Crois-tu que le savoir peut tout ?
Crois-tu que le savoir peut tout ?
Prédication du dimanche 13 juillet 2025, par la pasteure Sophie Ollier.
Lecture biblique : Matthieu 11, versets 25 à 30
Pour ce début de vacances scolaires, ce temps d’été, je me suis dit qu’un texte qui fait du bien serait bienvenu, et ce verset me vient en tête depuis quelques semaines « Venez à moi vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai le repos ».
Depuis plusieurs semaines je reçois des personnes fatiguées, fatiguées par le travail, la vie de famille, les actualités, les maladies en tout genre… Je sens comme une fatigue générale, et peu importe l’âge. Des jeunes du KT aux ainés, en passant par les jeunes parents, ou encore les 40-60 ans qui ne s’autorisent pas à exprimer cette fatigue, ou peu, parce que, vous savez, « on est fort », « on tient ».
Bien qu’au premier abord il nous fasse du bien, il faut tout de même le décortiquer un peu ce texte pour en entendre toute la portée ! On peut être un peu perturbée par le début de ce texte, où Jésus nous parle du fait que ce ne sont pas les gens instruits et/ou sages qui reçoivent la Parole de Dieu pour leur vie. Et c’est assez perturbant, surtout dans une société comme la nôtre ou, finalement, on nous demande de savoir avant d'ouvrir la bouche, quoique parfois c’est quand même mieux plutôt que de s’improviser expert, on nous demande d'apprendre pendant des années, de faire des études, d'avoir de la connaissance pour pouvoir vivre dans ce monde ! Et là, face à ce texte, et ben non ! Surtout que quand Jésus dit ça, quand il parle des instruits et des sages, il pense aux pharisiens, à ceux qui connaissent les textes et la loi, ceux qui utilisent la loi et les textes pour enfermer Dieu dans une boite ! Mais tout de même, la phrase est dite : les choses de Dieu sont cachées aux sages et aux instruits, mais sont révélées aux plus petits.
Alors je me suis demandé, comment prêcher de manière intelligente que l’intellect est inutile pour la compréhension des choses de Dieu ?
Je me suis en tout premier lieu demandée ce qui handicapait les gens instruits de comprendre.
Je crois que l’un des plus gros obstacles que je discerne, c’est de penser que c’est par la connaissance que nous pouvons comprendre et appréhender la réalité de la vie. Souvent, et à travers de nombreux écrits, nous analysons la vie, nous la décortiquons en disant ce qu’il faudrait faire dans telle ou telle situation, comment il faudrait réagir, ce que veut dire tel ou tel geste, telle ou telle parole… En gros, se baser sur des analyses concrètes pour comprendre comment fonctionne la vie, le désir de tout maîtriser par l’intelligence.
Ça commence par la maîtrise du corps (par la science de la médecine), puis des sentiments (psychologie), et enfin la maîtrise de la spiritualité (philosophie - Théologie). Maîtriser aussi les relations pour que les êtres humains puissent vivre en société.
De manière générale, l’être humain n’aime pas se faire surprendre par la vie, il fait donc tout pour la comprendre afin de mieux la diriger.
Et en même temps, en quoi cette volonté de maîtrise est-elle si mauvaise pour nous ? Si tout cela nous permet de vivre ensemble, de ne pas se comporter comme des bêtes, de gérer un tant soit peu nos émotions et nos colères ?
En fait, tout cela peut, peut-être, étouffer un peu qui nous sommes par une maitrise constante, séparer nos vies de la réalité des choses, car si dans telle ou telle situation nous savons qu’il faut réagir comme cela, alors plus de place à la spontanéité et à l’improvisation.
« Calme ta joie » dit-on parfois, « maîtrise-toi », « ne te laisse pas aller », « ne te laisse pas dominer par tes émotions », « oh, la fatigue, ça va passer, attends les vacances ». La maîtrise peut étouffer la vie, étouffer les larmes, tout ce qui n’a pas sa place dans les codes de conduite et de relations. Et Jésus dénonce ici les lois qui étouffent.
Voilà donc peut être en quoi le fait d'être instruit nous empêche de voir les choses de Dieu, c’est parce que nous cherchons à maîtriser.
Mais ça va plus loin dans ce texte.
Il y a deux sujets que j’aimerais aborder avec vous, qui suivent celui-là.
En fait, Jésus nous dit ici que ce ne sont donc pas les sages et les instruits, mais bien les plus petits à qui sont révélées les choses de Dieu. Il y a deux façons de comprendre les plus-petits.
La première façon de définir les plus petits, c’est celle qui nous pose dans la pauvreté. Jésus n’est pas venu annoncer la Bonne Nouvelle, la libération, aux puissants de ce monde, aux riches de ce monde. Dieu ne met pas en avant les empereurs, les scribes, les prêtres. Dieu ne confie pas d'abord son message aux théologiens, aux prêtres, aux pasteurs, au pape, aux présentateurs télé, aux patrons des multinationales, il est venu l’annoncer aux plus faibles, aux plus pauvres qui ont l’impression de ne rien savoir. Ou du moins, les instruits font croire aux plus petits qu’ils ne savent rien. Il est d'abord venu apporter son message aux pauvres de tout temps, les pauvres en argent, les pauvres en connaissance, les pauvres en pouvoir.
Il est d'abord venu apporter son message aux prostitués, au paralytique, à l’aveugle, ceux qui étaient pauvre, pauvres en réputation, ceux qui étaient rejetés, non acceptés. C’est positif dans le sens où ceux qui étaient derniers dans la société sont relevés, remis debout, remis en premier !
Classiquement, la sagesse et l'intelligence sont, dans la Bible comme ailleurs, citées comme des vertus. Ici, utilisées négativement par Jésus, dans sa pratique habituelle d’inverser les valeurs, l'expression vise non pas la connaissance elle-même, mais l'orgueil de la connaissance.
On ne verrait pas bien comment justifier que les 'lettrés', tout comme les riches, seraient en tant que tels exclus : Non, ce sont eux-mêmes qui s’excluent du message du Christ, car ils raisonnent, ils privilégient le savoir sur le croire, en tirent une autosatisfaction et de fait celui qui dira « moi, je sais », dominera toujours celui qui dira « moi, je crois ».
En fait, Jésus n’annonce pas aux instruits mais aux petits, car, lorsque Jésus annonce à « ceux qui savent tout », ce n’est pas reçu, tout est bloqué par une connaissance supposée vraie, mise sur un piédestal. Mais les petits, les pauvres en connaissance, ceux qui sont capable de recevoir, ce sont ceux qui ne cherchent pas à « savoir » à tout prix, mais à « entendre et recevoir ». Attention, je ne dis pas qu’il ne faut pas réfléchir ! Mais pour autant, ne pas être orgueilleux de savoir.
Ce qui m’amène à notre seconde définition des tout petits dont nous parlent Jésus.
La seconde façon de définir les plus petits, c’est sous la forme d'un enfant, c’est une des traductions d'ailleurs du mot en grec, nerios.
Les petits enfants, dans l'Ancien Testament, ce sont ceux qui sont faibles, sans défense.
Une Parole de Jésus dans l’Evangile de Marc 10, 14 dit : Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas, car le Royaume de Dieu est à ceux qui sont comme eux. Qu’est-ce que ça veut dire d'être comme un enfant ? Etre comme un enfant c’est être en humilité, naturels, avec une ouverture et une confiance qu’on perd au fil des ans. Ils n’ont pas les filtres de jugement qu’on développe avec le temps, ils n’ont pas la peur de l’autre ou les aprioris.
C’est être innocent de tout, c’est être sans connaissance concrète, mais capable de tout recevoir comme ça vient. Un enfant n’est pas bloqué par la connaissance ou les jugements, car il se laisse porter par ce qui se passe, il se laisse remplir de tout ce qu’il voit, entend, fait. Et surtout, il questionne !! Jésus nous appelle à être comme ça, tel des enfants.
Continuons encore un peu avec notre texte.
Lorsque nous lisons ce texte nous tombons sur cette phrase : Nul ne connaît le Fils si ce n’est le Père, et nul ne connaît le Père si ce n’est le Fils. Tout de suite, bien sûr, nous pensons à Jésus comme étant Le Fils unique de Dieu.
Et finalement, cela nous replace dans un état d'humilité ! Nous ne savons pas, et, même plus encore, nous ne saurons jamais ! Seul le Fil connait le Père ! Cela ne veut pas dire que nous serons ignorants toute notre vie, mais simplement que face à Dieu nous sommes en position d'humilité, de non-connaissance. Personne ici ne peut dire « Je sais ce que pense Dieu, ce que veut dire Dieu, ce que fait Dieu ». Par contre, nous avons Jésus, le Fils, qui lui nous permet d'entendre les Paroles de Dieu pour nos vies ! Donc nous ne savons pas ce que Dieu pense là tout de suite maintenant, mais nous pouvons entendre ce qu’il veut dire à nos vies par sa Parole donnée en son Fils. Nous ne savons pas ce qu’il pense, mais nous savons ce qu’il dit.
C’est une nuance importante je crois lorsque nous parlons de Dieu ou de notre foi, de nous dire que nous ne savons pas, mais que nous pouvons entendre, recevoir et vivre du mieux que l’on peut de cette Parole.
Finalement, nous entrons dans la relation à Dieu comme nous entrons dans le monde : pauvres de connaissance, pauvres de présupposés ou de jugements, pauvres de tout. Nous grandissons ensuite, nous apprenons à manger, à marcher, à courir, à parler, nous apprenons les tables de multiplications (traumatisme de l’enfance), nous absorbons comme des éponges, et puis, allez savoir pourquoi, un jour nous pensons que c’est bon, nous savons !
Mais non en fait, nous ne savons jamais, nous restons pauvres de tout, encore faut-il l’assumer. Ce n’est pas une honte cette pauvreté, au contraire, c’est ce qui nous permet de rester en contact, de rester attentif à la réalité de nos vies et de notre relation à Dieu.
Mieux, en plus d'être conscient de notre pauvreté, il nous faut continuer à nous délester de nos richesses. Je ne parle pas de mettre au placard tout ce que nous apprenons et sommes, mais bien d'être conscient que, face à Dieu, c’est comme un enfant avide de découverte que nous nous présentons. C’est être capable de laisser de côté nos connaissances universitaires, nos éducations religieuses, nos catéchismes, nos présupposés… pour laisser une grande place à l’inattendu ! C’est le lâcher-prise, c’est ne plus maîtriser, c’est lâcher !
Pourquoi ?
Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et moi je vous donnerai le repos.
Vous savez, quand on est enfant et qu’on a un petit sac à dos sur le dos, qui pèse plus ou moins lourd, lorsque d'un coup nous voulons aller jouer, que nous voulons courir partout pour découvrir le monde, l’aire de jeu surtout, que font nos parents ? Ils prennent ce sac qui pèse lourd pour que nous soyons libres de courir en paix…
Au milieu de tout ce que nous avons vécu, tout ce que nous vivons et tout ce qui reste à vivre dans l’incertitude, beaucoup de choses peuvent nous peser ! Nous avons mis dans ce sac à dos que nous portons aujourd’hui, beaucoup d'angoisses, beaucoup de peurs, beaucoup de solitude, beaucoup de surcharge mentale aussi, beaucoup de fatigues ! Et nous voilà avec des sacs à dos remplis à ras bord de choses qui nous pèsent et peuvent nous bloquer !
Dieu justement nous permet de nous libérer de ce sac à dos, parce que si on lui remet ne serait-ce qu’un peu des pierres qui sont dans notre sac, voire même le sac entier, il nous déleste de la charge et du poids ! C’est magnifique ça ! Dans la prière, dans le lâcher-prise, Dieu porte ce sac à dos pour nous ! Qui n’a jamais fait l’expérience de s’en remettre à Dieu ne serait-ce que quelques minutes dans la prière pour crier intérieurement vers lui tout ce qui ne va pas, et s’est rendu compte que, wouhaaa, ça faisait un bien fou de nous en remettre à Dieu pour qu’il nous aide à porter nos fardeaux. Nous sommes ses enfants à Dieu, ses fils et ses filles, et il prend ce sac à dos pour nous permettre de courir en paix !
Quand on grandit, on devient parfois trop adultes, et par fierté on dit « non, c’est bon, je garde mon sac à dos, je suis grand maintenant, je peux le porter tout seul ». Jésus nous dit ici que nous n’avons pas à le faire seul. Là où il a enfant, il y a parent… Là où nous sommes enfants, Dieu est notre Père.
Alors, bon, toutes une prédication bien intellectuelle au final pour essayer de montrer que l’intellect n’a rien à voir avec la relation à Dieu.
Vivre en Dieu, c’est comprendre le monde et nous comprendre nous-mêmes non pas seulement avec nos réflexions et nos connaissances, mais aussi c’est adopter le regard d'un enfant. Vivre en Dieu, c’est poser le fardeau des questions, pour entrer dans le repos que nous propose celui qui est doux et humble de cœur. Dans le repos de ceux qui n’ont pas besoin de tout comprendre, pour accéder au bonheur de vivre devant Dieu.
Peut-être même que comprendre ce que je viens de vous dire n’a finalement aucune espèce d’importance.
Amen !