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Régale-toi du Christ à la framboise !

Prédication du dimanche 3 décembre 2023, par la pasteure Sophie Ollier

 

Régale-toi du Christ à la framboise !

 

Prédication du dimanche 3 décembre 2023, par la pasteure Sophie Ollier

Lecture biblique : 1 Corinthiens 1, 10-17

 

 

Nous entrons dans ce temps de l’Avent, une montée, une attente active jusqu’à Noël où nous célébrons cette Lumière qui rejoint ce monde ! J’ai toujours l’impression étrange mais belle pendant cette période d’une chaleur, d’une illumination, quelque chose de cocon, décorations, chocolats chauds, plaid ! C’est aussi un moment un peu speed, cadeaux, organisation, réunion de fin d’année, il faut tout boucler ! Tout le monde est un peu dans un élan commun et à Noël, hop, regroupement où on fête ce temps ensemble. Pour certains, Noël, c’est la naissance de Jésus, pour d’autres juste l’occasion d’être en famille, pour d’autres encore c’est synonyme de solitude mais il y a comme un point de convergence, une impression qu’on est, pour une fois, tous ensemble, dans un élan commun, si ce n’est pour Noël, au moins pour le jour de l’an ! Comme si, dans cette période de l’année nous arrivions, collectivement, à avancer ensemble. Et pourtant…

J’ai un peu l’impression que dans toutes les strates de notre société ce qui ressort ce sont : les divisions ! Sur tous les thèmes, partout, tout le temps, nous nous divisons ! Le politique, le social, les questions éthiques, les questions de société, les lois qui passent, sur les droits, les conflits mondiaux, la manière d’avancer dans ce monde entre ce dont nous héritons et la jeune génération qui nous parle de ce qu’ils vivent. Et ces débats souvent clivants se retrouvent dans nos familles, entre amis, avec des inconnu, en Eglise aussi ! Le débat existe et c’est bien, il faut continuer, mais aujourd’hui on ne débat plus, on se divise, on rejette, on points du doigt, on pose des choses comme vérités générales ! Et je me suis très simplement demandée comment on pouvait appréhender tout cela en ce moment en tant qu’être évoluant dans cet environnement, et comment nous étions appelés à agir ? Finalement, qu’est-ce qui comptait au milieu de tout ce brouhaha ? Est-ce que nous chrétiens n’avons pas quelque chose à témoigner au monde vis-à-vis des divisions ? Surtout dans cet élan de fin d’année, dans ce temps de l’Avent important pour nous !

Alors, Cette prédication va être entremêlée de réflexions bibliques et théologiques, et de témoignages, d'exemples, je n’ai trouvé que ce moyen pour faire ressortir vraiment ce qui se joue dans ce texte et pour notre situation actuelle.

Je vous ai volontairement lu ce texte parce que je trouve qu’il fait bien ressortir ce qui se joue pour nous aujourd’hui ! Si nous le prenons très simplement, nous pouvons relever facilement les divisions et les querelles qui agitent et perturbent l’Eglise de Corinthe à ce moment-là. Nous pourrions nous poser la question des causes de ce désordre et de ces conflits et examiner les solutions que donnent Paul pour les résoudre. Ça serait très pratico-pratique et nous pourrions en sortir un joli texte de règles à placer à l’entrée du temple pour éviter les conflits dans l’Eglise. Pas très envie de ça aujourd’hui ! Nous pourrions peut-être plus chercher où le bât blesse justement ! Qu’est-ce qui se joue réellement dans ces conflits ? Et peut-être pouvons-nous en sortir quelque chose de plus substantiel pour nos vies ?! Allons chercher ce qui est premier ou secondaire justement dans ces déchirements !

C’est quoi le problème en fait ? La pluralité. Voilà ce qui pose problème !

Ici tout particulièrement la pluralité de l’Eglise. Est-ce que notre Eglise peut être plurielle ou est-ce qu’elle doit penser, agir, et prier de la même façon, avec les mêmes dogmes et les mêmes rites, les mêmes manières de dire les choses ?

Dans ce texte de Paul des groupes se forment, ceux qui se réclament de Paul, ceux qui se réclament d'Appolos, ceux qui se réclament de Céphas, et ceux qui se réclament du Christ. Et on comprend bien derrière qu’ils ne font pas que s’en réclamer, mais ils déclarent leurs pratiques comme « les seules vraies ». Ce à quoi Paul répond « Le Christ est-il divisé ? ». Haaaa, grande question, aussi bien ecclésiologique que théologique. A voir toutes nos confessions différentes et nos courants de pensée au sein même de l’Eglise Protestante Unie, ou même, la diversité au sein de cette Eglise locale, le Christ est-il divisé ? Et si on élargit alors, est-ce qu’on peut se poser les questions autrement ? L’humanité est-elle divisée ? J’avoue, on doit malheureusement reconnaître que la réponse est oui ! Certain se réclament d'un pays, d'autre se réclament d'un bord politique, certains se réclament d'un mode de vie, d'autre d'une religion ! Je me réclame de… et ça créé des divisions parce qu’on les brandit comme des vérités absolues ! On ne les brandit pas comme « vérité pour ma vie » dont on témoignerait, mais on les brandit comme des vérités générales pour tous !

Une collègue m’a raconté une histoire un jour : dans une Eglise réformée, un jeune et sa famille sont venus voir la pasteure pour lui demander le baptême de ce fameux jeune. Tout à fait normal jusqu’ici. Cependant, cette famille se rattache aux baptistes et le jeune souhaitait être baptisé dans la rivière tout à côté du Temple (il n’y avait pas de pasteur baptiste aux alentours). La pasteure était un peu réticente à cette pratique car tout à fait inhabituel comme pratique dans l’Eglise réformée d'aller se faire baptiser dans une rivière sachant que ce qui compte c’est le symbole et la signification du baptême plus que la pratique en elle-même. Après discussions et préparation, la pasteure a accepté de baptiser ce jeune homme dans la rivière car elle s’est rendue compte que la signification du baptême était la même pour ce jeune et pour elle. Ce qui comptait c’était bien ce qui se jouait au moment du baptême plus que la pratique en elle-même. Et si elle-même se réclamait plus de la signification que du rite, alors elle pouvait tout à fait baptiser ce jeune homme dans une rivière.

Vous voyez ce qui se joue là en rapport avec notre texte ?

Ce que Paul reproche à la communauté de Corinthe c’est d'apporter plus de poids à ce qui entoure la signification que la signification elle-même du rite ou de la pratique. Bien sûr que la pratique ou le rite reflète un dogme, une théologie, mais le sens profond est encore autre chose ! Ici par exemple, la manière de baptiser est secondaire face à la Bonne Nouvelle du baptême.

Et c’est justement là, juste ici, que notre question de la pluralité peut devenir richesse ou division. Sur quoi posons-nous notre regard ?

Et en même temps, faut-il pour autant être d'accord sur tout ? Voilà ce que Paul nous dit : Je vous encourage, frères et sœurs, à tenir tous le même langage : qu'il n'y ait pas de divisions parmi vous ; soyez bien unis, dans la même pensée et dans le même dessein. Souvent, à travers ses lettres, Paul redira ces choses. Mais ailleurs justement il permet, il admet, il constate et encourage, qu'il y ait diverses manières de faire, et même diversité d'opinions. Que devons-nous comprendre, alors ?

Eh bien, c'est qu'il y a des choses principales, et des choses secondaires. Il y a des détails qui permettent à chacun et chacune de vivre mieux sa foi, et même peut-être des détails qui justifient qu'à un moment, ceux qui vivent mieux leur foi de la même manière constituent un groupe, et ceux qui la vivent mieux autrement en constituent un autre. Il faudra alors prendre garde à maintenir autrement que par ces détails-là la communion entre tous… et cela peut s’étendre ! Ne pouvons-nous vraiment pas tenir une communion entre tous au sein d'une société en regardant au-delà des détails ? Toujours plus facile à dire qu’à faire, je sais !

Mais la communion, l’unité, la réconciliation. C’est le cœur même de l’Evangile, et si nous déjà en tant que chrétiens nous ne sommes pas capable de le pratiquer alors à quoi sert notre foi ? Nous avons nos distinctions théologiques, sociétales, nous avons tous nos pratiques différentes, mais nous sommes pourtant capables de tous nous retrouver aujourd’hui. Faisable à 50 ? Faisable à des milliers ! Est-ce que j’exagère ? Peut-être ! Ou peut-être pas en fait, c’est la Bonne Nouvelle qui nous y invite !  

Ha, mais là, grande question : comment faire ? Paul nous dit qu’il faut que nous tenions tous le même langage, que nous soyons unis dans la même pensée.

J’ai une autre histoire à vous raconter.

Un jour j’ai vu le passage d'une conférence d'un homme qui s’appelle Forest Whitaker (un acteur américain) qui utilisait une histoire sur les organismes bioluminescents pour convaincre des businessmans d'aider à créer la paix dans le monde, et que j’ai trouvé très juste, voire même biblique, voilà ce qu’il dit : « Il y a un organisme microscopique qui vit dans l’océan, les bioluminescents. Ils illuminent le ciel comme des lucioles, mais dans l’océan. Cependant, cela se produit uniquement lorsqu’assez d'entre eux se regroupent avec un but unique : produire de la lumière. Lorsqu’ils le font, lorsque ce point de basculement arrive, il y a alors une gigantesque enveloppe de lumière qui se forme dans l’océan, illuminant tout ce qui se trouve autour. Est-ce que ça ne serait pas remarquable si nous, en tant qu’être humain, faisions la même chose, si nous nous rassemblions, amassant nos connaissances collectives, nos énergies, nos cœurs, nos âmes, nos atouts, joignant nos forces dans un seul but : créer de la lumière ? » Fin de la citation.

Ça ne vous rappelle pas ce texte de Paul ? N’est-ce pas là ce que Paul demande dans sa lettre ?

Comme vous vous en doutez, je ne suis pas une spécialiste des organismes bioluminescents. Cependant, tout être vivant distinct a sa propre particularité, et je suis certaine que cette règle n’échappe pas aux bioluminescents. Et pourtant, chacun avec leur particularité ils se rejoignent dans un seul et même but : produire de la lumière.

En fait, je crois qu’il nous suffit de distinguer ce qui relève de l’attachement sentimental à une tradition qui nous constitue en tant que communauté, ou petit groupe d'individu, et ce qui est de l’ordre de la foi commune en Christ qui nous unit tous bien au-delà de nos dénominations et de nos traditions. Et même, j’irai plus loin ! Pour proclamer cette Parole plus largement, pour entendre ce qui se joue aussi avec des personnes qui n’ont pas la même foi que nous ou même qui se disent sans foi, pourquoi ne pouvons-nous pas juste faire communion par le simple fait que nous soyons humains, toutes et tous enfants de Dieu ?! Cela peut vous sembler bateau à dire comme cela ! Et pourtant, n’est-ce pas là déjà le seul argument valable pour se rassembler : notre humanité ?! Ce qui gêne dans la division en général, c’est que c’est destructeur ! Pourquoi se tourner vers la destruction quand nous pouvons construire ? Pourquoi se tourner vers du sombre quand nous pouvons faire jaillir de la lumière ? Pourquoi frapper en paroles ou en actes quand nous pouvons rejoindre ou tendre une main ?

Allé, un dernier exemple court : Le Notre Père ! Certain ne se reconnaissent pas dans la notion de Père, d'autres ont du mal avec la notion de péchés et de tentation, et d'autres encore ne comprennent pas la notion de sanctification ou de pain quotidien. Et pourtant, et pourtant, tous les dimanches nous récitons cette prière d'une même voix avec ces mots là car la signification de cette prière va plus loin que nos présupposés personnels ou la manière de dire les choses. Cet exemple est pile poil pour montrer comment nous ne sommes pas obligés d'être tous d'accord mais que nous pouvons tout de même pratiquer l’unité sans diviser !

Que l'un soit de Paul et l'autre de Pierre et même un troisième d'Apollos, que l'un soit du Pape et l'autre du Synode protestant, que l'un soit de la présence réelle dans l'Eucharistie et l'autre de la présence en Esprit, que l'un prie d'une manière et l'autre d'une autre, que l’un soit de gauche et l’autre de droite, que l’un soit blanc et l’autre noir, que l’un fête une naissance à Noël et l’autre ne fête rien, que l’un mange de la viande et l’autre non, que l’un se reconnaisse dans une tradition et l’autre dans une évolution…, nous nous apercevons, et peut-être pour certains le chemin est déjà fait, nous nous apercevons que, même à travers tout ça, celui qui est en face de moi est tout autant humain que moi, même si ses actes étaient inhumains ! Durs pour nous à entendre je le sais, et pourtant, c’est bien là que Dieu nous rejoint : dans notre humanité ! A Noël Dieu rejoint l’humanité entière dans toute ses différences mais aussi dans toute son essence ! Et l’Avent nous fait aller là, à cet instant précis ! Alors l’Avent on peut le vivre en division ou en chemin vers la communion, une communion plus large que celle du détail matériel. C’est cette fameuse phrase de Paul à la fin : afin que la croix ne soit pas vidée de son sens. La résurrection, la Lumière de Dieu n’est pas pour certains mais pour la multitude, pour tous !

Donc ce que Paul déclare lorsqu’il parle de division ce n’est pas tant la division en soi qui lui pose problème, mais c’est le tronc commun qui semble s’effriter qui le perturbe. Proclamer la Bonne Nouvelle tout en divisant, proclamer de la Lumière pour toutes et tous, tout en obscurcissant, proclamer l’unité sans la pratiquer, proclamer le Christ tout en rejetant celui qui semble différent de moi ! Ce temps de l’Avent qui s’ouvre devant nous est une belle occasion pour nous de nous poser et de réfléchir à ces lieux de conflits dans nos vies, de divisions, et nous demander quel est l’essentiel et quel est le secondaire.

Nous pouvons témoigner de la Lumière au monde de bien des manières différentes, et tant mieux, c’est excessivement important, mais ce ne sera vraie Lumière que si elle prend en compte celui qui est en face dans sa diversité, par le simple fait qu’il soit humain, et qu’il est aimé de Dieu quoiqu’il arrive, même s’il n’en a pas conscience ! Finalement, pour un chrétien par exemple, le plus important n’est pas tant de témoigner de sa confession propre, mais bien de l’amour de Dieu pour tous. Pour un écolo, ce n’est pas de témoigner du fait d'éteindre l’eau pour se brosser les dents, c’est de témoigner d'un respect du vivant qui nous entoure. Pour quelqu’un qui travaille dans le social, le but n’est pas de témoigner du fait de faire des distributions alimentaires, mais plutôt de l’élan essentiel de solidarité !

Ne prenons pas le secondaire pour l’essentiel. Lorsque nous prenons un biscuit sec fourré à la framboise, c’est bien pour la framboise plus que pour le gâteau sec que nous l’apprécions, même si le biscuit donne tout le croquant à la framboise. Il en va de même pour la foi, le Christ est la framboise et tout ce qui gravite autour c’est le biscuit. Il en va de même pour l’humain. La vie, son humanité est la framboise, le corps n’est que le croquant !

Ne prenons pas le secondaire pour l’essentiel, mais régalons-nous simplement de ce Christ à la framboise, cet essentiel, de ce vivant fruité qui nous permet de vivre une communion vraie et profonde, pour faire comme les bioluminescents : produire de la lumière !

AMEN. 

Sophie Ollier

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