"Un chant de grâce et de gratitude : le magnificat de Marie" — Église protestante unie de Pentemont-Luxembourg - Communion luthérienne et réformée

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"Un chant de grâce et de gratitude : le magnificat de Marie"

Texte de la prédication du dimanche 29 novembre, par le Pasteur Andreas Lof

Prédication du Pasteur Andreas Lof pour le dimanche 29 novembre 2020 - Premier Dimanche de l'Avent

     Luc 1, 39-56,

            Un Chant de grâce et de gratitude: le Magnificat de Marie

Nous venons d'entendre ce qu'on appelle le magnificat de Marie. Magnificat. Ce mot latin veut dire « rendre grand ». C’est le premier mot, traduit du grec en latin,  du chant  que l’évangéliste Luc a mis dans la bouche de Marie. Chant de louange envers l'Eternel, le Dieu d'Israël.  Chant qui jaillit de ses entrailles au moment qu’elle rencontre Elisabeth, sa cousine. Elisabeth , salue en elle, inspiré par l'Esprit Saint, dit le texte, la  mère du Messie. L’enfant qu’elle porte dans son ventre sera le Messie tant attendu du peuple d'Israël.

 Une joie éclate dans le cœur de Marie. Une joie qui la déborde et devient spontanément une véritable louange envers Dieu. Louange d'une fille d’Israël, habitée, inspirée, par la foi et l'espérance de son peuple. Espérance qu’un jour Dieu, le Dieu d’Israël fait et fera selon ses promesses, pour que naisse un monde nouveau, un monde plus juste, un monde plus fraternel, un monde selon le cœur de Dieu. Pour que naisse ce monde messianique ou enfin paix et justice s’embrasseront, ou les petits et les grands vivront ensemble, ou les pauvres et les humbles ne seront pas oubliés mais honorés et respecté, ou Israël sera restauré, libéré de ses ennemis.

Magnificat anima mea Dominum « Mon âme rend grand, exalte, le Seigneur »

Voilà les premiers mots, l’intention première, le désir spontané de Marie : donner toute la gloire à Dieu.  Certes Marie exprime tout son étonnement  sur ce que Dieu a fait pour elle et ce qu’Il fait à travers elle.  Elle, jeune femme juive d'un village ordinaire en Israël! Elle mesure le don et la grâce de Dieu à son égard : « Dieu mon Sauveur a abaissé son regard sur moi son humble servante ! Dès maintenant les humains de tous les temps me dirons bien heureuse ».

 Marie exprime avec ses paroles à la fois son humilité devant Dieu et sa fière conscience d’avoir été choisi pour être la mère du Messie. 'Tous me diront bien heureuse!  Dans l’histoire du salut Marie aura une place unique: celle d'être la mère du Sauveur  tant attendu. Mais Marie se réjouit d'abord et surtout de l'œuvre de Dieu en elle et à travers elle. « Oui, les humains me diront bien heureuse car Dieu le Tout Puissant a fait pour moi des choses magnifiques ! Son Nom est saint ».

Déjà, et j’y reviens tout à l’heure, nous comprenons pourquoi Luther a tellement admiré Marie. Il a écrit sur elle un petit traité tout au début de la Réforme.  Luther a vu en Marie une figure de la grâce, qui illustre magnifiquement sa propre théologie de la grâce. Loin de Marie de se glorifier elle-même. Marie glorifie de tout son cœur la grandeur et la sainteté de Dieu: « Dieu le Tout Puissant a fait pour moi des merveilles ! Saint est Son Nom » !

Le vrai sujet du chant magnifique de Marie est bien le Dieu d’Israël:  c'est vers lui que Marie se tourne de toute son âme et de tout son être. C'est Dieu qui nous aime le premier, et c'est son amour avant tout autre chose qui nous permet de nous tourner vers lui, dans la joie et la gratitude. Dans le magnificat de Marie , Luther a vu cette dimension première de la foi comme gratitude et joie, devant le don de Dieu. L'acte de croire en Dieu est d'abord l'acte d'entrer dans la gratitude.

Cette gratitude Marie l'exprime dans le Magnificat avec les paroles de son peuple, celles des psaumes et des prophètes.  Parce que son âme et son cœur respire la foi et l'espérance d'Israël.

Dans le magnificat résonnent les psaumes chantés et priés en Israël; Le magnificat vibre à l'unisson avec le rêve messianique des prophètes. Il chante en écho aux femmes d’Israël qui ont précédé Marie dans leur chant de louange envers l'Eternel, intervenu victorieusement pour le peuple.

Un des textes le plus anciens de la bible, est un tel chant, un cri de victoire, attribué à Myriam, la sœur de Moïse. Myriam, Marie c’est le même nom. Myriam avait chanté au moment de la libération d’Egypte, après la traversé de la mer rouge. Un peuple d’esclaves retrouve enfin sa liberté grâce à l’intervention miraculeuse de Dieu. Ce longue chant de victoire de Myriam sur le bord de la mer rouge commence ainsi : Je louerai mon Dieu, ce Dieu de mes pères, je l’exalterai ! Marie chante en écho à Myriam et leurs deux chants se rejoignent comme deux sœurs à travers les siècles !

Mais Marie chant en écho à d’autres femmes d’Israël. Anne la mère de Samuel avait déjà chanté ce Dieu de la vie qui l’avait visité dans sa stérilité : « Seigneur tout puissant, tu as jeté tes yeux sur ton humble servante ». Marie reprend presque littéralement ses paroles d’Anne la mère de Samuel.

Marie fait encore écho à Léa la femme de Jacob qui s’écrie, quand sa servante suscite pour elle une descendance au patriarche: « Je suis bienheureuse car toutes les femmes me diront heureuse ».

Et quand Marie chante et prophétise : « Dieu jettera de leur trône les puissants et les orgueilleux et il élèvera les humbles » elle reprend à nouveau le cantique d’Anne louant Dieu parce qu’Il se soucie des humbles pour les élever tandis qu’Il abaissera les puissants et les oppresseurs.

Oui, le magnificat nous montre Marie avant tout comme une fille d’Israël. Marie est profondément enracinée dans l’histoire de son peuple, habitée par sa foi, portée par son espérance, nourrie par sa louange.

J'en suis sûr : Marie a dû marquer son enfant Jésus de cette foi fervente, de cette foi nourrie des Ecritures, des psaumes,  de cette  confiance forte et belle envers un Dieu qui a toujours agi en faveur de son peuple, un Dieu fidèle à ses promesses, un Dieu de justice et de miséricorde……..

Voilà la foi de Marie qu’elle a transmise à son enfant Jésus. Elle l'a marqué par sa foi fervente et fière en Dieu, par son humilité devant Dieu, son amour de l'Ecriture et de l'histoire de son peuple, par sa soif profonde et forte que la justice de Dieu se réalise enfin pour les humbles et les pauvres d'Israël. Comparer les béatitudes du Christ avec le Magnificat de Marie: c'est le même souffle, la même espérance, la même confiance en Dieu qui les animent. Jésus a beaucoup reçu de sa mère, aussi dans sa relation à Dieu le Père, je le pense!

En disant cela , je ne veux pas ignorer les moments de fortes tensions qui ont existé entre Jésus et sa mère et le clan familial, surtout quand Jésus a commencé à se dire et présenter aussi à Nazareth, comme l'élu, l'envoyé de Dieu.  Marc nous n’a pas caché ses tensions dans le chapître 6 de son Evangile. La visite de Jésus à Nazareth qui tourne mal et qui a suscité cette parole de Jésus « un prophète est respecté partout sauf dans son propre village et dans sa propre famille ».

 Ces textes de Marc nous empêchent une fois pour toute de croire à une sainte famille qui a accueilli le mystère et la mission de Jésus avec foi et dévotion.! Marc nous suggère que la réalité historique a été plus compliquée et bien plus humaine que la dévotion de l'église a fait croire au cours des siècles!

Mais rappelons aussi ceci: la famille de Jésus et Marie évolueront, comme les autres disciples,  en suivant Jésus jusqu’au bout de son chemin :  une des dernières paroles avant de mourir, agonisant sur la croix, a été pour sa mère, nous dit l’Evangile de Jean. Et, nous le savons : Marie a pris une place importante dans la première communauté chrétienne à Jérusalem.

Un mot sur le Marie de Luther. Luther a écrit des choses très fortes et belles sur Marie. Notamment dans son commentaire sur le Magnificat. Marie illustre à merveille, selon Luther, ce qui est la grâce. Marie , qui accueille avec humilité la Parole et La Promesse de Dieu pour elle. Marie qui rend toute la Gloire à Dieu. Marie, bouleversée par la grâce de Dieu et qui exprime toute sa joie et gratitude pour ce que Dieu accomplit à travers elle. Luther s'est reconnu lui-même en Marie.

 Sans doute en commentant les paroles de Marie qui parlent d'un Dieu qui renvoie les orgueilleux et les puissants et élève les humbles, Luther s’est là encore reconnu. Luther avait fait face au Diète de Worms aux puissants de ce monde, l’empereur Charles Quint mais aussi au pape,  cardinaux et théologiens de Rome. Lui le petit moine allemand, humble serviteur de la Parole de Dieu. Comme Marie, Dieu l'avait choisi comme un instrument de sa grâce, cette grâce qui porte pour Luther un seul nom celui du Christ. Faire naître à nouveau le Christ parmi les hommes par l'Ecriture, par la prédication fidèle à l'Evangile, voilà le désir profond de Luther. Comme Marie Luther veut enfanter le Christ au monde, mais cette fois par La Parole et la Prédication.

 Mais pour Lui c'est la Marie des Ecritures, la fille d'Israël, la Marie du magnificat, qui l'intéresse. Loin de Luther de donner un rôle médiateur à Marie dans le ciel entre Dieu et l'homme, qui invite le croyant à s'adresser à Dieu à travers Marie. Seul le Christ, est l'unique médiateur entre Dieu et les hommes Notre prière s'adresse à Dieu, trois fois saint : le Père, le Fils et le Saint Esprit. Voilà les convictions de Luther et du protestantisme à sa suite.

Luther gardera trois fêtes mariales pour être célébrées dans les églises luthériennes. Trois fêtes inspirées par trois épisodes bibliques de la vie de Marie : l’annonciation, la visitation et la purification au Temple. De cette place importante de Marie dans la tradition luthérienne, la musique de JS Bach en est une illustration éclatante. Une des plus belles œuvres de SJ Bach sera justement le Magnificat, sur le texte de Marie, en latin, œuvre plein de joie et de jubilation.

Il est temps de conclure:  Marie nous renvoie avant tout au mystère de Dieu devenu homme. Marie nous renvoie au mystère du Christ: né d'une femme, pleinement homme et pleinement Dieu venu parmi les hommes. Un Dieu qui se lie définitivement à l'homme. Un Dieu qui prend visage d'homme pour éclairer, habiter, transformer et transfigurer notre condition humaine par le mystère même de Dieu, le mystère de son amour. Ce que cela signifie nous l'avons vu dans la vie du Christ.

Ce mystère de Dieu devenu homme est au cœur de la fête de Noël que nous allons fêter en quelques semaines.

Oui, Marie est une femme unique parmi les femmes, bienheureuse parmi toutes les femmes, humble fille d’Israël, choisi gracieusement par Dieu, pour devenir la mère du Messie et c’est pour cela que tout chrétien, aussi les protestants que nous sommes, peuvent l’aimer et rendre grâce à Dieu pour Marie, mère de notre Sauveur.

 AMEN