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Comment réfléchis-tu ?

Prédication du dimanche 28 janvier 2024, par la pasteure Sophie Ollier

 

Comment réfléchis-tu ?

Prédication du dimanche 28 janvier 2024, par la pasteure Sophie Ollier

 

Lectures bibliques :

  • Romains 5, versets 1 à 9
  • Marc 12, versets 28 à 34

 

Culte découverte du protestantisme ! Quoi de mieux que de prendre ce texte chez Romains qui nous parle de la grâce ? Déjà parce que c’est l’un des textes qui a poussé Luther en 1517 à placarder 95 thèses sur la porte de l’Eglise de Wittemberg, ce qui a ensuite, petit à petit, amené le protestantisme ! Gros résumé ! Mais aussi parce que ce texte dit quelque chose de ce que l’on vit en tant que personnes de foi !

Mais bon, je crois qu’il va falloir qu’on reprenne quelques points puisque ce texte est rempli de mots théologiques qui nous paraissent lointains, de concepts que nous avons parfois du mal à appréhender, à saisir, à incarner et même à croire ! La grâce, la justification, le don gratuit, l’espérance, et même la paix !

Difficile pour nous aujourd’hui de croire que quelque chose puisse être gratuit, difficile de croire à ce que nous proclamons comme étant la grâce sans parfois savoir ce qu’elle signifie, difficile de croire à la paix, même intérieure lorsque nous voyons ce qui se passe dans le monde et la frénésie de nos vies. Encore plus aujourd’hui, particulièrement, lorsque nous voyons que les uns et les autres peuvent s’insulter n’importe où et n’importe quand comme si cela était normal, que les dirigeants entament des conflits, principalement pour des questions d’ego, que les plus riches n’ont que faire de la planète, que les plus petits sont majoritairement oubliés et rejetés. En réalité, difficile de croire tout court dans notre monde actuel, et puis, croire à quoi ? Croire à qui ? Croire comment ?

Finalement, la lecture d'un texte qui commence plus par nous poser des questions que par nous répondre. Quoique…

Justifié par la foi ? Expression quelque peu étrange qui dit tout et rien, expression que certains d'entre nous ne connaissent que trop bien et que d'autres n’auront que très peu entendue… Expression que l’on annonce bien haut parfois et qui n’a aucune conséquence pour nos vies, ou qui a parfois trop de conséquences. Mais bien encore, qu’est-ce que la foi ? Grande question qui pourrait nous occuper toute la matinée. Un pasteur un jour a comparé la foi à une conversation téléphonique, je trouvais l’image assez parlante (sans mauvais jeu de mot). Comprenons la foi comme un moyen de saisir la grâce. La foi fonctionne comme le téléphone qui permet d'écouter les messages. Ce qui est important lorsque nous avons une conversation téléphonique c’est le message qui est transmis plus que le téléphone avec lequel nous recevons le message. Bien sûr, le téléphone est essentiel pour une conversation téléphonique, mais il n’est pas la fin en soi. De même, la foi n’est pas une fin en soi, cependant, elle reste essentielle pour entendre ce message de l’Evangile, la grâce.  Rendu juste par la foi… pouvoir pleinement entendre que ce message, cette Bonne Nouvelle change le monde et me transforme profondément pour porter Dieu dans ce monde de manière plus juste, plus vraie, plus belle ! Oui, entendre que cette grâce change le monde !

 

Ha La grâce ! Voilà encore un mot qui nous titille l’oreille lorsque nous l’entendons. Nous pourrions facilement dire que ce mot est un gros mot théologique, utilisé depuis des siècles et qui ne signifient plus rien. Et là je vous dirais non justement. Et on l’a vu au début de ce culte !

Lorsque nous parlons de la grâce ici, cet amour sans condition, nous parlons de ce Dieu qui dit à chacun et chacune de nous « il est bon que tu existes, et tu as du prix à mes yeux » ! Et cette grâce-là elle nous est annoncée de manière limpide : gratuite !

La grâce, c’est la gratuité : la relation entre Dieu et nous, cette relation qui dynamise et qui nous relève, cette relation concrète dans notre vie de tous les jours est entièrement basée sur la gratuité.

Quel réconfort, dans une société où nous avons parfois l’impression que tout est à payer, que tout a un prix.

Le Nouveau Testament et ici Paul nous le proclament haut et fort depuis près de 2000 ans, c’est gratuit. Luther et la théologie protestante le proclament aussi depuis 500 ans : c’est gratuit, rien à payer, pas de chéquier, pas de carte bancaire, pas de liquide, pas de découverts possibles, rien à rendre. C’est le « sans condition aucune ! ». Il n’y a pas de MAIS ! Vous savez le « Dieu t’aime mais il faudrait que… » NON ! La grâce ne comprend aucun mais !

Difficile à entendre et à comprendre pour notre nature humaine qui se met souvent en position d'achat ou de consommateur, de donnant donnant, de relation payante.

Comment imaginer un cadeau si grand qu’une relation gratuite ? Comment concevoir que moi, avec tous mes défauts, je puisse être aimé.e comme ça ? Comment appréhender la gratuité du don lorsque nous avons tendance à nous en méfier ? Aujourd’hui tout a un prix, même les liens humains, comme si les relations que nous entretenons dans les différentes facettes de notre vie étaient définies par des programmes d'échanges, de dons payants ou de relations couteuses. Et avec Dieu nous sommes parfois sur un même programme : il m’a tant donné que je dois lui rendre !

Mais pas aujourd’hui ! Le message qui nous est donné par ce texte de l’apôtre Paul c’est que la relation à Dieu est gratuite ! Un bol d'air !

Alors, vous me direz : oui, mais dire ça Sophie, voudrait suggérer que nous n’avons rien à faire alors, que nous sommes appelés à rien ! Si cet amour nous est simplement donné, pourquoi cherchons-nous toujours plus à agir justement dans ce monde ? Haaaaa, très bonne question, merci de l’avoir posé !

En fait, ce don qui nous est fait par Dieu nous porte à agir, pas parce qu’il faudrait rendre, mais parce que nous sommes portés par ce don ! Ce qui n’est pas la même chose ! C’est un peu comme un prisme de couleur en fait !

Mettez un triangle en verre quelque part, un rayon de lumière va arriver, simplement, sans rien demander, sur ce triangle, et ressortira de l’autre côté de toutes les couleurs ! L’amour de Dieu fonctionne de la même manière que ce prisme de couleur : nous le recevons, comme ça, et il se répand à travers nous, encore faut-il ne pas être opaque ! Je n’agis pas POUR être aimée, pour recevoir un faisceau de Lumière, mais j’agis PARCE que je suis aimée, parce que je reçois un faisceau de Lumière.

Et ça pour le coup, c’est une puissance de vie incroyable, c’est un dynamisme de dingue pour nos vies ! Ce n’est pas nous qui portons l’amour de Dieu, c’est l’amour de Dieu qui nous porte et qui se reflète à travers nous ! Et c’est en ça que c’est gratuit, c’est simplement donné et ça se diffuse !

Quelle plus grande liberté de cœur et quelle plus belle déclaration d'amour que de se savoir aimé, soutenu, consolé, relevé, pardonné, indépendamment de ce que nous sommes capable ou pas de renvoyer en retour ! Le faisceau initial nous est donné quoiqu’il arrivé ! Mais si nous recevons et nous nous laissons traverser par tout cela pour nos vies, alors bien sûr que l’amour, la bonté, la fraternité rayonneront par nous !

Et dans un monde où, aujourd’hui, ce n’est techniquement pas de la Lumière qui nous parvient en premier, se dire que Dieu, qui lui est Lumière pour nos vies, nous envoie ses faisceaux de vie, à chaque instant, et ben ça nous donne un repère stable dans le monde, dans le monde qui nous entoure, même lorsque nous avançons dans le noir, comme nous le dit le texte, même dans la détresse.

Et des billes nous sont données pour tout ça ! Cette Parole de Dieu incarnée en Jésus Christ pour que nous entendions ce que veut dire aimer et se laisser aimer ! C’est par cette Parole concrète que nous pouvons entendre ce qui sort de ce triangle de verre que nous sommes : Je t’ai créé, je t’ai rendu libre, je t’aime, aime ton prochain, prie pour lui, prie pour ton ennemi, pardonne à tous, accueille celui ou celle qui en a besoin, je te reconnais comme mon enfant, je le reconnais comme mon enfant, je te donne de la lumière, brille ! et au-delà de toute considération humaine, je donne ma mort au monde pour que toi tu entendes ce qu’est la vie !

Il ne s’agit pas ici de rendre à Dieu, mais de vivre par lui ! Et c’est ce que nous dit l’Evangile que nous avons lu, tout cela est au-delà d’offrandes ou de sacrifices, cette Vie-là ne dépend pas de nos actes, d’un faire en particulier mais d’un être. Ces deux commandements centraux que nous rappelle Jésus sont présents pleinement dans ce triangle de verre aussi : aime le Seigneur ton Dieu, autrement dit, ne te ferme pas, ne deviens pas opaque à sa Parole et à e monde. Et aime ton prochain comme toi-même, oui, comme toi-même tu es aimé de Dieu, laisse cet amour se répandre par toi de mille et une manière ! Dieu le Père donne son amour, son amour qui nous fait entendre pleinement la Parole de son Fils et qui nous ouvre à l’espérance pour ce monde, et qui nous envoie la proclamer par l’Esprit ! Finalement, c’est même une image de la Trinité ce triangle !

J’aimerais aborder avec vous rapidement un dernier thème que Paul annonce dans ce texte et qui, je crois, est essentiel pour nous aujourd’hui : la notion d'espérance dont je viens de parler justement. « Ce qui nous réjouit c'est l'espérance d'avoir part à la gloire de Dieu » nous dit l'apôtre. Cette espérance nous entraîne dans une dynamique qui transforme notre quotidien jusque dans nos épreuves. L’espérance c’est ce qui nous permet de ne pas étouffer et de voir plus loin que ce que nous entre-apercevons aujourd’hui. Il est difficile je trouve dans notre monde de parler de « futur », ou si nous en parlons ou l’imaginons, il y a tout de suite comme une grosse tâche noire au milieu de l’écran.

De plus, si nous revenons au texte, les traductions pourraient laisser penser que nous nous réjouissons de nos détresses, ce qui est faux. Nous n'avons pas à nous glorifier dans la détresse de la dose de souffrance qu’elles nous apportent, mais bien de ce qu’elles produisent dans nos vies : la persévérance, la fidélité, l'espérance. L'apôtre nous appelle à adopter une attitude de foi et d'espérance. Puisque lorsque que des failles se créent dans nos vies par des temps de détresse, alors il y a de la place pour y mettre de la vie ! Persévérons à remplir fidèlement les failles de ce monde avec de la Vie, pour produire de l’espérance ! Ouvrons les yeux pour entrevoir plus de lumière dans le futur pour évacuer cette tâche noire qui semble figée, car oui, la lumière, la foi, l’espérance gagne sur l’ombre et l’incertitude !

Comme avec notre prisme, il est transparent, même au milieu de l’obscurité, l’amour de Dieu le rejoint même au milieu de l’obscurité, il rayonne même au milieu de l’obscurité !

Nous avons devant nous, en nous, à travers nous, un don gratuit, un don qui ne se base plus sur le donnant donnant, qui n’est plus de l’ordre de la dette. Ce don de Dieu ne demande de notre part que d'être et non de rendre ! Ce n’est plus une question de moyens, la vie qui nous est donnée n’a pas de compte à rendre, mais elle est appelée à Vivre ! Et ça, ce n’est pas une question d’être ou non protestant, c’est une question de foi !

Alors oui, ne restez pas opaque à cet amour de Dieu, lâchez prise, n’ayez pas peur d'être ce triangle en verre qui rayonne de mille couleurs au moindre faisceau d'amour de Dieu ! La Lumière de vie, le don gratuit d'amour est déjà là, vous n’avez qu’à vous laisser traverser par lui, sans conditions aucune !

AMEN.

Sophie Ollier