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Jésus = berger... nous = moutons ?

Prédication du dimanche 3 mars 2024, par la Pasteure Sophie Ollier.

 

Jésus = berger… nous = moutons ?

 

Prédication du dimanche 3 mars 2024, par la Pasteure Sophie Ollier.

 

Lecture biblique : Jean 10, 11-18

 

 

 

Jésus dit « Je suis » ! Voilà le 4ème Je Suis de Jésus dans l’Evangile de Jean, après le pain, la lumière, la porte !

Le pain, cette faim d’espérance et de bonté, faim de cette Parole qui fait entendre au monde ce que veut dire Vivre ! La Lumière pour nous laisser illuminer par Dieu pour que justice et vérité jaillissent de nous ! La porte, ce qui nous apporte la vie en abondance et qui nous porte à l’extérieur ! Et aujourd’hui, ce bon berger ! Une fois qu’on est sorti vers le monde, que fait-on ?

Le berger, celui qui guide ses moutons pour les mettre en sécurité et qu’ils vivent bien, sereinement ! Mais si nous faisons le constat du monde d’aujourd’hui, on ne peut pas dire que ce soit ce qui prédomine, le bien-être et la sérénité !

Je ne sais pas vous, mais j’entends de tous les côtés, partout, et peu importe l’âge, le stress qui pèse sur la vie des uns et des autres. Qu’il s’agisse du travail, de la famille, des activités associatives, la tension s’accumule et le prix payé, c’est souvent une dégradation de la vie familiale ou l’épuisement. Impossible de récupérer, nous ne prenons même plus de temps de faire ça, enfin, nous ne prenons plus le temps, nous dirions plutôt « je n’ai pas le temps de me reposer ». L’explosion des ventes d'antidépresseurs et d'anxiolytiques témoignent clairement de ce qu’il se passe aujourd’hui. Nous rêvons de la possibilité de « faire un break » loin de tout pour remettre les choses en place.

C’est difficile de dire si la faute en revient à la vie d’aujourd’hui, qui semble aller de plus en plus vite, ou à la pauvreté grandissante, ou à notre aspiration à vouloir faire toujours plus, ou le climat général de violence, de guerre, de détresse ? Quelle que soit la raison, nous souffrons de ce manque de recul et de repos et nous languissons après eux.

Dans tout ce que nous faisons, dans tout ce qu’il nous est demandé de faire, il faut aussi trouver le temps pour notre foi et l’engagement pour l’Église. La paroisse, ma relation avec Dieu, ma vie de prière n’est plus qu’une chose parmi d’autres dans mon emploi de temps. « Quand est-ce que je vais trouver le temps de lire la Bible, de prier, d’aller au culte… je n’ai pas le temps ! » Comme si notre engagement de foi n’était qu’une activité dans notre vie, entre les activités des enfants et le travail, ou nos engagements associatifs, au lieu d’être la base vitale de toutes nos activités. Et puis, dans tout ça, qu’est-ce qui nous guide, nous montre où aller ? Comment faire ? Que faire ?

Alors, aujourd’hui avec Jésus qui nous dit « Je suis le bon berger », comment sentir qu’il guide ma vie, comment est-il présent ? Où est ma foi dans tout ça ?

Il y a une différence entre sentir la présence de Jésus et lorsqu’il me guide.  

Tout d'abord, comment sentir la présence de Jésus dans ma vie ? 

C'est comme demander à quelqu'un pourquoi il est amoureux, comment on sait qu’on est amoureux?!! On le sent et puis c'est tout. Mais c'est peut-être un peu vague comme réponse. Je veux dire, ceux qui cherchent une réponse s'attendent à plus. Du concret !

Nous pouvons essayer de voir, comprendre comment Jésus se rend présent en nous de manière concrète, réelle. Cela passe parfois par des gestes, des signes assez simples mais qui pourtant sont porteurs d'une puissance qui nous dépasse.

Prenons un exemple : peut-être que dans nos vies, à des moments, il nous arrive d'agir ou de dire quelque chose qui nous dépasse, on ne sait pas pourquoi on l'a dit ou on l'a fait et pourtant c'est arrivé. Ça nous est tous déjà arrivé à un moment de penser ou de dire : je ne sais pas pourquoi j'ai dit ça, mais j'ai senti que c'était ce qu'il fallait que je dise et je ne sais pas d'où ça vient, pourquoi, comment, mais c'est arrivé. Et on peut tout à fait reconnaître Dieu dans ces faits-là, un croyant en tout cas répondra que c'est l'Esprit de Dieu qui a agi à travers lui.

Et cela peut aider certains à comprendre comment Jésus est présent dans nos vies. Il agit dans et à travers nous pour le bien de tous. Ça paraît bateau ? Et pourtant c'est ce que Jésus nous dit avec ce texte lorsqu’il se présente comme le bon berger. Le bon berger est celui qui accompagne, qui montre le chemin, qui est présent continuellement pour ses moutons, celui qui même peut abandonner 99 moutons pour aller en chercher un seul égaré. Le berger accompagne chacun de ses moutons, ensemble et individuellement dans une certaine direction. Il encadre, il envoi, il est présent, tout en laissant la liberté à chaque mouton de gambader comme il veut, en toute sécurité.

Par là nous comprenons simplement, nous sentons bien que l’essentiel de ce qui est en nous pour que notre vie s’épanouisse pleinement, c’est cette Parole de Dieu qui nous porte plus loin, qui nous fait avancer, qui nous fait réaliser qu’il y a de l’espérance dans et pour ce monde ! Cette parole qui, tout en nous guidant, nous permet de gambader librement. Cette Parole qui est pain, lumière, porte ! Et oui, une fois qu’on a faim d’espérance, qu’on rayonne de ça et qu’on est invité à sortir le vivre, c’est pour pouvoir gambader tout en sachant que nous ne sommes pas seul, aussi bien accompagnés par le berger, qu’entourés d’autres moutons !

Mais là il y a quelque chose qui nous titille quand même : c’est d’être appelé des moutons !

Nous n’aimons pas être comparés à des moutons, à des brebis, c’est-à-dire à un animal qui broute et qui bêle et qui suit bêtement les autres. Nous sommes fiers de notre savoir, de notre individualité, de ce qui nous rend différent des autres. Nous refusons donc de suivre un Maître aveuglément, sans possibilité de choisir, avec pour seule raison l’obligation d’obéir. Notre liberté, c’est ce que nous avons de plus précieux, et elle nous est donnée par Dieu. Et il est d’autant plus pénible pour notre ego de nous reconnaître comme une brebis perdue, une brebis blessée, ou une brebis galeuse. Et oui, le mouton a mauvaise presse, c’est plutôt péjoratif d’être traité de mouton ! Et pourtant il faut pouvoir accepter d’être guidé, soigné, accueilli. Quand nous confessons notre foi en Dieu, nous acceptons que nous sommes mis en mouvement par plus grand que nous ! Ca ne veut pas dire « suivre bêtement », mais accepter que ce que nous sommes est mis en mouvement pas un Autre.

Alors oui, nous tenons à notre autonomie, à notre jugement personnel, à notre capacité de décider par nous-mêmes, de nous déterminer librement. Et nous voulons aussi appartenir à un groupe, être entre amis, créer une famille, communier dans la fraternité, car nous ne pouvons envisager de vivre seuls. Cette ambivalence traduit ce souhait profond et difficile de faire à la fois partie d’un ensemble, d’un troupeau, tout en restant à part, de vivre une relation forte sans se plier, de ne jamais cesser de dire « je », tout en ayant la possibilité d’exprimer et d’incarner un « nous », de porter un discours commun.

Et dans tout ça, ce Jésus « bon berger » nous rassure ! Un berger prend soin, accompagne, guide, aussi bien le nous que le je. Et là ça demande un lâcher-prise, une confiance qui nous fait peur. Il faut accepter de le laisser faire en nous, lâcher prise, dire tout simplement « tu sais quoi ? Maintenant Seigneur, je te laisse faire, fais à travers moi ». Et oui, si on veut sentir la présence du Christ, de Dieu en nous, il faut lui ouvrir un espace pour ! Comme on dit, c’est plus simple à dire qu’à faire.

Mais, essayez, je vous promets que cela ouvre un espace de vie incroyable.

Bon, mais une fois qu’on a senti la présence du ressuscité dans notre vie, cette faim, cette lumière, cet appel à le vivre, comment nous guide-t-il ? Ça c’est une autre question, qui suit directement la première c’est certain, les deux s’entremêlent, vous avez bien entendu que j’en ai déjà un peu parlé, mais allons plus loin. Comment sentir qu’il me guide ?

Il y a une réponse qui est à la fois simple et compliquée, qui complète ce que nous venons de voir, qui complète sa présence en nous : la lecture du texte biblique. Pour beaucoup ou certain c'est une sorte de rabâchage "oui, bon, le texte biblique ok mais la vraie vie elle est là. Et puis, il est énorme ce bouquin, où veux-tu chercher ? Quoi comprendre ? En plus de ça, Jésus parle en parabole, souvent, et ce n’est pas facile à comprendre."

La fameuse hésitation de : et si je me goure d’interprétation ?! La peur, le flippe de pas comprendre ce qu'il veut nous dire - mais c'est en faisant qu'on sait – c’est comme quand on est petit et qu’on casse un verre en rangeant le lave-vaisselle, il y a cette petite phrase de nos parents : « c’est pas grave, mais la prochaine fois fais attention » ou « il n’y a que ceux qui ne font pas qui ne casse pas ». On a quand même la confiance que l’Esprit de Dieu nous guide dans notre lecture, si nous le laissons faire.

Parce que cette Parole de Dieu, à bien y regarder, guide en nous donnant toutes les clés pour grandir et faire grandir ce monde par plus de vie et d’humanité. La vie que le Christ nous donne et qu’il reçoit en retour comme nous le dit le texte. Même si des Paroles nous dérangent. Vous savez, ce fameux « oui, mais… » ?! « Si on te frappe sur une joue tend l’autre », « oui, mais… ». « pardonner 77 fois 7 fois », « oui, mais… ». Ce n’est pas toujours évident pour un mouton de grimper les pâturages, mais il n’est pas seul, le berger sait qu’il peut le faire. Dans tous les cas, la Parole nous ouvre à quelque chose de plus lumineux. On l’a vu dans les prédications des dimanches précédents.

 Et puis, un texte qu’on lira aujourd'hui on le comprendra d'une certaine manière, et en relisant le texte dans 1 an on le comprendra autrement. N'ayons pas peur de dire clairement que nos expériences de vie conditionnent notre compréhension du texte biblique. Oui, et c’est peut-être ça aussi qui nous effraye ! En fait, nous lisons la Bible selon nous, aujourd’hui ! Je ne rejette pas le fait qu’on puisse se planter, mais il y a quelque chose qui est un bon indicateur : est-ce que ma compréhension et mon vécu de la Parole est source de plus de construction ou source de plus de destruction ? Je sais, beaucoup ont brandit le message biblique ou le St Esprit pour justifier des rejets, des dominations, de la supériorité, pour justifier des croisades et des violences, mais cette question : ce que je dis, fais, suis, est-il source de plus de lumières ou plus d’obscurité, pour l’autre, et pour moi ?!! Est-ce source de plus de vie, comme le Christ nous y invite dans ce texte ? La vie qu’il reçoit en retour de ce qu’il donne !

Si, dans notre cœur au moins nous assumons que Christ, Dieu fait homme, ce bon berger, guide nos vies, alors allons à sa rencontre déjà par le texte biblique. C'est déjà par-là que nous pouvons savoir quoi ! On a une chance énorme : ces texte, ces paroles de Jésus, les Evangiles déjà, sans parler de toute la Bible, ne s'appuient pas sur des pourcentages de la population ou sur des mouvements sociaux ou politiques, seulement sur Dieu et l’Humain : qu'est-ce que Dieu veut pour nos vies ? Qu'est-ce qu'un berger veut pour ses moutons ? Pas besoin de connaître le nombre de migrants pour avoir envie de les aider, pas besoin de connaître le pourcentage de femmes battues pour se lever pour les défendre, pas besoin de vote pour savoir que mon prochain est ce qui importe le plus, pas besoin de papier pour se sentir tous égaux les uns les autres, pas besoin de certificat pour prouver mon existence, pas besoin de protocole pour adresser la parole à mon voisin... Tout ça, c'est dans ce texte, tout ça, c’est dans la Bible. Et les temps en paroisse par exemple où nous ouvrons la Bible ensemble, ce n’est pas juste pour se galvaniser intellectuellement, mais c’est pour essayer d’entendre collectivement, ensemble, avec l’aide d’autres moutons, ce que le berger souhaite pour ce monde. Quand le mouton que je suis a besoin du troupeau pour savoir dans quelle direction aller !

Nous avons une chance incroyable : la Parole même de Dieu est venue, s’est incarnée dans le corps d'un homme, Jésus, pour nous dire ce que nous avions besoin de savoir. Attention, en vous disant tout cela je ne rejette en aucun cas tout ce qui existe aujourd’hui pour nous aider, tous les trucs et astuces du bonheur, tous les livres, articles, émissions, conférences qui pourraient nous aider à mieux comprendre nos vies, pas du tout. Cependant, je vous dis simplement que des textes, des paroles sont déjà à notre portée et que nous ne devons pas les éviter, les mettre sous le tapis, les oublier, ou penser que notre foi vivra d'elle-même. Notre foi a besoin d'être guidée, comme un mouton par son berger. Un mouton pourra errer plusieurs jours, mois, dans la nature, subvenir à ses besoins par lui-même, manger, boire, mais à un moment donné, quel est le sens de son errance si il est seul et qu’il se repose sur ses simples forces ?!

Je suis le bon berger nous dit Jésus. Voilà tout ce que nous avons besoin de savoir finalement : un bon berger est celui qui est présent et qui nous guide, à nous de le reconnaître, de l’accepter et de le laisser agir, pour la construction d’un monde plus vrai, plus humain, plus lumineux.

N’ayons pas peur d’être un mouton, de faire partie d’un troupeau qui nous porte, lâchons prise : Maintenant Seigneur, mon berger, je te laisse faire, fais ce que tu veux à travers moi.

Amen.

Sophie Ollier