

Et donc, peut-on rester sédentaires, assis au culte le dimanche, sans aller au-devant des gens, sans partir en mission auprès du monde qui nous entoure ? Pas la peine d’aller très loin ! Notre ville, notre quartier, ne sont-ils pas notre 1er champ de mission ? Et qu’y faisons-nous pour annoncer le Royaume de Dieu ? Pouvons-nous encore nous taire ? Entre nous nous parlons de ce monde, de notre foi, mais quel rayonnement en dehors ?

Alors, oui, il peut nous arriver de douter : à quoi bon ? Pour qui ? Est-ce que notre message dit encore quelque chose à quelqu’un ? Faut-il continuer comme on a toujours fait ou faut-il tout changer ? Faut-il rester dans nos murs bien au chaud ou ne plus y être du tout ? Est-ce que, pour "tenir", il faudrait devenir plus bruyants, plus offensifs, plus charismatiques, à l’image de certaines Églises évangéliques ? Ou bien se résigner, fermer doucement les portes, en disant : "C’est la fin d’un monde" ? Ce ne sont peut-être pas des questions agréables, mais notre protestantisme proteste-t-il encore face aux abus, au nom de l’Evangile ?

Et justement, l’Évangile d’aujourd’hui vient résister à cette tentation du découragement et du tout ou rien !

Il vient dire que ce n’est pas notre efficacité qui est décisive, mais notre disponibilité.
Ce n’est pas notre visibilité qui fonde notre mission, mais notre présence fragile, courageuse, offerte.

Ma foi, commençons, avec nos propres forces, avec celles et ceux qui sont déjà là, en nous envoyant nous-mêmes en-dehors de nos murs. « En route ! ». Et puis, allons-y avec optimisme ! Tout comme les disciples sont envoyés, bien qu’au départ ça ne semble pas évident comme mission !

« Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups » … Les loups d’aujourd’hui ne veulent pas nous manger, le chrétien n’est plus assez appétissant, notre trésor ne fait plus envie ! Nous ne risquons quoi ? La moquerie ? Au pire, le mépris ?
« La moisson à faire est grande, mais il y a peu d'ouvriers pour cela. » Les chrétiens de l'empire romain n’ont-t-ils pas réussi le pari d’évangéliser ses populations, y compris les plus éloignées de la foi ? Alors pourquoi pas nous ? Continuons à prier pour trouver les ouvriers, à espérer que d’autres se joindront à nous pour évangéliser !
« Demeurez dans cette maison » ça, nous le faisons déjà, ici, dans notre maison !... Mais qui le sait ? Il suffirait peut-être de peu de choses pour s’ouvrir vraiment.

Il y a une image que j’aime dans ce texte. Celle des agneaux envoyés au milieu des loups.

Elle pourrait nous sembler terriblement pessimiste. Mais elle dit quelque chose de vrai : nous ne sommes pas envoyés avec des garanties, ni des protections, ni des recettes. Nous ne sommes pas envoyés dans un monde qui nous attend les bras ouverts. Nous sommes envoyés comme des vulnérables, mais des vulnérables habités d’une Parole, d’une espérance, d’une grâce, d’une lumière à nulle autre pareil.

Et cette parole, elle n’est pas une opinion, ni une morale, ni une idéologie.
Elle est une Bonne Nouvelle. Et cette Bonne Nouvelle tient en quelques mots : "Le Royaume de Dieu s’est approché."

Avec une autre demande : « guérissez les malades » ça, c’est plus compliqué ! D’autant plus que nous avons du mal avec la dimension miraculeuse de la guérison chez les luthéro-réformés. Rappelons quand même que les hôpitaux ont été créés à l’origine par les Eglises pour répondre précisément à cette demande de Jésus, tout comme l’entraide et le social : c’est déjà la mise en œuvre de la mission de guérison, à long terme ! Certes ce n’est plus très frappant aux yeux de nos contemporains ! Mais peut-être saurez-vous me dire comment aujourd’hui, nous Réformés, frapper l’imagination des foules, au nom de l’Evangile ?
Les années qui viennent vont être décisives, dans notre lien à l’autre, dans nos choix dans les urnes, dans notre protestation protestante, face à ce qui défigure l’humanité, la fraternité, la démocratie, l’entraide, l’accueil de l’autre.

Restons optimistes, tout de même ! Plusieurs d'entre nous sont déjà sur le terrain : encourageons-les, écoutons-les, aidons-les ! Comme nous le pouvons, par la prière ou par l'action. En prenant le temps nécessaire à l'écoute, à l'accompagnement fraternel… Et pourquoi pas ? au cheminement vers des voies de guérison, même ! ou de mieux-être… Soyons optimistes au moins dans notre espérance ! Sans enthousiasme excessif. Discrètement, mais sûrement. N'est-ce pas notre devise depuis toujours ?

Et tout cela c’est à la fois une annonce et une invitation. Une promesse et un appel. C’est dire que Dieu n’est pas loin, qu’il n’est pas indifférent, qu’il n’est pas une abstraction.

C’est dire qu’un autre monde est possible, qu’une autre manière de vivre ensemble est possible, qu’une autre humanité est possible, et que nous sommes appelés à en être les témoins. Pas les seuls. Pas les meilleurs. Mais des témoins, quand même.

Et alors, que faire ?

Il ne s’agit pas forcément de partir très loin. Notre quartier, notre ville, notre immeuble sont déjà un champ immense. Le problème, ce n’est pas le terrain. C’est le courage de sortir de nos murs.

Sortir de nos murs, de nos habitudes, de nos routines, de nos cercles déjà convaincus. Cela ne veut pas dire tout renverser et tout changer, mais se sentir aussi appelés comme les disciples ce jour-là à être missionnaires ! Tous les efforts que nous pouvons faire pour aller vers les autres, pour les aimer, les entourer, les écouter, les aider, ne comptent en rien pour notre salut ! Ils ne sont que l'expression de cette joie que nous pouvons avoir de nous savoir sauvés et aimés par notre foi.

Il ne s’agit pas de convaincre à tout prix, mais d’aimer sans condition.
Pas de remplir les bancs, mais de remplir des vies — même une, même deux — d’un peu plus de lumière, d’un peu plus de soin, d’un peu plus d’espérance.

Et si ça ne marche pas, pas grave ! Avançons !

Et c’est là que vient la joie. La vraie. Car quand les soixante-douze reviennent, ils sont pleins de joie. Non pas parce qu’ils ont fait des miracles, mais parce qu’ils ont vu. Parce qu’ils ont entendu. Parce qu’ils ont osé aller. Et Jésus leur dit : ne vous réjouissez pas de votre succès. Réjouissez-vous de votre lien au ciel. De ce que vos noms sont inscrits dans les cieux.

Cela veut dire : votre valeur ne dépend pas de vos réussites. Vous êtes précieux pour Dieu parce que vous êtes à lui. Et cela suffit.

Je crois que ce texte est pour nous aujourd’hui. Il est pour notre Église. Il est pour chacun et chacune de nous, envoyés dans notre quotidien, sans tapage mais avec foi. Il est pour ce monde, qui a encore tant besoin d’entendre que l’espérance existe.

Alors, en route.

Sans peur. Sans bagage inutile.

Avec une parole simple. Et une joie profonde.

Car le Royaume de Dieu s’est approché de nous.

AMEN.